Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du mardi 4 décembre 2018 à 17h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd, rapporteur :

Merci beaucoup, madame la secrétaire générale, pour cet exposé extrêmement riche et ces informations nouvelles, notamment sur ce que font nos voisins européens.

Vous êtes un peu la clé de voûte, la tour de contrôle de cette discussion qui occupe tous les ministères. C'est une sorte de pieuvre.

Le président Bourlanges vous a demandé où en était plus ou moins la rédaction des ordonnances et le délai dans lequel le Gouvernement comptait les prendre. Vous avez évoqué un délai de trois mois, mais pourquoi l'habilitation serait-elle, aux termes du projet de loi déposé, donnée pour une durée bien plus longue ?

Au fil des auditions, je constate que deux types de décisions doivent être prises. Tout d'abord, il faut décider d'une philosophie, de ce que l'on veut faire. Ensuite, il faut décider des modalités de mise en oeuvre des différentes mesures pour arriver aux fins visées. Cependant, la mise en oeuvre peut elle-même être l'occasion de changer la philosophie.

En cas de Brexit sans accord, c'est un défi considérable que l'administration doit relever. Si les moyens ne sont pas à la hauteur, ce sera comme si nous n'avions pas pris les décisions de principe ou comme si nous ne respections pas leur sens. Sommes-nous donc prêts à traiter les nombreux dossiers des citoyens français établis au Royaume-Uni et des ressortissants britanniques établis en France ? Sommes-nous prêts à effectuer, dans les ports, tous les contrôles sanitaires et phytosanitaires ?

Quant à la réciprocité, les associations regroupant des citoyens des deux côtés de la Manche, les élus, les conseillers consulaires ne semblent pas forcément retenir la même approche que le Gouvernement. Si, à l'avenir, le Royaume-Uni prend des mesures qui dégradent, dans une certaine mesure, le sort de nos concitoyens établis outre-Manche, notre gouvernement réagira-t-il en dégradant immédiatement la situation des ressortissants britanniques établis sur notre sol ? Pareil jeu de ping-pong conduirait à un affaiblissement des droits des citoyens des deux côtés de la Manche. J'imagine mal cette logique s'instaurer dans les relations bilatérales que nous entretenons avec des pays tiers. C'est simplement à l'aune de notre intérêt immédiat que le sort des ressortissants devrait être envisagé, ce qui peut justifier, dans certains cas, des règles de visa qui ne soient pas parfaitement symétriques. Et si le Royaume-Uni met en place une procédure très dérogatoire pour que les citoyens de l'Union européenne établis au Royaume-Uni puissent y résider de manière permanente, le principe de réciprocité ne nous contraindrait-il pas à instaurer une telle procédure en faveur des ressortissants britanniques établis en France ? Et, en l'absence de procédure particulière, c'est une charge considérable que certaines préfectures, pas forcément celles disposant des moyens les plus adaptés, devraient gérer. Cette procédure ne devrait-elle pas être centralisée au niveau national ? Pour l'instant, j'ai l'impression que ce n'est pas ce qu'envisage le Gouvernement.

Si ce projet de loi s'efforce de respecter toute la philosophie de l'accord de retrait et des décisions prises par la Commission, je remarque néanmoins que les institutions européennes ont unilatéralement décidé de privilégier le droit des fonctionnaires britanniques des institutions de l'Union européenne. Chacun des groupes de notre assemblée a émis de fortes réserves à cet égard, mais les conversations que j'ai pu avoir avec nos partenaires danois, suédois, allemands me laissent penser qu'ils semblent vouloir emprunter le chemin ouvert par la Commission. Pourquoi, selon vous, prendrions-nous un chemin différent ?

Hier, notre commission spéciale a auditionné le ministre de l'agriculture, notamment sur la préparation en matière de contrôles phytosanitaires et sanitaires. Avez-vous une idée de l'ampleur des contrôles auxquels il serait procédé en cas de no deal ? Visons-nous un nombre de camions contrôlés à la sortie du tunnel de la Manche à compter du 1er avril prochain ? S'il faut plusieurs vétérinaires et sept douaniers pour faire un point de contrôle tout au long du jour, combien de points de contrôles supplémentaires aurons-nous ? Et, à flux inchangé, quelle serait l'incidence des contrôles ?

L'absence de réflexion plus approfondie sur l'incidence budgétaire potentielle des différentes modalités de sortie du Royaume-Uni me surprend. Certes, le ministère des comptes publics évalue le coût des équivalents temps plein (ETP) et des douaniers supplémentaires, mais pourquoi le projet de budget qui nous a été soumis ne comporte-t-il aucun élément sur d'éventuelles baisses de recettes et sur le coût d'éventuelles mesures de soutien ? Les Irlandais, pour leur part, y ont réfléchi en envisageant plusieurs scénarios – hard Brexit, soft Brexit, moyen Brexit –, de même, évidemment, que les Britanniques. L'incidence budgétaire du Brexit fait-elle donc l'objet d'une réflexion plus approfondie ?

Par ailleurs, en cas de no deal, l'accord sur la contribution au budget de l'Union européenne tomberait à l'eau. Se poserait alors mécaniquement la question de notre propre prélèvement sur recettes, déjà voté par notre assemblée, qui se révélerait finalement insuffisant par rapport aux charges budgétaires des institutions européennes.

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