Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 27 septembre 2017 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

Monsieur le Premier président, je vous remercie pour ce rapport dont on peut dire, comme chaque année, qu'il dynamite certaines idées reçues et fait bouger les lignes.

La remise du rapport de la Cour des comptes est toujours une étape importante pour faire le point sur l'évolution de notre protection sociale et son financement. La dernière fois que les comptes de la sécurité sociale étaient à l'équilibre, la France était championne du monde de football, ce qui commence à dater un peu. Nous avons toutefois quelques motifs d'espoir. Depuis 2010, le déficit de la sécurité sociale s'est réduit et nous pouvons envisager le fameux retour à l'équilibre d'ici à quelques années.

Il est bon de rappeler que nous ne réduisons pas les dépenses de protection sociale dans notre pays, nous les augmentons même. C'est une évidence mais dans l'opinion publique, les économies peuvent apparaître comme une volonté de réduction des dépenses de protection sociale, notamment des dépenses de santé. Il n'en est rien. Le budget de la sécurité sociale pour l'assurance maladie s'élevait à près de 200 milliards pour 2017 et il sera augmenté de 4 milliards à 4,5 milliards d'euros pour l'année prochaine. Autrement dit, nous consacrerons demain beaucoup plus d'argent à la santé des Français que nous n'en consacrions hier.

La nécessité de faire des réformes s'impose. Chaque PLFSS apparaît comme le recommencement d'un même exercice : faire entrer un grand cercle dans un petit carré. Et pour cela, il nous faut être un peu malin. Jusqu'à présent, deux méthodes prédominaient : d'une part, la politique du rabot ; d'autre part, l'augmentation des recettes jusqu'au ras-le-bol fiscal bien connu. Pour les années à venir, le Gouvernement a choisi la voie des réformes structurelles.

C'est le premier point sur lequel je souhaite vous interroger, monsieur le Premier président. Qui dit réformes structurelles dit durée et dépenses d'investissement. Êtes-vous favorable à ce qu'une certaine autonomie soit laissée dans la définition des prochains ONDAM pour changer en profondeur notre système ?

Mes premières questions porteront sur l'équilibre général.

La commission des comptes de la sécurité sociale nous avait alertés en soulignant que le déficit était susceptible d'être supérieur aux prévisions pour l'année 2017. Y a-t-il un dérapage ?

Vous proposez un transfert de la dette de l'ACOSS à la CADES et un mécanisme empêchant tout portage par l'ACOSS des déficits structurels. Soulignons toutefois que l'ACOSS emprunte aujourd'hui à des taux de court terme négatifs, qui sont plus avantageux que ceux auxquels la CADES est soumise. Un tel transfert supposerait donc d'affecter de nouvelles recettes à la CADES. Pouvez-vous nous indiquer à quelle échéance une remontée des taux deviendrait problématique et quel coût représenterait ce transfert à conditions de financement constantes ?

En outre, vous préconisez une lecture conjointe des recettes du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui nécessiterait une réforme constitutionnelle. D'ores et déjà, nous travaillons avec nos collègues de la commission des finances pour analyser de la manière la plus efficace possible les recettes de ces deux budgets. Prenons la politique du logement : la plus grande partie relève du PLFSS, une plus petite partie du PLF. Il est certain que disposer d'une vision d'ensemble avant d'engager des réformes structurelles serait plus simple.

Enfin, dans un rapport de 2014, la Cour des comptes évoquait la possibilité de faire évoluer les lois de financement de la sécurité sociale vers des lois de financement de la protection sociale obligatoire incluant les retraites complémentaires et l'assurance chômage. Est-ce toujours une position que vous défendez ? Pourrait-on imaginer aller plus loin en intégrant dans le PLFSS les assurances complémentaires de santé ?

J'aborde maintenant une série de questions touchant les différentes branches.

S'agissant de l'assurance maladie, êtes-vous convaincus comme nous que le développement de la prévention est absolument indispensable dans notre pays ? Sur les 200 milliards de dépenses de l'assurance maladie, seuls 5 milliards sont consacrés à la prévention, ce qui place la France au trentième rang européen, soit plutôt parmi les mauvais élèves. Or les dépenses de prévention permettent de limiter des dépenses ultérieures cinq à dix fois supérieures.

