Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 8h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • DGF
  • EPCI
  • dotation
  • ingénierie
  • intercommunalité

La réunion

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La réunion débute à 8 heures 40

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président,

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Nous avons le plaisir de recevoir M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a deux fonctions : il s'agit en premier lieu de développer le dialogue avec tous les élus et associations d'élus. Dès votre arrivée, vous avez aussi impulsé un nouvel élan dans cette relation avec les élus. Notre deuxième fonction consiste à nous saisir des projets ou propositions de loi et, plus largement, de tous les sujets qui touchent directement ou indirectement les collectivités territoriales.

Nos travaux concernent actuellement les investissements locaux, la définition et l'optimisation du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) – nos deux collègues, Anne Blanc et Véronique Louwagie, ont présenté leurs conclusions hier –, l'équilibre entre les métropoles et les territoires qui les entourent, la différenciation territoriale – thématique qui sera à nouveau évoquée en janvier prochain dans le cadre de l'examen du projet de loi constitutionnelle –, ainsi que la réforme des finances locales, annoncée pour 2019. Au regard de l'étendue de nos travaux, nous sommes particulièrement heureux de pouvoir dialoguer avec vous.

Je tenais également à vous remercier car, dès votre nomination, vous avez souhaité être reçu rapidement par la délégation. Je suis confiant sur la qualité de nos échanges et vous laisse la parole pour un propos liminaire, avant de passer aux questions des députés.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'accueillir pour cette réunion de travail, quelques jours après l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

Que souhaitons-nous – je l'espère collectivement – pour les collectivités territoriales dans les semaines et les mois à venir ? Je reprendrai les quatre thèmes déjà développés lors de nos débats budgétaires, mais également lors du congrès de l'Association des maires de France (AMF) et de celui de l'Assemblée des départements de France (ADF), et ce alors que cette période de congrès s'est terminée par la prise de parole du Président de la République face aux élus.

En premier lieu, tant dans l'hémicycle que chez nos collègues élus, on plaide très fortement pour la stabilité. Tant mieux, car c'est également l'objectif du Gouvernement ! Dans le domaine financier, dans le cadre contraint que vous connaissez, nous ne souhaitons pas diminuer l'enveloppe globale des concours financiers de l'État pour les collectivités territoriales. Elle sera stabilisée autour de 27 milliards d'euros.

Nous souhaitons également la stabilité de l'investissement local, et donc de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Je l'ai dit lors du Congrès des maires après l'avoir évoqué dans l'hémicycle, je souhaite que nous réfléchissions ensemble à la problématique de l'investissement public local. Au niveau macroéconomique, les chiffres sont bons et traduisent des dynamiques vertueuses, mais dans chaque région ou département, la doctrine d'emploi, les thèmes ou priorités envisagés, le ressenti des professionnels – Fédération nationale des travaux publics (FNTP) ou Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) – sont extrêmement variables. En conséquence, ce sujet mériterait d'être traité de manière plus « territorialisée ».

L'investissement public local représente 2 milliards d'euros ; c'est beaucoup d'argent public. C'est d'ailleurs l'argent du contribuable et non celui du Gouvernement. Pourtant, on peut le dire, il passe parfois un peu inaperçu… Les acronymes DSIL et DETR, populaires chez nos collègues élus locaux, sont méconnus de nos concitoyens. Les outils numériques nous permettraient de faire oeuvre de pédagogie et de transparence. Lors de nos débats, j'ai été frappé du nombre de questions, d'amendements et de prises de parole sur la façon dont les choix sont faits et sur le fonctionnement de ces dispositifs. Nous devons mieux rendre compte de l'utilisation de ces crédits !

La stabilité soulève également la question de la péréquation : la demande de stabilité formulée par certains élus locaux s'accompagne parfois d'une demande de moindre péréquation. Ce n'est pas ce que je souhaite – bien au contraire – mais il est intéressant de le souligner. Il faut savoir l'entendre et réexpliquer à l'ensemble des élus, comme je l'ai fait hier au Sénat, pourquoi cette péréquation et les dotations de solidarité urbaine (DSU) et rurale (DSR) ont été imaginées. Les enveloppes de la DSU et de la DSR sont désormais normées ; il faut maintenant redonner des perspectives à la dotation globale de fonctionnement (DGF) car les nombreuses modifications de périmètre des intercommunalités ont largement impacté les notifications individuelles, rendant la compréhension de la DGF particulièrement complexe pour nos collègues. En ce sens, l'amendement que vous avez porté avec Christophe Jerretie, Monsieur le président, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, permettra de mieux informer les élus locaux sur les causes de la variation de leur DGF. C'est potentiellement une petite révolution. Les services ont commencé à travailler, nous pourrons en reparler.

En outre, le Président de la République n'a pas dit qu'il souhaitait une réforme de la DGF, mais si les élus souhaitent transmettre des contributions et pour la faire évoluer, bien entendu, nous serons ouverts. D'ailleurs, le rapport de Mme Pires Beaune proposait quelques pistes de travail.

Le deuxième axe, c'est la liberté institutionnelle. Nos collègues élus locaux veulent retrouver cette liberté, et un peu de souplesse, sans que nous leur proposions un « grand soir des compétences » ou réécrivions la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). C'était l'esprit de la réforme des rythmes scolaires proposée par Jean-Michel Blanquer. C'est également l'état d'esprit du Sénat, avec la proposition de loi de Mme Gatel, tendant à renforcer l'évaluation préalable du retrait ou de l'adhésion des communes à des établissements intercommunaux ou à des syndicats mixtes ou de communes, qui sera examinée au Sénat en décembre, puis à l'Assemblée. Cette proposition de loi vise à assouplir le fonctionnement des communes nouvelles. Je rappelle que 1,9 million de nos concitoyens y vivent désormais. Cette nouvelle forme de démocratie locale, issue de la fusion ou du rapprochement de communes, est donc importante.

Il faut également traiter les « irritants » de la loi NOTRe, dont nous avons tous connaissance : frictions entre le bloc départemental et le bloc régional, différences de lecture des compétences et des transferts de charges à l'intercommunalité. Certains des compromis issus de la commission mixte paritaire (CMP) ont conduit à une rédaction de la loi qui peut donner lieu à interprétation – ce n'est pas une critique. L'interprétation, liée au contrôle de légalité ou aux contentieux parfois traités par le juge administratif, est désormais une réalité et, en fonction des tribunaux administratifs, les interprétations ne sont pas toujours les mêmes. Qu'est-ce qu'une zone d'activité économique ou une base de loisirs par exemple ? Les conseils départementaux doivent-ils sortir des sociétés d'économie mixte (SEM) et des sociétés publiques locales (SPL) ? La souplesse est intéressante.

Mais, bien entendu, beaucoup va aussi dépendre de la rédaction des circulaires que je vais adresser aux préfets. Le Président de la République l'a écrit dans le courrier envoyé aux maires de France, nous ne souhaitons pas une nouvelle grande loi sur le sujet, mais s'il faut passer par la loi pour clarifier certains points suite aux jurisprudences des tribunaux administratifs, des cours administratives d'appel ou du Conseil d'État, nous le ferons.

Enfin, même si je ne suis pas le ministre en charge de ces questions, je sais que nos collègues élus locaux réclament plus de souplesse et de liberté dans la gestion de la fonction publique territoriale (FPT). Je note d'ailleurs, sans que ce soit là encore une critique, que les associations nationales d'élus qui les représentent sont peut-être moins pressées de traiter ce sujet. Pourtant, je ne peux pas faire un déplacement ou un déjeuner républicain sans que l'on m'interpelle sur ce sujet. Cela m'intéressera de pouvoir le traiter avec Olivier Dussopt, Gérald Darmanin, Jacqueline Gourault et vous tous.

