La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Willy Schraen, président, et M. Nicolas Rivet, directeur général de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) sur le projet de création de l'AFB-ONCFS.
Chers collègues, nous poursuivons nos travaux préparatoires sur le projet de loi portant création d'un nouvel établissement, issu du rapprochement de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) : l'AFB-ONCFS. Cette création modifie les missions des fédérations des chasseurs et renforce la police de l'environnement. Nous entendons aujourd'hui M. Willy Schraen et M. Nicolas Rivet, respectivement président et directeur général de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Messieurs, soyez les bienvenus.
Je ne reviendrai que brièvement sur les travaux ayant abouti à l'adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. À l'origine, l'objectif était bien de créer un établissement rassemblant l'ONCFS et les quatre établissements formant aujourd'hui l'AFB. En effet, l'office fait partie intégrante de la politique de préservation de la biodiversité et est reconnu comme tel. L'AFB, pour sa part, exerce des missions de police de l'environnement, en particulier de police de l'eau. Le rapprochement n'a malheureusement pas pu être mené à bien en 2016, mais les choses évoluent et on peut se réjouir du dépôt du projet de loi portant création de l'AFB-ONCFS.
Messieurs, nous vous auditionnons pour vous permettre de faire part des interrogations, des éléments de vigilance ou des avancées que vous aurez relevés dans ce projet de loi. J'en viens donc à vous poser les questions suivantes, que mes collègues enrichiront.
En ce qui concerne la gouvernance du nouvel établissement, quelle est votre analyse du fonctionnement du conseil d'administration qu'il est proposé de créer, resserré autour d'une vingtaine de membres ? Comment analysez-vous les équilibres proposés ?
Comment jugez-vous la définition des missions du nouvel établissement ?
Actuellement, l'autorisation de chasser accompagné est délivrée par l'ONCFS. L'article 3 du projet de loi prévoit de transférer sa délivrance aux fédérations départementales des chasseurs. Pouvez-vous nous présenter l'impact de ce transfert aux fédérations ? Approximativement, combien d'autorisations de chasser cela représente-t-il ? Comment envisagez-vous la formation des accompagnateurs par les fédérations départementales, que le projet de loi instaure ?
Le projet de loi prévoit de transférer à l'AFB-ONCFS la gestion du fichier central des permis délivrés, des validations et des autorisations de chasser. Je rappelle que ce fichier est actuellement géré par la FNC. Quels sont les derniers éléments chiffrés dont vous disposez sur le nombre de permis délivrés et validés, ainsi que sur celui des autorisations de chasser accompagné ? La FNC aurait un droit d'accès permanent à ces informations. Comment analysez-vous ce transfert de compétence ?
L'article 3 instaure également l'obligation, pour les fédérations, de mener des actions concourant directement à la protection de la biodiversité, en y consacrant un financement minimum de 5 euros par chasseur et par an. Pouvez-vous nous rappeler des exemples d'actions menées par les fédérations des chasseurs en faveur de la biodiversité ? Quel en est le coût approximatif ? Comment appréciez-vous cette obligation d'action, inscrite dans le projet de loi ?
Le projet de loi prévoit également une obligation de transmission des données de prélèvements des chasseurs, pour certaines espèces soumises à gestion adaptative, à la fédération des chasseurs dont ils sont membres. Comment cette gestion adaptative pourrait-elle fonctionner selon vous en pratique ? Comment pourrait s'effectuer la transmission d'informations aux fédérations par les chasseurs, puis la transmission de ces informations au futur établissement AFB-ONCFS ?
L'entrée en vigueur des obligations d'action en faveur de la biodiversité et de transmission des prélèvements des espèces soumises à gestion adaptative est prévue pour l'été 2019. Selon vous, ce délai permet-il aux fédérations de mettre en oeuvre ces obligations ?
Avez-vous des remarques concernant le renforcement des pouvoirs de police de l'environnement prévu à l'article 2 du projet de loi ?
Enfin, quelles sont, plus largement, les observations que vous souhaitez porter à notre connaissance ?
Monsieur le président, je vous cède la parole.
Merci beaucoup, Madame la présidente, pour ces nombreuses questions auxquelles répond en partie l'exposé liminaire que j'ai préparé. Je veillerai à répondre aux autres questions à la fin de mon intervention.
Vous évoquez l'échec de 2016, mais la fusion de l'ONCFS et de l'AFB était demandée depuis longtemps par l'État et, lorsque vous étiez secrétaire d'État chargée de la biodiversité, vous avez vous-même défendu ce projet. La chasse française a toujours refusé la création d'un nouvel établissement public, estimant qu'il s'agissait alors davantage d'une offre publique d'achat (OPA) de l'AFB sur l'ONCFS. Nous n'étions pas d'accord avec cette absorption de l'ONCFS, établissement public financé par la chasse française.
La donne a changé, les choses se sont calées différemment et, le 28 août dernier, le chef de l'État a rendu un arbitrage clair et rassurant. Il ne s'agit plus d'une OPA. Le nouvel établissement public sera en charge de la police de la ruralité – ce qui manque énormément dans nos territoires ruraux – mais la chasse conservera une place prépondérante.
Nous n'allons pas revenir sur les choses qui conviennent dans ce projet, pour nous concentrer sur celles qui posent problème. Tout d'abord, je regrette le manque de concertation : le premier document nous est parvenu sans aucune discussion préalable alors que nous étions présents à l'origine du projet.
Nous sommes contrariés de voir que le nouvel établissement n'a pas de nom. Cela peut paraître dérisoire, mais ce ne l'est pas : le nom veut souvent dire beaucoup de choses. L'objet social ne mentionne quasiment pas la chasse. Or, je le répète, nous sommes d'accord pour la création d'un nouvel établissement public, mais pas pour une « AFB bis ».
En ce qui concerne la gouvernance, des arbitrages clairs ont été effectués et des garanties ont été apportées par le chef de l'État : au sein du conseil d'administration de l'établissement public, on trouvera un noyau suffisamment important et représentatif de la chasse française. Cette garantie s'inscrit dans une logique financière puisque les chasseurs sont les seuls contributeurs privés – à hauteur d'environ 45 millions d'euros par le biais des permis de chasser – à cet établissement public.
Dans l'article 2, nous avons relevé un problème de transfert aux inspecteurs de l'environnement de pouvoirs qui appartiennent actuellement au ministère public. Pour résumer, un futur garde de l'établissement pourrait décider, de son propre chef, de demander à une personne d'aller faire un stage à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ou ailleurs, en cas de problème lié à la chasse. C'est quand même embêtant et nous aimerions que cette disposition soit modifiée.
J'en viens à l'article 3 relatif à l'éco-contribution. Les chasseurs ont accepté de fournir 5 euros supplémentaires sur les recettes du permis de chasser pour alimenter un fonds dédié à l'éco-contribution. Il n'y avait pas de problème tant que l'État devait abonder ces 5 euros à hauteur de 10 euros. Or le projet de loi ne mentionne pas cet engagement de l'État. Nous voulons bien travailler sur la biodiversité par le biais de cet établissement public et d'un fonds dédié, mais l'État doit aussi prendre des engagements inscrits dans la loi.
En ce qui concerne le fichier central, les choses se sont éclaircies et nous avons apparemment trouvé un accord. S'il est normal que le fichier central reste sous la main des fédérations des chasseurs, l'État doit y avoir accès car nous sommes tout à fait conscients qu'il est devenu le fichier des ports d'arme. Il faut faire attention à cela. Lors des négociations en cours, nous avons donné notre accord pour que ce fichier central reste bien à la FNC mais qu'il soit totalement ouvert aux contrôles de police ou autres.
