Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre invitation. C'est avec grand plaisir que j'ai accepté de venir vous rendre compte de l'action du Gouvernement sur la mise en oeuvre du plan d'action du CETA, notamment de la préparation de l'étude d'impact qui sera publiée au moment de la ratification de l'accord. Comme vous le savez, le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), placé sous l'autorité du Premier ministre, est chargé de la coordination interministérielle sur les questions européennes, et garant de la cohérence des positions françaises portées à Bruxelles – une attribution d'autant plus importante dans les matières dites de compétence exclusive. La coordination interministérielle prend tout son sens dans le cadre de ces accords de commerce, qui ont des implications en matière d'agriculture, d'environnement, de choix de société, et qui peuvent concerner aussi bien nos régions métropolitaines que nos départements d'outre-mer. Je vais aujourd'hui vous faire part de quelques avancées puisque, si le SGAE est chargé de faire le lien avec les administrations et les institutions européennes, il doit également rendre compte devant le Parlement national et la société civile – c'est tout le sens de ma présence devant vous.
Comme vous le savez, le Président de la République a la conviction qu'il faut redéfinir le cadre de la politique commerciale européenne – le statu quo n'est pas une option. Dans le discours qu'il a prononcé à la Sorbonne le 26 septembre 2017, il y a tout juste un an, le Président avait exprimé sa volonté de rendre la politique commerciale plus équitable, plus transparente, plus cohérente avec le Marché unique, mais aussi plus exigeante, surtout en matière sociale et environnementale.
Les accords de commerce créent des opportunités pour nos entreprises, donc pour l'emploi en France. Ainsi, les possibilités offertes par l'accord entre l'Union européenne et la Corée du Sud ont permis, depuis 2011, une augmentation de plus de 59 % des exportations de l'UE vers la Corée. On a également constaté une augmentation de 7 % des exportations européennes vers le Canada, un an après l'entrée en vigueur provisoire du CETA, notamment pour ce qui est des produits pharmaceutiques, des parfums, des cosmétiques et du prêt-à-porter. Les bénéfices de l'accord profitent directement aux entreprises françaises, qui affichent une augmentation de 43 % de leurs exportations pour les parfums et eaux de toilette, de 11 % pour les vins et de 41 % pour les accessoires de véhicules.
Notre objectif est que ces accords de commerce n'aient pas seulement pour objet de promouvoir le libre-échange et l'augmentation du volume du commerce, mais aussi le juste échange : en d'autres termes, nous souhaitons que ces accords soient cohérents avec nos choix collectifs et qu'ils agissent aussi comme des leviers nous aidant à atteindre nos objectifs en matière de développement durable.
Cette véritable refondation de la politique commerciale – que nous préférons désigner par l'expression « nouvelle approche de la politique commerciale » pour ne pas effrayer nos partenaires européens, qui ne voient pas d'un très bon oeil notre volonté de refondation – a d'abord pour objet de continuer à ouvrir de nouveaux marchés pour nos entreprises, comme celui du porc ou du boeuf en Chine, ou celui des fromages au Canada.
Au-delà du volume des échanges, nous souhaitons également améliorer la qualité de ceux-ci. Pour défendre et promouvoir des normes sanitaires, sociales, environnementales et climatiques, nous voulons protéger notre agriculture tout en lui offrant la possibilité d'accéder à de nouveaux marchés, dont notre agriculture a énormément besoin, et en promouvant notre modèle de production ou notre modèle d'indication géographique, comme nous avons pu le faire dans le cadre de l'accord avec le Canada. Nous voulons évidemment que ces accords de commerce protègent le principe de précaution, et favorisent la mise en oeuvre de l'Accord de Paris et le plein respect des conventions internationales de l'Organisation internationale du travail (OIT). Enfin, ces accords doivent, autant que possible, impliquer les parlements nationaux et la société civile.
