En juin dernier, nous avons eu l'occasion de débattre d'un premier texte visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique. Nous avions alors salué cette initiative qui reprenait quelques-unes des propositions phares des associations de protection des consommateurs.
Dans sa rédaction initiale, ce texte prévoyait notamment la mise en oeuvre d'un système qui existe dans une dizaine de pays européens et qui a fait la preuve de son efficacité : il s'agit d'autoriser le démarchage téléphonique auprès des seuls consommateurs qui donnent expressément leur accord pour que leurs données personnelles puissent être utilisées à des fins commerciales. Cette mesure essentielle de protection des consommateurs a été censurée par la majorité au motif que le principe du consentement obligatoire préalable pourrait porter préjudice à la viabilité économique de certaines entreprises de démarchage.
C'est un argument que reprennent à leur compte les auteurs du texte que nous examinons aujourd'hui, mais qui, selon nous, n'est pas recevable. C'est celui qu'utilise le lobby des centres d'appel dont la plupart sont pourtant délocalisés à l'étranger. Si nous voulons protéger l'emploi en France, commençons par rapatrier l'emploi en France. Comme Jacques Mézard l'indiquait déjà en 2014 – il était alors sénateur – , « la plupart des centres d'appels fonctionnent depuis le Maroc, l'Inde ou ailleurs. Les 110 000 emplois en suspens constituent donc une fumisterie ! »
Quand on sait, par ailleurs, que les entreprises concernées sont généralement sans scrupule et adeptes de pratiques agressives qui sont souvent à la limite de la légalité, on ne peut être que surpris par une telle prise de position. Le business de quelques-uns importe plus à la majorité que la tranquillité de tous et le droit de chacun à ne pas être importuné à n'importe quelle heure à son domicile.
Nous continuons de penser que l'efficacité même de la lutte contre le démarchage intempestif exige de passer d'un régime de droit d'opposition à un régime de consentement préalable. Nous estimons donc que le volet de votre texte relatif au démarchage téléphonique reste très insuffisant.
Si les mesures que vous nous proposez manquent d'ambition, elles ne sont pas non plus inintéressantes. Une meilleure information des consommateurs quant à l'existence du service Bloctel, un audit de celui-ci pour en améliorer le service et remédier à ses dysfonctionnements, le renforcement des sanctions : toutes ces mesures vont bien évidemment dans le bon sens.
La principale innovation du texte réside probablement dans son article 6 qui vise à responsabiliser les opérateurs dans la lutte contre les appels frauduleux. Les appels frauduleux, la fraude aux numéros surtaxés et les appels générés par des robots étaient restés, en effet, hors du champ du texte précédent. Dès lors que 28 à 40 % des appels intempestifs faisant l'objet de signalements des consommateurs ne relèvent pas du démarchage mais de l'appel frauduleux, ces mesures sont tout à fait bienvenues.
Nous voterons donc sans hésitation en faveur de ce texte. Je termine en évoquant, comme je l'avais fait en juin, la situation des personnes vulnérables, qu'il s'agisse d'adolescents ou de personnes âgées, face aux pressions à l'achat et aux abus de faiblesse.
On estime aujourd'hui à plus de 40 000 le nombre de victimes d'abus de faiblesse chaque année en France, parmi lesquelles de très nombreux seniors et personnes seules qui représentent une cible privilégiée pour certaines sociétés commerciales faisant usage des techniques de vente parfois à la limite de la légalité.
Une enquête révélait en 2008 qu'une personne âgée sur trois s'estimait victime de maltraitance financière. Le phénomène du harcèlement commercial y participe, plongeant certaines d'entre elles dans des difficultés financières. Ventes forcées, escroqueries, détournement d'argent ou de biens figurent en tête du palmarès de ces abus. Notre droit n'est pas adapté pour combattre ce véritable business de l'abus de faiblesse. C'est pourquoi il serait utile que nous nous saisissions collectivement de cette question, en étudiant par exemple la possibilité d'un renversement de la charge de la preuve en matière d'abus de faiblesse ou d'état d'ignorance.