Nous nous retrouvons pour évoquer un sujet crucial pour l'avenir de nos exploitations conchylicoles et agricoles : garantir un aménagement raisonné du territoire et le maintien d'activités agricoles en zone littorale face à la pression foncière. Je salue mon collègue, voisin et ami du Morbihan Jimmy Pahun, à l'initiative de ce texte. Le travail en commission, avec Hervé Pellois et Gilles Lurton, nous a permis d'aboutir à un texte équilibré et consensuel. Je fais le voeu que cet esprit constructif perdure pendant le reste de nos travaux.
Cette proposition de loi met en évidence l'inquiétude exprimée par le milieu conchylicole. Les sièges d'exploitation des conchyliculteurs disparaissent les uns après les autres, victimes de changements de destination des bâtiments. Ces changements de destination ont parfois lieu lorsque l'exploitant part à la retraite et souhaite vendre ses bâtiments. Un particulier acquiert alors les lieux pour les transformer en maison principale ou secondaire. Quand vous pouvez vendre une exploitation valorisée à 150 000 euros pour un montant huit à dix fois supérieur, il est compréhensible qu'un exploitant cède à la tentation de la vendre à un particulier plutôt qu'à un repreneur. C'est précisément ce phénomène que la présente proposition de loi entend endiguer.
Comment agir ? Les élus locaux et les organisations professionnelles sont en première ligne pour veiller à la pérennité des terres agricoles. Les SAFER, créées en 1960, disposent d'outils pour garantir que les terres agricoles gardent un usage strictement agricole. Il nous revient cependant de faire évoluer leurs moyens d'action chaque fois que la situation l'exige. En effet, le droit comporte une faille dans laquelle s'engouffrent certains propriétaires désireux de vendre leur exploitation. Les SAFER ne peuvent plus préempter dès lors que l'activité a cessé sur l'exploitation depuis plus de cinq ans. Cinq ans ! Il suffit donc à un propriétaire d'attendre cinq ans pour que les pouvoirs publics se trouvent démunis et, souvent, ne puissent qu'assister au changement de destination de l'exploitation. Un chiffre est éloquent – et nos collègues du Morbihan pourront vous en dire davantage – : l'activité conchylicole dans ce département a baissé de 20 % en vingt ans.
Chez moi, les exploitants conchylicoles eux-mêmes sont inquiets. Le Finistère ne connaît pas la même pression foncière que le Morbihan, mais la pression foncière se déplace et ce qui était acquis aujourd'hui ne le sera plus forcément demain. Déjà les exploitations dans le secteur de Morlaix commencent à être menacées. Dans ma circonscription, j'ai une petite entreprise à La Forêt-Fouesnant, Aux viviers de Penfoulic, qui élève surtout des moules et des coques. Elle est située en milieu portuaire et pourrait très bien être menacée un jour si nous n'y prenons garde.
Je rappelle que la conchyliculture est un savoir-faire traditionnel, une vitrine touristique de nos terroirs, un indicateur écologique de la qualité des eaux, mais aussi un secteur économique non délocalisable. C'est pourquoi, au nom du groupe La République en marche, je soutiens le choix que nous avons fait en commission de porter le délai de préemption des SAFER à vingt ans – délai qui a le mérite d'être suffisamment long pour dissuader un vendeur de faire de la rétention foncière. Les SAFER privilégient les acquisitions à l'amiable et ne préemptent qu'en dernier recours. Nous ne devrions donc pas assister à l'avenir à une explosion des préemptions.
À l'initiative de mon groupe, mais aussi du rapporteur et de notre collègue Lurton, nous avons aussi étendu, en commission, le droit de préemption à l'ensemble des cultures marines, et pas uniquement à la conchyliculture. Il s'agit de prendre en compte la tendance à la diversification des conchyliculteurs. Enfin, les recherches sur les algues prennent de l'importance en matière d'alimentation et de cosmétiques. Il convient d'en tenir compte.
La conchyliculture n'est pas le seul secteur concerné par la disparition des sièges d'exploitations. Elle touche tout type d'exploitation agricole, d'autant qu'on assiste à une tendance de fond : le morcellement des terres agricoles. Je soutiens donc le choix de notre collègue Pahun d'élargir la durée du droit de préemption des SAFER aux terrains agricoles et naturels situés dans les communes littorales. C'est un premier pas, sans doute insuffisant pour répondre à l'ensemble des problèmes du monde agricole. Mais je suis certaine que le rapport de la mission sur le foncier agricole saura se montrer fertile en la matière. À ce sujet, nos travaux en commission ont permis d'aboutir à un accord sur la suppression de l'article 3 à propos des terres de montagne. La loi montagne de 2016 est à peine entrée en vigueur mais, vous avez tous raison, nous devons rester vigilants.
Enfin, la présente proposition de loi de nos amis du groupe MODEM suit la ligne philosophique défendue par le Président de la République : garantir aux territoires les moyens de se développer, s'adapter aux réalités du terrain et corriger les défauts des politiques publiques. C'est pourquoi le groupe LaREM votera le texte.