Une loi de programmation et de réforme, une loi organique, des mesures provisoires, des expérimentations, des chiffres, des promesses, des engagements, des dizaines de mesures réglementaires à venir, une procédure accélérée, un texte amendé par le Sénat et réécrit par la majorité en commission des lois, des tribunaux qui changent de nom, des compétences redistribuées, dispersées sur le territoire : c'est la simplification telle que vous nous la proposez aujourd'hui.
On ne pouvait pas programmer sans réformer – ce sont vos mots. Vous avez donc délibérément pris le parti de déterminer les moyens que vous n'accorderiez pas à la justice avant, dans un second temps, de rechercher comment ne plus assurer cette mission régalienne consistant à rendre la justice. Il y a des centaines de postes de magistrats non pourvus, des milliers de postes de greffiers vacants : ne pensez-vous pas qu'il eût été préférable et plus raisonnable, dans un premier temps, de les pourvoir et de doter normalement la justice, afin de laisser au système la possibilité de fonctionner et de faire preuve de son efficacité ? En lieu et place, vous proposez de réformer à titre provisoire. Contrairement à ce que vous laissez entendre, vous ne proposez pas la justice du XXIe siècle, mais celle pour 2019 à 2022. Nous pourrions penser que c'est heureux ; malheureusement, certaines modifications sont irréversibles, et leurs conséquences catastrophiques. Alors que les ambitions affichées laissaient espérer une loi de programmation ambitieuse, nous avons finalement une réforme aux conséquences désastreuses.
Programmer pour réformer ou réformer pour programmer ? Le titre trompeur du texte que vous nous soumettez cache en réalité une réforme entrant dans le cadre d'une programmation qui n'en est pas une. Après un arbitrage budgétaire au sein duquel la justice n'a pas eu droit de cité, vous réformez pour tenter d'entrer dans le petit cadre qui vous a été laissé ; une petite programmation rapide, pour faire taire l'administration pénitentiaire qui n'en peut plus et ne dispose pas des moyens nécessaires pour remplir sa mission ; une réforme pompeusement qualifiée de « réforme de la justice », alors qu'il s'agit en réalité d'une réforme du jugement et de son accession au rang de moyen de résolution des litiges parmi d'autres – à éviter absolument !