En ce qui concerne la gestion adaptative, nous sommes un peu embêtés. Elle existe en Amérique du Nord. Au niveau européen, les seules traces que nous en ayons doivent être cherchées dans la Convention de Bonn et, sous forme de simple idée, dans l'Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie – Agreement on the Conservation of African-Eurasian Migratory Waterbirds (AEWA). En Europe, les chasseurs français sont les premiers à demander l'entrée de la gestion adaptative dans la pratique et dans la loi. Cependant, le projet est rédigé de telle manière qu'il fait de la gestion adaptative une mesure punitive alors qu'elle devrait être constructive. C'est regrettable. Pour sa première apparition dans un texte de loi au niveau européen, la gestion adaptative est présentée comme une épée de Damoclès. Ce n'est pas du tout son but.
Nous voulons disposer d'un outil intelligent et adaptable pour toutes les espèces, pas seulement pour celles qui sont chassables. De nombreuses espèces nécessitent une régulation. Rassurez-vous, les chasseurs ne souhaitent, en aucun cas, allonger la liste des espèces chassables. Vous pouvez cependant constater que, de plus en plus souvent, pour essayer de sortir d'une impasse, les préfets sont amenés à prendre des arrêtés concernant les cormorans, les goélands ou autres. Nous avons un outil qui, s'il est suffisamment ouvert dans sa définition, peut s'adapter à toutes les problématiques locales concernant certaines espèces, dans un cadre particulier de surabondance.
S'agissant des espèces chassables, cet outil doit permettre de sortir d'une guerre permanente qui dure depuis une trentaine d'années : soit on chasse, soit on ne chasse pas. Avec la gestion adaptative, on doit pouvoir quantifier les prélèvements d'une espèce dans l'espace et le temps. C'est quelque chose de nouveau. On doit pouvoir adapter toute forme de chasse sur le plan quantitatif. On peut adapter le nombre, l'espace ou le temps pour une espèce donnée, selon qu'elle est trop ou trop peu abondante. Plutôt que de fermer systématiquement la chasse et d'entrer dans des contentieux, on a enfin la possibilité de faire un réglage. Il est important que ce texte donne une définition claire de la gestion adaptative puisque ce sera une première dans le droit européen. Au passage, je vous rappelle que cette gestion adaptative est demandée et voulue par les chasseurs au nom d'une meilleure gestion de la biodiversité collective.
Madame la présidente, vous m'avez parlé de la chasse accompagnée, qui ne suscite pas tellement de débats. Cette démarche est du ressort des fédérations, chapeautées par l'ONCFS puisqu'il s'agit d'une formation à détenir une arme et à pratiquer la chasse. Elle concerne 3 000 personnes par an qui, j'aime à le rappeler, n'ont occasionné aucun accident de chasse. L'apprentissage de la chasse avec son père reste un bon apprentissage.
Je reviens sur la gestion adaptative, non sur son principe ou son objectif mais sur son application concrète. Vous m'avez en effet interrogé, Madame la présidente, sur son fonctionnement en pratique et sur la transmission des informations aux fédérations puis au futur établissement AFB-ONCFS. Je pense que la commission avait en tête le carnet de prélèvement « Bécasse », un dispositif qui ne m'a jamais emballé. Or nous entrons dans une dimension beaucoup plus moderne et efficace grâce à l'utilisation d'une application téléphonique : quand vous prélevez un oiseau, vous cliquez sur l'image correspondante de votre téléphone, ce qui revient à faire la déclaration de prélèvement et il n'y a plus besoin de bague ou autres. Peu importe la qualité de la couverture numérique en 3G ou en 4G de la zone, car l'application fonctionne de façon autonome.
Il n'y a donc pas lieu de punir quelqu'un qui n'aurait pas répondu. Si la personne ne répond pas, c'est qu'elle n'a rien prélevé. Quand la saison se termine, on fait le bilan de l'application. Il n'est pas nécessaire d'être plus punitif qu'avec le carnet de prélèvement, puisque l'on a un tout autre matériel qui permet d'avoir, en temps réel, les prélèvements de toute la chasse française pour les espèces concernées.
Que pensons-nous de l'été 2019 comme date d'entrée en vigueur des obligations d'actions en faveur de la biodiversité et de transmission des données de prélèvements des espèces soumises à gestion adaptative ? L'application dont je viens de vous parler est une première mondiale : jamais elle n'a été utilisée dans le domaine de la chasse. Et nous avons pris les meilleurs prestataires au niveau mondial pour la concevoir. Ça coûte un peu d'argent, c'est vrai, mais nous voulions un outil totalement irréprochable, que ce soit en matière de prélèvements, de gestion des données ou de contrôles de police. Imaginons que vous vouliez offrir la bécasse que vous venez de prélever. D'un clic, vous envoyez un message à la personne à qui vous la destinez. Elle pourra partir avec l'oiseau et justifier la manière dont elle l'a reçu. Nous sommes déjà en train de faire les premiers essais pour certaines espèces. En 2019, la chasse française sera totalement prête à répondre à cet enjeu de la gestion adaptative.
Je vais maintenant donner la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir, en commençant par les représentants des groupes.
L'intérêt de la chasse ne fait pas forcément l'unanimité dans notre pays ni sur ces bancs, preuve que nous représentons bien la France, contrairement à ce que certaines personnes laissent entendre. Je respecte bien sûr toutes les opinions. Pour ma part, je suis convaincu que la chasse reste et doit rester un élément majeur de la gestion de notre biodiversité et je vais étayer mon propos par deux simples exemples. L'année dernière, plus de 30 000 hectares de terres agricoles ont été détruits par les sangliers. Comment réduire ces dégâts sans les chasseurs ? D'autre part, en raison de deux maladies, le lapin de garenne a pratiquement disparu de nos campagnes, dans une indifférence quasi générale. Qui, à part le monde de la chasse, mène des opérations massives de réimplantation ?
Au-delà des questions de biodiversité, moi qui suis élu d'un territoire en grande partie rural, je sais combien la chasse fait partie de notre culture. Sans vouloir relancer les débats sur l'existence d'une ou de plusieurs cultures, j'affirme que la chasse fait partie intégrante de notre culture rurale. Nous devons la maintenir mais en le faisant dans le respect des autres modes de vie, certains étant beaucoup plus modernes. S'opposer est un combat stérile. Nous devons apprendre à vivre ensemble, y compris dans nos campagnes.
Pour cela, la chasse française, héritière de la Révolution, ne peut plus se contenter de défendre des droits acquis ou se satisfaire d'être un élément incontournable de notre patrimoine. La chasse française – et je sais, monsieur le président, que vous en êtes un fervent défenseur – doit être plus moderne. Elle doit entrer dans le XXIe siècle. Je ne doute pas que vous avez plusieurs propositions – vous venez d'ailleurs d'en faire certaines – dans ce sens.
Cependant, je veux appeler votre attention sur des questions majeures que beaucoup se posent ici ou ailleurs. D'abord, je pense à la sécurité : des efforts ont été faits mais il faut aller plus loin. Je pense ensuite à la gestion des espèces qui doit évoluer et être plus adaptative. Pour cela, il faut sortir d'une pure logique d'espèces et aller vers une meilleure prise en compte des habitats, lesquels sont gérés par de nombreux acteurs, les agriculteurs notamment. Enfin, nous devons nous poser la question de la police de l'environnement et nous doter d'une vraie police de la ruralité. Pour atteindre ces objectifs, nous souhaitons donc fusionner l'AFB et l'ONCFS. Nous avons beaucoup d'ambitions car nous voulons créer un outil majeur de gestion de la biodiversité dans laquelle la chasse aura toute sa place.
Mon unique question reprend tous les points que je viens d'évoquer : en quoi et comment cet outil va-t-il permettre à la chasse française d'entrer dans le XXIe siècle ?
