Commission des affaires économiques

Réunion du jeudi 6 décembre 2018 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PPE
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La réunion

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La commission a auditionné, conjointement avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie.

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Nous avons le plaisir d'accueillir conjointement avec la commission des affaires économiques M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, afin qu'il nous présente le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation, et j'en profite pour vous souhaiter un joyeux anniversaire. (Applaudissements.)

Comme vous le savez, nous sommes très attachés à ce que le Parlement prenne sa part au débat sur la PPE. Nous ne serions d'ailleurs pas défavorables à ce que la PPE soit fixée par la loi plutôt que par décret. Elle va en effet engager la France sur des choix structurants et lourds de conséquences sur une nouvelle période de cinq ans, de 2024 à 2028.

La PPE aura un impact déterminant sur les investissements réalisés, les acteurs économiques, les ménages, les territoires et les collectivités publiques. C'est donc un exercice difficile, d'autant plus qu'il faut arbitrer entre plusieurs impératifs. Je pense bien sûr à la sécurité d'approvisionnement et au coût de l'énergie, mais aussi aux exigences environnementales que nous avons tous à l'esprit alors que vient de s'ouvrir la COP24 et qu'un nouveau rapport présenté hier nous montre que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Je pense aussi à la lutte contre le réchauffement climatique en premier lieu mais aussi à la lutte contre les pollutions et les risques liés à l'utilisation des diverses sources d'énergie. Enfin, la PPE doit s'attacher, c'est très important, à la faisabilité humaine, technique et financière de ce qu'elle préconise, car les choix que nous faisons aujourd'hui auront des impacts bien au-delà de cette période.

Nous nous sommes fixé un objectif ambitieux qui est de parvenir à la neutralité carbone d'ici à 2050. C'est un vrai défi. En juillet dernier, votre ministère a présenté des projections qui montrent que, pour atteindre cet objectif, nous devons redoubler d'efforts car notre trajectoire n'est pas pour l'instant satisfaisante.

Le Président de la République a fait le 27 novembre dernier un certain nombre d'annonces, que vous avez par la suite détaillées. Parmi elles, on relève la fermeture des centrales à charbon à compter de 2022, le renforcement du recours aux énergies renouvelables, le report à 2035 de la date à laquelle la part du nucléaire dans le mix électrique devra être abaissé à 50 %, ou encore la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires d'ici à 2035.

Nous vous laisserons le soin de développer plus précisément les axes de la PPE, mais une première interrogation porte sur le scénario retenu pour préparer ce projet de PPE. Plusieurs options étaient en effet sur la table, notamment en ce qui concerne l'évolution de la consommation d'énergie. Quelles ont été les hypothèses retenues par le Gouvernement et sur quel fondement ?

Sur le même sujet, quels nouveaux efforts allons-nous déployer sur la baisse de la consommation, que ce soit en termes d'efficacité énergétique ou de sobriété énergétique ?

Par ailleurs, le sujet de la pointe d'électricité ne semble pas encore traité dans les premières annonces de la PPE. C'est pourtant un enjeu structurant pour notre parc de production actuel, notamment du fait de la grande dépendance du logement français à l'électricité.

Toujours concernant les scénarios de consommation, ces derniers prévoyant des consommations stables, comment est-il prévu de gérer l'additionnalité des énergies renouvelables et de l'énergie nucléaire ?

Ce qui m'amène à aborder enfin le sujet de la production énergétique. Je vous laisserai évidemment présenter les grandes orientations retenues et n'aurai que deux questions. Le projet de PPE reporte à 2035 l'échéance à laquelle la part du nucléaire dans le mix électrique devra être abaissée à 50 %. Ce choix implique de légiférer, car l'objectif actuel, fixé à 2025, résulte de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur le véhicule législatif qui permettra cette modification ainsi que sur le calendrier de son examen ?

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Monsieur le ministre, je vous souhaite à mon tour un bon anniversaire.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter sur le fond à ce qu'a dit la présidente de la commission du développement durable, qui vous a posé beaucoup de questions pertinentes. Je parlerai de méthode, en rappelant que, dans cette salle, il y a à peu près un an, nous avons reçu le premier vice-président de la Commission nationale du débat public (CNDP) pour lancer la consultation publique sur cette fameuse PPE, acronyme un peu barbare mais que tout le monde à présent connaît. Force est de constater, un an plus tard, que ce débat public a certes eu lieu mais qu'il n'a pas été totalement couronné de succès puisqu'il se poursuit sur les plateaux de télévision. De ce point de vue, je tiens à vous féliciter d'être allé au contact, hier, dans une émission dont j'ai vu quelques extraits, pour échanger avec des citoyens dont le point de vue reflétait des attentes très variées et pas seulement liées à la transition énergétique. Je vous félicite de poursuivre ce débat public sous des formes un peu différentes, un peu moins formelles que celles pratiquées pendant un an.

Il faut que nous nous interrogions sur la manière d'organiser cette démocratie participative qu'un certain nombre de nos concitoyens appellent de leurs voeux et qui a jusqu'à présent en partie échoué puisque la PPE est reçue et appréciée diversement au sein de notre société.

Nous devons aujourd'hui dessiner le portrait de la France énergétique que nous souhaitons à l'horizon de 2030 et, au-delà, de 2050. Nous devons aussi mieux comprendre le chemin qu'il va falloir emprunter et évoquer les moyens que vous comptez mettre en oeuvre pour atteindre l'objectif.

Au-delà du portrait et du chemin, la méthode est également importante, notamment au regard des événements récents. Vous pourrez nous éclairer sur celle que le Gouvernement envisage, notamment pour cette fameuse consultation qui, là encore, ne traitera sans doute pas uniquement de la transition énergétique même si elle y donnera la part belle.

Avant de vous passer la parole, je précise pour chacun que, compte tenu de nos emplois du temps respectifs, nous visons à lever cette audition aux alentours d'onze heures. Les orateurs des groupes auront donc trois minutes pour s'exprimer et les intervenants une minute chacun.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Mesdames et messieurs, je suis très heureux de vous retrouver ce matin pour parler de la PPE. Nous en avions discuté lors de l'audition générale que j'ai eue avec vous peu de temps après ma nomination et nous étions donnés rendez-vous pour cette présentation et un débat autour des choix qu'elle comporte pour les dix ans à venir, avec deux périodes de cinq ans et une révision au bout de la première.

J'entends la demande, par de nombreux députés, d'un véhicule législatif pour cette PPE. Ce n'est pas la procédure actuellement prévue, mais on pourrait tout à fait l'imaginer – je le dis à titre personnel. Il existe une loi de programmation militaire (LPM) tous les cinq ans, avec une visibilité à dix ans ; cela pourrait s'envisager également pour l'énergie, même s'il n'y a sans doute pas le même degré de consensus sur les grands choix énergétiques que sur les grands choix stratégiques.

Je serai toujours disponible, durant mon mandat, pour parler avec vous de la mise en oeuvre. Nous ne conduisons pas un exercice théorique : nous visons bien la mise en oeuvre de moyens concrets. La PPE a vocation à traduire une stratégie française de l'énergie pour dix ans mais celle-ci, du fait de la loi de transition énergétique de 2015, est aussi l'engagement d'un nouveau modèle énergétique français. C'est un virage dans notre politique énergétique aussi important que celui qui a été conduit dans les années soixante-dix – je ne crois pas qu'il y ait eu une loi à l'époque –, lorsque la France s'est engagée dans le programme électro-nucléaire de très grande ampleur sur lequel nous vivons encore aujourd'hui, près de quarante plus tard.

C'est une double transition que nous souhaitons mener : la transition vers un modèle de plus en plus sobre en émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre nos objectifs en termes de climat, et la transition vers une moindre dépendance du nucléaire dans la production d'électricité, même si la PPE ne parle pas que de l'électricité.

Les grands objectifs sont le climat, la sécurité d'approvisionnement de notre pays en énergie en général et en électricité en particulier, un modèle économiquement viable en termes de coût de production, avec des prix maîtrisés pour le consommateur, particuliers ou entreprises, et qui soit une opportunité de développement économique pour nos territoires. S'il y a bien un virage majeur par rapport à ce qui s'est fait ces dernières décennies en France, et l'on pourrait même presque dire depuis le début de la révolution industrielle, c'est la décentralisation de la production d'énergie pour faire profiter tous nos territoires des ressources que présente notre pays.

Il a certes déjà existé une PPE. Elle était prévue sur une durée plus courte de trois ans. Nous cherchons à nous caler, après le vote de la loi, sur les rythmes démocratiques. Les périodes de cinq ans correspondent en gros aux mandats politiques. Ainsi, le sujet pourra faire l'objet de débats à l'occasion des élections présidentielles et législatives. Nous sommes également sur un exercice bien plus complet. La précédente programmation, très imprécise, fixait peu d'objectifs chiffrés dans le temps et sur la trajectoire. Nous avons voulu faire oeuvre de clarté et de précision.

La consommation est le premier sujet. Si nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut réduire la consommation d'énergie, en commençant par les énergies fossiles. Nous nous sommes fixés pour objectif de les réduire de 40 % d'ici à 2030. C'est un objectif nouveau, plus ambitieux que celui auparavant affiché de 30 %, et qui s'inscrit dans la trajectoire de neutralité carbone à l'échéance de 2050.

Sur la méthode, nous avons en outre décidé, avec le Président de la République, de créer un Haut Conseil pour le climat qui a pour but d'assurer le même niveau de suivi et d'évaluation que dans le domaine des finances publiques. On parle souvent de la dette climatique, de la dette écologique ; nous aurons ainsi une institution comparable au Haut Conseil des finances publiques, qui rend chaque année, en toute indépendance, un rapport sur la dette budgétaire.

Nous mettons en oeuvre des moyens dans le domaine du logement et des bureaux, c'est-à-dire du bâti, ainsi que des transports.

En ce qui concerne le logement, le Premier ministre s'est exprimé dans les médias : l'idée est une sortie en dix ans du chauffage au fioul, individuel et collectif. Il ne s'agit pas d'interdire les chaudières au fioul demain matin, ni dans cinq ans, ni dans dix ans, mais de lancer un mouvement en accompagnant les Français. Aujourd'hui 3,5 millions de foyers sont chauffés au fioul en chauffage individuel et quelque 600 000 en chauffage collectif en immeuble, sans compter le chauffage de bâtiments publics. Cela correspond à environ 10 millions de personnes.

Il est clair qu'il va falloir revoir nos modes d'intervention, de soutien, d'accompagnement pour obtenir des résultats beaucoup plus importants dans la baisse de consommation d'énergie des logements. Cela passe par l'amélioration de l'isolation dans le parc existant. Autant nous avons des normes relativement efficaces pour les constructions neuves, et tant mieux, autant le chantier reste à lancer pour le parc construit avant ces normes. Je proposerai que nous travaillions ensemble avec les professionnels du logement, du bâtiment, de l'énergie et sans doute aussi les organismes bancaires et financiers, pour avoir des solutions globales au service des particuliers et des collectivités.

Le transport routier est l'une des premières sources d'émission de CO2 : transport routier individuel, avec les voitures, transport routier collectif, avec les bus, les cars voire une partie des trains, et transport routier de marchandises. Nous menons la bataille sur les normes d'émission de CO2 à l'échelle européenne. La négociation n'est pas tout à fait terminée mais nous avons récemment, au niveau du Conseil des ministres, gagné une bataille en obtenant la baisse de 35 % par rapport à 2020 des émissions de CO2 d'ici à 2030 sur les véhicules neufs vendus, soit une moyenne de soixante grammes de CO2 par kilomètre contre quatre-vingt-quinze grammes en 2020. Vous connaissez les moyens d'accompagnement qui y sont consacrés ; nous pourrons y revenir.