Lorsque l'on consulte les chiffres de l'assurance maladie et les données du site CartoSanté, on constate que l'activité des médecins généralistes de premier recours dans notre pays ne fait que se réduire depuis huit ans. Autrement dit, nous allons à rebours du virage ambulatoire souhaité. Selon vous, quelles grandes réformes nous permettraient de concrétiser une progression de l'activité ambulatoire ?

Pour ce qui est de l'hôpital, nous partageons vos objectifs d'amélioration de la pertinence, de la qualité et de l'efficience des soins. Vous abordez la question des seuils d'activité. Faudrait-il ressortir le rapport de Guy Vallancien et étendre ses préconisations à l'ensemble du champ de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) ?

Rappelons qu'il existe une évolution moins spectaculaire que la fermeture des établissements hospitaliers, je veux parler de la fermeture des lits d'hôpitaux. Les établissements de santé, tous secteurs confondus, sont animés par une dynamique plus forte que ce que les statistiques pourraient laisser penser : ils ont connu de vastes restructurations. La chirurgie en est en bon exemple : le développement des soins ambulatoires a entraîné la fermeture de 40 000 lits.

L'hôpital a aussi besoin de capacité d'investissement. Or pour la seule année 2016, l'investissement a été réduit de 4,1 milliards d'euros. Le taux d'investissement se situe à 6 milliards par an, soit un taux inférieur à celui de 2002 : la cote d'alerte est atteinte. Les investissements sont indispensables aux réformes structurelles et à la modernisation du parc hospitalier.

J'en viens à un sujet qui m'est cher, et que vous n'avez pas abordé dans ce rapport : l'intérim médical, auquel j'ai consacré un rapport en 2013. J'aimerais faire un point d'étape avec la Cour des comptes à l'issue de l'examen du PLFSS. J'ai demandé au directeur général de l'agence régionale de santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes d'élaborer une étude portant sur l'année 2017. Il s'avère que sur les huit premiers mois de l'année, les dépenses d'intérim médical dans les établissements de santé de sa région ont augmenté de 17 %, pour un coût atteignant 37 millions d'euros. Le coût de vingt-quatre heures de garde effectuées par un intérimaire se monte à 2 000 euros nets – contre 1 400 en 2013 –, soit 4 500 euros avec les charges pour l'établissement employeur. Le dérapage dénoncé il y a quelques années se poursuit donc et grève les finances publiques et les finances hospitalières en particulier. Or la désertification médicale à l'hôpital cause des torts dans des secteurs prioritaires comme la psychiatrie, la médecine d'urgence ou la chirurgie.

De façon générale, l'activité hospitalière augmente de l'ordre de 3,5 % à 4 % alors que le budget hospitalier n'est en hausse que de 2 % à 2,5 %. Avez-vous repéré des leviers qui nous permettraient de réduire l'écart qui s'est ainsi creusé ?

J'en viens à la télémédecine : je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites qu'il faudrait la diffuser massivement. Cela fait quinze ans que ce n'est plus une innovation, la seule chose nouvelle, ce serait de la financer. Nous espérons beaucoup du prochain PLFSS.

Je termine par deux sujets concernant la branche famille.

Les caisses d'allocations familiales versent 50 milliards d'euros de prestations sociales, qui sont au nombre de vingt-trois, sauf erreur de ma part. Vous semblerait-il intéressant de s'orienter vers une prestation sociale unique ? Cela permettrait d'augmenter la visibilité des aides et de diminuer le taux de non-recours.

Enfin, quelle est la position de la Cour des comptes au sujet de l'universalité des allocations familiales ? Peut-on considérer que verser 30 à 50 euros d'allocations à des foyers dont les revenus sont supérieurs 5 000 euros est incitatif pour la natalité ? Ne pourrait-on penser à une politique redistributive plus efficace, notamment en direction des familles monoparentales ?

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