Tout d'abord, Monsieur le président, je voudrais, au nom du groupe Les Républicains, que vous excusiez certains collègues qui ne sont pas là et d'autres qui devront partir : nous vous auditionnons et, en même temps, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est à l'étude en séance. Nos collègues MM. Jean-Yves Bony et Vincent Descoeur, en particulier, devront rejoindre l'hémicycle.
Ce projet de loi a été qualifié de « petite révolution » : un même établissement va regrouper des structures chargées de missions de préservation et de police avec la structure qui chapeaute la police de votre fédération, l'ONCFS. C'est effectivement une petite révolution. Il y a quelque temps, nous avons créé, par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, l'Agence française pour la biodiversité (AFB), mais nous n'avons pas réussi à rapprocher les structures dont nous parlons aujourd'hui. Après tout le travail de démonstration et d'explications que vous avez fait, la société finit peut-être par reconnaître le rôle essentiel de la chasse dans la préservation de la biodiversité. À ce titre, elle vous permet d'entrer dans une nouvelle organisation au travers d'un établissement public où chacun va trouver sa place.
Vous avez parlé du nom de la nouvelle structure, ou plutôt de son absence de nom. Avez-vous une proposition à faire en la matière ? Vous avez parlé de la gouvernance et du fait que la composition du conseil d'administration doit satisfaire les chasseurs. Vous avez également parlé du fichier, évidemment accessible aux services de l'État. Sera-t-il aussi accessible aux associations qui pourraient avoir un intérêt à agir pour l'environnement ?
Vous avez évoqué la gestion adaptative. Quelque 700 000 sangliers ont été prélevés l'année dernière, c'est-à-dire dix ou quinze fois plus qu'il y a quelques années. On peut donc se poser des questions sur la gestion de cette espèce. On peut aussi évoquer les cerfs de certaines forêts domaniales qui posent des problèmes, et les relations avec l'Office national des forêts (ONF). Quant aux cormorans, ils posent d'autres problèmes de gestion des étangs.
Pensez-vous que la nouvelle structure va pouvoir faire avancer de manière significative toutes ces réflexions ou qu'il s'agit plutôt d'une opération de communication ?
À l'issue de la discussion au Parlement du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, un nouvel établissement public, né du rapprochement de l'AFB et de l'ONCFS, verra le jour le 1er janvier 2020.
Intervenant au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, j'entre tout de suite dans le vif du sujet : la fusion des expertises complémentaires des deux établissements au service de la reconquête de la biodiversité est-elle considérée comme souhaitable, et donc souhaitée, par les adhérents de la FNC ? Comment votre fédération appréhende-t-elle le fait que les travaux du futur établissement seront réalisés conjointement pas les personnels de l'AFB et de l'ONCFS ?
Je souhaite aussi vous interroger sur le maillage territorial, thématique chère à cette commission. Que pensez-vous des moyens annoncés pour replacer les enjeux de politique environnementale à un niveau territorial, en vue de traiter les sources diffuses de pression sur les écosystèmes et de recentrer les actions sur des approches préventives plutôt que curatives ? La FNC s'est récemment déclarée satisfaite du renforcement et du redéploiement sur le territoire de la police de la ruralité. Cela signifie-t-il que, pour votre fédération, la cohérence et l'équilibre du maillage territorial de l'action des équipes du futur établissement sont satisfaits par le texte présenté, qui redonne aux services, notamment dans les territoires ruraux, une taille suffisante pour renforcer la présence de terrain ?
Pour finir, j'aimerais revenir sur la gestion adaptative des espèces. Ce dispositif, qui vise à assurer un équilibre plus précis des prélèvements autorisés et une connaissance plus fine de l'état de conservation des espèces, est-il une révolution pour vos adhérents ? Bien que le texte du Gouvernement n'entre pas dans les détails de la mise en oeuvre de cette gestion adaptative, pourriez-vous partager avec les membres de notre commission, si ce n'est votre opinion, à tout le moins les attentes qui sont les vôtres sur ce sujet ? Pensez-vous qu'elle sera un outil efficace pour prévenir les tensions entre les chasseurs et les autres acteurs de la biodiversité ?
Monsieur le président, merci pour vos réponses. Elles nous éclaireront sur les raisons qui vous poussent à rejeter le principe même de la fusion. Le ministre de la transition écologique et solidaire a semblé dire qu'elle se ferait de toute façon. Il met en avant des mesures qui vous seraient favorables, comme la baisse du prix du permis de chasser. Considérez-vous que ce serait suffisant ? Quelles mesures pourraient rendre cette fusion acceptable à vos yeux ?
Pour ce qui est des sangliers, vous avez engagé une collaboration soutenue avec les services de l'État afin d'en réduire la population, dans un double but : enrayer la propagation de la peste porcine africaine ; limiter les dégâts causés par ces bêtes non seulement en forêt mais aux abords des villages. Quelles pistes envisagez-vous ?
Les arrêtés fixant les quotas de chasses traditionnelles récemment publiés ont soulevé une franche opposition dans le monde de la chasse. Le ministre a décidé de mettre en place un groupe de travail auquel votre fédération participe. Pensez-vous qu'il aboutira à un accord ? Si oui, quelles conditions le rendraient acceptable ?
Ma dernière question concerne la sécurité dans les forêts. M. Alain Durand, président de la fédération des chasseurs de Seine-Maritime, mon département, a été un précurseur en matière de prévention et prend régulièrement soin de rappeler l'importance de la sécurité à ses adhérents. Envisagez-vous de généraliser certaines mesures prises en ce sens à tout le territoire français ? Quelles actions comptez-vous mener, en partenariat avec les services de l'État ou la future agence, pour éviter les conflits d'usage dans les forêts et les accidents de chasse, encore trop nombreux durant la saison 2017-2018 ?
Votre audition, Monsieur le président, nourrira notre réflexion sur la juste place que doit trouver la Fédération nationale des chasseurs de France dans la politique nationale en faveur de la biodiversité. Le projet de loi confierait à la FNC et aux fédérations départementales la conduite d'actions participant activement à la préservation de la biodiversité. Il impose en outre aux chasseurs une contribution obligatoire de cinq euros par permis de chasser au profit de ces actions. Quels types d'actions pourront être menées et quelles orientations entendez-vous prendre ?
Le projet de loi charge l'AFB-ONCFS de gérer et suivre en temps réel le fichier central des permis et autorisations de chasser, mission jusqu'alors dévolue à la FNC, afin notamment de renforcer la connaissance des détenteurs de port d'arme. Les choses ne semblent pas claires car vous nous avez plutôt dit le contraire. Qu'en sera-t-il réellement ? Sur un plan pratique, quelle sera l'organisation retenue ?
Un communiqué de presse de votre fédération indique qu'elle est plutôt insatisfaite car le projet de loi ne traduirait pas les termes de l'accord sur la réforme de la chasse acté à la fin de l'été 2018 par le chef de l'État. L'un des sujets clivants semble être le projet de création d'un comité d'experts en charge de la gestion adaptative. La FNC considère en effet que le texte en « a réduit totalement la portée en restreignant la gestion adaptative aux seuls prélèvements sur les espèces gibier et sans prise en compte de tous les éléments qui influent sur l'évolution des populations d'espèces sauvages ». Pouvez-vous nous expliquer les motifs de votre mécontentement ?
Je pense qu'il est important de vous doter d'outils à la hauteur des enjeux attachés à la préservation de biodiversité. À ce titre, comment envisagez-vous vos relations avec la future agence puisque jusqu'à présent, vous avez bénéficié d'une agence dédiée ?
Plus que jamais, nous avons besoin de fédérations très engagées sur les territoires, à l'instar de celle d'Indre-et-Loire, dirigée par M. Alain Belloy, dont je salue l'action.
Je poserai des questions de novice, dénuées de toute orientation idéologique.
