Je suis très heureux de vous retrouver dans ces circonstances, madame la présidente, sachant l'amitié qui nous a liés au fil d'un long chemin politique jalonné de débats fertiles. Je me réjouis de la vision que vous nourrissez de faire de la politique étrangère un espace de débat majeur. Votre commission gagne en puissance. On a trop souvent tendance à croire que les problèmes intérieurs sont dominants ; ce n'est pas mon analyse. Si je devais résumer en une phrase ce que je retiens de trois années passées à Matignon, je dirais ceci : la France a les volets clos. Il faut se battre du matin au soir pour qu'il soit tenu compte des influences et des événements extérieurs.
Il est donc essentiel que le Parlement, et votre Assemblée, puissent aborder les questions difficiles dans une démarche intellectuelle ouverte. Sur les sujets que nous allons évoquer, je vous le dis en toute franchise : je n'ai pas de certitudes. Je fêterai bientôt mes cinquante ans de Chine – j'y suis allé pour la première fois en 1970 – et j'ai appris tout au long de ce demi-siècle à m'interroger sur la Chine, mais je ne saurais prétendre que je suis sûr de la comprendre. Je suis certes un observateur attentif, mais je reste très prudent sur les analyses que l'on peut formuler. C'est ensemble, en nous interrogeant, en débattant, en remettant certaines certitudes en cause que nous parviendrons à définir une approche utile. Je vois tant de raccourcis… Lorsque j'ai le sentiment d'avoir saisi une vérité sur un pays, je m'aperçois aussitôt que la vérité contraire existe – et pour cause : en Chine, la vérité est plurielle. Toute vérité, en effet, est conditionnée par son environnement, et nous bougeons avec elle.
Ces sujets sont passionnants. Ils possèdent des dimensions objectives mais aussi de nombreuses dimensions culturelles. Selon moi, l'essentiel est aujourd'hui que la Chine change de paradigme. Pendant très longtemps et jusqu'à l'ère du président Hu Jintao et de son premier ministre Wen Jiabao, la Chine poursuivait une stratégie « mine de rien », comme on dit en Poitou : avancer doucement, sans déranger, sans revendiquer. Cette stratégie avait un nom : l'émergence pacifique de la Chine. La Chine progressait sans parler de ses performances. D'ailleurs, les Chinois savent parfaitement parler du PIB global lorsqu'ils veulent paraître forts – il est alors le deuxième du monde – mais préférer le PIB par habitant – qui place la Chine dans la catégorie des pays émergents – lorsqu'ils veulent arborer une attitude « mine de rien ».
Cette logique consistant à ne prendre que peu de positions sur les événements extérieurs et, dans le même temps, à renforcer ses propres intérêts en jouant la carte de la stabilité et en soutenant le statu quo nécessaire à son développement, a pris fin avec l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Ce n'est d'ailleurs pas du seul fait de M. Xi : il est arrivé un moment où la Chine, devenue leader dans un si grand nombre de domaines, ne pouvait plus jouer la carte de l'innocence et de l'émergence pacifique sans se faire remarquer. Chacun s'est vite aperçu qu'elle était la première dans la production agricole, la fabrication d'aspirine, de raquettes de tennis, dans un grand nombre de technologies, même dans la fabrication de sex toys – bref, la première partout ! Il devenait impossible de se cacher. Les Jeux olympiques de 2008 ont donné lieu à une cérémonie d'ouverture extraordinaire, puis eut lieu l'Exposition universelle de Shanghai. Le monde entier a fini par constater que ce pays devenait dominant.
Ce changement s'est fait avec Xi Jinping : la stratégie de l'émergence a cédé la place à la stratégie du leadership. Autrefois, dans la longue tradition des Confucius, Lao Tseu et autres grands penseurs chinois, le chef n'agissait pas ; il n'était qu'un chef d'orchestre. Il n'était pas celui que l'on mettait en avant. Il n'était pas celui qui fait, mais celui qui fait faire. Lorsque l'on recevait une délégation chinoise, la personnalité la plus importante n'était pas forcément celle qui vous serrait la main en premier. Le chef pilotait le groupe en étant en son sein.
