Pas encore. Nos travaux avec le Comité des finances locales (CFL), les associations d'élus et, bien entendu, le Parlement contribueront à donner le rythme de la réforme. J'ai redit au président Baroin et au président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), Jean-Luc Rigaut, notamment, qu'il était impensable de ne pas définir avec eux une méthodologie qui permette d'aboutir à une réforme co-construite. Ce sera l'objet – je vous livre ici une information qui n'a pas encore été donnée publiquement – d'une Conférence nationale des territoires en décembre. Parallèlement, j'informerai le Parlement, pour associer à la réflexion ses deux commissions des finances et, plus largement, celles et ceux que vos groupes délégueront pour travailler sur ce sujet.
Quant à la réforme de la DGF, elle suppose, vous le savez bien, l'utilisation d'un autre véhicule législatif, en l'espèce le PLF pour 2020. Mais, si la réforme de la fiscalité locale est, je le répète, voulue par l'exécutif, la réflexion sur la DGF est plutôt une demande formulée par les associations d'élus lors des récents congrès. De fait, beaucoup d'élus sont groggy, en raison des variations liées au périmètre de l'intercommunalité et aux délais de la réforme de la dotation d'intercommunalité. Mais, dès lors qu'ils constateront, l'an prochain, une plus grande stabilité dans les notifications individuelles de DGF – stabilisation liée à celle du schéma d'intercommunalité –, peut-être – je suis prudent – les associations d'élus seront-elles moins demandeuses d'une réforme de cette dotation. Encore une fois, la réforme de la fiscalité locale est voulue par l'exécutif ; elle est liée à la suppression de la taxe d'habitation et à la question des ressources des conseils départementaux. Hormis la réforme de la dotation d'intercommunalité, que je vous ai proposé d'adopter dès cette année, le reste sera traité dans le cadre de la CNT, en fonction des demandes des associations d'élus. Quant à l'argent frais qui pourrait être alloué à la DGF, je ne décide pas seul ; cela dépendra de ce qui est fait.
J'en reviens à la dotation d'intercommunalité. S'agissant du niveau d'intégration des compétences, on voit bien que l'on passe d'une intercommunalité associative à une intercommunalité intégrative, fédérative, où les compétences sont de plus en plus croisées et intégrées. J'ai fait le choix, en récupérant ce dossier à la veille de la discussion budgétaire, d'insister sur la stabilité. Je souhaite en effet que la maquette des notifications des dotations aux EPCI soit la plus stable possible pour l'année prochaine. Je me suis, du reste, montré ouvert en séance publique, en indiquant que tout cela faisait l'objet d'une négociation et d'un débat, notamment avec l'AdCF. Mais il s'agit de favoriser une intégration plus forte : il ne faudrait pas que l'on s'arrête au milieu du gué. Je suis donc assez ouvert sur ce sujet, mais nous devrons assumer, tous ensemble, sur le terrain. Vous savez comme moi que, lors du congrès des maires, il a été beaucoup question d'intercommunalité. Cela soulève la question plus globale de la réflexion que l'on doit mener sur son avenir. Il va falloir, me semble-t-il, faire oeuvre de pédagogie en la matière car beaucoup d'intercommunalités ne fonctionnent pas correctement, et nous devons en tenir compte.
Monsieur Pupponi, je suis d'accord avec vous : s'agissant des crédits d'investissements locaux – DETR, DSIL et DPV –, il faut faire beaucoup mieux en matière de transparence. Pour tout vous dire, j'ai même eu, depuis notre discussion en séance publique, un échange avec le préfet de votre département à ce sujet. Comme je vous le disais en introduction, nous avons deux impératifs, qui sont liés à notre souci de faire oeuvre de pédagogie quant à l'utilisation de l'argent du contribuable. En aval, nous devons élaborer – et j'ai donné des instructions en ce sens aux services – un véritable portail qui permette à tout citoyen de savoir, de la manière la plus simple et la plus pédagogique qui soit, ce qui a été fait de ces 2 milliards d'euros dans n'importe quel département de France. Je rêve que ces données soient accessibles à tous. Cela éviterait, du reste, bien des bisbilles, car je n'ignore pas que les maires comparent leurs dotations respectives. Pour éviter parfois de mauvaises interprétations, mieux vaut donner simplement l'information, une fois que la décision a été prise. Un compte rendu annuel de l'utilisation de ces 2 milliards d'euros serait intéressant.
