Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du mardi 4 décembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 53 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Madame la ministre, il faut tout se dire et abandonner les faux-semblants. Le débat de ce soir fait écho à celui sur le pouvoir d'achat. Lorsque nous soulignions l'existence d'un problème de pouvoir d'achat dans notre pays, votre majorité répondait, chiffres de l'INSEE à l'appui, qu'il n'en était rien. Il y a un problème de pouvoir d'achat dans notre pays – vous êtes obligés de le reconnaître aujourd'hui – tout comme il y a un problème de la justice.

La justice manque de moyens et la solution que vous avez trouvée pour y remédier est la réforme de la carte judiciaire, dont la conséquence est la création d'une justice à deux vitesses ; selon sa localisation sur le territoire national, un citoyen aura accès ou non au juge. C'est vrai pour les tribunaux d'instance, car la fusion avec les TGI signe leur mort programmée. La semaine dernière, vous m'avez expliqué que, étant député de l'opposition, j'énumérais des contre-vérités. Si les députés de l'opposition étaient les seuls à le faire, ce ne serait pas trop grave, mais les avocats et les magistrats que j'ai rencontrés dans ma circonscription ont très bien compris que votre réforme menait inéluctablement à la disparition des tribunaux d'instance.

Plus grave encore, du fait de la spécialisation des TGI, demain, dans un département comme le mien, le Pas-de-Calais, certains contentieux seront réservés à certains tribunaux. Il faudra donc faire une heure ou une heure et demie de route pour plaider son affaire et défendre ses intérêts alors qu'aujourd'hui chaque justiciable peut s'adresser à un tribunal d'instance près de chez lui.

C'est un sujet sérieux. Arrêtez les faux-semblants. Ne nous racontez pas que vous allez maintenir tous les tribunaux parce que c'est un artifice. Vous conservez des tribunaux d'instance transformés en chambres spécialisées que vous allez petit à petit vider de leur contenu. Vous maintenez les TGI mais leur spécialisation aura aussi pour effet de les vider petit à petit de leur substance. En apparence – et c'est très habile de votre part – , vous ne modifiez pas la carte judiciaire, mais, dans les faits, vous allez éloigner la justice de nos concitoyens. Prenons-en tous conscience.

Alors que les « gilets jaunes » occupent le devant de la scène, ne commettez pas la même erreur que sur le pouvoir d'achat. Ne mettez pas fin à la justice de proximité et inspirez-vous du chancelier d'Aguesseau qui vous a précédé, grand juriste et grand parlementaire, selon lequel « il faut traiter les affaires humainement ». Pour ce faire, il faut conserver une justice de proximité.

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