Troisième axe de travail : la prévisibilité. Je ne reviendrai pas sur l'information relative à la DGF. Nous l'avons fait pour la dotation d'intercommunalité et avons tout intérêt à développer la pédagogie collective des actions menées, qui contribuera à stabiliser le dispositif au mois de janvier prochain.

La réforme de la fiscalité locale n'est pas une mince affaire et doit être envisagée sous trois angles : d'un côté, la suppression de la taxe d'habitation s'accompagne du souhait des élus locaux de continuer à disposer d'un impôt territorialisé et d'une assiette territoriale de proximité pour lever l'impôt local ; de l'autre, nous ne souhaitons pas recréer un prélèvement obligatoire. En effet, nous ne supprimons pas la taxe d'habitation pour créer un autre impôt. Enfin, nous devons dynamiser les ressources des conseils départementaux, dont les dépenses sont elles mêmes dynamiques – on cite souvent le revenu de solidarité active (RSA), mais on pourrait aussi parler de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Les fonds de stabilisation ou d'urgence ne sont pas une solution pérenne ! Ne pourrait-on par exemple envisager d'affecter une fraction d'impôt national aux conseils départementaux afin qu'ils bouclent enfin leur budget ?

Lors d'une de nos nuits de débat, à la veille du congrès de l'ADF à Rennes, nous avons ouvert la possibilité pour l'association de proposer des critères de péréquation horizontale pour les conseils départementaux. C'est chose faite : un accord a été trouvé hier matin et nous a été proposé. Il donnera lieu à un amendement du Gouvernement, qui sera présenté dans l'hémicycle au Sénat dans le cadre du débat budgétaire sur la mission « RCT ».

Enfin, concernant la prévisibilité des projets, je souhaite travailler sur l'investissement local, mais aussi sur les différents pactes, qui nous permettront de faire de la différenciation en fonction des projets : il ne s'agira plus de décentralisation traditionnelle des compétences mais de décentralisation par projet – c'est le cas du pacte « Ardennes 2022 » négocié avec l'ensemble des élus et des parlementaires de ce département.

N'oublions pas non plus l'épineuse question de l'ingénierie. Réfléchir à l'investissement public local, c'est aussi évaluer tous les crédits perdus pour les collectivités locales lorsqu'un projet est en panne, la collectivité ne disposant pas de l'ingénierie nécessaire. À cet égard, des dispositions créant l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) ont été adoptées en première lecture au Sénat et vont être examinées par l'Assemblée nationale. La Banque des territoires a également un rôle à jouer. Ne déconnectons les questions budgétaires de ces questions d'ingénierie.

Quatrième et dernier axe : la méthode. La Conférence nationale des territoires (CNT), instance de dialogue resserrée, garantira l'opérationnalité du dispositif. Elle s'ouvrira aussi aux associations spécialisées d'élus, en fonction des ordres du jour. Ainsi, évoquer la différenciation ou l'adaptation du droit à la montagne ou au bord de mer sans l'Association nationale des élus du littoral ou les associations représentant les élus de la montagne nous semble compliqué.

En outre, nous allons davantage associer les associations d'élus à nos travaux collectifs. Ainsi, j'ai écrit à tous leurs présidents pour avoir leur avis écrit sur la proposition de loi de Mme Gatel, les évolutions étant sensibles pour les communes nouvelles. Nous vous les communiquerons, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président, car même si le Parlement est libre et souverain, il est de bonne pratique de collaborer avec les députés et les sénateurs ; cela permet d'avancer.

S'agissant de la méthode, un autre sujet est important : il s'agit des conditions d'exercice du mandat de l'élu local. Ce n'est pas un sujet neuf, mais des propositions ont été transmises au Gouvernement par le Sénat. Jacqueline Gourault consulte et travaille actuellement sur ce sujet, qui va des indemnités à la couverture sociale, en passant par la formation. Je vous l'ai dit dans l'hémicycle, cette dernière mérite d'être « rafraîchie » car une génération complète d'élus a accédé à des fonctions de maire ou de vice-président d'une communauté de communes et doit gérer des questions juridiques, financières et administratives sans avoir été formée ou préparée. Nous devons trouver des solutions.

Pour finir, vous avez évoqué les ZRR : ce sujet d'aménagement du territoire est directement suivi par Jacqueline Gourault ; le rapport remis hier à la ministre constitue un important travail.

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Beaucoup de précisions nous ont déjà été apportées. Avec Christine Pires Beaune, nous nous penchons actuellement sur l'investissement local. Beaucoup de nos collègues et, encore hier, l'Association des maires ruraux, nous alertent sur la lisibilité des dotations : tout d'abord, ils cherchent à comprendre les modifications et les variations de dotations ; en outre, ils souhaiteraient une notification plus rapide de ces dotations, afin de pouvoir établir leur budget dans de saines conditions. Actuellement, les budgets doivent être finalisés fin mars ou début avril, mais ils ne disposent des montants de leurs dotations que fin mai, voire début juin ! Ne pourrait-on parvenir à une méthode qui leur permettrait d'établir leur budget en disposant de toutes les données ? De la même façon, les notifications de DETR interviennent trop tard dans l'année, ce qui ne leur permet pas de réaliser les investissements prévus et entraîne des reports sur l'année suivante. Ils regrettent cette fuite en avant, qui ne leur permet pas d'investir au bon moment. Des améliorations sont-elles envisageables ?

Enfin, les notifications de DGF ont entraîné d'importantes déceptions : on avait expliqué aux élus que l'enveloppe globale n'était pas touchée mais, suite à la promulgation de la loi NOTRe, les nouvelles intercommunalités, parfois plus intégrées, pour certaines avec de nouveaux bourgs centres, ont entraîné une chute, parfois importante, des dotations de certaines collectivités. Il faut améliorer leur lisibilité et leur prévisibilité.

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Monsieur le ministre, vous avez évoqué la différenciation. En tant qu'élu alsacien, je suis sensible à cette question, d'autant que des évolutions institutionnelles importantes sont prévues dans ma région. Avez-vous connaissance de demandes d'autres territoires métropolitains souhaitant évoluer dans la même direction ? En effet, les découpages issus de la loi NOTRe sont hasardeux. Les territoires doivent être plus proches du vécu des citoyens. L'ancrage au sein de bassins d'emploi et de vie, mais également au plus près des réalités géographiques, constitue la force de la démocratie locale.

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Je pose la question de Bruno Millienne qui a dû quitter notre réunion. Je suis moi-même intervenu hier, lors des questions au Gouvernement, sur la fracture territoriale. Suite aux événements qui se déroulent actuellement sur notre territoire et aux revendications portées par les fameux « Gilets jaunes », le Président de la République a exprimé avant-hier son souhait de lancer une vaste consultation sur le territoire et d'y associer les collectivités locales. Comment va-t-elle se dérouler ? Il faut qu'elle soit lancée très rapidement et que les députés puissent y prendre pleinement part.

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Monsieur le président, je vous remercie d'avoir organisé cette audition. Je remercie également monsieur le ministre et ses services d'être venus et de leur présentation des différents chantiers qui nous attendent.

