Intervention de Gérard Collomb

Séance en hémicycle du mercredi 11 octobre 2017 à 15h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Présentation

Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur :

Comme je l'ai souligné tout au long de nos débats, cette menace est aussi en train de changer de nature : hier orchestrée depuis les terres contrôlées par Daech, elle est aujourd'hui endogène, oeuvre d'individus qui, radicalisés, utilisent tous les moyens d'action. Certains actes sont sophistiqués – la propagande des agences du prétendu État islamique en enseigne la réalisation. D'autres sont plus rudimentaires, comme les attaques au couteau, dont on voit, hélas, qu'elles peuvent aussi coûter la vie à nos concitoyens. Nous ne pouvions donc baisser la garde.

Oh ! je n'affirme certes pas que ce texte nous permettra d'éradiquer le péril et d'éviter tous les attentats. Qui pourrait le prétendre ? Mais je crois qu'il maximise nos chances de le faire car il permettra de prévenir très en amont le processus de radicalisation et il donnera la possibilité à nos forces de sécurité et à nos services de renseignement de prévenir des attentats imminents, par la surveillance d'individus voire par des visites à leur domicile, quand tout laisse à penser que ceux-ci sont sur le point de passer à l'acte.

Mesdames et messieurs les députés, je ne vais pas ici rappeler l'ensemble des articles – le rapporteur l'a fait. J'aimerais toutefois revenir avec vous sur les principales conclusions de la commission mixte partiaire.

S'agissant de l'article 1er, relatif aux périmètres de protection, comme le rapporteur l'a souligné, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale a été conservée. Je m'en réjouis car cela permettra aux Français de vivre normalement et d'assister à ces événements culturels et sportifs auxquels les terroristes voudraient nous faire renoncer.

Concernant l'article 2, relatif à la fermeture des lieux de culte, la commission mixte paritaire a entériné la formulation retenue par l'Assemblée nationale. Dans le souci de garantir l'efficacité de l'action, il était à mon sens crucial de conserver la notion de diffusion d'« idées ou théories », ainsi que la mention d'incitation « à la haine ou à la discrimination » pour motiver la fermeture d'un lieu de culte.

Sur l'article 3, relatif aux mesures de surveillance individuelles, la commission mixte paritaire est parvenue à établir un texte globalement équilibré. Je tiens notamment à rappeler l'importance d'un pointage quotidien, et je remercie le Sénat de s'être rallié à notre opinion sur ce point.

Une disposition importante à nos yeux a toutefois été supprimée : l'obligation de déclarer ses identifiants de communication électronique. À titre personnel, je le regrette, même si je respecte les réserves que les sénateurs ont exprimées sur ce point.

S'agissant de l'article 4, relatif aux visites et saisies, je veux également relever le caractère équilibré de la rédaction approuvée en commission mixte paritaire. Je me félicite notamment du maintien de l'information sans délai, et non de l'accord exprès du juge des libertés et de la détention, en cas de retenue de la personne sur les lieux visités pour une durée inférieure à quatre heures.

Je note que la commission mixte paritaire a étendu aux articles 1er et 2 la portée expérimentale des dispositions. Tout en conservant quelques réserves sur le message ainsi envoyé, le Gouvernement se rallie à la solution retenue par la commission mixte paritaire. Nous aurons donc l'occasion d'évaluer en 2020 des quatre premiers articles de la loi.

Enfin, je veux évoquer l'article 10, relatif aux contrôles d'identité aux abords des points de passage aux frontières, qui avait pu susciter des interrogations et des inquiétudes. Sur proposition du rapporteur de votre commission des lois, un amendement a été adopté, conduisant à la réduction de vingt à dix kilomètres du rayon du périmètre de contrôle autour des aéroports et des ports internationaux. Cette modification peut être acceptée, l'essentiel étant que les points de passage aux frontières puissent être préservés. Travaillant actuellement avec mes services sur l'attentat de Marseille, je considère ce contrôle des points de passage comme tout à fait essentiel.

L'ensemble de ces dispositions me conduit, mesdames et messieurs les députés, à me féliciter du fruit de nos discussions et à me réjouir du fait que nous touchions au but de ce processus législatif. Le Gouvernement ne peut donc que vous inviter à approuver les conclusions de la commission mixte paritaire, qui vous sont soumises.

Je veux, pour terminer, adresser un message à tous nos concitoyens. Si, le 1er novembre, c'est-à-dire dans une vingtaine de jours, nous sortons de l'état d'urgence, nous maintiendrons, grâce à cette loi, un niveau élevé de protection contre le terrorisme. Non seulement il ne saurait être question de se désarmer face à un ennemi qui, je le crains, continuera à porter des coups à tous nos pays pendant une longue période, mais, au-delà même des mesures de sécurité contenues dans le présent texte, il faut que nous engagions un autre combat, de nature idéologique cette fois-ci.

Un tel combat doit se mener à l'échelle mondiale, et il n'oppose pas musulmans et non-musulmans, mais ceux qui veulent imposer au reste du monde, par la terreur et les attentats, un islamisme moyenâgeux, et tous les autres. Je n'oublie pas, en effet, que c'est dans les pays musulmans qu'il y a eu le plus d'attentats. Nous devons donc nous unir, les uns et les autres, pour combattre ensemble le terrorisme.

Mesdames et messieurs les députés, face au terrorisme, nous devons porter au plus haut nos valeurs : celles de la reconnaissance de l'altérité, de la diversité des cultures. C'est parce que le monde d'aujourd'hui est le fruit de civilisations plurielles, qui ont eu leur grandeur, leur beauté, avec des manières de penser et de croire différentes, qu'il est si riche. Et c'est ainsi que nous gagnerons : non en rognant nos valeurs, mais en les portant au contraire très haut.

C'est au nom de cette conception qu'avec ce texte nous avons voulu défendre une loi équilibrée, qui permet la sécurité mais, en même temps, continue de promouvoir nos valeurs de liberté.

1 commentaire :

Le 12/10/2017 à 11:52, Laïc1 a dit :

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"Concernant l'article 2, relatif à la fermeture des lieux de culte, la commission mixte paritaire a entériné la formulation retenue par l'Assemblée nationale. Dans le souci de garantir l'efficacité de l'action, il était à mon sens crucial de conserver la notion de diffusion d'« idées ou théories », ainsi que la mention d'incitation « à la haine ou à la discrimination » pour motiver la fermeture d'un lieu de culte."

L'article 35 de la loi de 1905 dit que c'est le prêcheur qui doit être poursuivi, pas le lieu de culte. J'espère que la fermeture du lieu de culte n'est pas une manœuvre de diversion pour ne pas inquiéter le prêcheur hors la loi.

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