Tout ce que je viens de vous décrire représente un véritable changement de paradigme, auquel nous nous sommes attelés il y a maintenant plusieurs mois, et dont nous commençons à voir les résultats. Alors même qu'on assiste à des mouvements géopolitiques de grande ampleur, et que les États-Unis jouent clairement la carte de l'affrontement commercial et de l'unilatéralisme, du côté des Européens la philosophie est radicalement différente : il s'agit d'utiliser le commerce non pas comme une arme de guerre, mais comme un moyen de défendre et d'exporter nos normes et nos valeurs de développement durable. Nous avons engagé un dialogue soutenu avec la Commission européenne sur le nouveau paradigme que nous nous efforçons de mettre en place et, si elle se montre sensible à notre discours, la convaincre pleinement nécessite un effort permanent de notre part.
Comme vous le savez, le CETA est un accord très important, et nous nous sommes engagés très tôt par la mise en place d'un dispositif particulier, à savoir une commission indépendante chargée d'évaluer l'impact attendu de l'entrée en vigueur du CETA sur l'environnement, le climat et la santé. Pour ce qui est de notre plan d'action, je dirai que l'idée est d'aboutir à une mise en oeuvre aussi exemplaire que possible, afin que nous soyons en mesure de nous servir de cet accord comme d'un modèle à partir duquel il pourrait être possible de construire une nouvelle manière de faire du commerce et de conclure des accords de commerce à l'avenir. En ce sens, l'accord avec le Canada constitue un premier pas décisif vers la politique commerciale nouvelle que nous promouvons.
Je vais vous donner quelques chiffres montrant que la mise en oeuvre du CETA commence à produire ses effets positifs. Comme vous le savez, si le Canada a imposé des droits de douane très élevés – plus de 200 % – sur les fromages en provenance de l'Union européenne, il a ouvert des contingents extrêmement élevés pour l'importation de ces produits, en particulier pour les fromages français. Ces contingents ont rapidement été saturés – ils l'étaient à hauteur de 96 % dès l'année dernière. Les résultats sont également très bons pour les produits laitiers, ainsi que pour les vins et spiritueux. À ce jour, le CETA produit donc des résultats indéniablement bénéfiques pour nos exportations.
Après avoir évoqué les différents axes de notre plan d'action, je dresserai un état des lieux de la préparation de l'étude d'impact – que vous souhaitez aussi robuste et éclairante que possible, madame la présidente, afin d'en faire un modèle pour les accords qui seront conclus à l'avenir entre l'Union européenne et des pays tiers, notamment le Royaume-Uni à l'issue du processus de retrait de ce pays de l'Union européenne.
Pour ce qui est du plan d'action, je vous renvoie au site du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui met régulièrement à jour un tableau de suivi. Le premier axe consiste à s'assurer que le CETA fera l'objet de modalités d'application exemplaires pour garantir que les normes sanitaires et environnementales seront appliquées, qu'elles seront préservées et qu'elles ne seront pas menacées des recours abusifs d'investisseurs étrangers.
Comme je vous l'ai dit, le taux d'utilisation des contingents de produits agricoles octroyés par l'Union européenne au Canada est extrêmement faible. Ainsi, pour ce qui est du boeuf et du porc, il est intéressant de constater qu'entre janvier et août 2018 le Canada n'a exporté vers l'Union européenne que 446 tonnes équivalent-carcasse (TEC) de boeuf sur un contingent ouvert de 45 000 tonnes, et 351 tonnes équivalent-carcasse de porc sur un contingent ouvert de 75 000 tonnes : comme vous le voyez, pour l'instant, la mise en oeuvre de l'accord profite bien plus aux partenaires européens du Canada qu'à lui-même : on ne peut pas dire qu'on assiste à une déferlante de viande canadienne en Europe ! Il y a une raison très simple à cette situation, c'est que le Canada n'est pas encore en mesure d'exporter massivement ses produits vers l'Union européenne.
En effet, nous avons imposé un certain niveau de normes, et les filières canadiennes d'exportation de viande bovine ou de viande porcine ne remplissent pas, pour le moment, les conditions leur permettant de satisfaire à ces normes ayant pour objet de garantir le respect de la totalité des standards de protection des consommateurs européens – par exemple, le Canada ne possède pas de filière de production de boeuf garantie sans hormones de croissance, ni de filière de production de porc sans ractopamine. Les services du ministère de l'économie et des finances exercent une surveillance permanente sur ce point, afin que nous soyons immédiatement informés de l'éventuelle mise en place par le Canada d'investissements visant à la mise en place de filières répondant aux exigences européennes, ce qui me permet de vous indiquer qu'il n'a pas été entrepris grand-chose par nos amis canadiens à ce jour.
