Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles, rapporteur :

Dans ce nouveau contexte, l'Europe spatiale n'est certes pas « géostationnaire » : la conférence Ministérielle de l'ESA en décembre 2014, la Stratégie spatiale pour l'Europe de la Commission européenne d'octobre 2016 et sa traduction dans le CFP 2021-2027 et le règlement sectoriel du 6 juin 2017, le Conseil Compétitivité Espace de 2017, et le mois dernier la réunion ministérielle informelle de l'ESA en vue de la Ministérielle prévue en novembre 2019, montrent que l'Union élabore sa stratégie en réponse.

Le temps presse, et l'Europe spatiale n'a pas droit à l'erreur, faute de capacités financières etou décisionnelles équivalentes à celles de ses principaux concurrents. Cette réponse, pour bienvenue qu'elle soit, n'est encore que trop partielle. L'Europe spatiale a déjà su changer, elle l'a montré, elle l'a prouvé. Mais ce nouveau contexte, caractérisé par un niveau et une vitesse de compétition inédits, nous impose : d'être agiles, or nos processus de décisions sont encore lents ; d'avoir les moyens de nos ambitions, or nous sommes encore divisés sur la notion de souveraineté spatiale européenne, qui est la clé de voûte de l'existence d'une Europe spatiale ; d'être solidaires, or l'exigence de compétitivité – parfois auto-imposée, comme pour les lanceurs – rend instable la balance fragile entre interdépendance et autonomie trouvée jusqu'à présent.

L'Europe spatiale publique est une accumulation qui aboutit à un mille-feuille, voilà un bon résumé de la gouvernance publique. L'Europe spatiale présente en effet un jeu d'acteurs qui s'est complexifié au fil du temps, avec trois acteurs publics majeurs (les États membres, l'Union européenne et l'Agence spatiale européenne) et une montée en puissance de l'industrie. Depuis quinze ans au moins, la question de cette gouvernance publique se pose. La bonne nouvelle est que la nécessité d'une réforme est partagée par la Commission européenne, l'ESA et les États membres, qui divergent néanmoins encore sur le sens à lui donner. L'ESA et l'Union européenne ont signé, le 26 octobre 2016, une déclaration conjointe sur une vision et des objectifs communs pour l'avenir de l'Europe dans le domaine spatial. La Commission européenne a fait, la première, ses propositions organisationnelles, avec sa Stratégie en octobre 2016 – un premier tournant, la Commission intervenant pour la première fois dans un domaine traditionnellement dévolu à l'ESA – et le règlement sectoriel Espace en juin dernier – soit un programme spatial intégré incarné par un texte unique et une Agence dédiée. Si la phase de construction des programmes spatiaux de l'Union avait pu justifier un certain type de relation avec l'ESA, aujourd'hui ces programmes sont mis en place, connus et reconnus, et la question de leur avenir stratégique – et par ricochet du décideur – est désormais posée par la Commission européenne. L'Union européenne doit se voir conférer un rôle de garant politique des programmes spatiaux européens, excluant de ce fait les États non membres de l'Union dans la prise de décision à l'ESA. L'ESA conserverait un rôle central comme expert technique et soutien opérationnel à la réalisation de composantes bien identifiées du programme spatial, fonctionnant selon des procédures et des règles compatibles avec celles de l'Union européenne. Cela implique que l'Union européenne contrôle la manière dont les fonds européens sont gérés, et par conséquent obtienne une présence autour de la table du Conseil de l'ESA, dont elle est aujourd'hui absente alors qu'elle est de loin le premier contributeur.

L'ESA est encore dans une phase de réflexion, qui doit aboutir – c'est en tout cas notre espoir ! – dans quelques mois, d'ici la Ministérielle de novembre 2019. Il revient à la Commission européenne de définir la vision, en intervenant dans le domaine réglementaire, sur des sujets tels que la sûreté dans l'espace ou l'optimisation des services des technologies spatiales, sur le modèle de ce qui est fait pour le changement climatique. Elle pourrait également identifier les projets permettant d'atteindre cette vision, à l'image de ce que fait un investisseur privé, sans interférer dans la définition technique des projets. La mise en oeuvre, en revanche, relèverait d'une grande Agence unifiée, rassemblant les compétences d'exécution de la Commission et de l'ESA. L'ESA a d'ores et déjà entrepris de redéfinir son rôle et ses modalités d'action pour faciliter la compétitivité de l'Europe spatiale et de son industrie dans un tempo qui s'accélère, il suffirait donc de poursuivre le mouvement déjà entamé en distinguant le mode d'organisation interne de l'ESA selon le type de projets, à traité constant.

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