La question de la pointe, madame la présidente, n'est pas ignorée dans notre stratégie. C'est un travail à mener conjointement, avec les responsables du réseau, qui sont en première ligne. RTE a appelé l'attention sur ce point et proposé des solutions de gestion de la consommation de pointe pour la réduire et donc réduire le recours à des puissances de production aujourd'hui en grande partie thermiques. En matière d'électricité, on évoque souvent le caractère variable de la production, plus rarement la variabilité de la consommation. Ce travail doit également être mené avec les producteurs et distributeurs d'énergie mais aussi les consommateurs, industriels et particuliers. Sur la consommation des particuliers, on ne peut avancer si l'on n'utilise pas des moyens comme le compteur Linky ou en tout cas les compteurs communicants, qui permettent une action dans les deux sens : de l'information pour les consommateurs mais aussi de la gestion pour les producteurs-distributeurs.

Le deuxième volet extrêmement important de cette stratégie est le développement des énergies renouvelables, et ce pas seulement dans la production d'électricité. Notre objectif est 32 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie, soit 40 % dans l'électricité. Il convient par ailleurs de ne pas se contenter d'un objectif global mais d'établir une déclinaison. Certains auraient préféré s'en tenir à un objectif global, en laissant les choses s'ajuster secteur par secteur ; j'ai quant à moi défendu l'idée qu'il valait mieux avoir des objectifs secteur par secteur pour mobiliser les acteurs des différentes filières, et éviter que chacun s'imagine que c'est l'autre qui fera l'effort.

La priorité est de développer les filières les plus compétitives. Vous m'avez sans doute déjà entendu le dire : il s'agit d'un diptyque « fiabilité technologique et compétitivité économique ». Cela n'empêche pas de mener des recherches, de conduire des programmes de développement de nouvelles technologies, mais, quand on vise un développement à grande échelle sur dix ans, on ne peut pas parier sur des ruptures technologiques. Si des technologies qui n'existent pas aujourd'hui apparaissent, tant mieux, elles nous faciliteront la tâche et nous aurons toute latitude de nous en saisir, mais nous ne pouvons pas bâtir un schéma sur un pari virtuel, ni sur des technologies qui ne sont pas éprouvées techniquement ou compétitives économiquement. La priorité, en termes de volume, est de s'appuyer sur ce qui est fiable technologiquement et compétitif économiquement, ce qui n'empêche pas de pousser les feux d'autres filières qui doivent encore gagner en maturité technologique ou en compétitivité économique. C'est le cas sur l'éolien en mer, où nous avons déjà franchi un cap. C'est également le cas sur le gaz renouvelable.

S'agissant des moyens, nous sommes prêts, et nous le disons car nous agissons de façon transparente – il n'y a pas de coûts cachés –, de passer de 5 milliards d'euros par an de soutien aux énergies renouvelables à 8 milliards par an, ce que nous considérons comme un maximum. C'est une bosse qui a ensuite vocation à décroître car, quand les énergies sont compétitives, il n'y a pas besoin de soutien.

Aujourd'hui, l'éolien terrestre et le solaire photovoltaïque de grandes surfaces sont quasiment au prix de marché. Certes, cela dépend des projets et des endroits, ainsi que du prix de marché, mais quand celui-ci est, comme aujourd'hui sur la vente d'électricité en gros, à 60 euros le mégawattheure, certains projets éoliens terrestres, peut-être même le projet éolien en mer de Dunkerque, ou des projets de solaire photovoltaïque, sont sur ces prix. Les développer ne coûte donc rien en subventions publiques. Mais si les prix de l'électricité de gros baissent un peu ou si l'on développe des projets plus coûteux, il faut prévoir un soutien public. Pour la période 2018-2028, nous avons évalué ce soutien à un peu plus de 70 milliards d'euros. Vous le voyez, ce n'est pas une petite politique d'investissement.

C'est bien de l'investissement dans notre économie et dans nos territoires. C'est sans doute une évidence pour vous mais je me rends compte qu'il y a un énorme travail de pédagogie à conduire, notamment dans le contexte actuel, où ressort souvent le sentiment que certains territoires sont laissés à l'écart des transformations, ne profitent pas de la dynamique économique. C'est le discours des métropoles versus les territoires ruraux, de la mondialisation qui profiterait davantage aux grandes villes, notamment à la métropole parisienne, tandis que les autres territoires seraient touchés par une forme de déclin. L'activité relative aux énergies nouvelles sera justement forte dans les territoires ruraux. C'est déjà le cas aujourd'hui, chacun peut le vérifier, avec des retombées concrètes. La cartographie des entreprises travaillant pour le secteur éolien, qui occupe 15 000 emplois en France, montre qu'elles sont partout sur le territoire et très peu en région parisienne. L'éolien en mer assurera également, au-delà de la production, une activité de maintenance dans les zones industrialo-portuaires. La fermeture d'une centrale à charbon entre Nantes et Saint-Nazaire a forcément un impact sur l'activité du port de Nantes-Saint-Nazaire. Ainsi, 7 % de l'activité portuaire va disparaître avec la fin du trafic de charbon, mais il y aura demain un relais d'activité avec les éoliennes en mer dans le même port. C'est valable aussi à Dunkerque, au Havre, en Provence…

C'est aussi le cas du gaz renouvelable. Nous nous sommes fixés comme objectif 10 % de gaz renouvelable dans la consommation finale de gaz en 2030, alors que nous sommes aujourd'hui à 0,1 %. C'est une multiplication par cent. Cela représente là aussi de l'activité dans tous nos territoires, directement liée à l'activité agricole, et un complément de revenu. Pour atteindre cet objectif, il faudra améliorer les coûts de production. Nous avons aujourd'hui 500 méthaniseurs en France, quand l'Allemagne en compte 8 000. C'est pourquoi nous parlons de changer d'échelle.

Nous pourrons parler de l'hydrogène, notamment de ce qu'on appelle l'hydrogène vert, non émetteur de CO2, pour lequel l'objectif est de passer à 10 % en 2023, avec comme priorité la consommation industrielle mais aussi les transports lourds. Nous pourrons parler des biocarburants, avec l'objectif de 15 % de carburant non fossile, soit une multiplication par douze des volumes, d'ici à 2028, et la mise à contribution de filières françaises et européennes et non l'importation d'huiles de pays lointains. Nous pourrons évoquer la chaleur renouvelable : l'objectif est de 38 % d'ici à 2028, avec l'augmentation du fonds chaleur. Le solaire et l'éolien restent toutefois les deux principaux facteurs d'augmentation des énergies renouvelables. La fin de la production d'électricité par centrales thermiques à charbon est également programmée ; ces centrales seront fermées d'ici à 2022.

Le nucléaire était, bien sûr, un sujet très attendu. Je considère que l'on ne peut pas réduire la PPE à ce sujet mais il n'est évidemment pas question de faire comme s'il n'existait pas. La fermeture de la centrale de Fessenheim est confirmée, sans doute en 2020, fermeture que l'on peut aujourd'hui découpler de l'ouverture de la centrale de Flamanville. Ensuite, dans la seconde tranche de la PPE, pour la période 2023-2028, nous fermerons quatre réacteurs, en 2025, 2026, 2027 et 2028, et quatre autres d'ici à 2030, soit huit réacteurs à cette date.

Nous faisons les choses de manière prévisible. Nous avons même communiqué la liste des sites qui pourraient être concernés, parmi lesquels nous souhaitons qu'EDF désigne des réacteurs à fermer. Je la rappelle : Tricastin, Bugey, Gravelines, Dampierre-en-burly, Le Blayais, Cruas, Chinon et Saint-Laurent-des-eaux. Nous voulons anticiper et éviter les couperets. Nous l'avons dit clairement : il s'agit de fermetures non plus de centrales mais de réacteurs, ce qui permet de gérer plus facilement l'avenir des sites. Si nous ne faisons rien, si nous attendons les visites décennales, la visite décennale 4 – qui en comptera de nombreuses car nous entrons dans la période des quarante ans pour beaucoup de centrales françaises – puis la visite décennale 5, pour les cinquante ans, nous pourrions avoir de mauvaises surprises. Regardez ce qui passe chez nos voisins belges, dont le parc nucléaire est un peu plus âgé que le nôtre : ils sont confrontés à des mises à l'arrêt, résultant, non pas de fermetures décidées à la suite d'un choix politique, mais de problèmes de sûreté. En France, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) conduit les visites décennales et peut prononcer des mesures identiques. Si nous ne prévoyons rien, nous pourrions être amenés à vivre un moment très difficile, avec des problèmes de sécurité d'approvisionnement en électricité. Pour assurer cette sécurité, il faut appliquer le principe de bon sens consistant à ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

En ce qui concerne l'avenir de la filière nucléaire française, je veux dire les choses de la façon la plus claire – sinon, on entretient le flou. Certains peuvent se demander si la loi de transition énergétique et ses déclinaisons, sous la forme des programmations pluriannuelles successives, conduiraient finalement à faire mourir à petit feu la filière nucléaire française, parce qu'elle atteindrait un grand âge et qu'il n'y aurait pas d'avenir grâce à de nouvelles technologies. La loi de transition énergétique, et je suis bien placé pour le savoir car j'ai participé aux débats qui ont conduit à son adoption, n'est pas une loi de sortie du nucléaire : c'est un texte de rééquilibrage, et la présente programmation pluriannuelle de l'énergie ne vise pas non plus à la sortie du nucléaire, mais à une diversification et à un rééquilibrage.

La question de l'avenir de la filière électronucléaire française est posée à travers l'EPR : jusqu'à présent, c'était lui qui était présenté comme la technique et le produit d'avenir pour cette filière. Compte tenu des difficultés rencontrées à Flamanville, mais aussi en Finlande, nous considérons qu'EDF, qui est aujourd'hui le chef de file de la filière, y compris pour la production de réacteurs, doit nous dire concrètement quelles sont les possibilités en termes de fiabilité technologique et de compétitivité économique.

Nous considérons que ces éléments pourraient être fournis d'ici à 2021 de façon claire et transparente, ce qui permettra de choisir de commander ou non de nouveaux réacteurs, dans des sites où des réacteurs anciens seront fermés et qui pourraient accueillir – ou non – de nouveaux réacteurs. On aurait ainsi un bon enchaînement, transparent et clair, avec les élections de 2022, dans la perspective des choix à faire pour l'avenir de la filière électronucléaire française.

Nous avons demandé à EDF de faire des propositions sur l'organisation et la structure de l'entreprise pour réaliser des transformations dans le système français de production électrique.

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Nous en venons aux questions des porte-parole des groupes.

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Je voudrais associer à mon intervention notre collègue Anthony Cellier.

Je me réjouis de cette audition commune de la commission des affaires économiques et la commission du développement durable, parce que nos deux commissions partagent beaucoup de thématiques de travail et que nous essayons de créer un maximum de passerelles afin que le développement économique et les préoccupations environnementales ne s'opposent jamais.

Le Président de la République a présenté la semaine dernière la PPE, qui est notre feuille de route pour les dix ans qui viennent. Trois grandes priorités sont prévues : la maîtrise des consommations, la réduction de nos émissions de CO2 et le développement des énergies nouvelles. La présidente Barbara Pompili a évoqué le souhait de nombreux parlementaires de transformer cette PPE pour faire d'un simple décret une grande loi de programmation – je n'y reviens donc pas davantage.