Quel est le calendrier de la réforme de la fiscalité et, plus largement, de celle des dotations aux collectivités ? Pensez-vous mener de front les deux réformes ? Cela me semble particulièrement ambitieux, voire périlleux – je parle d'expérience –, d'autant que la réforme de la dotation principale, la DGF, va faire des perdants et des gagnants. Pour avoir une chance d'aboutir, ne vaut-il pas mieux amener un peu d'argent frais ? Les réformes réussies de la DGF sont toujours celles où l'État a mis un peu d'argent dans l'enveloppe globale.

Sans tenir compte du cycle électoral, les dotations d'investissement étant en général de même volume que la DGF, une réforme de cette dernière qui interviendrait après les élections – ou en année creuse en termes d'investissements – permettrait peut-être d'amortir la réforme de la DGF en récupérant un peu d'argent sur les dotations d'investissement. Qu'en pensez-vous ?

S'agissant de la réforme de la dotation d'intercommunalité, l'article 79 du projet de loi de finances pour 2019 lance ce chantier. Bien sûr, il faut engager cette réforme, et pourquoi pas dès cette année. Vous voulez supprimer certains statuts d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; c'est une très bonne chose. Mais la catégorie qui gagnera le plus sera celle des communautés de communes à fiscalité additionnelle. Il en reste 190, sur 816 à fiscalité professionnelle unique. Pourquoi choisir ce type d'intercommunalités, alors qu'elles sont celles qui favorisent le moins l'intégration ? Je dois dire que je ne comprends pas…

De la même façon, en écho à l'actualité, aucune des vingt-deux métropoles ne sera perdante dans la réforme. Certaines – que je ne citerai pas – connaîtront même une hausse de 61 % de leur dotation d'intercommunalité en 2023. Dans ma circonscription, une communauté de communes industrielle va quant à elle perdre 22 % de sa dotation d'intercommunalité en 2023. Son coefficient d'intégration fiscale (CIF) est de 0,414, elle est donc très intégrée. Elle a un potentiel financier inférieur au potentiel financier de cette catégorie et un revenu par habitant de 13 403 euros… J'aurai du mal à lui expliquer qu'en 2023, elle va perdre 22 % de sa dotation, quand aucune métropole ne va en perdre et que quatre vont même en gagner 61 % ! Nous pouvons faire mieux, d'autant qu'il est aisé de tracer un parallèle avec ce qui se passe sur le terrain…

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Vous parlez de rétablir la confiance avec les élus. Je vous donnerai quelques exemples illustrant qu'il est compliqué d'obtenir la confiance lorsqu'il n'y a pas de transparence… Dans les départements, les élus, et en particulier les parlementaires, ne savent pas comment la préfecture redistribue la DSIL, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation politique de la ville (DPV). Il n'y a aucune transparence : les communes savent à peu près combien elles vont percevoir, mais on ne connaît ni l'enveloppe globale, ni sa répartition, ni les critères de répartition.

Ainsi, la DPV est calculée au niveau national, par département. On sait pourquoi tel département a tel montant, mais aucune explication n'est fournie sur la manière dont le préfet répartit cette DPV. J'ai demandé les simulations à plusieurs reprises : elles ne sont jamais arrivées… Le Gouvernement n'est-il pas capable de demander à une vingtaine de préfets comment sont réparties leurs DPV ?

Dans le cadre des réformes que vous proposez, comment ferez-vous pour que les élus locaux sachent exactement comment les dotations votées au Parlement sont attribuées, département par département, et, dans chaque département, commune par commune ?

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Vous n'avez pas parlé, monsieur le ministre, de la fusion potentielle entre métropoles et départements. C'est un bon exemple de ce que pourrait être, à terme, la différenciation. Quand de telles décisions sont prises, il est bien sûr préférable que l'ensemble des collectivités territoriales soient d'accord. En l'espèce, le département et la métropole le seront, mais si l'on recherche l'accord de toutes les collectivités, le processus peut durer très longtemps, d'autant que certains peuvent avoir intérêt à le ralentir pour des raisons politiques… Qui tranchera ? Quel sera le recours si les collectivités n'ont pas toutes le même objectif ?

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Monsieur Rebeyrotte, je souhaite que le groupe de travail que nous allons créer et votre délégation se penchent sur la question de la lisibilité des règles relatives à l'investissement local, soit pour les faire évoluer, soit pour en faire la pédagogie. En effet, que ce soit dans une assemblée de maires ou au Parlement, on ne cesse de m'interpeller sur la variation des enveloppes de la DETR d'un département à l'autre. Étant pragmatique – je m'efforce de ne pas oublier, dans le cadre de mes nouvelles fonctions ministérielles, que j'ai été maire et président de conseil départemental –, je considère que, si tout le monde me pose la même question, je dois y répondre. Même si c'est pour confirmer que l'on ne peut pas faire mieux, il faut s'en assurer.

Vous m'avez également interrogé sur la prévisibilité de la DGF. J'insisterai, à cet égard, sur le devoir d'information. Au maire dont la DGF varie de manière importante, il faut expliquer les raisons de cette variation : évolution de la démographie, d'un élément fiscal… L'élu concerné vit souvent mieux la situation si on lui explique pourquoi sa DGF baisse. On ne le dit pas assez – je constate parfois, sur le terrain, une grande démagogie qui me met un peu en colère –, mais les évolutions s'expliquent par l'application de critères qui, soyons honnêtes, n'ont pas été modifiés par la loi NOTRe. Les mêmes critères se sont appliqués à la nouvelle carte.

À ce propos – le sénateur Rémy Pointereau a déposé une proposition de loi qu'il faut, me semble-t-il, étudier avec attention –, on aurait dû insister davantage sur le devoir d'informer les élus. Je pense notamment aux élus des territoires les plus ruraux, qui n'ont pas forcément été avertis qu'un changement de périmètre de l'intercommunalité ferait varier leur DGF. Ce devoir d'information incombe autant aux représentants de l'État, notamment à la direction départementale des finances publiques, qu'aux grandes intercommunalités – je mets les pieds dans le plat – qui ont accueilli des communautés de communes moins importantes, lesquelles n'avaient pas forcément l'ingénierie financière nécessaire pour évaluer les conséquences d'une telle intégration. C'était le cas, par exemple, de la communauté de communes de Saint-André-de-l'Eure, dans mon département : elle n'avait pas les moyens humains de savoir ce qui attendait ses communes une fois qu'elles auraient intégré la communauté d'agglomération d'Évreux. Celle-ci, en revanche, aurait parfaitement pu les en informer. Un maire ou un adjoint au maire qui célèbre un mariage ne demande-t-il pas aux futurs époux s'ils ont conclu un contrat de mariage ? Qu'il s'agisse du rapprochement d'EPCI ou de la sortie ou de l'entrée de quelques communes, l'information sur l'impact financier d'une telle évolution doit être rendue obligatoire, afin qu'aucun conseiller municipal ne puisse dire qu'il ne savait pas.

Monsieur Schellenberger, il est clair qu'en matière de différenciation votre territoire est le plus en avance, pour des raisons qui tiennent à son histoire mais aussi à la mobilisation des élus locaux et des parlementaires ainsi qu'à l'investissement de Jacqueline Gourault. Existe-t-il d'autres modèles ? Oui. Je pense aux choix qui ont pu être faits dans le monde ultramarin, tant en matière institutionnelle qu'en matière de décentralisation et de déconcentration. En effet, dans certains territoires d'outre-mer, le préfet a davantage de pouvoir qu'un préfet en métropole, et c'est logique car plus on est loin de Paris, plus il faut être proche de la décision territoriale. Par ailleurs, un certain nombre de compétences sont exercées par les collectivités ultramarines, dans le domaine environnemental par exemple. Ce sont des sources d'inspiration intéressantes. D'autres territoires commencent à réfléchir, en vue de la réforme constitutionnelle, à la conclusion de pactes locaux autour de projets et de compétences. J'ai cité le département des Ardennes à dessein car, parmi les grandes problématiques auxquelles il est confronté, figurent les questions sanitaires et médicales, abordées en lien avec ses voisins belges.

