Merci beaucoup, Madame la présidente, pour ces nombreuses questions auxquelles répond en partie l'exposé liminaire que j'ai préparé. Je veillerai à répondre aux autres questions à la fin de mon intervention.
Vous évoquez l'échec de 2016, mais la fusion de l'ONCFS et de l'AFB était demandée depuis longtemps par l'État et, lorsque vous étiez secrétaire d'État chargée de la biodiversité, vous avez vous-même défendu ce projet. La chasse française a toujours refusé la création d'un nouvel établissement public, estimant qu'il s'agissait alors davantage d'une offre publique d'achat (OPA) de l'AFB sur l'ONCFS. Nous n'étions pas d'accord avec cette absorption de l'ONCFS, établissement public financé par la chasse française.
La donne a changé, les choses se sont calées différemment et, le 28 août dernier, le chef de l'État a rendu un arbitrage clair et rassurant. Il ne s'agit plus d'une OPA. Le nouvel établissement public sera en charge de la police de la ruralité – ce qui manque énormément dans nos territoires ruraux – mais la chasse conservera une place prépondérante.
Nous n'allons pas revenir sur les choses qui conviennent dans ce projet, pour nous concentrer sur celles qui posent problème. Tout d'abord, je regrette le manque de concertation : le premier document nous est parvenu sans aucune discussion préalable alors que nous étions présents à l'origine du projet.
Nous sommes contrariés de voir que le nouvel établissement n'a pas de nom. Cela peut paraître dérisoire, mais ce ne l'est pas : le nom veut souvent dire beaucoup de choses. L'objet social ne mentionne quasiment pas la chasse. Or, je le répète, nous sommes d'accord pour la création d'un nouvel établissement public, mais pas pour une « AFB bis ».
En ce qui concerne la gouvernance, des arbitrages clairs ont été effectués et des garanties ont été apportées par le chef de l'État : au sein du conseil d'administration de l'établissement public, on trouvera un noyau suffisamment important et représentatif de la chasse française. Cette garantie s'inscrit dans une logique financière puisque les chasseurs sont les seuls contributeurs privés – à hauteur d'environ 45 millions d'euros par le biais des permis de chasser – à cet établissement public.
Dans l'article 2, nous avons relevé un problème de transfert aux inspecteurs de l'environnement de pouvoirs qui appartiennent actuellement au ministère public. Pour résumer, un futur garde de l'établissement pourrait décider, de son propre chef, de demander à une personne d'aller faire un stage à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ou ailleurs, en cas de problème lié à la chasse. C'est quand même embêtant et nous aimerions que cette disposition soit modifiée.
J'en viens à l'article 3 relatif à l'éco-contribution. Les chasseurs ont accepté de fournir 5 euros supplémentaires sur les recettes du permis de chasser pour alimenter un fonds dédié à l'éco-contribution. Il n'y avait pas de problème tant que l'État devait abonder ces 5 euros à hauteur de 10 euros. Or le projet de loi ne mentionne pas cet engagement de l'État. Nous voulons bien travailler sur la biodiversité par le biais de cet établissement public et d'un fonds dédié, mais l'État doit aussi prendre des engagements inscrits dans la loi.
En ce qui concerne le fichier central, les choses se sont éclaircies et nous avons apparemment trouvé un accord. S'il est normal que le fichier central reste sous la main des fédérations des chasseurs, l'État doit y avoir accès car nous sommes tout à fait conscients qu'il est devenu le fichier des ports d'arme. Il faut faire attention à cela. Lors des négociations en cours, nous avons donné notre accord pour que ce fichier central reste bien à la FNC mais qu'il soit totalement ouvert aux contrôles de police ou autres.
En ce qui concerne la gestion adaptative, nous sommes un peu embêtés. Elle existe en Amérique du Nord. Au niveau européen, les seules traces que nous en ayons doivent être cherchées dans la Convention de Bonn et, sous forme de simple idée, dans l'Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie – Agreement on the Conservation of African-Eurasian Migratory Waterbirds (AEWA). En Europe, les chasseurs français sont les premiers à demander l'entrée de la gestion adaptative dans la pratique et dans la loi. Cependant, le projet est rédigé de telle manière qu'il fait de la gestion adaptative une mesure punitive alors qu'elle devrait être constructive. C'est regrettable. Pour sa première apparition dans un texte de loi au niveau européen, la gestion adaptative est présentée comme une épée de Damoclès. Ce n'est pas du tout son but.