Dès que l'on parle d'énergie en France, on résume souvent la question à l'électricité ou au nucléaire, alors que la clé de la PPE est la nécessaire réduction des consommations. Sur ce point, nos objectifs sont très ambitieux, en particulier pour la rénovation des bâtiments et des passoires thermiques. C'est fondamental, car cela correspond aussi à un enjeu de justice sociale : la précarité énergétique affecte souvent les familles les plus modestes et les plus vulnérables. J'ai le sentiment que pour atteindre nos objectifs, qui sont très ambitieux, des mesures d'accompagnement et des incitations supplémentaires devront être annoncées dans les mois et les années qui viennent. Partagez-vous ce sentiment ?

S'agissant de la chaleur renouvelable, nous nous réjouissons des annonces fortes que vous avez faites à propos de l'augmentation du Fonds Chaleur de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). C'est la concrétisation d'une promesse de campagne du Président de la République. Pouvez-vous nous apporter des compléments d'information sur la mise en oeuvre de cette mesure ?

La déclinaison de la PPE 2019-2028 va générer un surcroît de croissance et de création d'emplois dans le domaine de la transition énergétique : les documents fournis par vos services évoquent 475 000 créations d'emplois dans les 10 ans qui viennent. Nous devons d'ores et déjà anticiper les besoins de formation – formation continue, apprentissage et reconversion – qui sont liés à ces opportunités, afin de ne pas être freiné dans les années à venir par l'absence ou la pénurie de candidats qualifiés dans les secteurs du bâtiment, des transports ou de l'industrie. Quelle est votre vision des enjeux liés à la formation et au développement des ressources humaines ?

Par ailleurs, il est important d'investir dès maintenant dans les filières d'avenir – les batteries, les réseaux intelligents, les offres de services découlant de la numérisation grandissante des usages, l'hydrogène, l'effacement industriel et le secteur diffus. À l'instar du plan hydrogène qui a été présenté il y a quelques mois, comptez-vous annoncer d'autres plans de dynamisation et de développement des filières d'avenir ?

Le 27 novembre dernier, le Président de la République a choisi d'instaurer un Haut conseil pour le climat. Pouvez-vous nous présenter les modalités de saisine de cette instance et son articulation avec l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ?

Enfin, le Premier ministre a annoncé la tenue d'une grande concertation nationale sur l'ensemble du territoire durant les prochains mois. Pourriez-vous nous préciser les premières modalités prévues pour la tenue de ces concertations ?

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Ce texte est probablement l'un des plus importants de cette législature. C'est pourquoi, et ce sera ma première remarque au nom du groupe Les Républicains, nous ne pourrons pas nous contenter, monsieur le ministre d'État, d'une audition commune de nos deux commissions un jeudi matin, en salle Lamartine. Nous souhaitons que le débat ait lieu dans l'hémicycle, sous la forme que vous voudrez. Il faut en débattre au-delà de nos deux commissions, compte tenu des incidences de ce texte et des décisions qui vont être prises.

En effet, il y aura un impact sur la vie quotidienne des Français et l'ensemble des activités économiques, y compris dans des entreprises qui sont des « leaders » dans le monde. Cela nous renvoie en outre, vous l'avez rappelé, à l'histoire de la France de l'après-guerre, lors de la reconstruction et des « Trente glorieuses » : l'objectif, atteint à l'époque, était d'assurer l'indépendance énergétique de la France et de sécuriser l'alimentation en énergie en tout point du territoire à un coût acceptable pour les Françaises et les Français. Je le redis : il faut en débattre dans l'hémicycle.

On doit aussi parler du constat de départ : les émissions de gaz à effet de serre sont très fortement reparties à la hausse dans notre pays depuis quatre ans. Voilà pour la photographie de départ.

Vous avez évoqué la limitation de la consommation, et c'est bien évidemment par là qu'il faut commencer : nous partageons cette idée. La rénovation énergétique des bâtiments est actuellement en panne : cela ne fonctionne pas. Le reste à charge pour les Françaises et les Français est beaucoup trop important. Il faudra donc entrer davantage dans les détails.

Vous n'avez pas précisé la stratégie du Gouvernement pour la consommation énergétique en 2030. Celle-ci sera-t-elle stable ou augmentera-t-elle en France ? Nous savons qu'il y a un débat d'experts sur ce sujet : pouvez-vous apporter des précisions ?

Par ailleurs, nous nous inscrivons dans un contexte qui n'est pas seulement français : on ne peut pas parler de la consommation de pointe sans évoquer les autres pays européens et la question de l'interconnexion.

Comme le président de la commission des affaires économiques l'a souligné, il faut tirer la leçon de la crise que traverse la France avec les « gilets jaunes ». La transition devra être douce et le financement transparent. Quand vous avancez le chiffre de 70 milliards d'euros, nous sommes très inquiets de savoir où ils iront. La transition devra être douce et acceptée. Nous avons bien compris que le pilier sera l'éolien, selon vous, et cela nous préoccupe beaucoup car c'est loin d'être consensuel.

Je note, par ailleurs, que vous n'avez pas parlé du stockage de l'énergie, ni de la transition pour les concessions hydroélectriques.

Pour conclure, vous aurez compris que nous sommes très soucieux de l'incidence en termes de coût pour les particuliers et les industriels.

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La programmation pluriannuelle de l'énergie est un outil décisif qui permet de dessiner un cadre pour notre politique énergétique et de définir un calendrier pour la mise en place des différentes politiques publiques relatives à la transition énergétique.

Ces mesures sont annoncées au moment où l'on observe un décrochage chez nos concitoyens entre leur compréhension, assez fine, de la réalité du changement climatique et leur acceptation de certains moyens visant à lutter contre ce phénomène, à commencer par les écotaxes. Le mécontentement à l'égard de ces politiques se traduit par le sentiment qu'elles viseraient purement et simplement à punir et à réprimer des modes de vie et de déplacement dont nos concitoyens sont les premières victimes. Le danger est que les dispositifs tendant à favoriser la transition énergétique ne soient désormais perçus que comme des actions favorables aux seuls citoyens aisés, et essentiellement urbains. Afin de tenter de raccrocher les wagons, il me paraît donc capital que cette PPE, mais également la loi d'orientation des mobilités (LOM) à venir, permettent à nos concitoyens de visualiser les usages à court et moyen termes des énergies renouvelables.

À court terme, la priorité est le passage de l'essence et du diesel à l'éthanol et au biodiesel. C'est là-dessus qu'il faut mettre le paquet. Pour cela, il faut d'abord être capable d'estimer les gisements de biomasse disponibles en mesurant les résidus organiques utilisables et la part des produits agricoles bruts exploitables. Il conviendrait de quantifier ces gisements, dans un premier temps, puis de mettre en place un vaste plan de développement de distribution de l'éthanol et du biodiesel, grâce à un schéma de déploiement des stations. Enfin, il faut travailler avec les constructeurs au sujet des véhicules flexfuel. Sur ce dernier point, il est impératif de promouvoir les boîtiers de conversion et surtout, s'agissant de leur acquisition et de leur installation, d'aider les plus précaires à accéder aux biocarburants pour une somme nulle ou dérisoire.

À moyen terme, il conviendra d'être plus précis et plus ambitieux en ce qui concerne le développement de l'hydrogène, qui doit devenir un des vecteurs majeurs des mobilités. Un plan en plusieurs axes pourrait être envisagé. En premier lieu, il faudrait s'assurer que les 950 000 tonnes d'hydrogène qui sont annuellement produites le soient progressivement par hydrolyse. Cela aurait notamment pour effet de développer les capacités industrielles dans ce domaine. Ensuite, il convient de mener une réflexion sur les modes de distribution de l'hydrogène. Va-t-on choisir une distribution à grande échelle, par gazoducs, ou une production locale, destinée à une consommation également locale ? Enfin, on doit tout mettre en oeuvre pour inciter les constructeurs à produire des véhicules fonctionnant à l'hydrogène, sachant que ce serait, à moyen terme, l'énergie la mieux adaptée pour les moyennes et longues distances. Il faut clarifier notre « mix » énergétique en spécifiant quelle énergie sera destinée à quel usage. Enfin, je me permets de demander encore que l'on accélère le développement de la méthanisation pour la production de biogaz naturel pour véhicules (bioGNV).

En résumé, les biocarburants, l'hydrogène et le biométhane peuvent devenir les trois grandes nouvelles catégories de carburants susceptibles de se substituer aux hydrocarbures d'origine fossile. La PPE et la future LOM sont étroitement liées par leurs objectifs et leurs moyens. Il ne faudra pas que la loi LOM annonce la fin des moteurs thermiques, mais de ceux à hydrocarbures : l'éthanol et biodiesel sont, en effet, destinés aux moteurs thermiques.

Voilà, monsieur le ministre d'État, les sujets sur lesquels le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés souhaite vous entendre.

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Je reviens d'un déplacement en Bulgarie du groupe d'amitié avec ce pays, et je dois dire que nous avons fait l'objet d'un véritable pilonnage sur la question de la taxe carbone et sur la position française en matière de transition énergétique. Je voudrais donc vous poser une question simple : la programmation pluriannuelle de l'énergie en France est-elle susceptible d'être affectée par des débats, qui pourraient être intenses, au sein du Conseil européen ? Nous nous trouvons en effet dans un contexte européen, et je pense qu'il serait utile que vous nous éclairiez sur ce point.

En ce qui concerne les transports, je ne suis pas inquiet, monsieur le ministre d'État, car je crois que les industriels, en particulier ceux de notre pays, ont pris la mesure des enjeux. En revanche, c'est une véritable révolution industrielle qui est en cours et il faut que les industriels trouvent le rythme, qu'ils fassent les bons choix technologiques et surtout qu'ils soient raccord avec les besoins de la clientèle. Vous avez beaucoup communiqué sur la voiture électrique, ces dernières semaines, mais on voit sur le terrain qu'il y a une incompréhension. J'ai eu l'occasion de rencontrer une association d'utilisateurs de voitures électriques, l'ACOZE, qui est peut-être la plus importante dans ce domaine. Comptez-vous vous appuyer sur ce réseau pour faire passer des informations, notamment sur les points de recharge, qui sont finalement beaucoup plus nombreux qu'on le pense ?

S'agissant du bâtiment, je crois qu'il y a, là aussi, un problème majeur de communication. Il faut se mettre à la place de nos concitoyens. La plupart des informations qu'ils reçoivent sont des appels publicitaires : 9 sur 10 concernent les factures d'électricité, l'isolation ou d'autres sujets encore. En réalité, nos concitoyens n'entendent absolument pas ce que nous disons ici et ils ne savent pas ce que nous prévoyons pour l'avenir. Quelles incitations le Gouvernement pourrait-il créer ? Je pense, par exemple, à l'accès aux Espaces Info Énergie, qui sont nombreux, et aux dispositifs de tiers-financement pour la rénovation des bâtiments. Prévoyez-vous un plan de communication ?

Je vous remercie d'avoir découplé la fermeture de la centrale de Fessenheim et l'ouverture de celle de Flamanville, car cela permet de sécuriser le personnel. En revanche, une de vos déclarations m'a inquiété : vous avez déclaré que, pour ne pas déstabiliser des territoires et pour permettre la construction de nouveaux réacteurs, les sites nucléaires ne seraient pas définitivement fermés. Afin de construire l'avenir, il est important de savoir si le site de Fessenheim sera fermé ou non.