À l'inverse, les chiffres portant sur l'utilisation des contingents ouverts par les Canadiens pour l'importation de produits européens montrent qu'au bout d'un an de mise en oeuvre provisoire, l'application du CETA est bénéfique aux Européens, puisque sur un contingent ouvert de 18 500 tonnes de fromage, nous en avons exporté 5 000 tonnes à ce jour – quant au contingent au prorata, il a été utilisé presque en totalité.
Pour le moment, nous n'avons donc aucun motif d'inquiétude, ni pour les exportations, ni pour les importations.
Le respect d'un certain nombre de normes sanitaires et phytosanitaires est un point que nous avons pris soin de mettre en avant dans la négociation et dans le texte de l'accord, de façon à ce qu'on ne puisse pas remettre en cause un principe fondamental du Marché intérieur dans l'Union européenne, selon lequel tout produit importé au sein de l'Union européenne doit impérativement être sûr et ne représenter aucun danger pour la santé des consommateurs. Il s'agit là d'un principe très fort – que nous défendons également dans le cadre de la négociation du Brexit –, et qui ne peut souffrir aucune espèce d'exception.
En matière alimentaire, cela implique que les filières étrangères de denrées d'origine animale ne peuvent exporter vers l'Union européenne qu'après l'obtention d'une autorisation de la Commission européenne, délivrée à la suite d'un audit sur place effectué par la direction générale Santé de la Commission, et dont l'issue est soumise à l'appréciation des États membres. Nous demandons que des audits et des contrôles soient faits régulièrement auprès de nos partenaires commerciaux et, pour vous donner un ordre d'idée, la Commission a effectué plus de cinquante audits en pays tiers en 2016. Celui qui a été réalisé au Canada a donné des résultats satisfaisants, et nous avons demandé à la Commission d'en refaire un en 2019, afin d'être en mesure de vérifier l'évolution de la situation entre 2016 et 2019.
Sur la base de ces audits, les services de l'État contrôlent, lors de leur entrée sur le territoire de l'Union européenne, toutes les denrées alimentaires d'origine animale : elles font l'objet d'un contrôle documentaire systématique, et de prélèvements effectués de façon aléatoire en fonction d'une analyse des risques. Ces contrôles, mis en oeuvre par le ministère de l'agriculture et ses services chargés de la sécurité sanitaire, sont renforcés en cas de suspicion de non-conformité ou lorsque certains risques sont identifiés en amont, la plupart du temps dans le cadre de la coopération douanière mise en place entre les pays partenaires. Si la détection d'une non-conformité peut conduire à la perte d'autorisation d'exporter, je précise qu'à ce jour, aucun incident n'a été relevé avec le Canada. Enfin, l'ensemble des denrées alimentaires importées font également l'objet de contrôles aléatoires lors qu'elles se trouvent sur le Marché intérieur, tout au long de la chaîne de distribution – comme c'est le cas, d'ailleurs, pour les produits européens En France, ces contrôles sur le Marché intérieur sont mis en oeuvre à la fois par le ministère de l'agriculture et par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en fonction des compétences de chacun.
Il va de soi que, pour ce qui est des produits venant du Canada, l'Union européenne se tient prête, en cas de difficulté, à prendre les mesures autorisées par le droit de l'Union pour inspecter et éventuellement bloquer les produits canadiens qui ne seraient pas conformes aux réglementations européennes, notamment en matière d'usage des hormones de croissance ou d'étiquetage des organismes génétiquement modifiés (OGM).
Je précise que les services de l'État chargés des contrôles réglementaires, que ce soit la direction générale de l'alimentation (DGAL), la DGCCRF ou encore les douanes, vont faire l'objet de renforts particuliers dans le contexte de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Nous aurons des contrôles supplémentaires à effectuer, mais nous serons encore mieux équipés et mieux dotés en personnels – des recrutements sont prévus par le prochain projet de loi de finances.
