Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 9h30
Encadrement du démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

J'en arrive au fond. Parfois, nos nouveaux collègues de La république en marche découvrent l'Amérique et le « nouveau monde »... Sans leur faire l'insulte politique de leur dire qu'ils font la « loi Hamon II », je veux leur rappeler que la protection des consommateurs a une histoire.

Dans les travaux sur la loi Hamon du 17 mars 2014, la question du fichier Bloctel avait été soulevée. Certains députés avaient alors mis en garde contre les risques économiques pour l'activité de vente par correspondance : un lobbying s'était donc bel et bien exprimé. Il ne faut pas ignorer l'impact économique des décisions que nous prenons, mais nous étions alors parvenus à la conclusion qu'il était essentiel de distinguer la bonne et la mauvaise économie. La bonne économie est régie par des règles au premier rang desquelles la loyauté qui interdit de harceler ou de manipuler le consommateur. Nous avions, ensemble, trouvé une juste mesure, qui s'avère insuffisante. Il faut savoir faire preuve d'humilité et reconnaître que nous n'avons fait qu'une partie du chemin.

Aujourd'hui, vous reprenez le fil pour répondre à l'exaspération de nos concitoyens. La réponse pleine d'autosatisfaction du Gouvernement à une question écrite que j'avais déposée en juin – je n'aurai pas la cruauté de vous la lire, mais, en résumé, tout va bien, on contrôle, on sanctionne – paraît un peu dépassée aujourd'hui, puisque nous sommes réunis pour renforcer les obligations et les sanctions de manière à combattre le phénomène du démarchage.

La proposition de loi dont je ne doute pas que nous allons l'adopter est le fruit d'une histoire. J'aime lorsque gauche et droite sont capables de s'entendre pour en écrire une nouvelle page.

Puisque mon temps de parole me le permet, j'élargis un peu le propos. Dans le cadre de la loi Hamon, j'avais mené avec l'aide de Crésus, du Secours catholique et d'autres associations, une réflexion sur l'évolution de la loi Lagarde qui protégeait le consommateur des excès du crédit revolving. Nous avions notamment adopté plusieurs dispositions sur la prescription des poursuites et sur l'information du consommateur – à partir de 3 000 euros, l'obligation de présenter une offre alternative de produits conventionnels – afin de limiter le recours au crédit revolving dont les effets sur l'endettement des ménages sont désastreux. Je me réjouis que la loi Lagarde et la loi Hamon aient ensemble permis de diminuer le surendettement des ménages – la Banque de France, Crésus, le Secours catholique, tous le reconnaissent. Le combat en faveur de la protection des consommateurs produit des résultats.

Madame la secrétaire d'État, nous sommes inquiets de la future transposition d'une directive européenne qui aurait pour effet d'annihiler les dispositions prises par les majorités successives pour protéger les consommateurs. Je souhaite que ce projet soit revu. Nous ne pouvons pas, ici, protéger les consommateurs contre le harcèlement téléphonique et, dans le même temps, les troubler, les manipuler, les appauvrir en adoptant des dispositions sur le crédit revolving qui ne profiteraient qu'aux deux principales banques qui en proposent, les mêmes qui sont les plus présentes dans les paradis fiscaux. Nous ne pouvons pas céder à de telles pressions et être les idiots utiles de l'Union européenne en appliquant des dispositions qui seraient contraires à l'intérêt des consommateurs. Nous avons réussi, par un travail intelligent et commun, à réduire l'endettement des ménages. Ne détruisons pas ce que nous avons construit et restons fidèles à l'esprit européen qui est de bâtir une économie éthique pour le XXIe siècle. Rendez-vous en début d'année prochaine pour refuser cette directive européenne ou pour la transposer en des termes intelligents et conformes au récit européen dont la boussole ne peut pas être la déloyauté mais les principes éthiques d'une bonne et saine économie.

Enfin, monsieur le rapporteur, je sais que vous avez été sensible au cri d'alarme que j'ai lancé : nous sommes à l'âge de pierre s'agissant d'internet. Dans ce domaine, il nous faut rechercher un niveau de civilité et d'anonymat que nous sommes loin d'atteindre. Il nous faut réglementer tout ce qui peut perturber le discernement des sujets libres d'un état de droit. Cette intelligence est aujourd'hui bafouée sur internet – le secrétaire d'État chargé du numérique en est convaincu. Le groupe parlementaire qui se saisira de cette question, quel qu'il soit, recueillera l'approbation de tous les autres. Nous devons ouvrir un débat sur la civilisation de l'internet et sur le respect du consommateur comme citoyen pour éviter toutes les manipulations, qu'elles soient d'ordre idéologique, culturel ou politique – nous en constatons la gravité dans la période actuelle ; en témoigne l'absence de filtres face à une parole qui se libère et qui s'affranchit en permanence des règles et des valeurs qui nous rassemblent, celles de la République. Nous devons aider les consommateurs à être libres et à exercer leur discernement afin d'accompagner la naissance d'une économie à la hauteur des enjeux du XXIe siècle.

En résumé, je propose d'adopter cette proposition de loi, d'être vigilant sur le crédit renouvelable et d'ouvrir dès maintenant une réflexion sur la démocratie numérique qui requiert des règles de civilité que nous sommes très loin de posséder aujourd'hui. Je vous remercie pour votre travail. Réjouissions-nous du moment et ne ratons pas les rendez-vous du futur.

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