J'aborderai maintenant la question de la compétition financière. L'Europe spatiale ne joue pas à armes égales face aux États-Unis si l'on considère les crédits publics. Et pour réjouissant que soit le prochain CFP 2021-2027, puisque la Commission européenne propose en effet d'affecter 16 milliards d'euros sur la période 2021-2027, dont près de 14,5 milliards sur la ligne Espace proprement dite, cet état de fait demeure : le budget de la seule NASA a augmenté de près de 2,5 milliards de dollars (soit le budget annuel du CNES) en l'espace de quelques années et elle devrait bénéficier pour la seule année fiscale 2019 d'un budget légèrement supérieur à 21 milliards de dollars, là où l'Union européenne propose une somme inférieure de près de 25 % sur sept ans.
À cette inégalité face à l'argent public, s'en ajoute une autre, celle liée aux nouveaux investisseurs privés, qui regardent le marché spatial comme un secteur rentable à moyen et long terme, et qui bousculent l'industrie spatiale européenne traditionnelle. L'argent public ne peut plus être dorénavant le seul financeur du secteur.
Enfin, je traiterai de la « compétitivité » organisationnelle. L'Europe l'a bien compris pour les lanceurs, c'est le tournant de 2012-2014 et la réorganisation industrielle pour Ariane 6 et Vega C. Les acteurs privés historiques sont aujourd'hui sortis de leur entre soi traditionnel et ont repensé leur fonctionnement pour s'adapter. Mais ce besoin de réinvention est une exigence pour tous les acteurs du spatial. Le « New Space » ne signifie pas la disparition de la puissance publique, mais au contraire une redéfinition de ses priorités, de son rôle, de ses moyens d'action. L'absence constatée de toute évolution structurelle des acteurs publics depuis 2014, chacun étant resté formellement dans son périmètre traditionnel, a un coût. La Commission européenne a pris conscience de ce décalage, sans doute plus que certains des États membres de l'Union européenne. Il est impératif que les financements des politiques spatiales européennes soient encore mieux optimisés. Aujourd'hui, l'argent privé s'intéresse au secteur spatial, mais les contraintes du retour géographique de l'ESA rendent plus difficile le développement d'une industrie compétitive quand SpaceX développe son lanceur sur un seul site alors qu'Ariane 6 se disperse sur plus de dix.