Monsieur le rapporteur, je tiens tout d'abord à vous féliciter pour le travail que vous avez réalisé, dont la signification est très forte dans le monde parlementaire : on part d'une situation très locale, on l'étudie, on l'analyse, on la confronte à d'autres pour aboutir à une proposition de loi. Ce sont des moments de grand bonheur dont on a tout lieu d'être fier, surtout si la proposition de loi emporte l'adhésion de l'ensemble de nos collègues : tout porte à croire que nous nous acheminons vers un vote à l'unanimité, à certaines conditions près, que j'exposerai au nom du groupe Socialistes et apparentés.
Cette unanimité n'est pas surprenante, parce que vous nous avez fait le plaisir, de nous associer au rendez-vous que vous avez eu à l'Assemblée nationale, le 5 juillet dernier, avec M. Philippe Le Gal, le président des conchyliculteurs et des conchylicultrices qui a exposé ce problème parfaitement identifié qui appelait des solutions. Du reste, vous aviez eu la délicatesse de le prévenir qu'il existait à l'Assemblée nationale une mission d'information commune sur le foncier agricole, et lui-même avait eu à coeur de la contacter. En lien avec Mme Anne-Laurence Petel, ma collègue corapporteure, et M. Jean-Bernard Sempastous, le président de la mission, j'ai été délégué sur ce sujet, même si je ne suis pas un spécialiste des questions maritimes puisque je suis élu de Lorraine. Lors de notre rencontre, je vous ai indiqué, premièrement, que vous étiez totalement dans la philosophie de la mission et, deuxièmement, que nous n'avions pas de calendrier sur une loi foncière. On sent que l'exécutif attend notre rapport avant de prendre une décision, mais tout cela peut prendre du temps, ce qui n'a rien d'illégitime ; je vous avais indiqué que si le problème était réel et qu'une solution était à notre portée, la prudence commandait de faire preuve de pragmatisme et de profiter d'une niche parlementaire pour présenter un texte. C'est donc avec nos encouragements et nos conseils que vous avez bâti une proposition de loi parfaitement mesurée, prudente et précise. C'est du beau travail, et nous la soutiendrons bien évidemment. Elle rejoint la philosophie de la mission d'information commune sur le foncier agricole en considérant que la terre est un bien commun « hors du commun », comme le dit M. Benoît Grimonprez, qu'elle concourt à notre souveraineté alimentaire, y compris dans le domaine des coquillages, à la biodiversité et à la lutte contre le changement climatique. C'est également une question sociétale : notre rapport au paysage, à l'identité est déterminé par les formes que prennent la possession et l'usage du foncier.
Face aux vents mauvais de courants court-termistes et spéculatifs, nous avons besoin de rappeler l'essentiel des missions que l'on attribue au foncier, comment on le partage et comment on le protège dans notre pays : tel est le but de la mission d'information commune sur le foncier agricole. Nous nous réunirons le 4 décembre pour évaluer et mesurer les propositions que nous amènerons au débat en vue d'une grande loi foncière que nous appelons de nos voeux depuis quelques années.
Cette proposition de loi vise également à défendre l'économie réelle contre une économie résidentielle ou de tourisme. Si celle-ci n'est pas à condamner en tant que telle, il faut rappeler en permanence que la qualité de nos paysages de montagne, comme de nos paysages littoraux tient au fait même qu'ils sont des lieux d'exploitation et pas seulement de loisirs : c'est en effet parce qu'on exploite la terre et la mer, qu'on protège le caractère original de ces paysages, qu'on les rend attractifs. Ce serait détruire leur attractivité que de les laisser à un seul usage court-termiste de résidence ou de loisirs. Défendre et privilégier le statut du producteur par rapport à d'autres usagers est donc très important.
La réserve de notre groupe sur cette proposition de loi porte sur la question de la montagne. J'ai noté que Thierry Benoit, Gilles Lurton, et nos collègues de LaREM et du MODEM ont le même objectif que nous : nous voulons que les mêmes choses soient attendues pour les chalets de montagne, d'alpage, etc. Le débat est d'ordre purement juridique et j'en appelle, comme ma collègue du MODEM à l'instant, à une évaluation de la loi Montagne, à une expertise juridique, et peut-être à une prudence de notre commission à ce stade. Je vous invite donc, Monsieur le rapporteur, à retirer votre article 3 aujourd'hui, afin de ne pas démonter ce qui a été élaboré précédemment ; et si vous nous démontrez, en séance publique, qu'il y a complémentarité avec ce qui a été adopté dans le cadre de la loi Montagne, nous pourrons au besoin voter un amendement de réintroduction.