Aujourd'hui, au contraire, l'ère du leadership a commencé. La Chine est la deuxième puissance mondiale et sera bientôt la première ; c'est dans ce contexte que s'installe le leadership dans le pays, en faveur de sa stratégie nationale. Il est incarné par Xi Jinping qui endosse un rôle de leader mondial. Pour la première fois, le président chinois, lorsqu'il descend dans la rue à Paris, à San Francisco ou à Bangalore, est reconnu par les passants – alors que personne ne reconnaissait Hu Jintao ni Jiang Zemin. Le leader chinois est un leader mondial à l'image de ses pairs. Pour la première fois, le président chinois se rend en Arabie saoudite et en Iran au cours du même déplacement alors qu'auparavant, il se gardait de toute présence dans les conflits chauds pour préserver une position de réserve et de stabilité.
Certes, Xi Jinping imprime une puissante marque personnelle, mais il est l'homme qui correspond à une stratégie – celle qui consiste à jouer la carte d'un leadership fort, à devenir l'un des pays leaders et à assumer les responsabilités qui en découlent. En clair, le changement actuel dépasse la seule personne de Xi Jinping.
Deuxième point important : les Chinois ont selon moi un avantage sur tous les autres peuples car ils sont prévisibles. Ils écrivent ce qu'ils entendent faire. Ce qui est fait aujourd'hui figure noir sur blanc dans les textes du Parti communiste – j'ai des textes sur les nouvelles routes de la soie qui datent d'une quinzaine d'années avant même le lancement du projet. La question a été discutée – le Parti communiste est fort de 90 millions de membres ! – et les écrits qui résultent de toutes ces réflexions fournissent une vision globale de ce qui est engagé. La stratégie de la Chine est à l'image de celle d'une entreprise : très claire. Elle a été débattue et elle est installée. Le sens en est clair puisqu'en outre, tous les termes utilisés sont traduits en français ou en anglais par les Chinois eux-mêmes.
Cette stratégie consiste d'abord en un chapiteau central sur lequel figure le slogan suivant : la communauté de destin de l'humanité. Voilà l'objectif. Que signifie-t-il ? Que la Chine sort de sa responsabilité purement asiatique pour jouer tout son rôle international, à l'échelle de l'humanité. Il s'agit certes d'un slogan destiné à la communication, mais il recouvre pour nous plusieurs points importants : la Chine décide désormais de s'engager sur certains sujets. C'est ainsi qu'elle s'est engagée sur le climat, car la planète, notre maison commune, concerne la communauté de destin de l'humanité. Alors qu'elle avait combattu l'accord de Kyoto, la Chine s'est donc engagée en faveur de la COP21. C'est un aspect positif de ce nouvel objectif.
Autre aspect positif, qui correspond à la politique française : le multilatéralisme. La Chine veut pouvoir parler avec tout le monde, réinventer le multilatéralisme, combattre l'unilatéralisme de Trump comme celui de Poutine, d'Erdoğan, de Rohani et des quelques grandes puissances qui ont tendance à considérer les relations internationales comme une somme d'unilatéralismes. En clair, sous ce grand chapiteau de la communauté de destin, la Chine sort de ses frontières pour jouer son rôle – ce pour quoi elle défend l'ONU. Lorsque les États-Unis menacent de sortir de l'ONU, la Chine, au contraire, augmente ses contributions à cette Organisation et à ses opérations de maintien de la paix. Lorsque les États-Unis se retirent de l'UNESCO, la Chine exige que le numéro deux de Mme Azoulay soit chinois et défend l'Organisation. Autrement dit, elle joue la carte du multilatéralisme, de la communauté de destin. Voilà la bannière centrale.
