Intervention de Annaïg Le Meur

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnaïg Le Meur :

Je tiens tout d'abord à saluer le travail commun accompli ces derniers mois, notamment avec M. Nicolas Démoulin, après l'examen de la proposition de loi de notre collègue Pierre Cordier. Depuis le mois de juin, en effet, près de vingt auditions ont été conduites, en plus des réunions à Bercy. C'est aussi le fruit du travail de coconstruction mené à bien avec notre rapporteur, M. Christophe Naegelen.

Les appels à domicile intempestifs représentent une véritable intrusion dans la vie privée et familiale qui nourrit l'exaspération des Français. Je suis sûre que, parmi nous, chacun aurait une anecdote ou un exemple précis d'appel non désiré reçu tard le soir ou au cours des repas. Ces types d'appels peuvent même arriver plusieurs fois par jour, voire, dans les cas les plus graves, se muer en véritable harcèlement téléphonique.

Ces nuisances sont en partie dues à un double phénomène.

D'une part, nous avons des entreprises qui font de la prospection commerciale par téléphone ; c'est leur droit de chercher à vendre leurs produits, dès lors qu'elles respectent les règles en vigueur, et le droit de chacun de préserver son intimité. Le dispositif Bloctel, créé par la loi dite « Hamon » du 17 mars 2014, avait pour but d'encadrer ce type de démarchage. L'objectif était de permettre aux personnes qui ne souhaitent pas être démarchées de s'inscrire sur une liste d'opposition. Or, bon nombre d'entreprises ne sont toujours pas inscrites sur le registre Bloctel, et certaines obéissent à une déontologie pour le moins douteuse. Ce sont ces entreprises que la présente proposition de loi souhaite sanctionner.

D'autre part, un phénomène inquiétant n'a cessé de prendre de l'ampleur ces dernières années au point de représenter la majorité des appels indésirables : je veux parler des escroqueries et arnaques aux numéros surtaxés, perpétrées par des individus opérant bien souvent depuis l'étranger. Autrement appelés ping calls, ces appels décrochés-raccrochés incitent le destinataire à rappeler un numéro surtaxé possédé par l'éditeur frauduleux.

Ces appels intempestifs touchent l'ensemble des Français, mais nuisent surtout aux personnes les plus fragiles, celles qui méconnaissent l'usage des nouvelles technologies, des règles de la consommation ou qui ont parfois tout simplement du mal à refuser la proposition d'un démarcheur insistant. Ce sont ces publics que le groupe La République en Marche souhaite protéger.

La présente proposition de loi prévoit un élargissement suivant deux axes : l'encadrement des pratiques du démarchage téléphonique et la lutte contre les appels frauduleux aux numéros surtaxés. Je souscris à l'ambition de ce texte. Je sais que des collègues ici présents souhaitent introduire l'opt-in dans les relations commerciales, voire interdire purement et simplement le démarchage téléphonique. Ce n'est pas l'objet du texte de ce jour et cela ne semble pas opportun. Mieux vaut s'appuyer sur l'existant pour protéger le consommateur. Les dispositifs tels que Bloctel sont largement perfectibles ; il convient donc de renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas les obligations qui leur incombent.

Je suis également favorable à la création d'un audit de la délégation de service public attribuée à la société Opposetel, délégataire du service Bloctel.

Enfin, nous défendrons un amendement visant à étendre les sanctions aux professionnels qui ne filtrent pas les données téléphoniques de leurs fichiers en excluant les numéros des personnes inscrites sur Bloctel.

L'autre partie du texte vise à mieux lutter contre les arnaques aux numéros surtaxés organisées par des éditeurs frauduleux. Il s'agit de créer un cadre juridique solide afin que les opérateurs de téléphonie puissent suspendre les lignes téléphoniques dès lors qu'ils reçoivent des signalements de comportement frauduleux. Les sommes dues à l'éditeur de services à valeur ajoutée (SVA) frauduleux seront également reversées aux consommateurs. Nous soutiendrons ces dispositions qui doivent permettre de stopper l'arnaque dès lors qu'elle est connue.

Après en avoir discuté avec notre rapporteur, je reste très réservée sur certaines propositions qu'il souhaite introduire : ainsi la suppression des dérogations accordées aux instituts de sondage et aux éditeurs de journaux, ou la définition du lien contractuel entre une entreprise et la personne démarchée. Je propose que nous les retravaillions ensemble, comme nous l'avons fait depuis le début, en vue de la séance.

Pour le reste, le groupe La République en Marche soutient cette proposition de loi.

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