Voilà des pistes qu'il faut explorer. Lorsqu'ils reprendront, les travaux parlementaires sur la réforme constitutionnelle permettront de donner un peu de chair et de corps à tout cela. Très rapidement, des demandes s'exprimeront ; j'ai cru comprendre que, du côté de la Bretagne, des projets se dessinaient.

Monsieur Baudu, les élus locaux seront, bien entendu, associés à toutes les initiatives du Gouvernement en matière de consultation territoriale. Du reste, si, lors de la présentation de sa stratégie pour la transition énergétique, le Président de la République a placé au premier rang les présidents Morin et Baroin et le représentant du président Bussereau, c'est bien pour souligner l'engagement des collectivités locales en la matière. La taxe carbone, on en pense ce que l'on ne veut, mais beaucoup d'élus locaux se sont mobilisés, depuis plus d'un an, pour en récupérer une partie – ce que l'on appelle la fraction du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – afin de financer notamment des projets de transition écologique. C'est une question qu'il faut mettre sur la table dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, car elle est intéressante et mérite d'être posée.

Madame Pires Beaune, nous avons déjà discuté de la dotation d'intercommunalité en séance publique. Depuis, mon cabinet vous a d'ailleurs fait parvenir, comme je m'y étais engagé, l'ensemble des prévisions réalisées en la matière. Je précise, à ce propos, que je tiens à ce qu'à l'avenir, en amont comme en aval, nous continuions à travailler ainsi, avec tous les groupes, en faisant circuler l'information, même s'il est vrai, comme le disait le député Carrez, que les simulations ne font pas toujours de bonnes politiques dans la mesure où elles peuvent conduire à renoncer à certaines décisions. En tout état de cause, il n'y a jamais trop de transparence.

Peut-on mener de front la réforme de la DGF et celle de la fiscalité locale ? La réforme de la fiscalité locale est voulue par l'exécutif. Selon son calendrier, un projet de loi de finances rectificative vous sera soumis au premier semestre de l'année prochaine, probablement en mai ou en juin 2019. Le texte serait présenté en conseil des ministres quelques semaines plus tôt. Nous avons donc du temps, même s'il est contraint.

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La date du conseil des ministres est-elle fixée ?

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Pas encore. Nos travaux avec le Comité des finances locales (CFL), les associations d'élus et, bien entendu, le Parlement contribueront à donner le rythme de la réforme. J'ai redit au président Baroin et au président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), Jean-Luc Rigaut, notamment, qu'il était impensable de ne pas définir avec eux une méthodologie qui permette d'aboutir à une réforme co-construite. Ce sera l'objet – je vous livre ici une information qui n'a pas encore été donnée publiquement – d'une Conférence nationale des territoires en décembre. Parallèlement, j'informerai le Parlement, pour associer à la réflexion ses deux commissions des finances et, plus largement, celles et ceux que vos groupes délégueront pour travailler sur ce sujet.

Quant à la réforme de la DGF, elle suppose, vous le savez bien, l'utilisation d'un autre véhicule législatif, en l'espèce le PLF pour 2020. Mais, si la réforme de la fiscalité locale est, je le répète, voulue par l'exécutif, la réflexion sur la DGF est plutôt une demande formulée par les associations d'élus lors des récents congrès. De fait, beaucoup d'élus sont groggy, en raison des variations liées au périmètre de l'intercommunalité et aux délais de la réforme de la dotation d'intercommunalité. Mais, dès lors qu'ils constateront, l'an prochain, une plus grande stabilité dans les notifications individuelles de DGF – stabilisation liée à celle du schéma d'intercommunalité –, peut-être – je suis prudent – les associations d'élus seront-elles moins demandeuses d'une réforme de cette dotation. Encore une fois, la réforme de la fiscalité locale est voulue par l'exécutif ; elle est liée à la suppression de la taxe d'habitation et à la question des ressources des conseils départementaux. Hormis la réforme de la dotation d'intercommunalité, que je vous ai proposé d'adopter dès cette année, le reste sera traité dans le cadre de la CNT, en fonction des demandes des associations d'élus. Quant à l'argent frais qui pourrait être alloué à la DGF, je ne décide pas seul ; cela dépendra de ce qui est fait.

J'en reviens à la dotation d'intercommunalité. S'agissant du niveau d'intégration des compétences, on voit bien que l'on passe d'une intercommunalité associative à une intercommunalité intégrative, fédérative, où les compétences sont de plus en plus croisées et intégrées. J'ai fait le choix, en récupérant ce dossier à la veille de la discussion budgétaire, d'insister sur la stabilité. Je souhaite en effet que la maquette des notifications des dotations aux EPCI soit la plus stable possible pour l'année prochaine. Je me suis, du reste, montré ouvert en séance publique, en indiquant que tout cela faisait l'objet d'une négociation et d'un débat, notamment avec l'AdCF. Mais il s'agit de favoriser une intégration plus forte : il ne faudrait pas que l'on s'arrête au milieu du gué. Je suis donc assez ouvert sur ce sujet, mais nous devrons assumer, tous ensemble, sur le terrain. Vous savez comme moi que, lors du congrès des maires, il a été beaucoup question d'intercommunalité. Cela soulève la question plus globale de la réflexion que l'on doit mener sur son avenir. Il va falloir, me semble-t-il, faire oeuvre de pédagogie en la matière car beaucoup d'intercommunalités ne fonctionnent pas correctement, et nous devons en tenir compte.

Monsieur Pupponi, je suis d'accord avec vous : s'agissant des crédits d'investissements locaux – DETR, DSIL et DPV –, il faut faire beaucoup mieux en matière de transparence. Pour tout vous dire, j'ai même eu, depuis notre discussion en séance publique, un échange avec le préfet de votre département à ce sujet. Comme je vous le disais en introduction, nous avons deux impératifs, qui sont liés à notre souci de faire oeuvre de pédagogie quant à l'utilisation de l'argent du contribuable. En aval, nous devons élaborer – et j'ai donné des instructions en ce sens aux services – un véritable portail qui permette à tout citoyen de savoir, de la manière la plus simple et la plus pédagogique qui soit, ce qui a été fait de ces 2 milliards d'euros dans n'importe quel département de France. Je rêve que ces données soient accessibles à tous. Cela éviterait, du reste, bien des bisbilles, car je n'ignore pas que les maires comparent leurs dotations respectives. Pour éviter parfois de mauvaises interprétations, mieux vaut donner simplement l'information, une fois que la décision a été prise. Un compte rendu annuel de l'utilisation de ces 2 milliards d'euros serait intéressant.

