Madame la garde des sceaux, ne voyez dans mes propos aucune attaque personnelle sur le sens profond de l'État qui vous anime. J'ai même suggéré que nous partagions certaines convictions sur les valeurs fondamentales de la République. Il n'y a donc eu de ma part aucune attaque personnelle contre vous.
Permettez cependant à un député de l'opposition de dire qu'à l'étape où nous sommes, les attaques contre les communes, le déménagement méthodiquement organisé des tribunaux hors des territoires, le renoncement de la République à être partout et pour tous, l'humiliation ressentie, vécue, incarnée par la France des sans-voix, des sans-grade, et le fait que des territoires soient abandonnés par la République lui font craindre le pire.
J'ai l'habitude de dire que, partout où la République recule ou renonce, un espace s'ouvre à ses ennemis. Nous voyons malheureusement une lame de fond déferler sur l'Europe où le libéralisme produit partout les mêmes effets. Même dans le cadre de petits litiges, les gens qui n'ont rien doivent pouvoir défendre leurs droits avec humanité devant un juge. La force symbolique d'une justice incarnée est un pilier de la République. Nous ne disons rien d'autre.
En désincarnant la justice, en la dématérialisant, en l'éloignant demain de nos territoires et de ceux qui les habitent, on abîme les fonctions régaliennes de l'État. J'assume ce diagnostic, qui n'a rien d'une attaque personnelle. Nous vous disons : attention, danger ! Ne pas comprendre que le vivre-ensemble et la cohésion sociale passent aussi par la défense d'une justice incarnée, c'est exposer notre société à des difficultés profondes.