Nous finaliserons prochainement les modalités de la mise en place du tribunal d'investissement du CETA. Nous voulons, là aussi, mettre en place un modèle exemplaire, pouvant servir de base à d'autres accords. Nous avons défendu la mise en place d'un code de conduite qui comporte des règles éthiques strictes concernant les juges de ce tribunal d'investissement, notamment l'obligation pour les membres du tribunal de se soumettre à des obligations de transparence sur leurs intérêts passés ou présents, afin d'éviter tout conflit d'intérêts. Bien entendu, nous souhaitons que toute violation de ce code de conduite fasse l'objet de sanctions efficaces, pouvant aller jusqu'à la révocation du juge par l'Union européenne et par le Canada. Des textes sont actuellement discutés au Conseil et soumis à la partie canadienne et, si tout va bien, nous devrions parvenir à un accord courant 2019, en tout état de cause avant l'entrée en vigueur du tribunal d'investissement.
Par ailleurs, nous travaillons intensément avec le Canada sur la mise en place de ce qu'on appelle le « veto climatique », c'est-à-dire un mécanisme d'interprétation conjointe contraignante, qui permettra d'apporter une garantie additionnelle à notre droit à réguler. C'est là un sujet central du plan d'action du CETA, sur lequel nous avons effectué, depuis plusieurs mois, un vrai travail de fond avec la Commission afin de répondre aux inquiétudes exprimées par la société civile à ce sujet. Je le répète, le CETA garantit le droit de l'Union européenne, des États membres et du Canada à réguler pour des objectifs légitimes des politiques publiques. Un investisseur privé canadien qui attaquerait, par exemple, une législation environnementale française, n'aurait aucune chance de gagner.
Si on cite souvent les actions intentées par Philip Morris contre l'Australie et contre l'Uruguay, on oublie de préciser que ces actions se sont soldées par des décisions en défaveur du fabricant de cigarettes. En tout état de cause, le mécanisme que nous voulons mettre en place avec le Canada doit permettre la mise en place d'une protection additionnelle du droit à réguler, en permettant à l'Union européenne ou au Canada de confirmer à tout moment d'un commun accord la compatibilité avec le CETA de mesures d'intérêt général que nous serions amenés à prendre pour éviter tout recours contre de telles mesures devant le tribunal des investissements. En pratique, nous allons nous mettre d'accord sur un certain nombre de législations qui ne pourront pas être attaquées – notamment des législations environnementales ou contre le changement climatique dans le cas de l'Accord de Paris, mais aussi, plus largement, des législations relatives à la protection de la santé publique ou des consommateurs, à la protection sociale ou à la promotion de la diversité culturelle.
Après la phase actuelle de travail intense avec la Commission, nous passerons à la phase, sans doute tout aussi difficile, de discussion au Conseil. Dans la mesure où nos partenaires européens seront d'accord, nous pourrons ensuite travailler concrètement avec le Canada. D'après ce que nous savons de nos contacts bilatéraux avec le Canada, ce partenaire partage complètement notre souhait de veiller au mieux à la protection de son propre droit à réguler : c'est donc un intérêt bien compris des deux partenaires de l'accord de commerce que de travailler en ce sens et d'aboutir à un résultat exemplaire. D'ailleurs,le 26 septembre dernier, en marge de la première réunion du comité mixte réunissant l'Union européenne et le Canada et des discussions sur la mise en oeuvre de l'accord, les deux parties ont réaffirmé leur volonté de coopérer pour mettre en place de façon effective l'Accord de Paris, ce qui constitue une avancée importante.
Notre objectif est de parvenir à ce que le mécanisme d'interprétation conjointe contraignante soit adopté pour le début 2019, en sanctuarisant des législations sur le développement durable. Il n'y a pas de craintes à avoir par rapport à ce délai, dans la mesure où il ne sera pas mis en place de tribunal d'investissement sans qu'il y ait eu une ratification totale de l'accord. Notre ambition est par ailleurs de faire en sorte que ces règles de procédure s'appliquent également aux autres accords d'investissement actuellement négociés par l'Union européenne.
