Depuis quelques jours, de nombreux maires assistent à nos séances. À ces maires de villes moyennes ou de communes rurales, qui viennent de toute la France, on a chanté chaque fois la même chanson. Pour justifier la suppression d'un service public – bureau de poste, trésorerie, caisse d'allocations familiales – , on leur a dit : « Vous allez voir, messieurs-dames, cela ne va rien changer ! On va dématérialiser, on va vous installer des bornes informatiques multimédia, on va accompagner les gens… » Or on a déshumanisé, on a abandonné des territoires.
Je crois que nous partageons, madame la garde des sceaux, une idée commune de l'État. Je crois que ce qui se passe en ce moment en France vous inquiète, comme nous, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Vous avez abîmé les corps intermédiaires, vous avez construit une France de plus en plus fracturée, vous vous apprêtez à abîmer encore un peu plus la démocratie représentative, et le texte qui nous réunit cette semaine va abîmer une fonction régalienne de l'État, la force de la loi et celle de la justice.
Vous nous avez dit tout à l'heure, en substance : « Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous. » Or, en matière d'accès au numérique, le progrès n'est pas partagé par tous. Surtout, vous oubliez la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 13 : « Le tribunal peut, par décision spécialement motivée, rejeter cette demande s'il estime que, compte tenu des circonstances de l'espèce, une audience n'est pas nécessaire, etc. »