Enfin, je suis préoccupé par la campagne de Greenpeace contre les installations classées pour la protection de l'environnement. Les installations de méthanisation en font partie, et cela pourrait freiner le développement de cette activité.

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Merci, monsieur le ministre d'État, pour cette présentation qui appelle quelques questions et interrogations, notamment sur la réduction des ambitions pour l'éolien en mer, qui passera de 3 à 2,4 gigawatts en 2023.

L'énergie marémotrice ne semble pas non plus avoir retenu l'attention du Gouvernement alors que la France, du fait de sa façade maritime et des courants que l'on y trouve, dispose d'un fort potentiel dans ce domaine : pouvez-vous nous expliquer les raisons ?

Je note aussi que la PPE évoque la nécessité de maintenir des capacités industrielles pour la construction de nouveaux réacteurs, mais pas le développement d'une filière de déconstruction des centrales.

La PPE met en avant le fait que la transition énergétique des bâtiments représente la principale source d'économies d'énergie, mais les bailleurs sociaux ont peu de marges financières, ce qui a récemment fait l'objet de longs débats. Comment comptez-vous accompagner les investissements ?

J'aimerais également vous interroger sur l'hydroélectricité et la nécessité de garder en gestion publique cet outil majeur de production mais aussi de gestion de la ressource en eau et de ses multiples usages. Le Président de la République a rappelé, dans le discours qu'il a fait la semaine dernière, l'importance de l'hydroélectricité dans la transition énergétique. Dans le débat qui existe aujourd'hui avec la Commission européenne au sujet du renouvellement des concessions, êtes-vous prêt à défendre notamment le projet de station de transfert d'énergie par pompage (STEP) de la Truyère, qui représente un milliard d'euros d'investissement ? Nous avons peu de STEP en France, alors qu'elles sont indispensables pour accompagner le développement des énergies renouvelables (ENR), notamment l'éolien, qui doit croître rapidement. La loi de transition énergétique permet le prolongement de travaux, sous conditions : allez-vous utiliser cet outil et défendre le dossier devant la Commission européenne ? Cela pourrait être à court terme un investissement majeur pour la transition énergétique.

Je suis également un peu surprise du peu d'espace réservé dans cette PPE aux réseaux, qui sont un outil majeur pour l'équilibre du système électrique. Penser la stratégie revient évidemment à penser les réseaux de transport et de distribution, au regard des défis de raccordement des ENR, qui vont entrer en masse sur le réseau, mais aussi du développement des véhicules électriques. Il est nécessaire de s'adapter, d'investir et d'innover. Des réponses sont actuellement attendues en ce qui concerne le pilotage des onduleurs et les raccordements intelligents. Quel est votre avis sur cette question ?

La PPE fait également peu état de l'articulation entre la production centralisée et la production décentralisée, qui connaît aujourd'hui un fort engouement et doit être accompagnée, tout en gardant très présente à l'esprit l'idée que la production centralisée est « l'assurantiel » de la production décentralisée.

Enfin, je réitère le souhait, déjà exprimé, qu'un débat sur les enjeux de la PPE puisse être organisé dans l'hémicycle.

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Je suis sûre que vous connaissez Georges Perec, un grand écrivain du siècle dernier qui ne manquait ni d'humour ni de talent. Il avait pour la mémoire une telle passion qu'il a écrit un recueil rassemblant des bribes de souvenirs qui commencent toutes ainsi : « je me souviens ».

Moi aussi, je me souviens, monsieur de Rugy.

Je me souviens d'un mois de janvier pas si lointain où l'on voyait les restes d'un parti en crise se disputer quelques miettes.

Je me souviens d'un candidat qui tentait, dans la dispute, de tirer à soi la couverture écologiste.

Je me souviens qu'il a récolté 3,8 % des suffrages dans cette bataille mémorable.

Je me souviens qu'il a défendu, tout feu tout flamme, le « 100 % d'énergies renouvelables » d'ici à 2050 et l'arrêt de toutes les centrales nucléaires pour l'année 2040.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Vous vous souvenez mal !

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Je me souviens de m'être dit qu'il rejoignait, sur ce point, le programme de La France insoumise.

Je me souviens de tout cela, et voici que l'objet de mes souvenirs se trouve devant moi. Mais son image n'est pas fidèle à mes souvenirs puisque celui qui souhaitait un scénario de sortie planifiée du nucléaire défend aujourd'hui, comme ministre, son maintien. Il laisse même la porte ouverte à EDF pour démontrer, selon les mots de son P.-D.G., Jean-Bernard Lévy, la pertinence économique d'une filière de nouveaux réacteurs EPR.

En ce qui concerne les réacteurs nucléaires, vous vous engagez à fermer Fessenheim après 10 années d'annonces répétées en ce sens. La mémoire est bonne conseillère pour juger de la crédibilité de ce genre de planifications vagues et sans moyens. Vous annoncez la fermeture d'autres réacteurs, mais pas pendant ce quinquennat présidentiel.

Pire, l'objectif de réduction de 50 % de la part de l'énergie nucléaire est renvoyé à 2035. Comme ils semblent lointains et brumeux, les souvenirs qui vous représentent en train d'annoncer 100 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2050. Ce qui était pour vous une expression de la justice et de la raison hier a, semble-t-il, disparu de votre horizon personnel.

Mais La France insoumise est toujours là, et pendant que vous aspiriez à un ministère dans un Gouvernement qui n'entend même pas mettre en oeuvre l'ombre de votre programme évanescent, nous avons travaillé. Partout dans le pays, des « ateliers des lois » ont eu lieu autour de deux idées claires : le développement du « 100 % d'énergies renouvelables » et la sortie planifiée du nucléaire. Les citoyennes et les citoyens ont discuté, ils ont débattu, ils se sont emparés de ces sujets lors de la campagne nationale que nous avons menée.

Il en est issu une proposition de loi que je souhaite vous transmettre, monsieur le ministre d'État. Elle vous donnera, je l'espère, des idées pour orienter votre politique en conformité avec la triple exigence de nous préserver du danger du nucléaire, de tourner la page de cette énergie du passé et d'accomplir une vraie, juste et forte transition énergétique. Un plan contraignant d'isolation des logements, une protection des travailleurs sous-traitants du nucléaire, mais aussi la création d'un haut-commissariat à la planification écologique qui ne s'aplatirait pas devant Bercy : les bonnes idées ne manquent pas et, comme vous le voyez avec « les gilets jaunes », elles viennent bien souvent des citoyens eux-mêmes. Je vous transmets cette proposition de loi, en espérant qu'elle vous réconciliera avec vous-même et que vous pourrez dire, à votre tour : « je me souviens ».

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Je vous remercie, monsieur le ministre d'État, de partager avec nous votre vision de la PPE, qui doit définir la politique énergétique de notre pays, et notamment, comme on vient de le souligner, la répartition entre le nucléaire et les énergies renouvelables.

Vous venez tout juste de préciser que la PPE a vocation, non pas à préparer la sortie du nucléaire, mais à organiser la diversification de nos modes de production. Il n'empêche que la confusion règne autour du nucléaire et que le désordre prend de l'ampleur car le Gouvernement semble éprouver de réelles difficultés à faire un choix. S'il est quasiment acquis que certains réacteurs devront être mis à l'arrêt d'ici à 2035, nous ne savons toujours pas à quel rythme ces mises à l'arrêt se dérouleront.

Par ailleurs, nous manquons encore d'éclaircissements sur la production et la consommation d'énergie, et nous ne voyons pas très bien quelles seront les dispositions susceptibles de favoriser le droit à l'énergie pour tous, comme le prévoit la PPE. Sur l'ensemble du territoire national, pas moins de 11 millions de personnes vivent encore dans la précarité énergétique, tandis qu'en Guyane, territoire que je représente, environ 15 % de la population n'a pas accès à l'énergie.

De même, on pourrait s'interroger sur la lisibilité de la volonté politique d'assurer le report du transport de marchandises et de passagers vers le ferroviaire et le fluvial, afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Vous avez précisé à plusieurs reprises que la PPE a aussi vocation à accompagner la lutte contre le réchauffement climatique. Dans le même temps, le Gouvernement s'apprête à autoriser, incessamment, la Compagnie minière Montagne d'or à massacrer la forêt guyanaise. Son projet destructeur va consommer pas moins de 270 000 litres d'eau par jour, ce qui augmentera évidemment la pression anthropique sur notre environnement. Je pense qu'il faudra être très prudent dans ce contexte. Les populations locales ne valident pas ce projet, surtout au moment où notre voisin brésilien tourne le dos aux décisions qui ont été arrêtées lors de la COP21 à Paris et où il a définitivement refusé d'assurer l'organisation de la COP25.

J'ai lancé une petite boutade sur les réseaux sociaux : je propose que la France organise une manifestation d'envergure dans le bassin amazonien pour dire à nos amis de la Terre à quel point notre pays tient absolument à ce que le climat évolue dans une bonne direction. Je suis tout à fait disposé à en discuter avec vous, si vous le voulez.

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La PPE est un document fondateur pour adapter nos modes de production et de consommation à la limitation des ressources et à la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Ce texte se donne pour objectif de ne pas opposer les acteurs et les filières industrielles alors que nous suivrons trois priorités : économiser l'énergie et la décarboner, produire et consommer autrement l'électricité, et enfin accompagner les territoires dans la transition écologique.

Au nom du groupe Libertés et Territoires, je veux rappeler que toutes ces bonnes intentions, qui visent à protéger et à améliorer notre environnement, ne pourront être rendues effectives que par une transformation profonde de notre mode de vie. Nous devons revoir les fondements mêmes de la société de consommation : le développement humain ne peut pas passer exclusivement par une course effrénée à la consommation. Nous devons nous orienter, dans notre manière de vivre, de produire, de nous alimenter et de nous hydrater, vers des gestes plus sains et plus équilibrés. Il ne s'agit pas de répondre à une crise conjoncturelle en adoptant à la marge quelques mesures. Bien au contraire, les causes structurelles du dysfonctionnement de l'économie mondiale, des déséquilibres sociaux et des dérèglements de notre territoire sont à rechercher au coeur même de notre modèle de société.

La bataille de l'eau s'annonce, nous le savons. Alors que les pays riches s'organisent, au moyen du tri, pour éviter d'étouffer sous les déchets, les pays pauvres cherchent un simple accès à l'eau. Il est temps aussi de reconnaître que l'eau et la terre sont des biens appartenant à tous : ils font trop souvent l'objet de captations par des multinationales.

Compte tenu de l'ampleur du problème, il n'est plus possible de trouver des réponses spécifiques et thématiques. Il convient, au contraire, d'irriguer l'ensemble de la société et de passer l'ensemble de nos décisions publiques au tamis de notre capacité à léguer aux jeunes générations un écosystème sain et diversifié.

L'analyse que nous devons faire est inséparable des contextes humains, familiaux et territoriaux dans lesquels chacun d'entre nous vit. C'est pourquoi, comme l'actualité le démontre, ce serait une erreur funeste de vouloir tout résoudre par le haut et la suprastructure. L'efficacité doit être au coeur de nos travaux, et la mise en valeur des énergies durables peut guider nos échanges. L'État ambitionnerait d'arriver à une baisse de 40 % de la consommation des énergies fossiles d'ici à 2030.