Se posent ensuite, en amont, la question des critères, des priorités, et celle de savoir comment appeler l'attention de l'autorité décisionnaire sur un dossier intéressant. Cette question – je vous parle sans langue de bois – sera examinée dans le cadre du groupe de travail que nous allons créer, et auquel je vous invite tous à participer, sur l'investissement local. Mes prédécesseurs ont fait le choix d'une très forte déconcentration de ces crédits. Ainsi, pour être clair, monsieur Pupponi, si je veux connaître la répartition de la DPV dans votre département, je dois la demander, alors qu'il y a quelques années le préfet devait envoyer ses propositions au ministre pour décision. Cette procédure suscitait, du reste, d'autres critiques : on pouvait notamment lui reprocher de politiser les choses. Sur la question de la méthodologie, je suis très ouvert. Une fois de plus, je suis pragmatique.

En tout état de cause, il s'agit d'une véritable question, car il faut tout de même tenir compte des grandes priorités nationales. Je l'ai dit à demi-mot – je ne donnerai pas d'exemple – mais, dans certains départements, les projets de transition écologique, par exemple, ont été largement délaissés dans le cadre de l'utilisation de la DSIL ou de la DETR, alors que, dans d'autres, ils ont été érigés au rang de priorité absolue. Il en va de même pour l'accessibilité des bâtiments publics aux personnes en situation de handicap. Il faut, me semble-t-il, faire montre de beaucoup de souplesse : la DETR doit être plutôt consacrée aux priorités locales, la DSIL aux priorités nationales et la DPV aux priorités partagées avec les maires des communes concernées. Nous devons conserver cet esprit global mais, pour ce qui est de la méthodologie, de la transparence dans la circulation de l'information, de la manière dont les préfets choisissent, il est clair que le dispositif doit être beaucoup plus associatif. Je suis ouvert sur les moyens d'y parvenir – je sais que les départements franciliens ne fonctionnent pas de la même manière que des départements très ruraux. Encore une fois, il ne s'agit pas de l'argent du Gouvernement, mais de l'argent de l'État et du contribuable national. En tant que président d'un conseil départemental, j'étais capable de faire d'une subvention de quelques milliers d'euros un événement majeur ; il est dommage que ces 2 milliards d'euros passent parfois un peu inaperçus. Les parlementaires, quel que soit leur vote sur le budget, pourraient être les ambassadeurs de ces crédits dans leurs territoires.

Monsieur le président Cazeneuve, nous avons reçu, avant-hier, les présidents Juppé, Moudenc et Estrosi et, pour des raisons évidentes, nous avons souhaité, avec Jacqueline Gourault, recevoir, le lendemain, les présidents des conseils départementaux de Haute-Garonne, de Gironde et des Alpes-Maritimes, afin de brosser un tableau complet de la situation dans chaque département.

Quelle est la commande du chef de l'État en la matière ? Premièrement, il convient de faire du sur-mesure dans chaque territoire. Il n'y a pas de modèle lyonnais : ce qui a été fait à Lyon n'a pas vocation à être reproduit partout ailleurs – l'instruction est très claire. Deuxièmement, la volonté locale doit s'exprimer fortement ; c'est la raison pour laquelle nous consultons l'ensemble des élus concernés. Troisièmement, la prévisibilité doit être documentée, qu'il s'agisse des questions financières de la métropole qui absorberait les compétences départementales ou du devenir du conseil départemental, que d'aucuns appellent résiduel – je n'aime pas beaucoup la formule. Cette documentation, réalisée avec les services de l'État, notamment les équipes de la direction générale des collectivités locales (DGCL), est en cours.

Par ailleurs, il faut définir un calendrier qui tienne compte des échéances électorales – mais c'est vous qui déciderez, puisque ces modifications sont d'ordre législatif. Dès lors que les prochaines élections départementales se dérouleront en mars 2021 et les prochaines municipales en mars 2020, on peut imaginer le calendrier suivant : le Premier ministre et le Président de la République prennent une décision à la fin de cette année, voire au début de l'année prochaine ; un projet de loi est rédigé, soumis pour avis au Conseil d'État et présenté en Conseil des ministres au cours du premier semestre de l'année 2019, puis discuté au Parlement avant l'automne 2019. Pour l'instant, Jacqueline Gourault et moi allons poursuivre les consultations : après les présidents des métropoles et les présidents des conseils départementaux, nous allons maintenant recevoir les parlementaires concernés.

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Monsieur le ministre, que deviendra le conseil départemental dans les territoires concernés par les projets de fusion métropole-département, a fortiori après la création de l'ANCT, puisque seront transférées à cette dernière nombre des missions qui relèvent actuellement des départements ? Dans cette hypothèse, ces derniers, certains d'entre eux en tout cas, n'auront plus beaucoup de raisons d'être.

Ma seconde question, plus technique, porte sur la représentativité des élus municipaux dans les EPCI. Lors du congrès des maires, on a beaucoup parlé, et on parlera encore beaucoup d'ici aux élections municipales, du « blues des maires ». Celui-ci s'explique, non seulement par les exigences de leurs concitoyens, mais aussi par le sentiment qu'ils ont, à tort ou à raison, d'avoir été dépossédés d'un certain nombre de missions, de compétences, trop vite transférées à l'intercommunalité. Les lois de 2010 et 2012 ont, certes, fixé des plafonds, mais elles ont également créé des rigidités. Il conviendrait de se pencher sur la représentativité des petites communes, qui ont le sentiment d'être écrasées au sein de l'intercommunalité et de ne pas pouvoir jouer leur rôle.

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En ce qui concerne la dotation d'intercommunalité, je répète ce que j'avais dit l'an dernier : actuellement, l'intégration fiscale n'est pas liée au statut. Ne faut-il pas supprimer deux ou trois des cinq statuts différents des EPCI ? Cette réduction se fera, de toute façon, naturellement, compte tenu des évolutions qui interviendront, d'ici à 2019 ou 2020, dans chaque intercommunalité. Par ailleurs, n'est-il pas envisageable de travailler, de façon très concrète, à l'application d'un principe de subsidiarité dans les relations entre la commune et l'EPCI, afin que chaque territoire puisse définir comme il l'entend, non pas les compétences, mais leur mode de fonctionnement ?

Sur l'aspect financier, nous devons absolument examiner, en même temps que la réforme fiscale, les exonérations ou les abattements. Leur réexamen serait peut-être complexe, car il aurait un impact sur telle ou telle politique mise en place il y a vingt ou trente ans, mais il est nécessaire dans le cadre d'une refonte de la fiscalité.

Ma troisième remarque porte sur la cohésion, ou l'aménagement, du territoire. On constate une multiplication des zonages et des contrats. Or, ces éléments sont davantage un facteur de divergence qu'un facteur de convergence. Une simplification me paraît donc nécessaire, et pour les élus et pour la population.

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Ma question porte sur l'application de la contractualisation au sein des métropoles d'importance moyenne. À la différence des autres communes, la ville centre est soumise à l'obligation de contenir l'augmentation de ses dépenses de fonctionnement dans la limite de 1,2 %. Aussi, ne faudrait-il pas, dans l'hypothèse où l'État envisagerait de transférer de nouvelles compétences aux communes, au bloc intercommunal et aux métropoles, exclure ces nouvelles compétences de l'enveloppe actuelle des dépenses de fonctionnement, de façon à laisser un peu d'oxygène à ces collectivités ?

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Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les petites communes n'avaient pas forcément l'ingénierie nécessaire pour étudier et anticiper les conséquences de leur intégration dans des EPCI. Lundi dernier, le président Cazeneuve, notre collègue Leclabart et moi-même étions dans le Gers, où l'on nous a demandé de faciliter, dans le cadre de la création de l'Agence nationale pour la cohésion des territoires, le mécénat de compétences, notamment entre la métropole voisine et des EPCI, sur des missions ou des projets particuliers, voire sur des coopérations entre EPCI. Êtes-vous favorable à ce type de facilités ?