Une fois la stratégie posée, il faut passer à la mise en oeuvre – c'est le deuxième étage de la fusée : la route de la soie, qui a été pensée depuis longtemps, ce qui devrait inciter nos démocraties à penser l'action politique à moyen et à long terme. Je ne fais naturellement pas de propagande en faveur de la Chine, dont je n'apprécie pas certaines options politiques. Je suis néanmoins impressionné par sa gestion du temps en politique. Lisez les douzième et treizième plans chinois : ce sont des textes modernes qui reflètent une capacité à penser l'avenir. La France n'a pratiquement plus de commissariat au plan, plus de DATAR, plus de capacités d'action à moyen terme. Attention : soyons vigilants car à force d'être dévorées par le court terme, les démocraties se laisseront posséder par d'autres stratégies qui, elles, sont pensées.
Je résume : la planète en bannière, la route de la soie pour lui donner corps. Il s'agit d'un vaste plan Marshall – quoi qu'en dise avec un certain humour Xi Jinping lui-même, selon qui le plan Marshall et la route de la soie n'ont rien à voir car le premier cachait des arrière-pensées… Disons que la route de la soie correspond avant tout à une stratégie de leadership en Chine qui consiste à internationaliser la monnaie, à écouler les surcapacités de production industrielle et à ouvrir de nouveaux marchés aux très grandes entreprises chinoises. En effet, tout le développement que la Chine a connu depuis le début de la période de réforme et d'ouverture, il y a quarante ans, s'est traduit par l'émergence de grands groupes qui ont besoin de nouveaux marchés pour survivre dans de telles dimensions. La route de la soie, n'ayons aucune illusion sur ce point, est destinée à offrir la possibilité de les nourrir.
C'est aussi une force d'investissement de 1 000 milliards de dollars, qui s'accompagne d'outils financiers très importants qu'il ne faut pas sous-estimer. La Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) compte désormais plus de 80 membres, dont le Canada de M. Trudeau qui a souhaité siéger à son conseil d'administration – une décision qui ne serait pas allée de soi si la route de la soie n'avait emprunté que la voie terrestre traditionnelle, mais qui se comprend car le Canada espère tirer parti de l'ouverture du passage du Nord-Ouest. Les États-Unis ont pourtant conseillé à l'ensemble de leurs partenaires de ne pas participer à cette banque, mais nous l'avons tous fait, y compris la France après un vote du Parlement. Certains pensent que cette institution pourrait concurrencer la Banque mondiale. C'est donc un outil financier majeur, même si son conseil d'administration est ouvert et si nous avons obtenu que ses statuts tiennent compte de préoccupations françaises telles que la dimension écologique de la route de la soie, le caractère climato-compatible des projets et leur conformité aux engagements pris lors de la COP21. Autre outil : le Fonds de la route de la soie, doté de plus de 55 milliards de dollars, investit lui aussi dans des placements privés, dans le soutien à des entreprises et dans le développement de technologies. Enfin, à l'axe terrestre s'ajoute un axe maritime : désireuse de protéger son accès aux marchés, la Chine crée ses propres voies, tout en proposant des participations aux uns et aux autres.
Troisième élément de la charpente : la gouvernance. Elle se résume ainsi : le socialisme à caractéristiques chinoises. En clair, la Chine n'évoluera pas comme les pays occidentaux. Nombreux sont ceux qui ont cru que le libre marché et l'ouverture du pays se traduiraient par une assimilation au monde occidental mais, à l'évidence, la Chine a choisi une autre voie. Que sont ces « caractéristiques chinoises » ? Pour l'essentiel, c'est le parti unique et son leadership. Le Parti est l'administration. Le patron du Parti est le préfet ; l'école du Parti est l'ENA. Le Parti est le lieu de l'organisation – une organisation extrêmement puissante. Xi Jinping exerce une pression très forte sur le Parti – en matière de lutte contre la corruption par exemple – pour que la direction suivie soit celle qu'il souhaite.
Il faut bien comprendre que le système chinois restera ce qu'il est. Reconnaissons d'ailleurs qu'il fonctionne avec un niveau de qualité assez élevé : le Parti est géré par une forme d'élite politique composée de personnes de grande qualité qu'il faut, là encore, se garder de sous-estimer.
