Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du lundi 19 novembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

... et ils n'auront pas complètement tort, mais la majorité s'astreint à une discipline budgétaire que nous assumons, et la réforme de la justice proposée dans ce texte va au-delà de la question budgétaire.

Ces ressources supplémentaires permettront de déployer les chantiers suivants : l'amélioration des conditions de travail des personnels, grâce, notamment, à une diminution des vacances de postes et à une meilleure reconnaissance professionnelle ; un grand plan de numérisation de la justice, qui permettra des gains effectifs de temps, mais aussi une proximité accrue pour le justiciable ; la construction de 7 000 places de prison d'ici à 2022 et l'amélioration de l'entretien du parc existant.

Nous l'avons dit et répété durant les travaux que la commission des lois, sous l'impulsion de sa présidente Yaël Braun-Pivet, a menés sur la question de la prison : celle-ci n'est pas et ne doit pas être la seule réponse à une condamnation. Et si nous croyons que la prison n'est pas et ne doit pas être la seule façon de punir, il s'avère cependant nécessaire de profondément améliorer les conditions de détention dans notre pays : par dignité et humanité pour les prisonniers, mais également pour les personnels pénitentiaires. Les alternatives à la détention seront développées et l'accompagnement des personnes placées sous main de justice amélioré, par un développement de l'insertion et de la probation, en vue de lutter contre la récidive, véritable double peine pour la société.

Le Groupe MODEM et apparentés se félicite de l'idée structurante du projet de loi de rendre la justice plus proche, plus lisible et plus rapide – je pense en particulier aux mesures permettant aux juges de recentrer leur office. Le développement des modes de règlement alternatifs des différends, la simplification des procédures et le recours accru à la dématérialisation donneront à tous les acteurs de la chaîne judiciaire les moyens d'optimiser leur travail. Les justiciables seront alors mieux informés et reliés aux juridictions. Ils pourront constater une accélération du traitement de leurs demandes.

En outre, le projet de loi est porteur d'une véritable innovation, celle d'une nouvelle échelle des sanctions pénales. Les formations de jugement seront ainsi en mesure de condamner à des travaux d'intérêt général de manière indépendante de toute autre sanction. Elles pourront également aménager directement certaines peines d'emprisonnement fermes. Ces mesures permettront, nous l'espérons, d'instaurer de véritables sanctions personnalisées et alternatives à la prison, et constitueront une avancée majeure en matière d'individualisation des peines.

Au 1er janvier 2018, le taux d'occupation des prisons était de 115 % : nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce chiffre, d'autant que la situation est alarmante dans les maisons d'arrêt. En effet, en juillet 2018, ce sont 1 667 personnes qui dormaient sur un matelas au sol dans nos prisons, et, bien souvent, trois ou quatre détenus occupent des cellules de 9 mètres carrés. En 2009, Rachida Dati dénonçait déjà une situation alarmante dans nos prisons ; en présentant son projet de loi pénitentiaire, elle se refusait à masquer « la réalité de notre situation pénitentiaire : une forte surpopulation carcérale, des établissements vétustes, des actes de violence commis en détention. » C'était il y a bientôt dix ans, et la situation n'a pas changé, ou plutôt elle ne s'est pas améliorée. Nos prisons sont toujours pleines et vétustes, il y règne un climat d'insécurité, et les détenus en ressortent bien souvent plus délinquants que lorsqu'ils y sont entrés. Le Gouvernement a mis en place un suivi des publics détenus radicalisés, mais la prison reste, pour la plupart, un lieu toxique.

Face à ce constat, nous devons utiliser les moyens alternatifs à l'enfermement, pour punir tout en réinsérant. Comme sur de nombreux autres sujets, la majorité n'est pas responsable de cette situation alarmante, mais en hérite. Nous ne devons pas fuir devant ces difficultés et nous avons le devoir de nous saisir de ces sujets : nous le devons aux personnes incarcérées, nous le devons aux personnels de l'administration pénitentiaire et nous le devons à tous les citoyens.

Avant de finir, je souhaiterais revenir sur les points de désaccord, ou plutôt de vigilance, que nous avons sur le projet.

Le groupe MODEM et apparentés a en effet souhaité vous présenter des propositions, afin d'améliorer certains aspects de ce texte. Je tiens ici à souligner deux points.

Le premier concerne l'article 6 donnant aux directeurs des caisses d'allocation familiales, pour une expérimentation, la possibilité de réviser la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. Cette mesure nous semble devoir être davantage précisée et encadrée, et les amendements votés par le Sénat nous indiquent des pistes à explorer. Il nous semble primordial, a minima, que les recours susceptibles d'être exercés contre les décisions des directeurs de CAF soient suspensifs.

Le second point de vigilance est le recours à la vidéo-audience, que vous appelez vidéoconférence. Nous y sommes opposés, car la justice doit rester incarnée et humaine. Supprimer la proximité physique entre le juge et le prévenu, même pour les prolongations de détention provisoire, n'est pas une solution apte à remédier au manque de moyens et à la difficulté réelle de déplacer un détenu.

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