Par ailleurs, comment faire en sorte que la future agence ne soit pas seulement une banque destinée à financer des infrastructures ? On sait que le Président de la République a défini une philosophie et un cadre, en indiquant que les territoires administratifs ne devaient pas délimiter les projets mais que les projets devaient délimiter des territoires, en privilégiant les bassins de vie plutôt que des frontières administratives anciennes. Comment faciliter l'accompagnement par cette agence de projets de pays ou de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) et, plus généralement, de syndicats mixtes ouverts ? Il s'agit de promouvoir des projets public-privé, à l'instar de ce que vous avez fait avec les contrats de transition écologique, plutôt que de permettre à chaque collectivité de financer son gymnase, son rond-point ou son théâtre.

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Monsieur le ministre, je souhaitais vous interroger sur la contractualisation, mais M. Martin m'a devancée. Il est vrai que, pour les grandes villes et les métropoles, qui sont actuellement en plein débat d'orientation budgétaire (DOB), le sujet est important.

Ma question porte sur l'opérationnalité de la différenciation, notamment dans le cadre du travail avec les services de l'État, en particulier les services déconcentrés. En amont, comment faire en sorte que, dans la législation, ces collectivités territoriales à statut particulier ne soient pas noyées parmi les autres collectivités appartenant à la même strate ?

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Monsieur le ministre, j'aurais dû, tout à l'heure, vous remercier de nous avoir transmis les simulations que nous avions demandées. Je reconnais bien volontiers que, si l'on peut naturellement mieux faire, nous n'avons jamais bénéficié d'une aussi grande transparence qu'aujourd'hui, y compris sur les compensations d'exonérations, qui nous ont été transmises par M. Darmanin.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'assouplissement des accords locaux qui interviendra après les prochaines élections municipales ? Il conviendrait de ne pas oublier, dans le cadre de cette réflexion, la question de la place des femmes, notamment dans les intercommunalités. Je rappelle que neuf présidents d'EPCI sur dix sont des hommes…

Par ailleurs, compte tenu de la suppression de la taxe d'habitation et du niveau d'intégration actuel entre communes et EPCI, on ne peut pas en rester aux potentiels financiers actuels. Il faut que nous réfléchissions à cette question.

Enfin, ma collègue Marie-Noëlle Battistel m'a demandé de vous interroger sur les concessions hydrauliques qui vont arriver à échéance. Nous voulons maintenir la gestion publique de ce bien commun, car il y va – il est particulièrement important de le souligner dans le débat actuel – de notre souveraineté énergétique. Ces barrages produisent, certes, de l'électricité, mais ils permettent surtout de gérer cette ressource précieuse qu'est l'eau. Avez-vous une idée de ce qu'il va advenir de ces concessions ?

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Je voudrais tout d'abord m'associer à ce qu'a dit François Pupponi concernant la transparence et saluer votre volonté en la matière.

À l'occasion de la réunion, cette semaine, de la commission compétente de mon conseil départemental, j'ai été très surpris d'apprendre que la circulaire interministérielle relative à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) n'avait pas encore été publiée et qu'elle le serait, comme par enchantement, après que les commissions départementales se seront réunies. Aucune des orientations du Gouvernement n'a donc été transmise aux préfets qui continuent à suivre celles de l'année dernière.

Toujours concernant la transparence, le moment n'est-il pas venu de réfléchir à la composition des commissions départementales ? Je suis un peu étonné de la façon dont sont nommés certains de leurs membres.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Moi aussi !

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Les problèmes ne sont donc guère différents chez vous, dans l'Eure, et chez moi, dans la Somme. (Sourires.)

Enfin, le moment est aussi venu d'examiner la question de l'intercommunalité car le développement des communes nouvelles nous conduit à des situations cocasses. Quand on a fusionné des intercommunalités de moins de 15 000 habitants, on l'a fait de bloc à bloc. Aujourd'hui, certaines communes créent des communes nouvelles pour pouvoir sortir de ces intercommunalités. Quelquefois, les différences de potentiel fiscal sont telles que l'avenir des communautés de communes nouvelles est mis à mal.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Je reviendrai tout d'abord sur l'ingénierie départementale. Une mauvaise interprétation de la proposition de loi initiale relative à l'ANCT a pu laisser penser que l'agence allait emprunter l'ingénierie des conseils départementaux : il n'en est rien. La question m'a été posée de nombreuses fois au Sénat et je ne sais s'il s'agit d'une incompréhension ou si des personnes mal intentionnées racontent des inexactitudes sur le terrain. Je le redis donc : là où il y a une ingénierie départementale, elle sera préservée et conservée. Souvent, les départements se sont dotés de sociétés publiques locales (SPL) ou de sociétés d'économie mixte (SEM) pour proposer de l'ingénierie aux collectivités de rang inférieur et aux EPCI.

Si je veux régler la question des « irritants » de la loi NOTRe, c'est précisément pour éviter aux ingénieries départementales de disparaître. Dans certains départements, si elles disparaissaient, les projets intercommunaux n'atteindraient pas une masse critique suffisante pour que les intercommunalités puissent en financer l'ingénierie. Un amendement du Sénat a déjà permis de rehausser le seuil de population au-delà duquel il sera possible de bénéficier de l'ingénierie de l'agence : nous vérifierons à l'Assemblée nationale si le dispositif est bien rédigé. J'ai des convictions très fortes en ce domaine et suis assez fier d'avoir créé « Ingénierie 27 » dans l'Eure. Si la proposition de loi sur l'ANCT n'est pas rédigée comme il se doit, je m'engage à ce qu'on la regarde de près à l'Assemblée nationale.

Vous m'avez interrogé sur la représentation des élus municipaux dans les EPCI et sur les accords locaux. Mon expérience de terrain me fait dire que l'accord local permettait de créer les conditions du vivre-ensemble communautaire mais quand on instaure un système transitoire, il faut bien, à un moment donné, y mettre un terme. Il faut effectivement faire preuve de souplesse, madame Pires Beaune, mais pas rouvrir complètement le débat, sans quoi on ne s'en sortira pas. Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Mme Gatel sur les communes nouvelles, le Gouvernement s'engagera en faveur de mesures d'assouplissement pleines de bon sens. Comme vous le savez, le premier conseil municipal d'une commune nouvelle est constitué de la somme des conseils municipaux des communes ayant formé ladite commune nouvelle. Puis, lors de l'élection municipale suivante, la composition du conseil municipal de la commune nouvelle se normalise. C'est ainsi que dans l'Eure, on va passer de 220 à 35 conseillers municipaux. La proposition de loi de Mme Gatel prévoit donc la possibilité de faire un mandat de transition en plus si bien que, dans mon exemple, le nombre de conseillers municipaux passerait d'abord de 220 à 110 puis, la fois suivante, à 35. Dans ce débat qui n'est pas politico-politicien, il faut que nous, législateur et Gouvernement, montrions aux élus que nous sommes capables de pragmatisme et d'ouverture.

Toujours s'agissant des accords locaux, il faut trouver des solutions qui ne refassent pas le grand soir de la gouvernance de l'intercommunalité, car on se rapproche de la date des élections municipales. C'est d'ailleurs parfois le rafraîchissement électoral qui permet à la gouvernance de se stabiliser. Certaines intercommunalités fonctionnent mal non pour des raisons institutionnelles ou d'intégration fiscale mais pour des questions de personnes. A contrario, certaines intercommunalités ont été bizarrement découpées mais ne s'en sortent pas trop mal car elles forment une communauté humaine de destin. Il est très compliqué de régler des problèmes locaux par la loi car chaque cas est différent. Je suis prudent car sur mon territoire, je vois bien qu'en réglant des problèmes d'un côté, on en crée de l'autre.