Pour le suivi de cet accord de commerce, il est prévu une gouvernance assez classique, réunissant l'Union européenne, la Commission et le Canada au sein du comité mixte, mais aussi de treize sous-comités sectoriels, dont plusieurs sont ouverts aux États membres, notamment le comité sur les investissements et le comité sur les questions sanitaires et phytosanitaires – nous avons expressément demandé à y participer. Je précise que tous ces comités et ces réunions sont préparés par la Commission avec le Conseil et qu'aucun des comités ne peut, dans le cadre de son travail d'échange permanent entre les deux parties à l'accord, modifier le cadre juridique européen. Par ailleurs, un effort de transparence a été accompli, puisque les ordres du jour de ces réunions et les comptes rendus sont publiés par la Commission, qui les fait figurer sur la page de la direction générale Commerce consacrée au CETA.
Le deuxième axe du plan d'action consiste à mettre en oeuvre des actions complémentaires au traité pour renforcer la coopération internationale sur les enjeux climatiques. À ce titre, nous avons signé au mois d'avril dernier un partenariat autour de neuf engagements concrets. Nous allons ainsi mener un travail très important avec le Canada au sein de l'Organisation maritime internationale (OMI) afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre résultant du transport international.
Le troisième axe du plan d'action, qui concerne la prise en compte du développement durable dans les futurs les accords de commerce, a également permis quelques avancées. Cependant, je ne vous cacherai pas que nous avons du mal à imposer à Bruxelles l'idée selon laquelle les accords de commerce doivent contribuer de façon effective au relèvement des standards sociaux et environnementaux, en revêtant un caractère contraignant : c'est un sujet sur lequel nous bataillons encore, même si c'est un combat que nous menons de façon isolée.
Malgré ces difficultés, nous avons pu engranger, depuis un an, un certain nombre d'avancées significatives dans d'autres discussions – discussions déjà en cours d'accords de commerce, ou discussions de mandat de négociation.
L'accord entre l'Union européenne et Japon, signé le 17 juillet dernier, comporte ainsi un engagement explicite à respecter et à mettre en oeuvre de manière effective l'accord de Paris. Il comporte également une référence expresse au principe de précaution, ce qui répond à une demande très forte de la société civile et des parlements nationaux, notamment le parlement français, un engagement à respecter des normes fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) et des clauses promouvant la responsabilité sociale des entreprises et les investissements responsables, ainsi que des mécanismes permettant à la société civile de surveiller le respect des engagements pris dans le domaine du commerce et du développement durable.
Dans le cadre de l'accord que l'Union européenne et Singapour devraient signer très prochainement, sans doute le 18 ou le 19 octobre prochain, nous avons aussi obtenu toutes ces avancées, avec en plus l'inclusion de règles spécifiques pour les biens verts : des barrières non tarifaires seront levées plus facilement pour des biens qui contribuent à la lutte contre le changement climatique et à la protection de l'environnement. C'est une nouveauté que nous avons pu introduire.
Quant à l'accord conclu par l'Union européenne et le Mexique le 21 avril dernier, nous avons pu y inclure, dans le chapitre dédié à l'énergie, des dispositions qui promeuvent le développement des énergies renouvelables. C'est aussi notre demande dans les négociations avec le MERCOSUR, qui se passent moyennement bien, de même que dans celles avec le Chili, dont l'objet est de moderniser un ancien accord.