Quatrième pilier : une diplomatie de plus en plus ouverte et marquée par de puissantes avancées dans le domaine culturel. Le Nouvel An chinois est désormais une fête mondiale : il est célébré en France et ailleurs. Les instituts Confucius et la « diplomatie des forums » permettent d'exercer une forme de prosélytisme, non pas pour exporter le système chinois – dit-on – mais pour favoriser les échanges et affirmer la civilisation chinoise dont le but n'est pas de dominer les autres mais simplement d'être respectée. Tel est le discours officiel.
Nul ne saurait comprendre comment la Chine manoeuvre s'il n'a pas cette plateforme stratégique en tête. Comment se situe la France dans ce contexte international ? Il va de soi que les États-Unis viennent en tête des préoccupations chinoises. De ce point de vue, la Chine est extrêmement inquiète : la société civile, en particulier, craint un ralentissement de la croissance. De l'avis de tous, le taux de croissance doit s'établir aux alentours de 6 % ou 7 % pour garantir la stabilité et éviter des difficultés majeures. Or, les Chinois craignent que l'attitude de Trump ne casse la croissance mondiale, et donc la croissance chinoise. C'est une préoccupation profonde dont les états-majors parlent peu, mais qui est essentielle dans la société. La Chine a donc décidé de lancer une puissante offensive pour trouver des alliés susceptibles de faire comprendre à Trump comment les choses pourraient évoluer de manière plus favorable, notamment en rénovant le multilatéralisme.
Le premier allié de la Chine est naturellement la Russie. Lorsque les pays occidentaux ont adopté des sanctions contre la Russie et que Poutine s'est trouvé plus ou moins isolé, il a trouvé en la Chine un partenaire naturel qui l'a écouté et reçu, et avec lequel il a construit une relation très importante. J'ai souvent entendu dire dans les chancelleries que la relation sino-russe ne serait jamais très proche en raison de l'histoire, en particulier de la lutte entre les grands partis communistes. Voyez plutôt les manoeuvres militaires qui viennent d'être engagées : cette relation a fondamentalement changé, et l'axe sino-russe est désormais si important que nous devons en tenir compte.
C'est pourquoi les routes de la soie présentent pour nous une question stratégique. Certes, elles découlent d'une ambition chinoise et reflètent la volonté de la Chine de sortir de ses propres frontières. La question qui se pose à nous est la suivante : comment pouvons-nous réagir vis-à-vis des États-Unis, dans un contexte de guerre économique ? Si les choses continuent ainsi, en effet, les Européens seront en droit de se demander ce que veulent vraiment les États-Unis dans cette affaire. Ils ont adopté une position particulièrement égocentrique à l'égard de l'euro lors de la crise de la dette, alors que la Chine a acheté notre dette – car ce sont bien les Chinois qui nous ont aidés en rachetant la dette ! Qui nous démolit chaque jour dans la presse économique anglo-saxonne, prétendant que l'euro n'a pas d'avenir et que l'Europe se déconstruit, apportant un soutien parfois clandestin mais de plus en plus affirmé au Brexit, nous imposant la dure besogne de prendre des sanctions à leur place et nous mettant du même coup dans une situation très difficile ? Le groupe Total est obligé de quitter l'Iran – ce qui me révolte – et des usines automobiles devront y fermer au motif que quiconque a touché à l'Iran ne peut plus par la suite toucher aux États-Unis ! Où est notre souveraineté face à de telles situations ? La pression américaine sur le continent américain est puissante. Je sais bien que les Américains ne feront pas pour mes enfants ce qu'ils ont fait pour mes parents. De là à vouloir procéder à la déconstruction de l'Europe, il y a un pas qui me semble difficile à accepter.
Kissinger disait qu'il fallait ouvrir les États-Unis à la Chine pour freiner la Russie. Il a encore répété récemment que sa stratégie chinoise était en fait une stratégie d'hostilité à l'égard de la Russie. Je me demande si l'Europe n'a pas elle aussi à adopter une stratégie avec l'Asie pour équilibrer les difficultés transatlantiques. En l'état actuel des choses, je ne vois pas de bonnes nouvelles franchir l'Atlantique. Ne faut-il pas, de ce point de vue, revoir certains équilibres ? Il va de soi que nous ne pouvons pas entretenir avec la Russie ou la Chine une relation semblable à celle que nous avons eue avec les États-Unis, car cela ne correspondrait pas à notre système de valeurs ni à l'héritage de l'histoire, mais les rapports de force tels qu'ils existent aujourd'hui nous obligent à rechercher de nouveaux équilibres.