Se posent ensuite, en amont, la question des critères, des priorités, et celle de savoir comment appeler l'attention de l'autorité décisionnaire sur un dossier intéressant. Cette question – je vous parle sans langue de bois – sera examinée dans le cadre du groupe de travail que nous allons créer, et auquel je vous invite tous à participer, sur l'investissement local. Mes prédécesseurs ont fait le choix d'une très forte déconcentration de ces crédits. Ainsi, pour être clair, monsieur Pupponi, si je veux connaître la répartition de la DPV dans votre département, je dois la demander, alors qu'il y a quelques années le préfet devait envoyer ses propositions au ministre pour décision. Cette procédure suscitait, du reste, d'autres critiques : on pouvait notamment lui reprocher de politiser les choses. Sur la question de la méthodologie, je suis très ouvert. Une fois de plus, je suis pragmatique.
En tout état de cause, il s'agit d'une véritable question, car il faut tout de même tenir compte des grandes priorités nationales. Je l'ai dit à demi-mot – je ne donnerai pas d'exemple – mais, dans certains départements, les projets de transition écologique, par exemple, ont été largement délaissés dans le cadre de l'utilisation de la DSIL ou de la DETR, alors que, dans d'autres, ils ont été érigés au rang de priorité absolue. Il en va de même pour l'accessibilité des bâtiments publics aux personnes en situation de handicap. Il faut, me semble-t-il, faire montre de beaucoup de souplesse : la DETR doit être plutôt consacrée aux priorités locales, la DSIL aux priorités nationales et la DPV aux priorités partagées avec les maires des communes concernées. Nous devons conserver cet esprit global mais, pour ce qui est de la méthodologie, de la transparence dans la circulation de l'information, de la manière dont les préfets choisissent, il est clair que le dispositif doit être beaucoup plus associatif. Je suis ouvert sur les moyens d'y parvenir – je sais que les départements franciliens ne fonctionnent pas de la même manière que des départements très ruraux. Encore une fois, il ne s'agit pas de l'argent du Gouvernement, mais de l'argent de l'État et du contribuable national. En tant que président d'un conseil départemental, j'étais capable de faire d'une subvention de quelques milliers d'euros un événement majeur ; il est dommage que ces 2 milliards d'euros passent parfois un peu inaperçus. Les parlementaires, quel que soit leur vote sur le budget, pourraient être les ambassadeurs de ces crédits dans leurs territoires.
Monsieur le président Cazeneuve, nous avons reçu, avant-hier, les présidents Juppé, Moudenc et Estrosi et, pour des raisons évidentes, nous avons souhaité, avec Jacqueline Gourault, recevoir, le lendemain, les présidents des conseils départementaux de Haute-Garonne, de Gironde et des Alpes-Maritimes, afin de brosser un tableau complet de la situation dans chaque département.
Quelle est la commande du chef de l'État en la matière ? Premièrement, il convient de faire du sur-mesure dans chaque territoire. Il n'y a pas de modèle lyonnais : ce qui a été fait à Lyon n'a pas vocation à être reproduit partout ailleurs – l'instruction est très claire. Deuxièmement, la volonté locale doit s'exprimer fortement ; c'est la raison pour laquelle nous consultons l'ensemble des élus concernés. Troisièmement, la prévisibilité doit être documentée, qu'il s'agisse des questions financières de la métropole qui absorberait les compétences départementales ou du devenir du conseil départemental, que d'aucuns appellent résiduel – je n'aime pas beaucoup la formule. Cette documentation, réalisée avec les services de l'État, notamment les équipes de la direction générale des collectivités locales (DGCL), est en cours.
Par ailleurs, il faut définir un calendrier qui tienne compte des échéances électorales – mais c'est vous qui déciderez, puisque ces modifications sont d'ordre législatif. Dès lors que les prochaines élections départementales se dérouleront en mars 2021 et les prochaines municipales en mars 2020, on peut imaginer le calendrier suivant : le Premier ministre et le Président de la République prennent une décision à la fin de cette année, voire au début de l'année prochaine ; un projet de loi est rédigé, soumis pour avis au Conseil d'État et présenté en Conseil des ministres au cours du premier semestre de l'année 2019, puis discuté au Parlement avant l'automne 2019. Pour l'instant, Jacqueline Gourault et moi allons poursuivre les consultations : après les présidents des métropoles et les présidents des conseils départementaux, nous allons maintenant recevoir les parlementaires concernés.