Intervention de Aude Luquet

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 9h30
Encadrement du démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Luquet :

Loin est le temps de celui qu'on appelait, au XIXe siècle, le commis voyageur, pérégrinant au rythme du porte-à-porte pour vendre ses produits. Arrivé dans les années 1980 en Europe, le démarchage téléphonique a profité pendant de nombreuses années d'un développement exponentiel. S'appuyant sur ces succès, les entreprises ont intégré ces méthodes et externalisé leurs centres d'appel. Elles sont allées jusqu'à les délocaliser, ce qui a permis un démarchage téléphonique en masse et à moindre coût, mais réalisé par des entreprises peu scrupuleuses situées à l'étranger. Il s'est ensuivi une évolution des architectures techniques, qui a rendu la prospection téléphonique de plus en plus intrusive. Compte tenu du nombre croissant d'entreprises pratiquant ce métier et en dépit des règles légales qui s'imposent en matière de respect de la vie privée des personnes sollicitées, les consommateurs perçoivent cette pratique comme un phénomène nuisible.

Après avoir voté en juin dernier la proposition de loi de nos collègues Les Républicains, les députés du groupe MODEM et apparentés accueillent avec intérêt la proposition de loi de nos collègues UDI visant à encadrer davantage le démarchage téléphonique et à renforcer la lutte contre les appels frauduleux. À travers ce texte, nous démontrons notre volonté d'agir sur un sujet qui appelle toute notre attention et qui préoccupe nombre de nos concitoyens. En effet, neuf Français sur dix se disent excédés par la répétition d'appels non désirés. Ceux-ci épuisent et irritent les personnes qui les subissent, notamment les plus fragiles, sujets à des pratiques trompeuses ou s'apparentant à du harcèlement téléphonique.

Cette proposition de loi part d'un constat simple, que nous partageons : si la législation permet aux consommateurs de disposer d'un droit d'opposition grâce au dispositif Bloctel mis en place en 2016, nombre d'entreprises peu scrupuleuses ne respectent pas le droit existant. Seules 700 entreprises ont souscrit à ce dispositif : c'est bien trop peu pour qu'il soit efficace.

De plus, parmi les 3 millions de personnes inscrites sur ce dispositif, un tiers a procédé à des réclamations en raison de la persistance des appels incessants en cause. Tout cela fait que Bloctel est, à ce jour, un échec, qui s'ajoute à ceux des tentatives précédentes, tout aussi décevantes – je pense à la liste rouge ou encore au dispositif Pacitel.

Plusieurs raisons peuvent expliquer les dérives du démarchage téléphonique et les échecs des dispositifs mis en place. La première est l'impossibilité d'effectuer des contrôles efficaces. Les entreprises échappent facilement aux contrôles grâce à de nombreuses parades, notamment l'usurpation de numéro, qui rend les appels impossibles à tracer, ou encore l'usage de technologies qui permettent d'afficher un faux numéro sur le téléphone de la personne appelée. Il appartenait donc au législateur de renforcer la protection des consommateurs face à ces multiples dérives.

Notre action doit impérativement reposer sur deux piliers : premièrement, renforcer les obligations des entreprises ; deuxièmement, durcir les sanctions auxquelles elles s'exposent. Car nous pouvons créer et empiler toutes les obligations que nous voulons, si les sanctions ne sont pas dissuasives, les résultats ne seront pas au rendez-vous, une fois de plus.

Le durcissement des sanctions est donc impératif. Je me félicite de l'adoption de nos amendements en commission, qui visent une harmonisation et une augmentation non négligeable des amendes pour les entreprises qui ne respecteraient pas les règles strictes du démarchage téléphonique. Ces amendes pourront désormais aller jusqu'à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale, contre 3 000 euros et 15 000 euros auparavant, montants qui étaient bien trop faibles pour dissuader efficacement les entreprises peu scrupuleuses.

Je me réjouis, au nom du groupe MODEM et apparentés, que la proposition de loi repose sur ces deux piliers. Je tiens par ailleurs à souligner la qualité et l'esprit constructif des débats et des échanges qui se sont tenus en commission. Ils nous ont permis de parvenir à un texte équilibré, qui permettra, nous le pensons, de lutter plus efficacement contre le démarchage téléphonique abusif et les appels frauduleux.

Je salue les avancées accomplies avec l'article 1er, qui obligera le démarcheur à indiquer, dès le début de son appel, la nature commerciale de celui-ci, à présenter son identité ou l'identité de la personne morale ou physique pour le compte de laquelle il effectue cet appel, ainsi que la possibilité pour le consommateur de s'inscrire gratuitement sur une liste d'opposition au démarchage téléphonique. Trop nombreuses sont encore les personnes qui ignorent l'existence du dispositif Bloctel.

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