Intervention de Michèle Kessler

Réunion du mardi 6 novembre 2018 à 18h25
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Michèle Kessler, professeure émérite de néphrologie à la faculté de médecine de Nancy, médecin attaché au centre hospitalier régional universitaire de Nancy et présidente du Réseau lorrain de prise en charge de l'insuffisance rénale Nephrolor :

Personne ne peut expliquer pourquoi le taux de refus de prélèvement stagne à 30 % depuis deux décennies. Il s'avère en revanche que lorsqu'une équipe parvient à installer un climat de confiance autour de la famille endeuillée, l'acceptation du prélèvement est presque acquise. Cette confiance se construit nécessairement à plusieurs. Il faut éviter à tout prix que la famille traite avec un interlocuteur unique, à la merci duquel elle se sentirait. Elle doit pouvoir dialoguer avec divers intervenants, dont chacun assume un rôle spécifique et dont elle sent qu'ils partageront la décision.

Pour ma part, je ne considère pas qu'il faille séparer absolument le deuil du don d'organe. En effet, c'est précisément le traumatisme du décès qui explique le refus éventuel du prélèvement d'organe par les proches. Une famille submergée par le choc doit sentir autour d'elle un environnement de confiance. Je regrette que dans les services de neurochirurgie, le neurochirurgien ne vienne plus voir les familles, mais que seuls le fassent le réanimateur et le coordinateur, parfois indépendamment l'un de l'autre. La présence du réanimateur qui s'est occupé du malade jusqu'à son décès, aux côtés du coordinateur des prélèvements d'organes, légitime ce dernier aux yeux de la famille et la rassure. Peut-être les formations doivent-elles intégrer ces aspects, aussi subjectifs et qualitatifs soient-ils.

Peut-être faut-il aussi mener davantage d'évaluations. Quand un service affiche 40 % ou 50 % de refus de prélèvement, il faut en identifier la cause, sans le stigmatiser mais pour l'aider à progresser. Le blocage peut tenir à une seule personne qui appréhende son rôle avec difficulté.

L'on choisissait hier, comme coordinateurs, des praticiens ayant une importante expérience en réanimation ou en transplantation. Aujourd'hui, on entend les remplacer par des « professionnels de la coordination » sélectionnés à tout niveau, y compris à la sortie de l'école d'infirmiers. Ces personnes reçoivent une formation théorique, avec une touche de pratique via des jeux de rôles. Ce n'est pas suffisant. Elles doivent être mises en contact avec des psychologues spécialisés dans l'accompagnement de la mort, car elles-mêmes ont leur propre projection sur un patient qui vient de mourir. Ce contexte explique, selon moi, la stagnation actuelle.

Enfin, nos concitoyens sont en proie à un manque de confiance – qui se ressent, du reste, dans de nombreux domaines. N'y aurait-il pas des motivations cachées à une demande de prélèvement d'organe, se demandent-ils ? Il faut savoir expliquer avec des mots simples ce qu'est une mort encéphalique ou une mort par arrêt circulatoire.

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