Intervention de François de Rugy

Réunion du jeudi 6 décembre 2018 à 9h00
Commission des affaires économiques

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Nous avons développé massivement la production d'électricité par le thermique, puis les transports routiers – progressivement, mais de façon toujours plus massive. Ce faisant, nous nous sommes rendus toujours plus dépendants des importations d'énergie. À moins de rêver de recommencer à exploiter le charbon en France – en 1981, par exemple, un plan charbon avait été élaboré –, on est bien obligé d'utiliser le pétrole, le gaz et du charbon importés à 100 %. Le nucléaire, pour la production d'électricité, a permis de développer l'indépendance – même si, je le rappelle, au départ, les technologies étaient américaines, avec les centrales Westinghouse. Toutefois, l'uranium n'est plus extrait en France : le combustible est donc désormais importé.

Pour accroître notre indépendance, nous devons diminuer notre consommation d'énergie et développer les ressources locales, et cela tout en gardant à l'esprit l'exigence de compétitivité économique. Certains d'entre vous ont évoqué, à juste titre, le mouvement des gilets jaunes et la protestation autour des prix de l'énergie – car tout est parti de là, même si les revendications vont désormais bien au-delà, puisqu'elles concernent aussi les impôts et les taxes. Or, si on développe des filières dont le coût de production est élevé, de deux choses l'une : soit on répercute le coût sur le prix d'achat, soit on subventionne, ce qui revient à financer ces filières à travers les impôts. Il n'y a pas de solution miracle. Ainsi, à l'heure actuelle, les agrocarburants coûtent plus cher que l'essence qui sort des raffineries.

Il en va de même pour l'EPR : celui-ci doit faire la démonstration de sa fiabilité technologique et de sa compétitivité économique. Le contrat qu'EDF a passé avec la Grande-Bretagne pour Hinkley Point est fondé sur une hypothèse de 100 euros le mégawattheure, soit un prix supérieur à celui du marché, qui est de 60 euros. Soit on considère que les prix du marché vont augmenter considérablement d'ici à dix ans, auquel cas le système peut devenir compétitif, soit cela veut dire qu'il ne l'est pas. Quand donc on dit qu'on va demander à EDF de se prononcer très clairement sur la fiabilité technologique et la compétitivité économique, c'est de cela qu'il est question.

La création d'activité et d'emploi, comme l'a souligné Jean-Charles Colas-Roy, est évidemment importante. Oui, il faut envisager d'autres plans de filière. Il faut diversifier sans pour cela se disperser, et il n'est pas facile d'établir une ligne de partage entre les deux. Notre politique, en revanche, est claire : il n'y a de solution miracle – le tout-éolien, le tout-solaire, le tout-agrocarburant, le tout-biogaz ou le tout-bois énergie –, il faut miser sur la diversification avec bon sens : si on court trop de lièvres à la fois, on finit par n'en attraper aucun.

Madame Battistel, je connais les préoccupations de la filière de l'éolien marin offshore. Nous augmentons nos capacités en matière d'éolien offshore posé et, du fait à la fois d'une renégociation et d'évolutions technologiques permettant d'augmenter le rendement, nous avons fait baisser le prix. Le mégawattheure est encore en moyenne à 130 euros, contre 240 auparavant : c'est un réel progrès, même si le prix de marché est de 60 euros. Je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais il faut dire les choses clairement, sinon, à un moment donné, on répercutera le coût sur le prix de l'électricité. On espère, pour le projet d'installation au large de Dunkerque, arriver à 50 ou 60 euros. Tant mieux, mais les autres projets auront-ils la possibilité d'atteindre le même prix ?

L'éolien flottant est l'exemple typique d'une nouvelle filière que l'on veut développer, en profitant de l'expérience en matière d'éolien offshore posé, tout en utilisant une nouvelle technologie, d'ailleurs issue du savoir-faire de nombreuses entreprises françaises spécialisées dans les plateformes pétrolières offshore. La transition énergétique, c'est aussi cela : on réduit l'utilisation du pétrole, ce qui signifie, à terme, qu'il n'y aura plus de plateformes pétrolières, mais on utilise les savoir-faire existants pour l'éolien. En outre, nous demandons aux filières de faire la démonstration qu'elles peuvent produire le mégawattheure à 120 ou 130 euros, c'est-à-dire de la même façon que l'éolien posé. Si on peut aller plus vite et améliorer le processus, on augmentera évidemment les volumes, notamment sur la façade méditerranéenne, où le potentiel est important, mais aussi, bien sûr, sur la façade atlantique, ou encore outre-mer.

Les modalités d'action du Haut conseil pour le climat seront précisées dans les semaines et les mois qui viennent.

S'agissant de la concertation, annoncée par le Président de la République lorsqu'il a présenté la programmation pluriannuelle de l'énergie, et sur laquelle le Premier ministre est revenu hier dans l'hémicycle, nous sommes en train de bâtir le mode opératoire. Nous souhaitons que des débats aient lieu partout dans les territoires, que les uns et les autres puissent s'y investir – aussi bien les gens qui sont impliqués dans des mouvements de protestation, comme les gilets jaunes, que des députés et sénateurs, des élus locaux, des syndicats. Il ne faut pas que ce soit trop institutionnel, sinon ce sont toujours les mêmes qui s'y intéresseront. Roland Lescure l'a dit : il y a eu de nombreuses discussions autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie – initiées par Jean-Charles Colas-Roy, notamment –, mais on ne peut pas dire que le sujet ait vraiment émergé dans le débat public. Il faut aussi que l'éventail des thèmes soit très large ; la concertation ira donc, de fait, bien au-delà de l'accompagnement de la transition écologique et énergétique. Je pense que vous avez déjà eu l'occasion de discuter avec ceux qui protestent actuellement dans le cadre du mouvement des gilets jaunes : ils parlent davantage d'une diminution des impôts et des taxes et d'un renforcement des services publics que d'énergie, même si c'était bien le point départ.

Certains, dont Mme Panot – j'allais dire Mme Perec – en appellent d'ailleurs à l'insoumission généralisée. Je ne sais pas ce que cela va donner, mais j'ai l'impression qu'à tel endroit ce sera l'insoumission contre les éoliennes, à tel autre contre la fermeture de la centrale de Fessenheim, ailleurs encore contre la taxe carbone ou contre les méthaniseurs. L'insoumission généralisée, c'est tout envoyer valser. Ce qui est sûr et certain, c'est que cela ne mènera pas à beaucoup de transitions énergétique ou écologique, car celle-ci implique d'être organisé et de faire preuve de détermination et de constance. Tout envoyer valser, revient en définitive à dire que l'on va continuer comme avant. Il est tellement plus simple d'aller voir les citoyens, de leur passer la main dans le dos et de leur dire : « Ne vous inquiétez pas, on va continuer à rouler au diesel, à se chauffer au fioul et à faire fonctionner nos vieilles centrales. »

Madame Panot, j'ai feuilleté votre proposition de loi. Allez-y, mettez-la en débat : je suis prêt à en discuter. J'espère que vous l'avez lue avant de me la donner.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.