Vous savez à quel point la question de la présence territoriale des juridictions nous préoccupe. Cet après-midi, le Premier ministre a reconnu que trente ans de politique libérale avaient abouti aux mêmes conséquences dans les villes moyennes et dans les territoires abandonnés par la République.
Je veux citer l'exemple de ma circonscription. Ces politiques libérales se sont traduites par la disparition de l'Office national des forêts, du service de dragage de l'équipement, de recettes des finances, de services de la Banque de France, par la départementalisation de l'URSSAF ; par la concentration des services de la direction départementale de l'équipement, de services publics de remorquage, d'antennes de France Télécom ou des services des étrangers dans les sous-préfectures, bref, autant de sous-préfectures vidées de leur substance ; par la diminution des horaires des bureaux de poste ; par la fermeture d'antennes de douane, et j'en passe.
Chaque fois, lorsque ces réformes ont été menées, les services de l'État ont assuré aux élus qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que la réactivité et l'efficacité s'en trouveraient améliorées et que la proximité serait préservée. Chaque fois, les mêmes conséquences ont été observées.
Aujourd'hui, vous affirmez que les tribunaux de proximité seront maintenus, et j'ai envie de vous croire. Mais les études d'impact dont je dispose montrent qu'un tribunal de plein exercice comme celui de Dieppe, qui rassemble un TGI, un conseil des prud'hommes, un tribunal de commerce et un tribunal d'instance, représente 400 emplois directs et indirects. Si, demain, la spécialisation est appliquée, des cabinets d'avocats seront à coup sûr disloqués, des greffes seront délocalisés et des magistrats perdront leur ancrage territorial.
Nous attachons donc une grande importance à votre volonté non seulement de maintenir l'implantation des tribunaux mais aussi de préserver la plénitude de leurs compétences. Je viens de saisir le conseil de juridiction, instance que vous avez créée afin d'associer les élus et les membres de la communauté judiciaire aux réflexions sur le devenir des tribunaux. Le prochain conseil se réunit un mercredi – j'ai indiqué aux auteurs de la convocation que ce n'était pas un jour opportun pour les parlementaires. J'ai surtout demandé que soit inscrite à l'ordre du jour la question de la spécialisation afin que nous soyons consultés et que les tribunaux qui traitent des contentieux du quotidien, ceux qui ne font pas la une de l'actualité, puissent conserver l'ensemble de leurs compétences.