Nous nous réjouissons, au groupe Libertés et Territoires, de voir la mobilité s'inviter dans le débat public : c'est un sujet de préoccupation pour nos concitoyens. France Nature Environnement a récemment estimé qu'un cargo de fret produirait autant d'oxyde de soufre qu'un million de voitures particulières. C'est dans cette perspective que l'Organisation maritime internationale a adopté une résolution visant à réduire la teneur maximale en soufre à 0,5 % à partir de 2020 au niveau mondial. La volonté réaffirmée de la France de baisser sa part d'énergie nucléaire est, par ailleurs, une bonne chose.

J'espère que ces éléments permettront d'orienter nos travaux vers les choix fondamentaux qui nous attendent.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Monsieur Colas-Roy, je partage l'idée selon laquelle il ne faut jamais séparer écologie et économie : on peut faire avancer concrètement les deux de manière simultanée, et c'est particulièrement vrai pour l'énergie. Mais il ne suffit pas de le décréter : après, il faut le faire, en étudiant systématiquement les conditions de développement économique de telle ou telle technologie et le prix pour les consommateurs, lequel doit toujours être lié au prix de production – à moins de subventionner massivement, on ne peut pas les découpler durablement.

Il faut évidemment prévoir des mesures d'accompagnement supplémentaires. C'est notre chantier prioritaire concernant les économies d'énergie. Il s'agit d'une activité économique, d'argent investi sur notre territoire et dans notre économie, notamment dans le bâtiment : les entreprises du secteur en sont les premières convaincues et militent dans ce sens. Nous devrons trouver les leviers.

Antoine Herth a évoqué les espaces info énergie et le tiers financement. L'une des clés consiste évidemment à fournir l'information de façon simple à nos concitoyens. Il faut le faire, et pas seulement à l'occasion de campagnes d'information – que nous avons d'ailleurs menées –, avec des personnes qui sont prêtes à accompagner la population. Surtout, il faut offrir des solutions globales : si, pour chaque solution proposée, il y a un interlocuteur et un dispositif d'aide différents, on ne s'en sortira pas, ou alors on continuera comme aujourd'hui, c'est-à-dire que des travaux seront certes réalisés – car on ne peut pas dire que rien n'est fait – mais on ne progressera pas au rythme qu'il faudrait.

Nous avons déjà eu l'occasion de parler de la chaleur renouvelable : 315 millions seront consacrés en 2019 au Fonds Chaleur – la mesure doit être votée aujourd'hui au conseil d'administration de l'ADEME. Je ne vous cache pas que c'est une bataille permanente, car chaque dépense supplémentaire est sujette à débat, ce qui est d'ailleurs normal. Quoi qu'il en soit, tout le monde semble d'accord pour développer le Fonds Chaleur. Nous avons prévu 350 millions d'euros pour les années suivantes. L'augmentation sera donc importante. Le Fonds Chaleur constitue un levier, même s'il est peu connu. Le développement des réseaux de chaleur concerne surtout le milieu urbain, mais il est également possible dans de plus petites communes.

Par ailleurs, la chaleur renouvelable, en particulier par l'intermédiaire de la filière bois énergie, est une source d'activité pour nos producteurs forestiers, même si cela suscite des interrogations, car la structuration de la filière bois énergie doit s'accompagner d'une meilleure exploitation des forêts. Au passage, j'aimerais bien qu'on arrête de raconter n'importe quoi sur ce sujet, y compris dans l'hémicycle : non, nous ne sommes pas en train de saccager nos forêts. Il faut être clair : on ne peut pas à la fois dire qu'il faut développer les énergies renouvelables et, dès lors que l'on entre dans le détail, pour chaque filière et chaque déclinaison dans les territoires, dire qu'il faut arrêter à la moindre opposition.

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Il ne faut pas non plus faire n'importe quoi !

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Antoine Herth a raison : il y a – malheureusement – des oppositions aux méthaniseurs. Il est normal qu'il y ait des oppositions, des débats et des recours : cela participe de la vie démocratique, et même de la vie sociale ; mais si l'on ajoute sans cesse de nouvelles règles pour faire plaisir aux opposants et que, par voie de conséquence, soit on ne peut plus rien faire soit il est de plus en plus compliqué – donc aussi de plus en plus cher – d'agir, la filière ne se développera pas. S'agissant des méthaniseurs, si on ne modifie pas un certain nombre de règles, on ne changera pas d'échelle. Il y a la question de la taille, mais aussi de ce qu'on met dans les installations : je n'entrerai pas dans les détails techniques, mais les règles sont très restrictives en France concernant les cultures que l'on peut y incorporer. Or tout cela pèse sur le coût final – encore une fois, il faut dire les choses clairement. J'ai eu l'occasion d'inaugurer des méthaniseurs. Or les orateurs et oratrices – acteurs locaux et nationaux, représentants de grands groupes, élus locaux, acteurs de la filière agricole – ont réussi le tour de force de ne parler à aucun moment du prix. Pourtant, on ne peut pas dire sérieusement qu'on va développer ces technologies sans parler de leur prix.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Le gaz renouvelable est aujourd'hui presque quatre fois plus cher à produire que le gaz importé de Russie, d'Algérie ou d'ailleurs. Nous souhaitons tous profiter de nos ressources plutôt qu'importer, mais il faut tout de même veiller à la compétitivité-prix. Je ne parle même pas du fait que certains acteurs avaient établi leurs calculs de compétitivité sur la base d'une taxe carbone augmentant pour le gaz fossile. Or si la taxe n'augmente plus, la compétitivité-prix du gaz renouvelable va être plus faible. Mais je ne rouvrirai pas le débat sur le sujet.

J'en profite pour répondre à M. Saddier : non, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous n'avions pas bâti un modèle énergétique fondé sur l'indépendance nationale.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Nous avons développé massivement la production d'électricité par le thermique, puis les transports routiers – progressivement, mais de façon toujours plus massive. Ce faisant, nous nous sommes rendus toujours plus dépendants des importations d'énergie. À moins de rêver de recommencer à exploiter le charbon en France – en 1981, par exemple, un plan charbon avait été élaboré –, on est bien obligé d'utiliser le pétrole, le gaz et du charbon importés à 100 %. Le nucléaire, pour la production d'électricité, a permis de développer l'indépendance – même si, je le rappelle, au départ, les technologies étaient américaines, avec les centrales Westinghouse. Toutefois, l'uranium n'est plus extrait en France : le combustible est donc désormais importé.

Pour accroître notre indépendance, nous devons diminuer notre consommation d'énergie et développer les ressources locales, et cela tout en gardant à l'esprit l'exigence de compétitivité économique. Certains d'entre vous ont évoqué, à juste titre, le mouvement des gilets jaunes et la protestation autour des prix de l'énergie – car tout est parti de là, même si les revendications vont désormais bien au-delà, puisqu'elles concernent aussi les impôts et les taxes. Or, si on développe des filières dont le coût de production est élevé, de deux choses l'une : soit on répercute le coût sur le prix d'achat, soit on subventionne, ce qui revient à financer ces filières à travers les impôts. Il n'y a pas de solution miracle. Ainsi, à l'heure actuelle, les agrocarburants coûtent plus cher que l'essence qui sort des raffineries.

Il en va de même pour l'EPR : celui-ci doit faire la démonstration de sa fiabilité technologique et de sa compétitivité économique. Le contrat qu'EDF a passé avec la Grande-Bretagne pour Hinkley Point est fondé sur une hypothèse de 100 euros le mégawattheure, soit un prix supérieur à celui du marché, qui est de 60 euros. Soit on considère que les prix du marché vont augmenter considérablement d'ici à dix ans, auquel cas le système peut devenir compétitif, soit cela veut dire qu'il ne l'est pas. Quand donc on dit qu'on va demander à EDF de se prononcer très clairement sur la fiabilité technologique et la compétitivité économique, c'est de cela qu'il est question.

La création d'activité et d'emploi, comme l'a souligné Jean-Charles Colas-Roy, est évidemment importante. Oui, il faut envisager d'autres plans de filière. Il faut diversifier sans pour cela se disperser, et il n'est pas facile d'établir une ligne de partage entre les deux. Notre politique, en revanche, est claire : il n'y a de solution miracle – le tout-éolien, le tout-solaire, le tout-agrocarburant, le tout-biogaz ou le tout-bois énergie –, il faut miser sur la diversification avec bon sens : si on court trop de lièvres à la fois, on finit par n'en attraper aucun.

Madame Battistel, je connais les préoccupations de la filière de l'éolien marin offshore. Nous augmentons nos capacités en matière d'éolien offshore posé et, du fait à la fois d'une renégociation et d'évolutions technologiques permettant d'augmenter le rendement, nous avons fait baisser le prix. Le mégawattheure est encore en moyenne à 130 euros, contre 240 auparavant : c'est un réel progrès, même si le prix de marché est de 60 euros. Je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais il faut dire les choses clairement, sinon, à un moment donné, on répercutera le coût sur le prix de l'électricité. On espère, pour le projet d'installation au large de Dunkerque, arriver à 50 ou 60 euros. Tant mieux, mais les autres projets auront-ils la possibilité d'atteindre le même prix ?

L'éolien flottant est l'exemple typique d'une nouvelle filière que l'on veut développer, en profitant de l'expérience en matière d'éolien offshore posé, tout en utilisant une nouvelle technologie, d'ailleurs issue du savoir-faire de nombreuses entreprises françaises spécialisées dans les plateformes pétrolières offshore. La transition énergétique, c'est aussi cela : on réduit l'utilisation du pétrole, ce qui signifie, à terme, qu'il n'y aura plus de plateformes pétrolières, mais on utilise les savoir-faire existants pour l'éolien. En outre, nous demandons aux filières de faire la démonstration qu'elles peuvent produire le mégawattheure à 120 ou 130 euros, c'est-à-dire de la même façon que l'éolien posé. Si on peut aller plus vite et améliorer le processus, on augmentera évidemment les volumes, notamment sur la façade méditerranéenne, où le potentiel est important, mais aussi, bien sûr, sur la façade atlantique, ou encore outre-mer.

Les modalités d'action du Haut conseil pour le climat seront précisées dans les semaines et les mois qui viennent.

S'agissant de la concertation, annoncée par le Président de la République lorsqu'il a présenté la programmation pluriannuelle de l'énergie, et sur laquelle le Premier ministre est revenu hier dans l'hémicycle, nous sommes en train de bâtir le mode opératoire. Nous souhaitons que des débats aient lieu partout dans les territoires, que les uns et les autres puissent s'y investir – aussi bien les gens qui sont impliqués dans des mouvements de protestation, comme les gilets jaunes, que des députés et sénateurs, des élus locaux, des syndicats. Il ne faut pas que ce soit trop institutionnel, sinon ce sont toujours les mêmes qui s'y intéresseront. Roland Lescure l'a dit : il y a eu de nombreuses discussions autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie – initiées par Jean-Charles Colas-Roy, notamment –, mais on ne peut pas dire que le sujet ait vraiment émergé dans le débat public. Il faut aussi que l'éventail des thèmes soit très large ; la concertation ira donc, de fait, bien au-delà de l'accompagnement de la transition écologique et énergétique. Je pense que vous avez déjà eu l'occasion de discuter avec ceux qui protestent actuellement dans le cadre du mouvement des gilets jaunes : ils parlent davantage d'une diminution des impôts et des taxes et d'un renforcement des services publics que d'énergie, même si c'était bien le point départ.

