Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du lundi 3 décembre 2018 à 20h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vais compléter les propos de monsieur le ministre de l'Intérieur en rappelant que la stratégie mise en oeuvre par notre ministère respecte les principes généraux du maintien de l'ordre en France, qui consistent à la fois à permettre la libre expression des opinions et à préserver les vies humaines en cas de troubles.

Comme l'a dit monsieur le ministre, nous devons respecter un principe fondamental, celui de la liberté de s'exprimer, de manifester ses opinions, de se rassembler et de défiler. Cependant, cette liberté ne peut s'exercer que dans un cadre juridique bien défini, nécessitant que chaque manifestation fasse l'objet d'une déclaration adressée au préfet territorialement compétent, qui en accuse réception. Lorsque le rassemblement prévu est significatif, qu'il rassemble un grand nombre de personnes ou qu'il emprunte un itinéraire compliqué à gérer, les services de police prennent habituellement contact avec les organisateurs afin de déterminer le nombre de participants et les mesures d'encadrement à prendre en compte, qui consistent bien évidemment en des mesures de protection des personnes et des biens.

Le préfet est habilité à prendre des mesures limitant cette liberté de manifestation et pouvant aller jusqu'à l'interdiction en cas de risque insupportable de trouble à l'ordre public – une notion définie par la jurisprudence. Bien sûr, avant d'en arriver à l'interdiction, et c'est très fréquemment le cas à Paris, il y a toute une gradation de mesures, qui peuvent consister à définir un itinéraire spécifique convenu avec l'organisateur et des lieux à éviter – notamment certains quartiers. En l'occurrence, les gilets jaunes ont jeté leur dévolu sur des quartiers qui, traditionnellement, ne font jamais l'objet de déclarations de manifestation.

Comme vous le savez, tout est question de proportionnalité, et la situation est systématiquement appréciée au cas par cas pour trouver un équilibre entre l'exercice de la liberté de manifester et d'expression et le respect et la préservation de l'ordre public. C'est en vertu de ces principes de liberté et de gradation des mesures de maintien de l'ordre qu'il a été décidé de ne pas interdire la manifestation du 1er décembre, en dépit des incidents survenus le week-end précédent. Un périmètre contrôlé a donc été défini sur les Champs-Élysées, tenant compte donc des incidents survenus la semaine passée, tandis qu'un périmètre d'exclusion de manifestation a, lui, été maintenu dans le but de protéger les institutions de la République, à commencer par le palais de l'Élysée et l'Assemblée nationale.

Toutes les manifestations d'envergure nationale ou internationale, ainsi que celles qui présentent un risque particulièrement élevé de trouble à l'ordre public, font naturellement l'objet d'un suivi attentif. De ce point de vue, le ministre de l'Intérieur et moi-même faisons application des principes que tous nos prédécesseurs ont scrupuleusement observés, consistant à fixer un cap, à définir des priorités et à répartir les moyens en fonction de l'événement à encadrer. Il revient aux préfets, responsables de l'ordre public au sein des départements, d'assurer sur le terrain l'exécution de cette stratégie de maintien de l'ordre. Chaque préfet définit donc les dispositifs de sécurité et prend les décisions opérationnelles qui s'imposent, en s'appuyant sur les services de police et de gendarmerie.

Notre conception du maintien de l'ordre est simple : correspondant à la doctrine appliquée en France depuis des décennies, elle repose sur une exigence, limiter au maximum les contacts physiques et les violences que ceux-ci peuvent entraîner. Cela passe par un maintien à distance des manifestants afin d'éviter les affrontements et les atteintes corporelles. Naturellement, il y a intervention systématique des forces de l'ordre en cas de trouble à l'ordre public ou en cas de débordements. Le fait de se tenir à distance n'exclut pas une intervention rapide quand il y a des troubles et des incidents, comme on a pu le voir le 1er décembre. Cela passe par un ensemble de moyens et de techniques d'intervention proportionnés, destinés à repousser et à éloigner les fauteurs de trouble. Comme vous l'aurez compris, nous avons essentiellement deux préoccupations : premièrement, permettre aux manifestants pacifiques de s'exprimer librement et en toute sécurité ; deuxièmement, réduire au maximum le risque, pour les manifestants comme pour les membres des forces de l'ordre. C'est dans cet esprit que nous avons abordé les jours passés avec les autorités ici présentes, et c'est dans cet esprit que nous aborderons les prochaines journées.

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