J'ai cru comprendre que le comptage des prélèvements n'était pas optimal et que la procédure actuelle de transmission des données ne correspondait pas aux besoins. Vous avez indiqué, monsieur le président, que la France était le premier pays européen à inscrire la gestion adaptative dans la loi et qu'il convenait de la mettre en oeuvre de façon constructive. Vous avez poursuivi en soulignant que vous disposerez des moyens techniques nécessaires pour assurer le suivi en temps réel. Au-delà de la phase d'expérimentation, quel équilibre souhaitez-vous atteindre pour les espèces ? Avez-vous déjà fixé un cap ?
Vous avez aussi fait part de votre souhait de voir inscrit dans la loi l'engagement de l'État de s'acquitter d'une contribution double de celle des chasseurs, soit 10 euros. Quelles retombées concrètes visez-vous non seulement sur la faune, mais aussi sur la flore et les habitats naturels ?
Enfin, j'aimerais avoir votre avis sur la police rurale au quotidien. Les gardes champêtres me semblent être dans une situation précaire aujourd'hui. Me le confirmez-vous ?
Nous nous réjouissons de la fusion de l'AFB et de l'ONCFS. C'est un souhait que nous avions exprimé depuis le Grenelle de l'environnement. Il ne nous semblait pas possible que des décisions de bon sens puissent être prises avec deux organismes ne partageant pas de projet commun et pouvant avoir des expertises contradictoires. La FNC a dans un premier temps considéré que ce n'était pas le bon moment pour procéder à une telle fusion, et si elle n'a pas eu lieu, ce n'est pas, contrairement à ce qui a été raconté, parce que nous avons cédé aux lobbies, même si vos moyens sont puissants, Monsieur le président. Il ne nous a simplement pas paru pertinent de nous engager dans cette voie s'il n'y avait pas une volonté commune de changement. Nous espérons tous que la fusion se fera dans un contexte apaisé, de sorte que chasseurs et associations de protection de la nature puissent enfin travailler de concert.
Bien évidemment, la question des financements se pose puisque le nouvel établissement appelle des moyens supplémentaires. Nous devons militer pour que l'État contribue directement. Le chef de l'État s'est engagé à ce que le prix des permis de chasser soit réduit et je me suis laissé dire que cette promesse allait être financée par les agences de l'eau. Il faudra voir qui gagne et qui perd dans cette opération.
Ce qui m'intéresse particulièrement, c'est la régulation des espèces. Nous rêvons d'un monde où tous les acteurs se mettraient d'accord localement : chasseurs, pêcheurs, usagers de la nature, collectivités territoriales. Y a-t-il des possibilités de mieux structurer ces ententes sur le terrain ?
Je commencerai par faire le point sur la gestion adaptative, évoquée par plusieurs d'entre vous. Pourquoi l'appelons-nous de nos voeux ?
La première réflexion que nous avons eue à ce sujet a porté sur la chasse propre. Il y a des espèces qui ne peuvent être chassées alors même qu'elles sont surabondantes : nous ne bougeons pas parce que nous ne voulons pas prendre de risque. À l'inverse, il y a des espèces que nous savons être en mauvais état de conservation et que nous souhaiterions moins chasser : pour les mêmes raisons, nous ne bougeons pas.
Nous estimons être partie prenante de la protection de la biodiversité. Le rôle de la chasse française a d'ailleurs été reconnu comme tel le 27 août dernier par le Président de la République. Nous souhaitons désormais participer pleinement à toutes les actions menées en matière d'écologie et de biodiversité. La chasse n'est pas un frein, comme l'a dit M. Alain Perea ; elle peut au contraire constituer un excellent outil, à condition qu'il soit bien utilisé. Une fois que nous nous mettrons d'accord sur ce principe et que nous aurons construit intelligemment ensemble, je pense que nous pourrons faire beaucoup de choses pour l'entièreté des espèces.
La gestion adaptative va être utilisée à court et moyen à terme pour les espèces chassables qui posent problème dans un sens ou dans l'autre. Il a été beaucoup question des oies sauvages, dont la surpopulation pèse sur le flyway européen. Le Président de la République s'est engagé à prolonger l'autorisation de les chasser jusqu'au mois de février en fixant un quota, ce qui correspond à une demande de l'Europe. À l'inverse, nous avons accepté de moins chasser certaines espèces sensibles, comme la tourterelle des bois dont les effectifs sont en chute du fait d'un virus. Il faudrait un outil qui permette de déterminer la durée pendant laquelle les chasseurs doivent s'abstenir de chasser certaines espèces, afin de ne pas accentuer la baisse de leurs effectifs alors même qu'elle n'est pas due à la chasse. Il faut que nous ayons ensemble l'intelligence de prendre des décisions sur des périodicités tout en restant flexibles. Par exemple, on pourrait ne pas chasser telle espèce pendant un an puis recommencer à la chasser pour voir ce que cela donne. Nous ne devons avoir qu'une chose en tête : que les espèces se portent bien. Je ne veux pas que la chasse française soit accusée d'être responsable de la baisse des effectifs d'une espèce, voire de son extinction. Il faut parvenir à quelque chose équilibré.
Nous devrons utiliser la gestion adaptative avec prudence. Nous mettrons en pratique cet outil progressivement car c'est une nouveauté pour tout le monde. Pour cela, il est nécessaire d'établir un climat de confiance mutuelle.
Vous savez, je représente les chasseurs, mais je représente aussi beaucoup les milieux ruraux. Vous êtes nombreux ici à être élus de ces territoires et vous savez qu'il y a une incompréhension. Il faudra redonner confiance aux acteurs : aux chasseurs, aux pêcheurs, aux usagers de la nature. C'est un énorme défi qui nous attend. Si nous commençons mal, nous risquons d'échouer mais nous pouvons aussi réussir et créer ce qui deviendra un modèle pour le monde entier.
Je crois que la chasse a réellement sa place dans ce nouvel établissement. Au-delà de son poids économique, c'est son poids écosystémique qui m'intéresse. Une étude menée il y a trois ans par le Bureau d'information et de prévisions économiques (BIPE), cabinet de conseil indépendant, a montré que les actions de la chasse française représentaient 3 milliards d'euros par an d'apports à la biodiversité. Je prendrai l'exemple des zones humides : si les chasseurs n'avaient pas été là pour les sauver, elles auraient été recouvertes par beaucoup plus de supermarchés et d'asphalte. Il n'est d'ailleurs pas rare de voir le Conservatoire du littoral demander aux chasseurs de revenir chasser sur des terrains qu'il a déclarés non chassables deux ou trois auparavant.
Voilà pour l'état d'esprit de la chasse française à l'égard du projet de fusion et de la gestion adaptative.
J'en viens à la constitution du comité scientifique, qui constitue un point de blocage important pour nous. Nous considérons qu'il doit être constitué à parité de personnes qui ont des connaissances scientifiques théoriques et de personnes qui ont des connaissances pratiques. Nous ne pouvons pas revenir aux blocages antérieurs entre chasseurs et associations de protection de la nature avec d'un côté des « Vous n'y connaissez rien » et de l'autre des « Vous êtes des gros beaufs, juste bons à tirer sur tout ce qui bouge ». La société évolue. Il faut passer à autre chose. Ce n'est pas parce que certains portent des bottes en caoutchouc cinq jours par semaine qu'ils sont idiots. Ils ont aussi des compétences et il faut aussi les écouter – mais cette remarque dépasse peut-être le cadre de la chasse. Nous devons parvenir à établir un équilibre au sein de ce comité. C'est un enjeu non seulement pour l'État, mais aussi pour l'Europe. Beaucoup pensent, dans les campagnes, que les règles communautaires sont là pour « emmerder » les Français tous les jours. Je ne vais pas vous faire un dessin, mais c'est une impression que nombre de nos concitoyens ressentent, et nous devons le prendre en compte car cela peut amener à des choses beaucoup plus graves, qui se manifestent dans les urnes ou ailleurs. Si nous arrivions à mettre en commun nos motivations et nos envies, et à trouver un accord sur le fait que nous prélevions des animaux, je pense que nous pourrions faire quelque chose de formidable et écrire une nouvelle page de l'histoire dans la protection de la biodiversité.
