Monsieur le ministre d'État, avec ce texte, vous faites mentir une fameuse formule du cardinal de Retz, selon laquelle on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. C'est ici tout le contraire.
On sort ainsi de l'ambiguïté qui consiste à applaudir l'accord de Paris sans en tirer toutes les conséquences, à avoir invité Al Gore à l'Élysée, voilà dix ans, sans écouter ses conseils et à voter des lois aussi importantes que celles du Grenelle de l'environnement – auxquelles j'ajoute la loi sur la transition énergétique – sans mesurer qu'il faut aller jusqu'au bout de cette logique. Souvent aussi, on examine les conséquences des changements et du dérèglement climatiques, comme les nombreux ouragans observés ces derniers temps, et on demande des commissions d'enquête sans mesurer l'urgence qu'il y a à agir contre les changements climatiques.
Le projet de loi répond à la nécessité de lever cette ambiguïté, car il repose sur un constat auxquels souscrivent l'ensemble des scientifiques, notamment le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – GIEC – , pour qui la limitation à moins de 2 degrés de l'augmentation des températures exige que nous gardions dans nos sous-sols 80 % des hydrocarbures.
Ce texte permet aussi de sortir de l'ambiguïté liée, ces dernières années, au fait que notre droit présentait des trous, que notre arsenal juridique était un « gruyère », qui a rendu les décisions impossibles lorsque les ministres qui se sont succédé ont été confrontés à des demandes de permis de recherche ou d'exploitation. Mon collègue Jean-Pierre Chanteguet s'est efforcé, en son temps, de combler ce trou, comme nous avons également tenté de le faire en présentant des amendements par la voix de Delphine Batho, d'Hervé Saulignac et de Guillaume Garot. Vous apportez ici une réponse à ce vide juridique et à ces difficultés qui ont eu pour conséquence, je le rappelle, de constituer et de gonfler un « stock » de demandes et de contentieux longs et coûteux pour l'État.
Ce texte permet, enfin, de sortir de l'ambiguïté qui consiste à décrire un monde meilleur sans en donner la définition, sans permettre que cette mutation que vous appelez de vos voeux puisse se faire concrètement.
Il y a aujourd'hui en France, sur certains territoires, des centaines d'entreprises, des milliers d'hommes et de femmes qui travaillent dans les filières pétrolière et parapétrolière, et qui font vivre à la fois leurs familles et ces territoires. Il est donc important, dans les vingt-deux ans dont nous disposons jusqu'en 2040, de répondre à une exigence absolue : si nous voulons réussir ce texte de loi et atteindre cet horizon, il faut donner une définition des contrats de transition écologique et solidaire, décrire les emplois de demain et tracer les voies qui doivent mener, au moyen de nombreuses formations, à occuper ces emplois.
Nous devons réunir autour de la table les territoires, les entreprises, les représentants des personnels, mettre dès aujourd'hui l'ensemble des acteurs au travail pour que ces territoires soient demain des témoins de la transition écologique réussie. Je sais que c'est ce que vous appelez de vos voeux. C'est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même avons particulièrement insisté sur ce point lors des débats. C'était là, pour nous, une condition essentielle pour atteindre l'objectif que vous avez fixé avec ce texte.
Subsistent certes encore quelques ambiguïtés, comme la définition de la neutralité carbone, abordée par Delphine Batho, ou celle des techniques « non conventionnelles ». J'espère qu'avec le temps, vous les lèverez. D'ailleurs, vous avez annoncé au cours des discussions qu'interviendrait prochainement la réforme tant attendue du code minier : avec ce texte, vous pourriez lever les dernières ambiguïtés, ou du moins répondre aux dernières questions que nous nous posons.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre d'État, c'est forts des amendements que nous avons défendus et que vous avez acceptés, ainsi que de l'exigence de ce texte que, sans ambiguïté, nous le voterons.