Nous avons également pu intégrer de nombreux éléments de cette nouvelle approche de la politique commerciale dans les mandats de négociation avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande que nous avons discutés et adoptés au mois de mai dernier. Ainsi avons-nous obtenu des clauses de réduction des émissions pour le transport international – c'était important, vu la distance qui nous sépare géographiquement de ces partenaires commerciaux –, des dispositions permettant, c'est assez nouveau, la prise en compte des standards sociaux et environnementaux pour l'accès aux marchés publics et celle des contingents agricoles octroyés et obtenus dans les négociations précédentes. Ce dernier point est essentiel parce qu'il correspond à une demande sur laquelle nous n'avons pas fini de « batailler » à Bruxelles : la question de la détermination d'une enveloppe globale de contingents. Il s'agirait de faire que la Commission, dans ces négociations multiples qu'elle mène parfois sur plusieurs fronts, tienne compte de l'ensemble des contingents déjà octroyés et obtenus afin de déterminer le niveau admissible d'ouverture de nouveaux contingents au moment de négocier de nouveaux accords. Tenir compte, lors de la négociation de nouvelles ouvertures de marchés, de ce qui a été fait précédemment peut paraître de bon sens, mais cela n'allait, et ne va, pas forcément de soi. Nous demandons donc à la Commission européenne de mettre en place ce mécanisme d'enveloppe globale pour que puissent être comptabilisés l'ensemble des engagements, y compris les engagements multilatéraux pris dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Par ailleurs, comme vous le savez, le Conseil a pris des mesures pour améliorer la transparence des négociations. Tous les mandats de négociation – UE-Chili, UE-Australie, UE-Nouvelle-Zélande – ont été publiés in extenso.
Deux points restent très difficiles. Nous avons beaucoup de mal à convaincre nos partenaires que les chapitres consacrés au développement durable doivent avoir un caractère contraignant. C'est un combat très compliqué, qui n'est pas terminé.
Par ailleurs, nous déployons aussi des efforts à tous les niveaux, du Président de la République jusqu'à l'expert qui travaille dans les groupes techniques sur ces questions pour l'inclusion de l'Accord de Paris parmi les éléments essentiels des accords de l'Union européenne. Cette inclusion permettrait à l'Union européenne de suspendre un accord de commerce avec un partenaire qui sortirait de l'accord de Paris ou qui en violerait les obligations juridiquement contraignantes. Au niveau technique, nous avons essayé de trouver les formulations juridiques les plus adaptées, les plus appropriées à cet objectif. Au niveau politique, nous avons fait valoir aussi la valeur symbolique de cette décision : ce sera un signe fort de l'engagement de l'Union européenne dans la lutte contre le changement climatique. Une majorité, voire une très forte majorité, de nos partenaires européens, restent réticents à lier politique commerciale et politique climatique. Nous n'en restons pas moins mobilisés et déterminés.
Cela se traduit par un refus de négocier tout accord de commerce avec des partenaires qui ne seraient pas engagés, résolument, comme nous, dans la lutte contre le changement climatique. Cela exclut par exemple clairement que l'on aboutisse, dans le cadre du dialogue qui a été engagé avec les États-Unis à la suite de la déclaration conjointe faite par l'Union européenne et les États-Unis à Washington à la fin du mois de juillet dernier, à la négociation d'un véritable accord de commerce sur le modèle du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, ou Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP).
Beaucoup de nos idées, de vos idées, mesdames et messieurs les députés, font donc leur chemin chez nos partenaires, parfois difficilement, mais nous nous battons. J'ai compté, au bout d'un an, qu'une quinzaine de nos propositions ont pu être reprises dans cette nouvelle approche de la politique commerciale.
Des études d'impact comme celles qui ont accompagné les précédents projets de loi de ratification des accords de commerce ne seraient pas à la hauteur des attentes, nous le savons. Notre souhait est d'avoir désormais d'autres outils, des études d'impact d'un nouveau genre, et de renouveler l'exercice. Nous voulons donc vous fournir, à l'occasion de l'examen pour la ratification de l'accord avec le Canada, une nouvelle génération d'études d'impact, complémentaires de celles faites, notamment, par la Commission européenne.