Comme l'a dit M. Alain Perea, la chasse française a envie d'entrer dans le XXIe siècle. Nous voulons voir émerger quelque chose de moderne. Aujourd'hui, la procédure de comptage des prélèvements n'est pas satisfaisante. Il n'est pas acceptable que certaines espèces sensibles ne fassent l'objet que d'« estimations ». Nous devons viser davantage de précision et disposer des moyens adéquats pour dire « stop » quand une espèce ne peut supporter une plus forte pression. Si nos mesures nous permettent d'établir qu'un quota annuel est atteint, la chasse devra s'arrêter, même si elle n'a duré que quinze jours. Il ne faudrait pas non plus que cela vire au lynchage de la chasse française, avec l'établissement de quotas tous azimuts. Nous procéderons de manière intelligente, en commençant par les espèces sensibles. Peut-être parviendrons-nous, dans cinq ou dix ans, à documenter globalement tous les prélèvements, mais pour l'instant je vais demander du temps au Gouvernement. N'oubliez pas qu'en acceptant cela, je mène une révolution au sein de la chasse française. Mes chasseurs ne m'ont jamais demandé une telle chose. C'est nous qui leur avons expliqué que nous allions faire comme cela, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Je considère que si nous ne prenons pas la voie de la modernité maintenant, la chasse mourra de son décalage avec l'époque.
La gouvernance avec les associations écologiques ne nous pose aucun problème. Ces gens mènent des actions importantes et nous les respectons. Ils se passionnent autant que nous pour la nature. La seule différence qui nous sépare, c'est le fait de tuer des animaux. Nous n'arriverons pas toujours à nous comprendre, mais si nous arrivons à nous mettre autour d'une même table, je pense que nous pourrons construire de grandes choses.
Beaucoup de questions ont porté sur les sangliers. Si la chasse française devait faire son mea culpa, je dirais rapidement – on n'aime pas trop s'automutiler – que lorsqu'il n'y avait pas beaucoup de sangliers, nous avons géré cette espèce. Il y a trente ans, 80 % des chasseurs chassaient du petit gibier, alors qu'aujourd'hui 80 % des chasseurs chassent du grand gibier car la biodiversité ordinaire est en train de mourir dans nos territoires. Il n'y a plus de petit gibier alors même que les plans de chasse se font à un prélèvement près par commune. Il y a de grandes difficultés à maintenir les espèces sédentaires sauvages, qu'elles soient chassables ou non.
J'en profite pour rebondir sur ce qu'a annoncé ce matin le Président de la République. J'ai entendu en effet qu'on allait lancer la méthanisation, ce qui veut dire qu'on ne cultivera plus pour nourrir les hommes, mais pour produire de la biomasse. On coupera les champs de blé, de luzerne ou de colza quand la biomasse est la plus belle, c'est-à-dire au printemps, au moment où toute la biodiversité se reproduit. Et juste après, on replantera un champ de biomasse, probablement du maïs, ce qui fait qu'on aura une couverture hivernale sur de grandes étendues de 100 à 200 hectares jusqu'au mois de février. On va donc taper encore plus fort sur le petit gibier et la petite faune sédentaire, et favoriser davantage le développement du sanglier à grande échelle. Et comme la production de biomasse ne sera pas destinée à une consommation humaine, il faudra veiller à ce que les futures lois ne permettent pas qu'on puisse y mettre toutes les cochonneries qui traînent, sinon on détruira toute la biodiversité sur ces territoires qui est déjà très malmenée.
Il y a un manque cruel de police dans les territoires. Si l'on souhaite mieux régir les choses avec une grande police générale, il faudra maintenir et donner de vrais moyens à la police de proximité rurale dans nos fédérations, ce qui permettra d'aider le nouvel établissement public, car ce sont les gens qui sont dans les territoires tous les jours qui connaissent le terrain. Aujourd'hui, les effectifs de l'ONCFS ont chuté. Certains départements comptent entre quatre et huit personnes seulement pour gérer toute la police rurale : la police de l'eau, de l'air, de la terre, de la pollution, du dépôt d'ordures, de la cueillette sauvage. Actuellement, il n'y a plus de moyens de police dans les territoires ruraux, et ce ne sont pas les maires qui diront le contraire, puisque les fédérations sont de plus en plus amenées à les aider. On ne peut pas laisser les gens déposer des ordures, comme cela se fait partout. Je suis conseiller municipal d'une petite commune et je peux vous dire que, chaque week-end, ce sont deux à trois tas de poubelles qui sont déversés. Cela devient insupportable. De même, on n'a pas de moyens de police pour empêcher la cueillette sauvage de perce-neige. On nous pille nos forêts du nord de la France où il y a beaucoup de perce-neige. Ce bulbe sauvage, qui ne peut pas pousser ailleurs qu'en forêt et qui vaut très cher, est ensuite revendu aux Pays-Bas, en Pologne, un peu en Norvège et en Suède. En cinq ans, tout a été ramassé. Moi qui vis dans ce territoire depuis que je suis gamin, je les aime et je ne veux pas les voir disparaître totalement. Cela fera peut-être faire rire certains, mais je trouve que c'est très grave. On a donc besoin d'un outil de police extrêmement structuré avec de vrais moyens pour tout ce qui touche à la ruralité, et pas uniquement pour la chasse. Le chef de l'État l'a bien compris, puisque c'était l'une de ses motivations premières pour créer cet établissement public.
On m'a demandé si la baisse du coût du permis de chasser était un « bon deal ». Ce n'est pas du tout un « deal ». Nous entrons dans l'établissement public à hauteur de 45 millions d'euros. Même si l'on veut une représentativité significative, vous avez bien compris que nous ne sommes plus les donneurs d'ordres du futur établissement, mais que ce sera l'État et les associations. Toutefois, nous aurons une place prépondérante, ce que nous souhaitons. Baisser le prix du permis de chasser, c'est reconnaître qu'à travers les 3 milliards d'euros de services écosystémiques que nous rendons, nous avons une vraie fonction. Que l'on aime ou non la gestion de la nature avec un fusil, il faut reconnaître que lorsqu'on nous enlève cette gestion, qui doit être bien évidemment raisonnée et raisonnable, il y a des problèmes partout. Il s'agit aussi, dans le cadre de la problématique du grand gibier, de permettre une meilleure répartition des chasseurs à l'échelon du territoire national, car les dégâts sont finalement assez concentrés. On hurle beaucoup dans les campagnes, mais n'oubliez jamais que 85 % des dégâts ont lieu sur 15 % des communes de France. Certes, il y a des problèmes, mais ils sont relativement localisés.
Il faut savoir reconnaître que la chasse évolue, et que la jeunesse évolue également. Mon grand-père chassait autour de l'église de son village, mais comme il voyait mal de loin, il me disait : quand tu ne vois plus le clocher, tu me le dis et on fait demi-tour. Avec internet et les réseaux sociaux, le chasseur de demain ira chasser le petit gibier quelques jours dans le Pas-de-Calais, puis chasser la bécasse quelques jours dans l'Aude, et enfin chasser le gros gibier quelques jours en Sologne. Ce sera une chasse à la carte mieux organisée et mieux structurée au niveau local. Au travers de la gestion adaptative, il y a une conception quantitative des prélèvements, mais aussi une vraie notion d'espace et de temps.