Certains, dont Mme Panot – j'allais dire Mme Perec – en appellent d'ailleurs à l'insoumission généralisée. Je ne sais pas ce que cela va donner, mais j'ai l'impression qu'à tel endroit ce sera l'insoumission contre les éoliennes, à tel autre contre la fermeture de la centrale de Fessenheim, ailleurs encore contre la taxe carbone ou contre les méthaniseurs. L'insoumission généralisée, c'est tout envoyer valser. Ce qui est sûr et certain, c'est que cela ne mènera pas à beaucoup de transitions énergétique ou écologique, car celle-ci implique d'être organisé et de faire preuve de détermination et de constance. Tout envoyer valser, revient en définitive à dire que l'on va continuer comme avant. Il est tellement plus simple d'aller voir les citoyens, de leur passer la main dans le dos et de leur dire : « Ne vous inquiétez pas, on va continuer à rouler au diesel, à se chauffer au fioul et à faire fonctionner nos vieilles centrales. »

Madame Panot, j'ai feuilleté votre proposition de loi. Allez-y, mettez-la en débat : je suis prêt à en discuter. J'espère que vous l'avez lue avant de me la donner.

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Je l'ai même écrite avec des citoyens, figurez-vous !

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Vous prévoyez d'arrêter définitivement les réacteurs nucléaires au plus tard le 1er janvier qui suit la quarantième année de leur couplage au réseau.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

C'est vrai. Nous, nous allons fermer les quatre réacteurs de la centrale de Tricastin, entre autres, et ce dans le courant de la législature. Vous me montrerez aussi votre plan pour approvisionner notre pays en électricité – car il faut tout de même être sérieux. Je ne sais pas comment on pourrait garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité dans un cadre relevant de l'économie administrée.

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Ce serait le retour à la bougie et à la charrette !

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Vous écrivez, dans un autre article du texte, que vous allez établir un tarif progressif de l'électricité. Très bien ; parlons-en. La gratuité, dites-vous, sera assurée pour une partie de la consommation et sera compensée en faisant payer très cher ceux qui consomment beaucoup. Parlons-en avec les gens dont la consommation de chauffage est importante parce que leur logement est mal isolé.

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Nous avons aussi un plan de rénovation de l'habitat !

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Tout cela va faire autrement plus mal que la taxe carbone : le coup de bambou va être puissant quand les gens recevront leur facture !

Quand on parle d'énergie, il faut être sérieux et dire les choses clairement aux Français. Or, être sérieux, c'est dire précisément combien cela coûte et qui paie. Il est facile de dire : « On rase gratis ». Pourquoi, en effet, ne pas décréter la gratuité pour tout le monde ?

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Votre Haut-Commissariat à la planification écologique planifiera aussi les hausses d'impôt qui permettront de financer ce programme. L'insoumission généralisée, vous l'aurez, mais elle ne sera pas dirigée contre ceux auxquels vous pensez.

En ce qui concerne la consommation énergétique d'ici à 2030, monsieur Saddier, nous serons en mesure de donner les chiffres, car nous nous fondons sur des scénarios précis. Nous pensons – même si cela peut évidemment être contesté – que, dans les dix années à venir, la consommation d'électricité restera relativement stable. D'un côté, il y aura des gains en termes d'efficacité énergétique, avec l'amélioration des appareils et leur renouvellement, qui permettront de consommer moins, ou encore l'isolation chez les particuliers et la consommation maîtrisée dans les entreprises : ce sont là des réalités qui se mettent en place, fort heureusement. De l'autre, on observera une électrification un peu plus importante de certains usages, notamment dans les entreprises du fait que l'on va utiliser de l'électricité à la place d'autres sources d'énergie, ou avec la montée en puissance progressive de la voiture électrique. On considère toutefois que ces deux mouvements opposés se compenseront. Par la suite, c'est vrai, l'augmentation de la consommation sera plus forte ; il faudra y faire face en termes de production. Là aussi nous devons être clairs et précis, faute de quoi nous serons confrontés à d'importantes difficultés.

En ce qui concerne le contexte européen et l'interconnexion, c'est évidemment la politique que nous menons. La sécurité de l'approvisionnement peut s'entendre soit au niveau européen – nos voisins allemands y seraient assez favorables –, soit à l'échelle nationale – ce qui est plutôt la tradition de la plupart des pays, dont la France. Cela dit, de fait, les réseaux seront de plus en plus interconnectés, ce qui accroîtra les possibilités d'assurer la sécurité de l'approvisionnement, et, selon les cas, soit de profiter des capacités des uns et des autres, soit d'en faire profiter ses voisins. Toutefois, je regrette qu'il n'y ait pas davantage de coordination entre les politiques nationales de l'énergie, mais c'est ainsi ; je souhaite que le sujet soit débattu lors des prochaines élections européennes. Je ne sais pas ce que l'on vous a dit en Bulgarie, monsieur Herth, mais nous sommes tout à fait partants pour coordonner davantage, et nous avons bien sûr, en la matière, des échanges avec nos partenaires.

La question de l'acceptabilité est effectivement très importante, monsieur Saddier, mais nous y sommes confrontés en permanence, et le problème est général : s'il y a une seule personne dans cette salle qui croit que l'on peut implanter demain un réacteur EPR où on veut et quand on veut, qu'elle me fasse signe. La dernière fois qu'on a voulu le faire, le gouvernement de l'époque a choisi Flamanville parce qu'il y avait déjà, à cet endroit, un site nucléaire et que plus personne n'en voulait ailleurs : l'acceptabilité du nucléaire s'est elle aussi réduite. Il en va de même pour la chaleur renouvelable : dans le territoire où je suis élu, des gens s'insurgent parfois contre l'installation d'une chaufferie à bois à côté de chez eux, y compris des personnes qui avaient voté massivement en faveur de candidats qui prônaient le développement des chaufferies à bois. Cela ne veut pas dire qu'on n'installe pas ces équipements, bien sûr, mais ils suscitent moult recours.

L'acceptabilité est donc un problème général, et la décision vous revient, à vous, parlementaires : faut-il favoriser l'acceptabilité plutôt que de rajouter des normes et des règles qui rendent les choses plus compliquées ? Des mesures de simplification ont été prises, notamment sous la houlette de Sébastien Lecornu – je les assume même si je n'étais pas encore à la tête du ministère – concernant l'éolien et les méthaniseurs. On m'accuse d'ailleurs des pires horreurs – peut-être certains d'entre vous souscrivent-ils à ces jugements –, en disant que j'ai signé un décret en catimini. Non seulement, par définition, un décret est publié, et ne peut donc être pris en catimini, mais les mesures en question résultent d'un travail on ne peut plus transparent sur la simplification. Or il est nécessaire de simplifier. Pour l'éolien offshore, par exemple, dont Mme Battistel a parlé, c'est aussi là que réside le problème : il y a tellement de recours possibles que, de toute façon, les opérations sont extrêmement longues à voir le jour.

Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. Herth à propos de la voiture électrique : un énorme travail doit être fait pour créer un contexte favorable. Les produits fournis par les industriels arrivent sur le marché, à des prix acceptables. Si les gens pensent qu'une voiture électrique, c'est forcément une Tesla à 60 000 euros – 35 000 euros pour le modèle le moins cher –, nous n'y arriverons pas ! Renault produit la Zoé, qui plus est sur notre territoire national. Neuf, le véhicule coûte 17 000 euros, bonus déduit et, dans les concessions, on en trouve d'occasion à 9 000 ou 10 000 euros. De même, beaucoup de gens croient qu'il faut avoir une borne de recharge chez soi, alors qu'une prise électrique suffit ; ou encore que la voiture électrique est faite pour la ville et non pour la campagne. À cet égard, l'un de vos anciens collègues du groupe Les Républicains, Alain Leboeuf, vous démontrera de façon extrêmement concrète que, dans son département, la Vendée, la voiture électrique s'est développée en milieu rural, et que c'est là qu'elle est la plus efficace et la mieux adaptée.

J'ai déjà répondu, au moins pour une part, à ce qu'a dit M. Duvergé concernant les biocarburants. Là aussi, il faut être concret : oui au développement de cette filière, mais il faut que le bilan écologique global soit bon. Plutôt que d'importer une grande partie de l'huile de palme – et je ne parle pas des polémiques que cela suscite –, il faut créer des filières françaises et européennes plus efficaces et plus compétitives. Concernant l'hydrogène, je préfère ne pas entretenir d'illusions : son utilisation pour les véhicules particuliers n'est pas du tout à l'horizon de la programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est-à-dire dix ans. Le procédé est extrêmement coûteux. L'hydrogène sera plus intéressant s'agissant des véhicules lourds : c'est une vraie solution alternative pour les trains. Plutôt que d'électrifier certaines lignes, on pourra utiliser des locomotives fonctionnant à l'hydrogène – Alstom, constructeur français, a mis en service un exemplaire de démonstration en Allemagne, et certaines régions françaises sont prêtes à lancer elles aussi des expérimentations qui permettront d'avancer. Il faudra par ailleurs produire l'hydrogène de façon renouvelable et propre ; aujourd'hui, la technique émet du gaz à effet de serre – non pas du CO2, mais du CH4.

Madame Battistel, je vous ai déjà répondu en ce qui concerne l'éolien. Pour ce qui est de la filière de déconstruction des centrales nucléaires, vous avez raison. C'est un projet qui existe à Fessenheim. Je rassure aussi M. Herth : ce que j'ai dit concerne les autres sites.

Nous reparlerons ultérieurement de l'hydroélectricité. Pour ce qui est de garder la gestion publique, et même si je ne veux pas jouer sur les mots, je vous rappelle que nous avons un système de concession. Premièrement, EDF est une société anonyme – certes à capitaux publics à hauteur de 85 %, mais ce n'est pas un établissement public. Deuxièmement, certains barrages sont gérés par d'autres sociétés – dans les Pyrénées, une filiale d'Engie, pour une part. La question n'est pas de garder la gestion publique ; en revanche, il faut conserver la maîtrise.

À propos de l'hydroélectricité, j'en profite pour signaler que je vois arriver de nombreux courriers, qui d'ailleurs se ressemblent tous, ce qui montre qu'ils viennent du même endroit. L'un d'entre eux était même signé par des élus du Conseil de Paris, qui m'écrivaient en substance : « Cela vous étonnera peut-être que nous vous parlions des concessions hydroélectriques » – en fait, cela ne m'étonne pas tant que cela, car je sais d'où cela vient –, « mais vous êtes en train de privatiser 150 barrages. » De fait, il y a des gens qui croient sincèrement que l'État est en train de vendre 150 barrages à des entreprises privées. Or nous ne vendons rien du tout : il y a des concessions, et nous continuerons avec ce système. La seule question – Mme Battistel le sait très bien car elle connaît parfaitement le sujet – est de savoir si on reconduit les concessions avec ou sans appel à la concurrence. Ne pas faire appel à la concurrence, cela revient à reconduire la position dominante d'EDF, concessionnaire de 80 % des installations. La Commission européenne nous dit que cela n'est pas possible, car c'est contraire aux règles européennes de la concurrence.

Quoi qu'il en soit, ce sont bien de concessions, ce qui signifie, en bon français, que l'on concède, pour une certaine durée, l'exploitation d'un ouvrage qui reste dans le domaine public. Il faut dire les choses aux Français : si on leur ment pour leur faire peur, on suscite des réactions irrationnelles. L'intérêt public est de conclure des accords intéressants pour les concessions, qui permettent ensuite de réinvestir.

Ce qu'a dit Mme Battistel à propos des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) concerne un barrage en particulier ; nous en reparlerons ensemble. Cela dit, le sujet concerne la transition énergétique : il s'agit de savoir si les barrages hydroélectriques, en plus de produire de l'électricité propre et renouvelable, peuvent servir au stockage de l'électricité. Cela suppose d'investir, mais permettra ensuite d'avoir un système plus performant. Oui, le fait que ces investissements soient financés par des sociétés auxquelles on accorde la concession pour une certaine durée répond à l'intérêt public.