M. Jerretie propose de supprimer certains statuts d'EPCI. Je laisse l'Assemblée nationale faire des propositions de loi sur le sujet. (Sourires.) Le problème, c'est que nous ne sommes pas nombreux à assumer nos prises de position au congrès de l'Association des maires de France et que M. Laignel oublie qu'il a été président de conseil général, député, député européen, ministre, et qu'il est toujours maire. Les associations d'élus expriment avec force un besoin de stabilité et en même temps, vous exprimez à juste titre un besoin de modernité. Il va donc bien falloir qu'on arrête des décisions claires. Je fais attention à ce que je dis car on nous reproche déjà beaucoup de ne pas avoir ménagé les élus depuis 2010 – notamment la génération d'élus régionaux et départementaux du « cru » 2014-2015 – en rendant l'intercommunalité obligatoire, en décidant du gel puis de la diminution des dotations, en votant la loi NOTRe puis en fusionnant les régions. On aime parler de stabilité et en même temps, on veut réformer. Il faut donc faire attention et assumer collectivement cette volonté de réforme.

Le principe de subsidiarité peut s'appliquer entre collectivités territoriales à condition qu'il y ait accord entre elles. On ne peut pas, d'un côté, parler de différenciation et, de l'autre, empêcher les collectivités locales de régler les choses entre elles, surtout lorsque la volonté locale s'exprime clairement. Il ne s'agit pas de redonner la compétence générale à tout le monde mais on peut permettre certaines choses. Le principe de subsidiarité peut s'entendre de deux manières. Tel qu'énoncé dans l'encyclique du pape Léon XIII Rerum novarum exposant la doctrine sociale de l'Église et repris dans les traités européens, ce principe prévoit que c'est toujours l'échelon de proximité qui prend la compétence, sauf lorsque cet échelon ne sait pas faire, auquel cas il abandonne cette compétence au profit de l'échelon du dessus.

Dans une acception plus contemporaine de la subsidiarité, tout le monde se met d'accord pour savoir qui est le mieux placé pour prendre une compétence sans forcément constater l'incapacité de tel ou tel à faire. Voilà pour le droit. Dans les faits, on pourrait peut-être appliquer ce principe dans le cadre de la différenciation mais en tout état de cause, on ne le fera pas tant qu'on n'aura pas réglé les irritants de la loi NOTRE. Je donne toujours le même exemple : la loi en vigueur interdit à André Viola, président du conseil départemental de l'Aude, de verser une aide d'urgence, après les récentes inondations et crues, à un boulanger de Trèbes en attendant que ce dernier soit indemnisé par son assureur, car cette subvention serait considérée comme une aide économique à une entreprise. Sans aller jusqu'à rétablir une clause de compétence générale, je proposerais volontiers qu'en cas de crise grave, le département, qui est chargé d'assurer la solidarité territoriale, puisse accorder de telles aides. La loi en vigueur pourrait peut-être le permettre mais elle n'est pas suffisamment claire pour qu'on puisse le faire partout. L'excellent Bruno Delsol, ancien préfet de Corrèze, est en train de regarder cela de près.

Pour ce qui est des exonérations, il faudrait plutôt interroger Bercy.

Vous dites que la multiplication des contrats ne va pas dans le sens de la simplification. Voilà encore un dilemme car on veut aussi avoir des outils pour faire du sur-mesure et pouvoir tenir compte des spécificités locales. La multiplication des contrats, c'est aussi la multiplication des outils. Lorsque j'étais secrétaire d'État auprès du ministre chargé de l'écologie, des technocrates ont essayé de me convaincre qu'il ne fallait pas faire de contrats de transition écologique à l'échelle des intercommunalités mais seulement décliner localement les contrats de plan État-régions (CPER), ce qui n'est pas le meilleur moyen de mener des politiques de proximité. Si on multiplie les outils, c'est pour répondre à un besoin de proximité. D'ailleurs, tous les conseils régionaux et départementaux et les EPCI concluent des contrats de développement avec les collectivités de rang inférieur. Si tout le monde recourt au contrat, c'est bien que l'outil répond à une aspiration à la souplesse, au sur-mesure et à la hiérarchisation des projets locaux. À défaut de pouvoir simplifier les choses, il faut les rendre lisibles.

Monsieur Martin, ce sont évidemment les collectivités et les EPCI les plus importants – les fameuses 322 – qui seront concernés par la contractualisation à 1,2 %. J'entends certains dire qu'on demande aux collectivités locales de faire 13 milliards d'euros d'économies : soit ils n'ont pas bien compris, auquel cas nous allons réexpliquer longuement les choses jusqu'à ce qu'ils comprennent, soit ils ne veulent pas comprendre – ce qui est dommage pour qui a été ministre et a eu des responsabilités importantes. Je le redis : il ne s'agit pas de 13 milliards d'euros d'économies mais de 13 milliards d'euros de dépenses qu'on veut éviter. N'importe quel ménage français le comprend. Ce n'est pas une ponction : le Gouvernement demande aux collectivités de faire attention à leurs dépenses réelles de fonctionnement, sans quoi, comme l'aurait dit François Fillon, le mur de la dette française s'abattra sur la Nation tout entière. La contractualisation à 1,2 % est la bonne méthode, imaginée par Alain Lambert en son temps. Cet outil est le fruit de l'imagination d'élus locaux ayant réagi à la diminution autoritaire de la DGF et ayant trouvé bizarre qu'on loge à la même enseigne un village de 200 habitants et une ville de 120 000 habitants. L'idée est de demander davantage d'efforts à ceux qui sont déjà capables d'en faire, sachant que, dans ces 322 collectivités et EPCI, les dépenses publiques ont plutôt augmenté ces dernières années – pour de bonnes comme pour de mauvaises raisons. Il faut refaire de la pédagogie concernant les 1,2 % d'augmentation de dépenses de fonctionnement et ne rien lâcher sur le sujet, car je ne vois pas d'alternative. J'ai cru comprendre que désormais, tous les groupes parlementaires, à part peut-être le groupe La France insoumise, réclamaient une bonne gestion de l'argent public. Il faut donc être cohérent.

Cela étant dit, la contractualisation doit effectivement être synonyme de souplesse. Nous avons ainsi la possibilité de « retraiter » certains transferts de compétences nouvelles, notamment lorsque la situation est trop difficile pour les collectivités concernées. J'ai par exemple souhaité, avec Gérald Darmanin, que les dépenses départementales liées aux mineurs non accompagnées (MNA) soient retraitées dans le cadre de la contractualisation ou de l'arrêté. Nous avions dit que nous ferions preuve de souplesse et que nous serions capables de réévaluer les choses : c'est ce que nous faisons et cela se passe plutôt bien.