J'en viens à la question du partage de la nature. Il faut savoir que la forêt domaniale française représente 8 % de la forêt française, pourcentage que m'a donné le directeur général il y a quinze jours. En matière de sécurité, il y a des choses à faire, et nous les faisons. Nous avions d'ailleurs mis en place des formations avant ce « chasse-bashing » qui dure depuis quelques mois, et le programme de la réforme globale française prévoit une formation personnelle du chasseur pendant une journée tous les dix ans, axée sur la sécurité. Le problème, c'est que de plus en plus de gens se promènent dans la nature avec un esprit un peu particulier, c'est-à-dire que dès qu'ils ont franchi le panneau de la ville où ils habitent, ils considèrent que la nature qui est autour d'eux leur appartient. Or c'est complètement faux. La nature est privative : les champs appartiennent à des agriculteurs, et les forêts appartiennent à des forestiers. Jadis, il n'y avait pas de problème au sein d'un village pour chasser et cueillir des champignons. Mais comme il y a eu quelques accidents de chasse retentissants, les gens demandent à pouvoir disposer d'un espace pour profiter de la nature. Or, je le répète, la nature est privative. Mesdames et Messieurs les députés, comme il existe des espaces publics, les choses sont entre vos mains. Les forêts domaniales peuvent en effet être d'excellents terrains de jeux du week-end et c'est le rôle de l'État de l'encourager. J'enfonce une porte ouverte, car il y a dorénavant très peu de chasses dans les forêts domaniales le week-end et le mercredi, précisément pour qu'un maximum de gens puissent s'y promener. Il y a peut-être quelques coins un peu perdus – je pense à la Haute-Marne – où peu de monde se promène, même le mercredi et le week-end.
Ce sont dans les forêts périurbaines que des problèmes se posent.
Plutôt que de faire une loi générale et de retirer le droit fondamental de propriété, c'est-à-dire d'empêcher les gens de jouir de leur bien, ce qui est très grave, et qui engendrera de toute façon un contentieux européen, nous devons faire un effort en matière de sécurité et surtout de communication. Quand on est à la chasse, il y a des codes, mais on les a sûrement mal expliqués aux gens. J'ai rendez-vous avec les représentants des activités extérieures – la randonnée, le cyclotourisme, les vététistes, les cavaliers, etc. – pour qu'on rediscute ensemble de la mise en place de codes afin que l'on puisse se comprendre. Notre but n'est pas de transformer la France, comme cela se passe actuellement en Sologne où certaines personnes sont tellement agacées qu'elles vont finir par grillager toute la forêt. Il ne faut surtout pas aboutir à cela, et je me bats tous les jours pour que cela n'arrive pas. Mais pour ce faire, il faut être respectueux des gens qui vivent sur leur propriété et qui y pratiquent la chasse, qui est leur passion. Je souhaite que tout reste ouvert pour tout le monde, qu'on réapprenne à vivre ensemble et qu'on se comprenne mieux dans la pratique de la chasse. Il est évident que les chasseurs devront faire des efforts, et ils les feront, mais il faut aussi que tout le monde respecte les gens qui ont des activités différentes, comme la randonnée, le cyclotourisme, etc.
Des mesures nationales seront proposées. Je prendrai un exemple mais je ne veux pas tout révéler car il est normal d'en laisser l'exclusivité à M. le ministre d'État, François de Rugy. Il faut savoir que si les couleurs fluorescentes sont celles que l'on utilise à la chasse, aujourd'hui elles ne sont pas obligatoires dans une trentaine de départements. Ce n'est pas normal. Quand on est à la chasse, il faut que l'on porte des couleurs fluorescentes visibles pour nous-mêmes, et ceux qui se promènent en forêt doivent pouvoir voir un chasseur de très loin. Ce sont des mesures que l'on peut considérer comme étant basiques, mais qui sont importantes. J'applaudis ce maire de Savoie qui a pris un arrêté demandant aux gens qui se promènent dans une forêt privée de porter un gilet fluorescent. Si le cycliste qui a été tué récemment en Haute-Savoie avait porté un gilet fluorescent, l'accident aurait pu être évité. Bien évidemment, c'est celui qui a tiré qui est responsable, et c'est un drame affreux. Ce que nous souhaitons, c'est avoir des moyens plus importants pour gérer les problèmes sécuritaires. Il faut réfléchir à la mise en place d'un conseil d'administration ou d'une commission qui étudierait le cas de gens qui suscitent régulièrement des incidents – ce sont souvent toujours les mêmes qui se conduisent mal à la chasse et qui font un jour la une du journal local –, car les présidents de fédération n'ont aucun pouvoir. Il y a peut-être des gens qui ne sont pas faits pour tenir une arme, même s'il n'y en a pas beaucoup. J'aimerais avoir le pouvoir de retirer le permis de chasser à ces gens-là. Je veux « nettoyer », comme il se doit, la chasse des gens qui ne sont pas cohérents dans leur pratique et qui représentent un danger pour eux-mêmes et pour les autres. Cela ne nous posera franchement aucun problème. Voilà quelques idées qui seront proposées à M. le ministre d'État.
Ce qui s'est passé pour les chasses traditionnelles est un grand échec pour la ruralité, pour les traditions, pour la génétique de ce que nous sommes sur ces territoires ruraux. Les chasses traditionnelles n'ont jamais affecté quoi que ce soit dans les espèces. Elles sont régies par des codes extrêmement précis issus de la directive « Oiseaux ». Vous savez que les quotas que l'on utilise dans les chasses traditionnelles doivent être inférieurs à 1 % de la mortalité naturelle de l'espèce annuelle. Cela signifie que lorsque M. le ministre d'État décide de réduire violemment ces chasses traditionnelles, nous ne sommes plus dans quelque chose de scientifique, de technique, mais dans quelque chose de politique, et c'est regrettable. À un moment donné, l'homme s'est demandé comment attraper un oiseau avec deux cailloux et un bout de bois parce que les armes à feu n'existaient pas. C'est notre histoire, c'est quelque chose de très important. Ces chasses n'ont pas d'impact pour les espèces, sinon nous serions les premiers à réagir. J'espère que, dès l'année prochaine, on reconduira les quotas tels qu'ils existaient auparavant – ils étaient déjà très inférieurs à ce qu'on pouvait obtenir puisque la plupart représentent seulement 10 % de ce 1 %.
Mme Sophie Auconie me demande d'apporter des précisions sur le fichier central des permis de chasser, qui jusqu'à présent est entre les mains de la Fédération nationale. Il est prévu que nous conservions la gestion de ce fichier, parce que nous sommes les mieux à même de le faire et que c'est chez nous que les chasseurs viennent chercher un permis de chasser – il est important qu'ils gardent un contact avec les structures des fédérations. Par contre, le fichier sera désormais ouvert au futur établissement public. On crée donc un « tremplin » entre ce fichier et l'établissement public sans aucun problème, pour qu'il puisse être opérationnel pour toutes sortes de contrôles. Mais nous avons souhaité continuer à recevoir nos chasseurs dans nos fédérations pour leur donner leur permis de chasser. Si l'État souhaitait maîtriser le fichier, il faudrait qu'il puisse délivrer, chaque année, le permis de chasser à 1 140 000 personnes, ce qui paraît quelque peu compliqué. Pour notre part, nous sommes rodés, et nous le faisons gratuitement. Nous sommes tombés d'accord sur ce point.
Des modifications sont en train d'être apportées.
Vous savez que vous parlez aux parlementaires et que ce sont eux qui vont modifier et voter le texte.
Nous sommes parvenus à un accord, hier soir, avec le ministère chargé de l'écologie.
Effectivement, cela fera apparemment l'objet d'un amendement du Gouvernement.
Pourriez-vous nous en dire plus en ce qui concerne l'insatisfaction sur les termes de l'accord qui a été conclu entre le Président de la République et les fédérations.