Je pense avoir répondu à Mme Panot, en dehors de ce qu'elle a dit concernant la fermeture de Fessenheim, prétendument annoncée depuis dix ans. Je me tourne vers les députés LR : je ne crois pas que M. Sarkozy ait annoncé cette fermeture quand il était Président de la République. Je suis même persuadé du contraire. François Hollande, en revanche, l'avait effectivement inscrite à son programme et, en cinq ans, il n'a pas réussi à mettre en oeuvre cet engagement.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Nous l'avons repris en 2017 et nous le mettons en oeuvre en donnant une date : normalement, la fermeture aura lieu en 2020. Les choses sont donc claires.

M. Serville a surtout parlé du projet de la Montagne d'or, dont nous avons déjà discuté ensemble. Cela nous éloigne un peu de la transition énergétique : nous en reparlerons et nous serons amenés à prendre des décisions prochainement.

Monsieur Falorni, nous partageons les objectifs et les moyens ; le problème tiendra à leur déclinaison secteur par secteur et territoire par territoire.

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Nous allons passer aux questions. Nous devrons en avoir fini à onze heures, et j'ai reçu dix-sept demandes de parole. Chacun pourra s'exprimer, M. le ministre d'État répondra à autant de questions que possible et, pour les autres, je lui propose qu'il s'engage à fournir des éléments par écrit.

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Monsieur le ministre d'État, vous n'êtes pas sans savoir que certains territoires sont inquiets, en particulier Tricastin, Bugey, Gravelines, Dampierre-en-Burly, Blayais, Cruas, Chinon et Saint-Laurent-des-Eaux ; mais, contrairement à ce qu'on pense, ils savent que les centrales nucléaires ont une durée limitée. Les élus et les habitants savent que la vie des installations aura une fin ; ils la redoutent, mais veulent surtout savoir à quel moment les sites seront concernés, quels sont le calendrier et la méthode. Par ailleurs, ils savent que, pour bien vivre une telle transition, il faut l'anticiper, comme vous l'avez vous-même déclaré. Quels seront les outils, la méthode et éventuellement les pilotes pour mener à bien cette transition ? Quels seront, à terme, les sites concernés ?

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Monsieur le ministre d'État, avant de sauver la Terre, il faut revenir sur terre. Vous avez déclaré très récemment : « En matière de fiscalité écologique, nous poursuivrons la trajectoire. Ne pas le faire serait de l'inconscience. » Après avoir compris qu'il était intenable d'augmenter encore au 1er janvier la taxe carbone, qui représenterait 200 euros en plus pour quelqu'un faisant un plein par semaine, comprenez-vous qu'il est irréaliste de continuer à prévoir, à l'horizon 2022, 15 milliards de hausses de taxes sur les carburants, c'est-à-dire 15 euros par plein de 50 litres ou, si on déduit les hausses de l'année 2019, 12 euros par plein ? Où en est-on ? Allez-vous renoncer complètement à ces hausses de taxes pour la suite du quinquennat ? Comprenez-vous qu'il est irréaliste de penser que tout le monde peut passer aux véhicules électriques, même avec une aide de 4 000 euros pour un ménage non imposable gagnant environ 1 400 euros par mois, ce qui laisse 17 000 euros à charge pour une Zoé, comme vous venez de le rappeler, et 8 000 euros pour un véhicule d'occasion ? Allez-vous aider réellement ces ménages ou, à tout le moins, arrêter de les matraquer et de les faire culpabiliser ? À vouloir à la fois la sortie des énergies fossiles, la sortie du nucléaire, une forte baisse des émissions de CO2, 100 % de véhicules électriques, de la croissance, de l'emploi et moins d'impôts, vous n'atteindrez aucun de ces objectifs.

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Notre position dans le paysage énergétique européen et mondial dépend de notre volonté politique. Ne plus être à la merci des instabilités géopolitiques, des gisements de terres rares et sources d'énergie détenus par des tiers conforte la sécurité d'un pays. Nous savons tous depuis longtemps que les guerres ne se font pas seulement avec des armes. Nous sommes en retard sur notre trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre alors que tous les rapports scientifiques récents alarment sur le réchauffement climatique.

Si nous voulons respecter nos engagements en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 pour aller vers la neutralité carbone à l'horizon 2050, nous devons impérativement développer l'hydrogène comme vecteur énergétique pour les mobilités, les réseaux de chaleur via les smart grids, la production et le stockage d'électricité. Il permettra de faire face à l'intermittence des énergies renouvelables, à la décarbonation du gaz et à la réduction de la part du nucléaire. Se limiter au tout électrique pour la voiture est une erreur car les batteries ne sont pas écologiques et, pire, seront importées à 80 % de Chine.

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Monsieur le ministre d'État, je voudrais revenir rapidement sur l'éolien offshore, notamment sur le problème que pose l'installation des éoliennes en mer sur certains sites, notamment dans ma circonscription, en plein coeur d'un parc naturel marin et d'une zone de pêche – vous le savez, nous en avons parlé bien souvent à la commission du développement durable.

Je crois à l'éolien flottant et j'aimerais tout simplement savoir si vous comptez mettre le paquet pour lui permettre de se développer dans notre pays, qui a le premier domaine maritime au monde.

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Les opérations qui vont se dérouler à la centrale de Fessenheim – annonce de la fermeture pour 2020, neutralisation du site étalée sur vingt ans avec traitement des combustibles, puis démantèlement – mettent en jeu 2 000 emplois directs ou indirects et les relais d'activité suscitent de fortes préoccupations chez les élus et les organisations syndicales. Ce sont 13 millions d'euros de retombées fiscales qui sont menacées pour les collectivités territoriales. Un dispositif de péréquation entre collectivités percevant les recettes fiscales a été mis en place et une compensation de l'État sur trois ans a été prévue, avec une sortie en sifflet. Serait-il possible au Gouvernement de présenter un état des lieux précis devant la commission du développement durable et la commission des affaires économiques ?

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La presse a évoqué la possibilité d'une scission d'EDF avec d'un côté, les activités nucléaires, et de l'autre, les activités liées aux énergies renouvelables avec pour objectif annoncé de « mettre le nucléaire à l'abri du marché ». Cela me paraît être un aveu : aujourd'hui, comme tous les spécialistes l'ont établi, les énergies renouvelables coûtent moins cher que le nucléaire. Cette séparation reviendrait à faire de l'argent avec des ENR en forte croissance pour financer des EPR en faillite, le programme de grand carénage à 100 milliards d'euros ou le stockage des déchets dont on ne sait que faire.

Vous disiez attendre, monsieur le ministre d'État, qu'EDF éclaire vos choix. Avant qu'elle ne vous tienne le stylo, pourriez-vous nous indiquer quels choix politiques vous comptez faire et quelle stratégie vous souhaitez pour EDF et les énergies renouvelables ?

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Malgré l'actualité, la transition écologique de nos mobilités doit rester une priorité, c'est un enjeu crucial pour notre société. Le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux : multiplier par cinq les ventes de véhicules électriques d'ici à 2022. L'électromobilité ne pourra se développer qu'avec un réseau de bornes de recharge bien maillé.

Ma question est simple : pourriez-vous nous rappeler la stratégie de déploiement des infrastructures de recharge et les outils de financement mobilisés à cette fin ?

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Monsieur le ministre d'État, nous sommes tous d'accord sur le bien-fondé d'une programmation pluriannuelle de la transition énergétique. Encore faut-il en mesurer les conséquences économiques sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens et sur le développement de nos entreprises et son poids en matière environnementale. Allons-nous continuer à laisser s'installer des parcs éoliens à l'intérieur de certains parcs régionaux ou au sein de certains sites emblématiques ?

Dans certains territoires, savez-vous qu'il y a pénurie d'effluents agricoles pour alimenter nos méthaniseurs ? Cela oblige à importer paille et autres produits agricoles. Des centaines de camions sillonnent l'Europe pour les transporter. Qu'en est-il du bilan carbone ? Que faire face à la flambée du coût de la paille ?

Il faudrait faire preuve de cohérence et de sens de l'anticipation dans la réalisation de certains projets et ne pas faire de l'énergie renouvelable pour faire de l'énergie renouvelable.

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Monsieur le ministre d'État, je voudrais poser une question d'ordre méthodologique. Les territoires sont pluriels par essence et chaque projet lié aux énergies renouvelables pèse différemment sur le dynamisme de chaque territoire. Plus les experts et acteurs présents sur le terrain – chefs d'entreprise, élus locaux, citoyens, associations – participent à la structuration des filières ou à la construction de la chaîne de valeur d'un projet ENR, plus les retombées sont importantes. Comment ces acteurs seront-ils associés à la PPE afin de maximiser les retombées économiques et sociales sur nos territoires ?

Il existe de nombreuses filières qui manquent de structuration sur l'ensemble du territoire. Je pense notamment à la filière bois-énergie ou à la filière bois-déchets. Elles font face à de nombreuses difficultés d'ordre financier, technique – acquisition de compétences humaines et technologiques – et juridique – je pense à la rubrique 2910-B relative aux installations de combustion de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).

En quoi la PPE contribuera-t-elle à réduire les obstacles au développement des filières d'énergies renouvelables ?

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Monsieur le ministre d'État, je partirai d'un double constat : d'une part, il est nécessaire de disposer de solutions de stockage afin d'accroître notre autonomie, compte tenu du fait que les principales énergies renouvelables sont intermittentes ; d'autre part, si un plan hydrogène a été lancé le 1er juin dernier par votre prédécesseur afin de développer la production de ce vecteur énergétique à partir des ENR alimentant l'électrolyse de l'eau, la France ne compte pas de fabricant de piles à combustible nécessaires pour utiliser cet hydrogène à l'alimentation des véhicules. Le développement des ENR et leur utilisation potentielle réclament des recherches supplémentaires, des transferts de technologie et un développement industriel solide et créateur d'emplois. Quels outils et quels moyens la PPE proposera-t-elle pour renforcer en France les partenariats public-privé autour des questions de recherche et de développement industriel des énergies renouvelables dans nos territoires ?

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Je souhaiterais revenir sur l'hydroélectricité et plus particulièrement sur l'ouverture à la concurrence des concessions – je parle bien d'ouverture à la concurrence et non de braderie de nos concessions comme j'ai pu l'entendre dans cette salle ce matin. Cette énergie à très basses émissions carbone doit voir sa part augmenter dans notre mix énergétique car sa production allie compétitivité et flexibilité, même si les installations se heurtent à des problèmes d'obsolescence et de maintenance.

Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous expliquer quel rôle va jouer l'hydroélectricité dans les années à venir et nous indiquer comment va se dérouler l'ouverture à la concurrence ?

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La programmation pluriannuelle de l'énergie doit être le bon plan pour réussir la transition énergétique mais pour le mener à bien, il faut avoir un bon mode d'emploi comme pour un meuble Ikea, autrement dit savoir comment atteindre les objectifs, et avoir les bons outils et sans doute aussi les bons ouvriers. Démonstration a été faite que les territoires, les communes et les intercommunalités, quelle que soit leur taille, sont les bons ouvriers de cette transition énergétique Nous l'avons vu à travers le succès de l'expérience des territoires à énergie positive, qui a vu aboutir des projets de production d'énergies renouvelables, d'isolation de bâtiments ou de mobilité.

