Mes chers collègues, je veux remercier Mme Cécile Untermaier pour l'accompagnement qui a été le sien dans ma découverte de ce rôle de rapporteur d'une mission d'évaluation, en tant que « primo-député ». Nous avons très bien travaillé ensemble, et je la remercie pour ce qu'elle m'a appris.
Dans le cadre de notre mission, nous avons fait porter l'évaluation sur les autres mesures du texte, à savoir l'amélioration de l'accès des citoyens aux prestations via la révision des tarifs, la favorisation de nouvelles formes d'exercice des activités précitées et la facilitation et l'amélioration de la vie des entreprises.
Sur le premier point, à savoir la révision des tarifs, deux objectifs nous animaient : renforcer l'accès aux prestations juridiques, en complément du meilleur maillage territorial permis par la libre installation qui vient d'être évoquée, et rapprocher le prix des prestations de leur coût réel.
Au terme de notre évaluation, nous avons pu mesurer que les professionnels ont maintenu des niveaux de rentabilité élevés leur garantissant « une rémunération raisonnable », pour reprendre les termes de la loi. Les réductions de tarifs sont restées modérées – entre 2,5 % et 10 % – en raison des nombreuses autres mesures mises en oeuvre simultanément.
L'objectif de la réforme était également de rapprocher le prix des prestations de leurs coûts pertinents. Or, pour des raisons pratiques et juridiques, la remontée des données des études, nécessaire à l'évaluation de ces coûts, est d'une grande complexité, ce qui justifie que les premières révisions aient été faites de manière homothétique. La réforme de la justice, actuellement en discussion, prévoit le remplacement de l'évaluation des tarifs acte par acte par un objectif de taux de rentabilité, plus facile à évaluer.
Nous sommes inquiets, en revanche, concernant les niveaux des remises. Elles ont été initialement fixées à 10 % sur les transactions de plus de 150 000 euros et à 40 % pour les transactions supérieures à 10 millions d'euros. Elles ont surtout bénéficié aux grosses études urbaines sans permettre une véritable mise en concurrence par les prix qui aurait pu aider les nouveaux installés à constituer leur clientèle. Nous sommes favorables au projet du Gouvernement d'augmenter les possibilités de remises et de rétablir la négociabilité pour les très grosses transactions dans le cadre du projet de loi de programmation et de réforme de la justice, que j'évoquais à l'instant.
Enfin, le plafonnement des émoluments à 10 % de la valeur du bien visait à faciliter les mutations foncières de faible montant, portant par exemple sur de petites parcelles, pour lesquelles il arrivait que les émoluments soient équivalents au montant de la transaction. Les études rurales ont exprimé leur difficulté à effectuer ces actes, parfois complexes et peu rémunérateurs. Nous rappelons que ce dispositif devait être accompagné d'une péréquation dans le cadre du fonds interprofessionnel de l'accès au droit à la justice. Nous insistons pour que ce fonds soit enfin mis en oeuvre.
En second lieu, la « loi Macron » visait à favoriser de nouvelles formes d'exercice des professions. Elle permet aux professions juridiques réglementées de constituer désormais des entités dotées de la personnalité morale. Les analyses économiques présentées à la mission ont mis en évidence l'efficacité du dispositif. Nous avons aussi entendu la crainte des offices ruraux de voir se dégrader le maillage territorial, mais nous rappelons que la loi a élargi les possibilités, pour les sociétés, d'ouvrir des bureaux secondaires. Il faut les y encourager.
La grande nouveauté résidait dans la possibilité de créer des sociétés pluriprofessionnelles d'exercice, permettant la mutualisation des compétences et un meilleur partage de l'information au bénéfice de l'usager. Peu de sociétés ont été créées sous ces nouveaux statuts, mais de nombreux projets sont en préparation. Les professionnels rencontrés ont expliqué qu'ils s'inquiétaient de devoir concilier les exigences déontologiques et les conventions collectives applicables aux différentes professions. Nous regrettons en la matière la suppression de la possibilité de mener des négociations interprofessionnelles au sein des professions libérales, et nous jugeons souhaitable qu'elle soit rétablie.
L'avenir des professions réside dans un rapprochement et une meilleure coordination. Cela vaut également en matière déontologique. Nous avons, par exemple, été alertés, à de nombreuses reprises, de manquements en termes disciplinaires : absence de contrôle s'agissant de l'obligation d'instrumenter, multiplication des contestations liées à l'ajout d'expertises sur des prestations soumises à tarifs réglementées.
Au fur et à mesure des auditions, et en accord avec la plupart des professionnels rencontrés et avec la Chancellerie, il est apparu nécessaire de réfléchir à une alternative au contrôle par les pairs, qui ne nous semble plus remplir l'objectif de protection et d'amélioration du service rendu aux usagers. C'est la raison pour laquelle nous proposons un collège de déontologie des professions juridiques réglementées, rassemblant des personnalités qualifiées et des professionnels qui pourraient élaborer des règles communes de déontologie et exercer un rôle de médiation entre les usagers et les professionnels.
En troisième lieu, la « loi Macron » avait pour objectif de faciliter la vie des entreprises en mettant en place une série de mesures de simplification.
L'article 60 prévoyait ainsi la transmission gratuite à l'Institut national de la propriété industrielle des inscriptions, des actes et des pièces recueillis par les greffiers des tribunaux de commerce. Ces données doivent valoir original et être dans un format interopérable. De nombreux recours ont freiné la mise en oeuvre de cette transmission, qui n'est effective que depuis avril dernier.
Désormais, les données du registre du commerce et des sociétés sont accessibles et peuvent être réutilisées par les professionnels du droit pour aider les entreprises, et par des acteurs économiques en vue de produire de nouveaux services. Ce mouvement doit se poursuivre, car de nombreux actes, tels que les Kbis, restent payants. Si l'acte en soi doit être rémunéré aux greffiers des tribunaux de commerce, rien ne justifie en effet que l'accès à ces documents reste, lui, rémunérateur. Nous encourageons donc le Gouvernement à poursuivre dans la voie de l'ouverture en la matière.
Enfin, nous avons évalué les dispositifs visant à améliorer les procédures collectives complexes. Ils ont été créés dans une période de réduction du nombre de défaillances – moins 16 % entre août 2015, moment du vote de la loi, et juin 2018 –, et ont donc été peu utilisés, même si les professionnels en reconnaissent la pertinence.
Ainsi, la possibilité d'effectuer une cession forcée du capital lorsque des actionnaires refusent le plan de redressement n'a jamais été mise en oeuvre.
De même, la désignation obligatoire d'un deuxième administrateur judiciaire et d'un deuxième mandataire judiciaire pour les entreprises au-delà d'une certaine taille n'a pas eu d'effet tangible.
Enfin, la désignation de tribunaux de commerce spécialisés avait pour objectif une spécialisation du traitement des dossiers les plus complexes. Seules 57 affaires ont été traitées dans ce cadre, dont 19, soit un tiers, ont fait l'objet d'un transfert d'un tribunal de commerce vers un tribunal de commerce spécialisé. Les professionnels sont satisfaits de cette procédure, qui permet tout de même au tribunal saisi initialement de participer à la formation de jugement spécialisé.
Au terme de notre évaluation, nous constatons l'ampleur des changements apportés et comprenons les difficultés qui ont pu être rencontrées par l'administration dans son application. Nous saluons à nouveau son travail. De nombreux ajustements ont été effectués ou sont en préparation. Nous y apportons notre soutien et encourageons le Gouvernement à poursuivre dans la voie de l'ouverture des professions, de l'accès au droit et du maintien du maillage territorial.