Actuellement, nous sommes toujours dans une phase de négociation, c'est-à-dire que certains des arbitrages qui ont été rendus par le chef de l'État font malheureusement l'objet d'une renégociation de la haute administration, ce qui, je vous l'assure, ne me convient en rien. Nous avons parfois quelques difficultés à faire respecter la parole des politiques que vous êtes, et c'est un peu dommage. Je vois, Madame Auconie, que vous êtes bien renseignée. Vous avez raison, tout n'est pas parfait actuellement, mais je pense que tout le redeviendra très rapidement.
Je suis députée de la Haute-Savoie, département qui a malheureusement connu deux accidents mortels. Le premier, survenu il y a deux ans, a contraint le Gouvernement à travailler en profondeur sur les questions relatives à la sécurité. Vous témoignez de la difficulté de gérer les autorisations ou les interdictions dans les forêts domaniales ou privées. En même temps, le plan cynégétique départemental a bien cette fonction. Que prévoyez-vous pour aller plus loin en matière de sécurisation des relations entre les promeneurs et les chasseurs, voire entre les chasseurs ?
Ma question va dans le même sens que celle de Mme Véronique Riotton.
La chasse subit de nombreuses campagnes de communication de grande ampleur visant à décrédibiliser et à réclamer parfois son interdiction. Les associations les plus virulentes parviennent à imposer dans le débat public une vision binaire où les chasseurs seraient les ennemis de la biodiversité. En ce sens, l'union des chasseurs et des scientifiques au sein du futur établissement est une excellente nouvelle qui réaffirme le rôle primordial des chasseurs dans l'entretien de la nature. Mais cela ne suffit pas. L'un des arguments principaux des détracteurs de la chasse est celui de la sécurité, le seul chiffre tolérable étant celui de zéro accident. C'est cet objectif vers lequel doivent tendre tous nos efforts.
Quel bilan dressez-vous des accidents de chasse et de leurs causes ? Dans quelle mesure pensez-vous que le nouvel établissement permettra d'y remédier ?
Monsieur le président, en mars 2018, vous avez signé avec le président de la Fédération française de la randonnée pédestre (FFRP) la première convention de partenariat entre vos fédérations respectives. Si l'on ne peut que se féliciter de la signature de cette convention qui a pour objectif de permettre une collaboration étroite entre les usagers de la nature que sont les chasseurs et les randonneurs, il est essentiel que celle-ci soit diffusée au sein des territoires. Pourriez-vous nous indiquer ce qui a été fait, ou va l'être, pour assurer sa déclinaison sur le terrain auprès des acteurs concernés ?
Monsieur le président, je vais recevoir demain après-midi le conseil d'administration de la fédération des chasseurs du département de l'Aube. Ce sera l'occasion d'évoquer le dossier qui nous occupe aujourd'hui, mais également celui des problèmes relationnels qui se posent entre les différents acteurs de terrain au sujet de la biodiversité. Pouvez-vous nous préciser comment vous envisagez les futures relations entre, d'une part, la nouvelle structure résultant de la fusion entre l'AFB et l'ONCFS, et, d'autre part, l'ONF ?
Si je ne suis pas opposé au principe de la création d'un nouvel établissement public chargé de la biodiversité, je tiens à rappeler que la chasse fait partie de notre histoire et de nos traditions, et que nos chasseurs sont indispensables au milieu rural, en régulant les espèces sauvages, mais aussi en participant à l'aménagement du territoire, à l'entretien des espaces naturels et à la protection de la biodiversité.
Comme vous l'avez dit, Monsieur le président, le texte proposé restreint la gestion adaptative aux seuls prélèvements sur les espèces, c'est-à-dire sur le gibier, sans prendre en compte les autres éléments qui influent sur l'évolution des populations d'espèces sauvages. Dans ces conditions, pouvons-nous être assurés que la chasse continuera à avoir toute sa place et qu'elle ne va pas subir des pressions visant à aller vers une réduction des jours de chasse – je pense notamment au dimanche – et une réduction des prélèvements d'espèces sauvages ?
Madame Véronique Riotton, vous avez évoqué les accidents de chasse mortels récemment survenus en Haute-Savoie. Cette situation est paradoxale, car il s'agit d'un département pilote où il a été fait beaucoup plus qu'ailleurs en matière de prévention des accidents – l'action de M. André Mugnier à la tête de la fédération des chasseurs de Haute-Savoie est même citée en exemple et reproduite par les autres fédérations sur le reste du territoire. Cela n'a malheureusement pas empêché qu'un accident dramatique survienne le 13 octobre dernier à Montriond, lorsqu'un chasseur a tué un cycliste qu'il avait pris pour un sanglier : là où des millions de personnes n'auraient pas confondu ce cycliste avec un sanglier, il a fallu que la victime tombe sur quelqu'un ne faisant pas la différence, et la malchance a voulu que cette personne soit un chasseur armé d'un fusil…
Nous allons continuer à nous battre pour tendre vers l'objectif « zéro accident » mais, au risque de vous décevoir, je dois vous dire que nous n'atteindrons jamais cet objectif – en tout cas pas de façon pérenne – car les chasseurs ne sont pas des robots, mais des êtres humains comme les autres, avec leurs qualités et leurs imperfections. J'aimerais qu'il n'y ait plus aucun enfant écrasé sur un passage piéton, mais soixante-six enfants ont encore trouvé la mort de cette façon en France en 2017 ; j'aimerais que plus personne ne soit tué au bas d'une piste de ski, mais l'année dernière, sept enfants et une douzaine de personnes âgées ont été tués par des skieurs qui passaient au mauvais endroit…
Certes, il faut agir, notamment sur le plan législatif, comme vous le faites quand vous votez des lois relatives à la sécurité routière et à la sécurité civile. De notre côté, nous faisons également tout ce que nous pouvons pour qu'il y ait le moins d'accidents possible, et ce serait une joie immense pour moi si une année se passait sans que nous déplorions un seul accident. Mais je sais malheureusement que nous ne pourrons jamais garantir un « zéro accident » durable, parce que nous sommes des êtres humains. Pourquoi cela arrive-t-il ? Une personne a fait une grosse bêtise… Parmi l'ensemble des conducteurs de véhicules à moteur, qui peut se vanter de ne jamais avoir commis la moindre imprudence au volant ? Il arrive à chacun de nous de dépasser un jour la vitesse maximale autorisée, ou d'effectuer un dépassement sans que toutes les conditions de sécurité soient réunies. Cent fois de suite, cela n'aura pas de conséquences, et la cent-unième fois, la fatalité voudra qu'il en soit autrement !
Nous devons former le plus de chasseurs possible et, pour cela, leur répéter sans cesse les mêmes consignes de sécurité. J'avais moi-même prévu, avant que ne survienne l'accident mortel du mois d'octobre, de revoir tout le monde. Nous respectons actuellement le rythme d'une visite tous les dix ans dans chaque fédération : on peut penser que c'est peu, mais il ne faut pas oublier que nous sommes partis de zéro, et que cela représente un travail colossal ! À titre d'exemple, au sein de ma fédération, celle du Pas-de-Calais, qui comprend 35 000 chasseurs, je dois former 3 500 personnes chaque année, ce qui va coûter plusieurs centaines de milliers d'euros. C'est un effort considérable en termes de temps et d'argent, mais nous sommes déterminés à l'accomplir, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les chasseurs soient le mieux formés possible.
De même qu'il y a sur la route des personnes qui ne devraient pas avoir le droit de conduire une voiture, il y en a qui sont titulaires d'un permis de chasse alors que cela ne devrait pas être le cas. Il faudrait, pour remédier à cela, que nous soyons dotés des moyens d'empêcher certaines personnes d'aller à la chasse. Cela dit, même en prenant le maximum de précautions, je suis persuadé qu'il y aura toujours des accidents : on ne peut pas empêcher qu'une fois sur un million, une partie de chasse connaisse un dénouement tragique. J'aimerais tout de même rappeler qu'en trente ans, le nombre d'accidents de chasse a été divisé par quatre en France – je parle de l'ensemble des accidents corporels, mortels ou non.
