Je ne désespère pas, après nos longs débats en commission, de vous convaincre sur le sujet, madame la garde des sceaux. Il ne s'agit pas d'un simple amendement relatif à la juridiction nationale de traitement des injonctions de payer, puisque vous précisez – nous en discuterons plus tard – que les oppositions seront formées devant la juridiction nationale. C'est là le motif de mon inquiétude, que je ne suis au demeurant pas le seul à avoir : elle tient à la saisine par écrit de la juridiction par le débiteur non accompagné ainsi qu'aux délais prévus pour ce faire.
Puisque vous recevez sans doute bien plus de courriers que moi au quotidien, madame la garde des sceaux, vous n'êtes pas non plus sans savoir que la rédaction de doléances et l'explication de certains faits sont extrêmement compliquées, si bien que beaucoup de débiteurs ne parviendront pas à exposer clairement leur situation. Or l'exercice de ce droit est enfermé dans les délais fixés par le code. Pourquoi donc ne pas permettre aux débiteurs de s'expliquer les yeux dans les yeux avec un juge ?
Tout délai s'accorde en équité, et celle-ci exige, en l'espèce, que le juge puisse entendre le débiteur. Sans cela, bon nombre de nos concitoyens seront plongés dans des situations catastrophiques car, faute de savoir ce qu'on leur demande pour justifier de leurs revenus, ils auront envoyé une simple fiche de paie ou un relevé de compte, sans solliciter aucun délai. Tous les jours, les bureaux d'aide juridictionnelle reçoivent des dossiers incomplets. In fine, le débiteur se trouvera donc face à une décision irrévocable et ne pourra plus obtenir de délai. Si vous entendez maintenir, comme vous l'affirmez, un contact entre le juge et les justiciables, il faut laisser à ces derniers la possibilité de venir s'expliquer pour solliciter un délai, à tout le moins lorsqu'ils ne sont pas assistés, comme vous le suggérez dans le texte.