Nous venons d'avoir un long débat sur la procédure qu'il convient de suivre devant les juridictions. Avec l'article 14, je crois que l'on franchit un cap. En effet, si la procédure de l'injonction de payer déroge aux règles régissant le procès – notamment l'accès direct au juge et le respect du contradictoire – , les règles que vous proposez d'instituer en matière d'opposition aux ordonnances portant injonction de payer porteraient atteinte, si elles étaient adoptées, aux principes fondamentaux du procès. Dans les cas où l'opposition tendrait exclusivement à l'obtention de délais de paiement, il n'y aurait en effet plus d'accès au juge et donc plus de débat contradictoire. Le juge n'aurait pas la possibilité de s'entretenir avec le justiciable, il ne le verrait même plus ; il ne pourrait donc plus prendre une décision en équité. Une telle perspective me semble catastrophique.
Et je ne cherche même plus à vous convaincre que la création d'une juridiction nationale compétente pour les ordonnances d'injonction de payer est une mauvaise chose, même si je suis persuadé qu'il en est ainsi. De fait, pour prononcer une mesure unilatéralement, sans respect du contradictoire, il faut connaître son territoire. D'ailleurs, vous le savez bien, puisque vous n'avez pas touché aux ordonnances d'injonction de payer devant les tribunaux de commerce – devant ces juridictions, comme devant les tribunaux de grande instance, l'ordonnance d'injonction de payer est une alarme : elle exige de connaître la vie du territoire dans lequel on est ancré. En privant les parties de la possibilité de s'expliquer au moment le plus important de la procédure, à savoir lors de la demande d'octroi d'un délai de paiement, vous les priverez d'un droit fondamental, ce qui n'est pas acceptable. Nous développerons ces arguments en présentant nos amendements.