Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 9h05
Commission des affaires européennes

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Il y a effectivement des vitesses et des approches différentes. Si l'accord n'est pas possible à vingt-huit, – bientôt à vingt-sept –, on peut très bien mettre en place des coopérations renforcées. C'est d'ailleurs un facteur d'attraction : la coopération renforcée est un début, un mécanisme qui peut ensuite attirer d'autres États. Selon moi, elle constitue un outil extrêmement précieux.

Monsieur Pueyo, vous me dites que le registre judiciaire européen est une très bonne chose mais qu'il faudrait des moyens supplémentaires. Certainement, et le sujet a évidemment été évoqué lorsque j'ai réuni mes collègues ministres de la justice en présence du commissaire Julian King. Celui-ci a donc entendu la demande que nous formulions ensemble au bénéfice d'Eurojust. Lui-même a dit qu'il fallait effectivement des crédits supplémentaires. Nous en discuterons lors du Conseil JAI, car Eurojust présentera une contribution en ce sens. Les représentants des sept États qui étaient réunis le 5 novembre étaient favorables à cette augmentation, mais Julian King nous a renvoyés à la question plus générale du budget de l'Union européenne. Quoi qu'il en soit, nous avons parfaitement conscience de ces questions.

Monsieur le président Chassaigne, vous m'avez interrogée sur la preuve électronique et m'avez demandé si des sanctions étaient envisagées. Pas tant que cela. Aux termes du projet de règlement européen, les sanctions seront fixées par les États membres, mais sans harmonisation, car nous n'avons pas pu trouver un accord. Nous avons pensé qu'il fallait quand même faire adopter le texte parce qu'il représentait un premier pas important. Le CLOUD Act, quant à lui, ne prévoit pas de sanctions. C'est la raison pour laquelle nous poussons à la conclusion d'un accord global entre les États-Unis et l'Union européenne qui prévoie précisément de telles sanctions. En effet, avec des accords bilatéraux, les disparités seraient trop importantes ; nous ne maîtriserions pas les choses.

Vous m'avez interrogée également sur les intentions du Royaume-Uni. Comme je le disais à l'instant en réponse à Jean-Louis Bourlanges, les Britanniques veulent conclure un accord bilatéral avec les États-Unis – lesquels le souhaitent eux aussi fortement – mais, tant qu'ils seront membres de l'Union, ils ne pourront évidemment pas le faire.

Sur le Parquet européen, mais peut-être n'ai-je pas très bien compris votre question, il s'agit uniquement – vous l'avez dit, d'ailleurs – d'atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne. Le champ est par conséquent limité, ce qui explique, du reste, la difficulté à laquelle nous nous heurterons si nous voulons mener à bien une initiative en matière de terrorisme : il faut toujours pouvoir se raccrocher à un texte européen.

S'agissant de la protection des lanceurs d'alerte, vous aviez l'air de douter de notre engagement. Vous dites que la France freine. Or nous soutenons vraiment le principe de la législation européenne, laquelle a d'ailleurs été grandement inspirée par le dispositif français. Nous avons, comme de nombreux autres États membres, des réserves concernant certaines mesures, mais nous sommes pour l'essentiel favorables au texte. Pour être plus précise, nous aurions voulu que le texte soit étendu à la protection des travailleurs dans certaines situations, mais la base juridique du texte de la Commission, tout comme les consultations préalables qui avaient été conduites, n'auraient pas permis une adoption dans des délais satisfaisants, à savoir avant les élections européennes. Nous allons avancer, de sorte que le texte puisse être adopté avant cette échéance.

Quant à votre observation sur l'État de droit, elle rejoint ce que disait Mme la présidente Thillaye. En tant que professeure de droit et universitaire, je souhaiterais que nous avancions plus vite, notamment s'agissant de l'article 7 du traité sur l'Union européenne. Quand on a un regard purement intellectuel et qu'on exprime des attentes concernant l'Union européenne, on a envie que la réaffirmation des valeurs de l'État de droit soit effective. Mais, quand on est davantage dans l'action et dans les contacts diplomatiques, on comprend qu'il convient d'être prudent et qu'il faut parfois savoir évoluer.

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