Nous avons confié au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) la réalisation d'une étude « classique », pour vérifier l'équilibre général de l'accord. Plusieurs réunions de cadrage avec le CEPII ont permis de fixer les grandes lignes de cet exercice. Nous lui avons quand même demandé, quitte à bousculer un peu ses habitudes, d'aller au-delà de ce qu'il fait habituellement. Nous lui avons ainsi demandé d'intégrer et de tenir compte, dans son modèle statistique, de l'ensemble des enchaînements économiques liés à la réduction des droits de douane et des barrières non tarifaires entre l'Union européenne et le Canada, notamment afin d'évaluer l'impact du CETA sur le volume des échanges, le produit intérieur brut (PIB), le pouvoir d'achat et l'emploi par rapport à un contrefactuel. En termes géographiques, le modèle utilisé pour l'étude d'impact du CEPII divise le monde en vingt-sept grandes régions, la France ne sera qu'une seule d'entre elles, mais nous avons demandé au CEPII un affinage pour que vingt-six secteurs soient particulièrement étudiés, notamment ceux de la viande rouge, de la viande blanche, des produits laitiers, des céréales et du sucre. Ce sont là des nouveautés par rapport à nos demandes habituelles. Ce modèle de référence du CEPII sera encore amélioré pour inclure les scénarios du respect de l'Accord de Paris et du prix du carbone, et pour mesurer les effets du CETA sur les émissions de CO2, de méthane, de gaz fluoré et de protoxyde d'azote. En résumé, cela permettra de mesurer l'empreinte carbone de l'accord avec le Canada. Les effets en termes d'émissions liées au transport international devraient également pouvoir être pris en compte.
En plus de cette étude d'impact du CEPII « augmentée », à la suite de votre demande, nous avons décidé d'essayer de mesurer plus finement, au niveau microéconomique, l'impact de l'accord entre l'Union européenne et le Canada. Le CEPII se situera un peu au niveau « macro » ; l'idée est d'avoir une étude d'impact un peu au niveau « micro » – je caricature un peu, cela permet de comprendre. Comme l'étude du CEPII ne descendra pas au niveau des régions, elle sera complétée par une étude « micro », qui le fera, comme vous l'avez demandé, notamment pour évaluer l'impact sur le secteur de la viande rouge, en essayant peut-être d'aller un peu plus loin si c'est possible, mais je vous expliquerai les contraintes auxquelles nous sommes soumis.
La décision a été prise durant cet été de confier une mission à des inspections, non pas le CEPII, ni un organe indépendant, mais des inspections d'administration expertes soit de la chose statistique soit de la chose environnementale ou agricole – l'inspection des finances, le conseil général de l'environnement et du développement durable, le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. Elles ont été mandatées pour essayer de mener cette étude par filières agricoles au niveau régional. L'objectif de cette mission dirigée par Anne Perrot, inspectrice générale des finances, est de cartographier les données disponibles et de proposer à l'administration des pistes pour analyser de manière plus granulaire l'impact de l'accord sur cinq filières que nous avons identifiées comme « sensibles », particulièrement exposées à la concurrence des flux d'échanges internationaux : viande bovine, viande porcine, viande de volaille, éthanol et sucre. Cette mission a vocation à rendre un rapport préliminaire à la fin de l'année ou au début de l'année 2019.
Cette cartographie visera à réunir l'ensemble des données disponibles mais il faut rester modeste, car il n'est pas simple de les réunir. Ce sont des données dont disposent le ministère de l'agriculture, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, les douanes, la Commission européenne, mais aussi des organisations publiques, des fédérations professionnelles, voire des entreprises privées. Nous allons essayer de recenser ces données, de croiser ces sources et d'établir une mesure réelle aussi précise et détaillée que possible des volumes d'importation en France dans ces cinq filières sensibles. Nous n'avons pas d'observatoire, d'endroit qui centralise la mesure statistique de ces échanges commerciaux pour affiner, notamment, au niveau infranational. Les données statistiques sont partielles, et nous avons donc demandé à cette mission de faire ce travail de recensement et de « recollecte », de rassemblement des données ; c'est inédit, c'est innovant, et il faut être conscient de la difficulté de la mission. J'ai encore vu Anne Perrot il y a deux jours, qui me disait que c'était quand même une entreprise de grande envergure, mais elle a bien compris que le sens de cette démarche est de faire quelque chose qui puisse être applicable bien sûr au CETA mais aussi, ensuite, à d'autres accords. L'idée est de construire un outil pour disposer de ces données.