À cet égard, la route de la soie repose sur une idée forte que nous devons creuser : l'Eurasie. Tout d'abord, elle pourrait permettre de rationaliser la sécurité en Europe de l'Est, d'apaiser nos frontières et de calmer les tensions avec la Russie. La France, l'Allemagne, la Russie et la Chine pourraient peut-être former un G4 structurant l'Eurasie. J'ajoute que la Chine déploie, comme le rappelait Mme la présidente, des stratégies africaines que nous ne sommes pas toujours prêts à accepter. Nous pourrions ainsi tempérer la Chine et équilibrer les intérêts africains et européens. Cette alliance entre Eurafrique et Eurasie pourrait être pour nous une orientation géopolitique intéressante.
Dans un monde bouleversé et très dangereux, l'unilatéralisme connaît un puissant essor – qu'il s'agisse de celui de Poutine en Crimée, de celui de Trump, de celui d'Erdoğan, voire de celui de Rohani – et le multilatéralisme que nous célébrons aujourd'hui à l'ONU est au fond très artificiel. Quoi qu'il en soit, aucune réforme concrète du multilatéralisme ne semble se dessiner – ni la réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ni celle du Conseil de sécurité des Nations unies. Pourtant, la France peut sans doute redonner des perspectives d'avenir à sa politique étrangère en reprenant la démarche du général de Gaulle qui consistait à parler à tout le monde tout en nous donnant les moyens d'être un acteur pour la paix. Nous traversons en effet une situation extrêmement dangereuse, où les règles du multilatéralisme ont été établies par l'Occident pour l'Occident. Le monde actuel n'a plus rien à voir avec celui dans lequel les structures multilatérales ont été créées. Nous sommes incapables de réformer le Conseil de sécurité, dont l'Inde et quelques autres sont absents : c'est dire s'il nous faut réfléchir sur certains sujets.
Je crois possible d'inventer un nouveau multilatéralisme, mais cela ne se fera pas sans la Chine ni sans ceux qui veulent rénover les relations internationales en tenant compte de la nouvelle donne, à savoir l'émergence de l'Asie et en particulier de la Chine. J'ai la conviction que tout au long de leur histoire, les Chinois n'ont jamais eu de moment belliqueux. Certes, ils savent se défendre, mais à chaque fois qu'ils ont fait la guerre, c'est parce qu'ils étaient attaqués. Ils ont découvert l'Afrique avant nous : au XIVe siècle, l'amiral Zheng He a formé une armada de 30 000 hommes et atteint l'Afrique avant nos grands explorateurs maritimes. Or, les Chinois n'ont jamais colonisé ces terres : ils y sont allés puis en sont repartis. Aujourd'hui, ils achètent certes beaucoup, mais ces achats ne se font pas sans l'accord de ceux qui vendent. Sans doute faut-il améliorer les choses sur certains sujets difficiles mais je suis persuadé qu'il nous faut désormais inventer de nouvelles règles multilatérales. Nous ne garantirons pas la paix du monde avec une logique brutale à la Trump. Il faut réorganiser le dialogue international. Pour ce faire, il faut inventer de nouvelles règles et de nouvelles normes, dont nous devons discuter sans attendre que la Chine ou d'autres pays émergents nous les imposent un jour. Il faut penser l'avenir du multilatéralisme.
Pour conclure et ouvrir le débat devant cette assemblée politique, je dirai ceci : quelle est la grande ambition de la politique étrangère de la France ? Que voulons-nous faire pour l'avenir ? La France est un pays qui veut la paix et qui veut parler à tout le monde. Or, pour parler à tout le monde, il faut que les règles soient acceptées par tous, après avoir été discutées. Il faut donc réinventer le multilatéralisme et éviter tout blocage. Voilà pourquoi je m'intéresse beaucoup à l'Asie : ce nouveau multilatéralisme ne se fera pas sans elle. (Applaudissements.)