Intervention de Michèle Kessler

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 18h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Michèle Kessler, professeure émérite de néphrologie à la faculté de médecine de Nancy, médecin attaché au centre hospitalier régional universitaire de Nancy et présidente du Réseau lorrain de prise en charge de l'insuffisance rénale Nephrolor :

Le donneur vivant est extraordinairement accompagné en amont, davantage même que ne l'est habituellement un malade. Le soin que l'on prend à vérifier qu'il n'encourt aucun risque supplémentaire lors du don l'inscrit dans un parcours certes lourd, mais hautement sécurisant. Le donneur fait l'objet de toutes les attentions, sur les plans médical comme psychosocial. L'équipe s'intéresse en effet à tous les effets que peut provoquer le don dans sa vie quotidienne, professionnelle, sociale ou familiale. Dans de nombreux établissements, le donneur se voit proposer une éducation thérapeutique ainsi que des rencontres avec un psychologue et avec d'autres donneurs.

C'est après le don – parfois même immédiatement après l'acte – que ces personnes ressentent un malaise. Lorsqu'elles sont hospitalisées dans le même service que le receveur, elles voient l'équipe se mobiliser autour du greffé, tandis qu'elles-mêmes se sentent quelque peu délaissées. Du reste, leur fait-on comprendre, elles sont en bonne santé – c'est même la raison pour laquelle elles ont pu donner un organe. Elles subissent certes quelques suites opératoires, dont on estime qu'elles les surmonteront facilement grâce à des prescriptions de médicaments antidouleur – quoique les donneurs dénoncent une analgésie parfois insuffisante.

Je me suis battue au sein de ma propre équipe pour que les donneurs continuent de bénéficier d'un accompagnement après le don. Ils peuvent être en proie au blues, au même titre qu'une jeune accouchée. Il faut leur apporter tout ce dont ils ont besoin pour dépasser cette étape.

Quant au suivi à long terme, il a certes été rendu obligatoire par la loi, mais n'a guère été mis en place. Les donneurs sont généralement disposés à revenir en consultation trois mois après le prélèvement. Certains acceptent de s'y plier un an après le don. En revanche, les consultations annuelles ultérieures, visant à s'assurer qu'ils ne présentent aucun problème de santé susceptible d'être aggravé par l'absence d'un rein, sont rarement organisées. Les équipes, déjà surchargées, préfèrent souvent rencontrer des malades plutôt que de suivre des donneurs a priori en bonne santé. Dans mon service, la coordinatrice de greffe avec donneur vivant s'attache au contraire à relancer les donneurs pour organiser des consultations dans le service. Si les donneurs résident trop loin, elle leur recommande de prendre rendez-vous avec leur médecin traitant, auquel elle adresse un questionnaire spécifique qu'il doit nous retourner renseigné. Malheureusement, tous les établissements ne procèdent pas de la sorte. Le registre des donneurs vivants, bien qu'obligatoire, n'est plus mis à jour passé un certain temps. Dix ans après le prélèvement, nous ne disposons d'un état de situation que pour 30 % des donneurs. C'est pourtant le suivi à long terme de ces individus qui importe.

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