Intervention de Jacques Durand-Gasselin

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 18h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Jacques Durand-Gasselin, médecin coordonnateur des prélèvements d'organes et de tissus du centre hospitalier de Toulon :

La pratique de la médecine hospitalière s'est transformée ces trente dernières années, tout comme les motivations des praticiens qui intègrent les équipes de greffe et les services de réanimation. Nous n'en sommes plus au temps des pionniers. Le système d'hier, qui reposait sur une implication personnelle et un dévouement sans limite, a vécu. Aujourd'hui, il est nécessaire de mutualiser des moyens émiettés. Il n'y a qu'à voir la maltraitance dont font l'objet les chefs de clinique, qui sont d'astreinte un jour sur deux pour prélever des organes tard dans la nuit, parfois à l'autre bout de la France, et reprennent du service le lendemain en bloc opératoire. La mutualisation est nécessaire. Il existe, au Benelux notamment, des modèles d'équipes formées, comptant des chirurgiens seniors, compétents et aptes à encadrer les jeunes recrues, qui se déplacent avec un anesthésiste aguerri au prélèvement.

Il arrive que le prélèvement sur donneur décédé doive être effectué dans un établissement situé à plusieurs centaines de kilomètres de celui où la mort est survenue, et où se trouve la famille endeuillée. Cet éloignement peut susciter un refus de prélèvement de la part de cette dernière. J'estime que c'est aux équipes médicales qu'il revient de se déplacer pour réaliser l'intervention. Un hôpital ayant un donneur identifié doit pouvoir appeler le CHU afin que tous les moyens humains nécessaires lui soient envoyés. La coordination de prélèvement d'organes mobilisera l'équipe ad hoc, celle-ci devant compter un médecin capable de porter la décision de prélèvement. Il est difficile pour une infirmière de la coordination d'assumer à elle seule une telle décision. Elle n'a pas été formée à cet effet. Face à une famille désemparée qui demande conseil, elle cherchera à obtenir qu'elle accepte le prélèvement. Tel n'est pas l'esprit de la loi. Il revient à un médecin, formé pour prendre des décisions en incertitude, de prendre la responsabilité de ce choix et d'assumer le prélèvement. Une infirmière ne pourrait faire de même qu'à condition d'avoir reçu une formation très spécifique. Tant que les intervenants n'auront pas la capacité culturelle d'assumer cette décision difficile et qu'ils ressentent comme douloureuse, la loi ne sera pas appliquée.

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