En voulant moderniser, vous opérez une confusion entre jugement et décision, entre justice et jugement. La décision transactionnelle que vous proposez est une décision négociée, elle n'est pas un jugement. Elle sera source de rancoeur car, issue d'un compromis, elle n'aura pas la légitimité reconnue au jugement, qui, bien que relatif, est l'expression de l'autorité républicaine, de la justice, garant de la paix publique.
Vous parlez de justice moderne pour désigner des jugements qui en réalité n'en sont pas. À la relativité du jugement, légitimé par le caractère absolu de la justice, vous voulez substituer des transactions faussement modernes, illégitimes par essence. Proposer de ne plus rendre la justice, ce n'est pas faire oeuvre de modernité, vous le savez autant que nous et nous ne pouvons l'accepter.
À tout cela, vous ajoutez des expérimentations incompatibles avec la notion d'uniformité de la justice sur l'ensemble du territoire national. Elles sont la preuve de votre incapacité à mesurer les conséquences économiques des mesures que vous proposez, donc du caractère totalement approximatif du projet de loi de programmation.
La procédure accélérée ne se justifie en rien s'agissant d'une réforme de la justice, à moins de considérer, encore une fois, qu'il est indispensable d'appliquer rapidement des mesures qui auront toutes pour conséquences d'éloigner le justiciable du juge et de décourager tout nouveau contentieux, dans le seul but de permettre les économies voulues et d'atteindre des objectifs budgétaires intenables. Ces considérations matérielles ne peuvent pourtant justifier la suppression des tribunaux d'instance, résultat inéluctable du projet de loi organique. Les conséquences territoriales et sociales en seront bien trop importantes pour que nous acceptions dans l'urgence qu'il en soit ainsi.
Vous avez rappelé que ces textes ont donné lieu à trente-trois heures de discussion en commission et à plusieurs milliers d'amendements, examinés dans des conditions particulières. Durant ces trente-trois heures, nous avons reçu les amendements au fur et à mesure de nos débats ; alors que nous avons débuté l'examen en séance plénière il y a trois heures et demie, nous ne disposons toujours pas de la totalité des amendements qui seront soumis à notre discussion.