Monsieur Cesarini, le mécénat de compétences entre EPCI est l'avenir. Toute la question est de savoir comment les métropoles peuvent arriver à faire vivre leur hinterland et les territoires qui les entourent. Je l'ai dit au président Moudenc : on ne peut pas faire de métropole à Toulouse sans s'intéresser à ce qui se passe dans le Comminges. La page est tournée pour Lille, pour les mois qui viennent, mais comme l'a dit le Président de la République dans le cadre de son itinérance, si la métropole de Lille a fait beaucoup de bonnes choses, elle doit se préoccuper des Flandres, du bassin minier et de l'Avesnois. Le mécénat de compétences – dans les domaines de l'ingénierie et du transport, notamment – va dans le bon sens. La loi en vigueur offre déjà certaines possibilités mais ce n'est pas si facile que cela. Par conséquent, je suis prêt à avancer sur ce sujet avec vous et vos collègues, monsieur le président Cazeneuve. Jusqu'à présent, on imaginait la solidarité entre collectivités ou intercommunalités comme devant être assurée par la péréquation financière, mais une réflexion doit aussi menée sur la manière de mener des projets.

Pour en revenir à l'ANCT, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) apporte deux types d'offre aux territoires : une offre financière et une offre d'ingénierie. L'ANCT épouse le modèle de l'ANRU dans son offre d'ingénierie, mais elle ne sera pas dotée de crédits propres pour subventionner les collectivités. Je le dis car ceux qui nous reprochent de ne pas donner de moyens financiers à l'ANCT sont aussi ceux qui veulent une grande proximité dans l'attribution des crédits. L'ANRU est un outil absolument génial, que j'adore et dont ma commune a bénéficié, mais son principe est de mettre tout le monde autour de la table pour mener des opérations sortant de l'ordinaire, de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros – je l'ai vu encore dans le quartier de la Bourgogne à Tourcoing où j'étais vendredi dernier avec Julien Denormandie. L'ANCT servira, elle, à mener des projets de tous ordres, y compris des projets ordinaires. On a donc tout intérêt à recourir à des crédits ordinaires pour les financer sinon on perdra en souplesse. Le délégué territorial de l'ANCT sera le préfet : on ne peut pas faire plus proche du terrain. On opte à cet égard pour le même modèle que celui de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), dont les préfets sont aussi les délégués départementaux. Ce modèle fonctionne plutôt bien puisque j'ai rarement entendu des élus locaux s'en plaindre. En revanche, on entend parfois dire que l'ANRU est un peu éloignée du terrain – même si ce n'est pas vrai. Bref, il faut qu'on garde une certaine souplesse. Plus on rigidifie les choses dans la loi, moins son interprétation sera évidente pour les acteurs de terrain.

Comment la différenciation va-t-elle fonctionner pour les collectivités et les services de l'État ? En Alsace-Moselle, les services de l'État ont déjà l'habitude d'appliquer un droit local et y sont aguerris. Sur le reste du territoire, on ne pourra pas faire de la différenciation sans mener une réflexion importante sur la déconcentration. C'est pourquoi le Premier ministre fera des annonces au mois de décembre sur l'organisation des directions départementales interministérielles (DDI) et s'est engagé à la tribune de l'AMF à ne fermer aucune sous-préfecture. J'ai parlé d'outre-mer tout à l'heure : les préfectures d'outre-mer sont particulièrement armées – non pas tant en nombre d'agents qu'en termes de formation de ces agents – en la matière. L'exemple des préfectures du Bas-Rhin et du Haut-Rhin montre bien que, globalement, les préfets et leurs collaborateurs fonctionnent plutôt bien avec les élus locaux. Il faut donc s'en inspirer.

Madame Pires Beaune, vous avez raison de dire que le calcul des potentiels fiscaux et financiers fait partie de l'équation.

S'agissant des concessions hydroélectriques, les informations dont je dispose ne sont plus toutes fraîches, puisque je ne suis plus secrétaire d'État auprès du ministre chargé de la transition écologique depuis plus d'un mois. Cependant, je peux vous dire que les négociations continuent à Bruxelles et que la France tient une position ferme, car il y a pour nous des enjeux importants. Premièrement, nous sommes attachés à un modèle associant les collectivités territoriales, tel que le modèle des SEM. En Isère et en Corrèze, ce modèle est ancien, fonctionne bien et est reconnu. Deuxièmement, nous sommes attachés au maintien du principe d'unicité des vallées, pour des raisons liées à la sécurité. Avoir autant d'opérateurs que de barrages le long d'un fleuve ou d'une rivière n'est pas forcément évident pour la collectivité gestionnaire et l'est encore moins pour le préfet qui assure les fonctions régaliennes de l'État. Troisièmement, la mise en concurrence ne nous pose pas de problème – je l'ai toujours dit – à condition que tout le monde, y compris EDF, puisse se porter candidat. Parfois, la volonté d'exclure EDF de certaines mises en concurrence nous interpelle au Gouvernement. Telle est la position de la France : il faut qu'elle soit entendue à Bruxelles.

S'agissant de la DETR, monsieur Leclabart, les circulaires peuvent certes varier d'une année à l'autre, mais les préfets peuvent toujours s'appuyer sur la circulaire de l'année précédente. Si la circulaire sur les DETR arrive tard, c'est tout simplement que nous attendons que le projet de loi de finances soit voté. Ce me semble de meilleure politique que de demander à des représentants de l'État de commencer à dépenser des crédits non encore votés par le Parlement. Enfin, M. Rebeyrotte disait tout à l'heure que les notifications de DETR arrivaient un peu tard : il faut qu'on regarde les choses préfecture par préfecture car c'est une question d'organisation locale.

En conclusion, s'il faut tout décentraliser, tout déconcentrer et faire en sorte que Paris ne fasse plus rien, vos questions nous rappellent quand même que la confiance n'exclut pas le contrôle. S'il s'agit de rester girondin, il n'est pas inutile qu'un ministre, des députés et des sénateurs aillent vérifier ce qui se passe.

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Monsieur le ministre, il semble que vous n'ayez pas répondu à la question posée sur la place des femmes dans les conseils communautaires.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

La question de l'accès des femmes aux mandats locaux est évidemment fondamentale, mais elle doit être reliée à celle, plus large, des conditions d'exercice du mandat d'élu local. En la matière, c'est Jacqueline Gourault qui est à la manoeuvre.

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La délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes travaille sur ce sujet et des propositions ont aussi été faites par l'AMF.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Certains, parmi celles et ceux qui ont fait des propositions, étaient contre les binômes dans les conseils départementaux. Or, ces binômes fonctionnent bien dans les cantons.

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Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales

Je le sais. Je ne parlais pas de vous. Je voulais simplement souligner que si le binôme a beaucoup été critiqué dans les cantons, il fonctionne bien aujourd'hui et la parité est complète dans les conseils départementaux, sans qu'on ait eu besoin de passer par le scrutin de liste. Comme quoi, c'est possible.

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Je vous remercie beaucoup, monsieur le ministre, du temps que vous nous avez accordé et de vos réponses très étayées. Vous l'aurez compris, vous avez en face de vous des élus passionnés par les territoires. Nous saisissons avec plaisir la main que vous nous avez tendue en matière de transparence, d'investissements locaux, de réciprocité, etc.

La réunion s'est achevée à 10 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Anne Brugnera, M. Jean-René Cazeneuve, M. Jean-François Cesarini, Mme Stella Dupont, M. Christophe Jerretie, M. Didier Le Gac, M. Jean-Claude Leclabart, M. Didier Martin, M. Bruno Millienne, Mme Christine Pires Beaune, M. Rémy Rebeyrotte, M. Raphaël Schellenberger.

Excusés. – M. Thibault Bazin, M. Arnaud Viala

Assistaient également à la réunion. – M. Stéphane Baudu, M. Belkhir Belhaddad, M. François Pupponi, Mme Michèle de Vaucouleurs.