Mme Moutchou a raison sur au moins un point : ce projet de loi de programmation budgétaire s'inscrit dans le cadre d'un budget contraint. Mais vous êtes à l'origine de cette contrainte, puisque vous avez choisi de proposer un budget d'austérité, de prendre aux plus modestes pour donner aux plus riches, en prétendant relancer l'activité, ce que nous attendons encore, libérer les énergies, qui préfèrent les paradis fiscaux, voire le Japon si l'on suit l'exemple de notre cher ami Carlos Ghosn, plutôt que d'augmenter les moyens quand c'est nécessaire.
Nous devons rattraper le retard accumulé depuis des années. Ce n'est pas irréaliste. L'augmentation des crédits est peut-être importante, mais elle n'est pas à la hauteur des besoins. Surtout, elle s'inscrit dans la logique des années précédentes, durant lesquelles les hausses successives n'ont jamais permis de rattraper le retard, faute de moyens suffisants.
Les crédits sont si peu à la hauteur qu'ils ne permettront même pas à notre pays d'atteindre la moyenne européenne en 2022.
Surtout, où décidez-vous de mettre ces moyens ? Nos collègues de droite et d'extrême-droite l'ont regretté eux-mêmes : dans la construction de 15 000 places de prison – 7 000 d'ici 2022 et les 8 000 autres, on ne sait quand.
Vous choisissez une nouvelle fois, n'en déplaise à Mme la garde des sceaux, de faire de l'incarcération et de l'enfermement le fil rouge supposé résoudre les problèmes de la surpopulation carcérale. Or, les professionnels et les experts reconnaissent unanimement que la solution n'est pas là. Vous aurez beau construire de nouvelles places de prison, elles seront remplies, car la doctrine générale de la justice aujourd'hui fait de la peine d'incarcération la norme et des alternatives l'exception. Là réside le problème majeur de ce projet de loi. Vous augmentez en vain le budget dans un contexte économique contraint, car les crédits supplémentaires serviront une politique inefficace. L'escalade pénitentiaire et carcérale ne résout pas les problèmes de délinquance – et surtout pas la délinquance financière. Ce faisant, vous ne répondez pas aux sollicitations des professionnels de la justice, que vous avez certainement entendues puisqu'ils se sont rassemblés, il y a quelques jours, à l'Assemblée nationale.