Par ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraître, il va y avoir en 2018 un nombre d'accidents de chasse exceptionnellement réduit en France car, quand cet accident mortel est survenu en Haute-Savoie au mois d'octobre, nous n'en étions qu'à la moitié du nombre d'accidents survenus au cours de l'année précédente. On assiste en effet à une prise de conscience généralisée du risque au sein des chasseurs, qui finit par produire ses effets. J'ai moi-même adressé à chacun d'eux un long courrier les exhortant à être « ridicules de prudence » : en cas de doute, il est plus intelligent de ne pas tirer, et le fait de s'abstenir de tirer est aussi un acte de chasse. J'ai également promis de tous les former, un par un, sur les questions de sécurité, et je respecterai cet engagement.
Dans le cadre du dernier congrès de la chasse française, nous avons signé un partenariat national avec la Fédération française de la randonnée pédestre, qui a à ce jour été décliné en une trentaine d'accords départementaux. Dans certains départements sont d'ores et déjà mises en place des actions de comptage de petit gibier, réalisées conjointement par les chasseurs et les randonneurs, et les choses continuent à évoluer, grâce à la communication en temps réel avec les fédérations locales. C'est une très bonne chose que d'entretenir un dialogue plus étroit entre chasseurs et randonneurs, car cela permet de mieux diffuser l'information, et parfois de dissiper certaines idées reçues. Je me souviens d'une randonneuse qui était persuadée de ne prendre aucun risque en passant dans le dos des chasseurs en forêt : j'ai dû la détromper en appelant son attention sur le fait que les chasseurs regardent dans la direction d'où provient le gibier, mais qu'ils se retournent pour tirer une fois que ce gibier les a dépassés !
Bien sûr, il y aura toujours des gens pour entrer avec leurs enfants dans un bois sous le nez des chasseurs, en les insultant et en leur crachant dessus… Malheureusement, on ne peut pas faire grand-chose contre la bêtise, et nous avons pour principe de ne jamais répondre aux provocations. Ce type de comportement n'est heureusement pas celui des randonneurs, avec lesquels nous avons un vrai dialogue. Nous nous sommes fixé un délai de trois ans pour que l'accord avec les fédérations de randonnée soit conclu dans tous les départements de France.
Au-delà, nous avons également l'intention d'engager avec les randonneurs une réflexion sur les endroits et les moments où l'on chasse. Nous ne voulons pas aller trop vite sur ce point, car les choses sont extrêmement compliquées. Puisqu'on ne chasse pas tous les jours, tant s'en faut – de nombreuses espèces ne sont chassées que quelques jours au cours d'une saison de chasse –, l'idée serait de déterminer, bois par bois, parcelle par parcelle, où l'on peut chasser le mercredi, le samedi ou le dimanche, et évidemment de diffuser cette information afin d'aboutir à un meilleur partage de la nature entre ses différents usagers, au moins sur les terrains privés. On pourrait ainsi dire aux randonneurs : « cette forêt privée de 800 hectares, vous pouvez y randonner autant que vous voulez, sauf durant les six jours qui seront dédiés à la chasse ». Généraliser de tels arrangements permettrait, à mon sens, de faire disparaître la plupart des conflits d'usage et de tranquilliser aussi bien les randonneurs que les chasseurs, ainsi assurés les uns comme les autres d'être seuls dans la forêt le jour où ils s'y trouvent.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, Madame la présidente, à mon sens vous auriez dû intégrer l'ONF au nouvel établissement public qui va être créé…
Dans ce cas, nous aurions également dû y intégrer les conservatoires, pour ne citer qu'eux…
L'ONF est un cas spécifique. Ayant une compétence particulière en matière de sylviculture, l'Office national des forêts est investi d'une vraie mission en termes de biodiversité, ce qui est source de fréquents conflits avec les chasseurs. Pour ce qui est des forêts d'État, nous ne demandons rien : si, demain, l'État décide de retirer ses forêts à la chasse, ce sera son droit. En revanche, nous nous battrons pour les forêts privées, où c'est le droit fondamental de propriété qui est en jeu !
Ce que nous ressentons en ce moment vis-à-vis de l'ONF, c'est que l'office a besoin de notre argent, tout en nous considérant comme persona non grata dans les forêts, ce qui nous paraît très malsain. De deux choses l'une : ou bien l'ONF a besoin des chasseurs, ou bien il n'en a pas besoin. Certains cadres de l'ONF se sont prononcés pour que les chasseurs n'entrent plus dans les forêts, qui deviendraient uniquement des espaces de promenades – ce qu'on peut éventuellement concevoir, à condition que l'État soit disposé à payer pour assurer, par d'autres moyens que la chasse, la régulation des espèces telles que les sangliers ou les cervidés. Il paraît en effet que cela peut se faire au moyen d'actions nocturnes, réalisées avec des fusils à lunette thermique : il faut juste nettoyer les traces de sang avant que le jour se lève et que les premiers promeneurs arrivent… Si c'est vraiment le souhait de l'ONF, pourquoi pas, mais j'aimerais qu'il ait le courage de le dire clairement et de renoncer expressément à l'argent des chasseurs, car il ne faut pas oublier que nous devons payer une petite fortune pour avoir le droit de chasser dans les forêts domaniales. Sinon, il doit nous accepter pour ce que nous sommes, c'est-à-dire pour des acteurs de la régulation, donc de l'équilibre des écosystèmes, qui a un lien direct avec la sylviculture. Il est maintenant un peu tard pour envisager que l'ONF soit intégré au nouvel établissement public, mais peut-être cela se fera-t-il dans le cadre d'une autre loi…
Pour ce qui est de la directive « Oiseaux », pouvez-vous nous dire comment elle s'appliquera à la chasse aux oiseaux migrateurs en février prochain, notamment en baie de Somme ?
Trois espèces d'oies sauvages sont autorisées à la chasse en France : l'oie cendrée, l'oie rieuse et l'oie des moissons. Je n'ai aucune inquiétude sur ce point, dans la mesure où le chef de l'État a pris en la matière un engagement ferme et fort, en souhaitant que l'on puisse chasser 5 000 oies cendrées durant le mois de février. Je précise tout de même qu'en dehors de ces 5 000 individus chassés en France en février, 600 000 autres sont ensuite détruits dans le reste de l'Europe par divers procédés – la carabine, mais aussi le gazage, le bastonnage, et même l'écrasement des poussins ! Le prélèvement de 5 000 oies en février est donc tout à fait dérisoire par rapport à ce qui se passe ensuite en dehors des périodes officielles de chasse – auxquelles certains États savent très bien déroger en jouant sur l'article 9 de la directive… Dans le cadre d'une gestion adaptative, nous chasserons donc l'oie rieuse et l'oie des moissons du 1er au 10 février, et l'oie cendrée du 1er au 28 février – cette dernière à hauteur d'un quota de 5 000 individus.
Monsieur le président, je vous remercie d'être venu vous exprimer devant notre commission.
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Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 27 novembre 2018 à 17 h 25
Présents. - M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, M. Loïc Dombreval, Mme Patricia Gallerneau, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Aude Luquet, M. Emmanuel Maquet, M. Gérard Menuel, M. Bruno Millienne, M. Bertrand Pancher, M. Alain Perea, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, M. Jean-Marie Sermier, Mme Frédérique Tuffnell, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, Mme Pascale Boyer, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Demilly, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Christian Jacob, M. David Lorion, Mme Sandra Marsaud, M. Jean-Luc Poudroux, Mme Laurianne Rossi, Mme Nathalie Sarles, M. Gabriel Serville, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Pierre Vigier