Nous voulons disposer d'un outil intelligent et adaptable pour toutes les espèces, pas seulement pour celles qui sont chassables. De nombreuses espèces nécessitent une régulation. Rassurez-vous, les chasseurs ne souhaitent, en aucun cas, allonger la liste des espèces chassables. Vous pouvez cependant constater que, de plus en plus souvent, pour essayer de sortir d'une impasse, les préfets sont amenés à prendre des arrêtés concernant les cormorans, les goélands ou autres. Nous avons un outil qui, s'il est suffisamment ouvert dans sa définition, peut s'adapter à toutes les problématiques locales concernant certaines espèces, dans un cadre particulier de surabondance.
S'agissant des espèces chassables, cet outil doit permettre de sortir d'une guerre permanente qui dure depuis une trentaine d'années : soit on chasse, soit on ne chasse pas. Avec la gestion adaptative, on doit pouvoir quantifier les prélèvements d'une espèce dans l'espace et le temps. C'est quelque chose de nouveau. On doit pouvoir adapter toute forme de chasse sur le plan quantitatif. On peut adapter le nombre, l'espace ou le temps pour une espèce donnée, selon qu'elle est trop ou trop peu abondante. Plutôt que de fermer systématiquement la chasse et d'entrer dans des contentieux, on a enfin la possibilité de faire un réglage. Il est important que ce texte donne une définition claire de la gestion adaptative puisque ce sera une première dans le droit européen. Au passage, je vous rappelle que cette gestion adaptative est demandée et voulue par les chasseurs au nom d'une meilleure gestion de la biodiversité collective.
Madame la présidente, vous m'avez parlé de la chasse accompagnée, qui ne suscite pas tellement de débats. Cette démarche est du ressort des fédérations, chapeautées par l'ONCFS puisqu'il s'agit d'une formation à détenir une arme et à pratiquer la chasse. Elle concerne 3 000 personnes par an qui, j'aime à le rappeler, n'ont occasionné aucun accident de chasse. L'apprentissage de la chasse avec son père reste un bon apprentissage.
Je reviens sur la gestion adaptative, non sur son principe ou son objectif mais sur son application concrète. Vous m'avez en effet interrogé, Madame la présidente, sur son fonctionnement en pratique et sur la transmission des informations aux fédérations puis au futur établissement AFB-ONCFS. Je pense que la commission avait en tête le carnet de prélèvement « Bécasse », un dispositif qui ne m'a jamais emballé. Or nous entrons dans une dimension beaucoup plus moderne et efficace grâce à l'utilisation d'une application téléphonique : quand vous prélevez un oiseau, vous cliquez sur l'image correspondante de votre téléphone, ce qui revient à faire la déclaration de prélèvement et il n'y a plus besoin de bague ou autres. Peu importe la qualité de la couverture numérique en 3G ou en 4G de la zone, car l'application fonctionne de façon autonome.
Il n'y a donc pas lieu de punir quelqu'un qui n'aurait pas répondu. Si la personne ne répond pas, c'est qu'elle n'a rien prélevé. Quand la saison se termine, on fait le bilan de l'application. Il n'est pas nécessaire d'être plus punitif qu'avec le carnet de prélèvement, puisque l'on a un tout autre matériel qui permet d'avoir, en temps réel, les prélèvements de toute la chasse française pour les espèces concernées.
Que pensons-nous de l'été 2019 comme date d'entrée en vigueur des obligations d'actions en faveur de la biodiversité et de transmission des données de prélèvements des espèces soumises à gestion adaptative ? L'application dont je viens de vous parler est une première mondiale : jamais elle n'a été utilisée dans le domaine de la chasse. Et nous avons pris les meilleurs prestataires au niveau mondial pour la concevoir. Ça coûte un peu d'argent, c'est vrai, mais nous voulions un outil totalement irréprochable, que ce soit en matière de prélèvements, de gestion des données ou de contrôles de police. Imaginons que vous vouliez offrir la bécasse que vous venez de prélever. D'un clic, vous envoyez un message à la personne à qui vous la destinez. Elle pourra partir avec l'oiseau et justifier la manière dont elle l'a reçu. Nous sommes déjà en train de faire les premiers essais pour certaines espèces. En 2019, la chasse française sera totalement prête à répondre à cet enjeu de la gestion adaptative.