Je vous ferai un cadeau d'anniversaire, monsieur le ministre d'État, en vous proposant de créer de nouveaux territoires à énergie positive et de confier aux territoires des dotations pour leur permettre de jouer pleinement un rôle moteur dans la transition énergétique.

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Le troisième objectif de la PPE prévoit que 32 % de la consommation d'énergie en 2030 devra être d'origine renouvelable. Parmi les principales filières permettant de l'atteindre, il y a le solaire photovoltaïque. Il a pu se développer sans soutien public important grâce à une forte baisse des coûts et son acceptabilité est supérieure à celle de la méthanisation ou de l'énergie éolienne.

Je dois vous préciser que j'ai participé au groupe de travail sur l'énergie photovoltaïque dans le cadre du plan de libération des énergies renouvelables et j'ai relayé la création du label « Ville solaire » dans ma circonscription, la deuxième des Alpes-Maritimes, département le plus ensoleillé de France où la marge de progression est considérable.

Comment entendez-vous sensibiliser les habitants et les industriels afin qu'ils s'approprient davantage encore cette source d'énergie renouvelable ?

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Carnet numérique du logement, diagnostic de performance énergétique opposable : la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a permis d'intégrer des propositions parlementaires qui ont été plus loin encore en matière environnementale que ce qui était proposé par le Gouvernement. Je citerai aussi l'adoption d'un amendement de Martial Saddier interdisant l'utilisation des foyers ouverts, qui montre l'ouverture de la majorité aux propositions de l'opposition.

Je voudrais vous faire part de l'expérience que nous avons menée à Metz où la rénovation de la piscine municipale a été intégralement financée par les économies d'énergie, et réalisée par une société d'économie mixte. Cela pourrait constituer un modèle économique pour la rénovation des bâtiments administratifs, je pense en particulier aux bâtiments universitaires, chers à mon coeur, qui sont souvent des passoires thermiques. J'insiste pour dire qu'en ce domaine, le modèle économique doit être porté par les collectivités locales et les établissements publics.

Quel véhicule comptez-vous favoriser, monsieur le ministre, pour la rénovation thermique des bâtiments ?

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Dans les zones non interconnectées (ZNI), le tarif d'achat réglementé est limité aux puissances inférieures à 100 kilowattheures, ce qui représente environ sept cents mètres carrés de surface. Les installations concernées constituent une partie non négligeable mais faible de la puissance totale installée chaque année à La Réunion. Serait-il possible de relever le seuil des appels d'offres de la Commission régulation de l'énergie (CRE) à 500 kilowattheures ? Cela permettrait de doubler, voire de tripler le rythme d'installation de capacités hors appel d'offres de la CRE. Dans les ZNI qui disposent de zones ensoleillées et de peu de foncier, autrement dit la grande majorité d'entre elles, le photovoltaïque sur toiture représente un potentiel très important. Pourrait-on donner aux appels d'offres de la CRE pour les ZNI une visibilité sur trois ans au lieu d'un an aujourd'hui ? Envisagez-vous de les assortir de capacités territorialisées adaptées aux objectifs fixés afin d'assurer une équité sur l'ensemble du territoire national, départements ultra-marins compris, en tenant compte des spécificités de chaque territoire ?

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Monsieur le ministre d'État, je rejoins le plaidoyer de mon collègue Christophe Bouillon en faveur des territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV). À Toul, dans ma circonscription, seront bientôt livrés vingt-neuf logements accompagnés par le programme TEPCV. Ces innovations en matière d'habitat représentent du pouvoir d'achat pour nos concitoyens les plus fragiles économiquement. Nos territoires ont suivi des voies multiples de transition sociale écologique. Il faut les accompagner et les aider financièrement car ce sont des artisans du changement.

J'aimerais vous sensibiliser à la question des sols, qui est totalement absente de cette PPE. La mission d'information sur le foncier agricole que j'ai conduite avec Anne-Laurence Petel a montré leur importance, qu'il s'agisse du stockage du carbone, de la lutte contre l'artificialisation ou de l'arbitrage entre divers usages, des énergies renouvelables à l'alimentaire. Ils contribuent pour une part extrêmement importante à la résilience climatique. Je vous invite à intégrer nos conclusions dans les perspectives ouvertes par votre ministère.

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Durant les Grenelle de l'environnement, l'objectif d'atteindre 100 % d'énergies renouvelables d'ici à 2030 pour l'outre-mer avait été fixé. Nous en sommes très loin. Quelles mesures spécifiques comptez-vous prendre pour accélérer le processus ?

Ces territoires se situent souvent en zones non interconnectées. Envisagez-vous de relancer le projet géothermique liant la Guadeloupe, la Dominique et la Martinique ? Quel est votre point de vue sur une alimentation en gaz de ces îles à partir de Trinidad, par tanker et non par canalisation, mode de transport qui risquerait de les rendre dépendantes ?

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Monsieur le ministre d'État, les objectifs climatiques et énergétiques sont déjà très nombreux, qu'ils figurent dans la loi ou dans la programmation pluriannuelle : réduction des émissions de gaz à effet de serre, réduction de la consommation énergétique finale, réduction de la consommation énergétique primaire d'énergies fossiles, augmentation de la part des énergies renouvelables. Pour être efficaces, il nous faut mesurer avec régularité nos avancées et en cas de retard constaté par rapport aux objectifs que nous nous sommes fixés, il convient de prévoir sans attendre des mesures de correction adaptées. Que pensez-vous de la création d'un observatoire piloté par l'État qui permettrait de faire des mesures précises à partir d'indicateurs ?

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Monsieur le ministre d'État, la réponse que vous avez faite à ma question précédente m'a fortement interpellé. Je vous rappelle que la Guyane est une terre française, elle n'est pas en orbite géostationnaire autour de notre planète, elle fait partie de la République, qui est une et indivisible et qui doit garder son intégrité. Chaque fois que j'aurai l'occasion d'évoquer le projet Montagne d'or, je le ferai et je le ferai d'autant plus volontiers que c'est vous-même qui avez fait remarquer que la PPE a aussi vocation à s'intéresser au réchauffement climatique auquel cette exploitation minière va fortement contribuer. J'en parlerai inlassablement afin que la représentation nationale comprenne les enjeux climatiques et environnementaux qui se nouent en Guyane.

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Monsieur le ministre d'État, avec mes collègues bretons, nous avons écrit au Premier ministre pour plaider une nouvelle fois encore en faveur des énergies marines, en particulier de l'éolien flottant. Je l'estime nécessaire car je ne vous cacherai pas ma déception devant le peu de projets à venir : aucun appel d'offres en 2019, un unique projet commercial de 250 mégawatts en 2021, un autre en 2022. Vous faites preuve depuis votre prise de fonctions d'une grande capacité d'écoute. Vous comprendrez donc nos interrogations devant l'annonce d'objectifs que je ne considère pas à la hauteur de la révolution industrielle qui se présente à nous. Les emplois et la croissance de demain sont en jeu. Nous avons le savoir-faire : allons-y ! Il faut dès 2019 un appel d'offres portant sur trois projets commerciaux, comme le demandent les régions qui ont déjà beaucoup investi, comme cela a été le cas pour l'offshore fixe. La filière considère qu'il est possible de lancer 3 à 5 gigawatts sur les cinq années de la PPE.

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François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Je commencerai par la question de Célia de Lavergne au sujet des sites : nous voulons tirer les leçons de l'expérience de Fessenheim où nous sommes partis de zéro. Il ne s'agira toutefois pas de faire du copier-coller car chaque site a ses spécificités. Je précise qu'il s'agit d'une fermeture non pas du site mais des réacteurs et ce n'est pas pour jouer sur les mots mais pour être transparent. Cela ne plaira pas à certains qui voudraient que nous fermions les sites et les centrales. Parmi les outils à notre disposition, il y a le contrat de transition écologique qui permet à la fois d'accompagner les personnels et de mobiliser les acteurs du territoire, soit pour une reconversion soit pour une diversification des activités.

Le réquisitoire de M. Di Filippo contre la taxe carbone ne m'étonne guère. Il n'est pas facile de gérer tout cela dans la situation qui est celle de la France aujourd'hui. Nous prenons nos responsabilités. Nous avons dit que pour 2019, il n'y aurait pas les hausses prévues qui s'inscrivaient dans une trajectoire ponctuée par la mise en place de la taxe carbone et l'égalisation des taxes sur le diesel, l'essence et le gazole non routier. Nous attendons que l'apaisement soit revenu car notre pays n'a rien à gagner à voir perdurer une situation quasiment insurrectionnelle pendant des semaines. Nous verrons quelles conclusions tirer des propositions qui pourront émerger des débats et quels seront les meilleurs outils. Je serai preneur de toutes les suggestions.

Notre politique n'est pas celle de l'immobilisme et du statu quo, je le redirai autant de fois que nécessaire. À quoi servirait sinon d'élaborer une programmation pluriannuelle de l'énergie ? Nous ne voulons pas laisser les choses se faire au fil de l'eau. Imaginons qu'un jour, l'Autorité de sûreté nucléaire déclare que tel réacteur, trop vieux, doit être arrêté pour un ou deux ans : nous serions obligés d'aller voir nos voisins pour leur demander de nous vendre de l'électricité. Je ne dis pas ça pour la plaisanterie car c'est exactement ce qu'est en train de faire mon homologue belge. La France pourra fournir de l'électricité à la Belgique en novembre et décembre mais nous ne sommes pas certains que cela sera possible pour janvier et février car nous devons assurer l'alimentation électrique de notre pays. Rappelons que notre parc nucléaire n'est disponible qu'à 60 % ou 70 % en hiver et qu'il en va de même pour les centrales à charbon et les chaudières au fioul.

Monsieur Di Filippo, je vous dis aujourd'hui ce que j'ai dit hier à des gilets jaunes avec qui je débattais. Si demain, les prix du pétrole augmentent brusquement, que dira-t-on aux Français ? « Débrouillez-vous » ? Les primes à la conversion et le développement de la voiture électrique supposent de créer un environnement favorable, de mobiliser des acteurs, d'aller chercher des financements. Ceux qui préfèrent ne rien voir changer, ceux qui parlent d'écologie punitive, ceux qui évoquent les urbains qui emmerdent les ruraux pourront toujours continuer avec leurs discours démagogiques. Les gilets jaunes que j'ai rencontrés ne sont dupes. Ils savent bien que le changement est nécessaire, simplement ils veulent savoir comment être accompagnés.

Notre choix, nous l'assumons, consiste à conduire une transformation. Les salariés des sites nucléaires en sont bien conscients. Quand je suis allé voir les salariés de la centrale à charbon de Saint-Avold en Moselle, je leur ai tenu un langage de vérité et je me suis engagé à les accompagner et à ne pas les laisser sur le carreau. C'est une expression que les gens comprennent bien en Lorraine puisqu'elle vient du carreau de la mine, cet endroit où les mineurs restaient quand ils n'avaient pas de travail, et elle a du sens pour moi qui suis arrière-petit-fils de mineur. Pendant des dizaines d'années, des hommes politiques ont dit aux mineurs de charbon de ne pas s'inquiéter, que des plans charbon relanceraient l'exploitation alors qu'ils savaient très bien qu'il s'agissait d'une activité condamnée. Ils n'ont pas voulu dire la vérité aux gens. Bien évidemment, il est plus difficile d'aller dire aux salariés dans les yeux que mettre fin aux centrales au charbon est une nécessité si l'on veut lutter contre le réchauffement climatique. Quelle crédibilité aurais-je sinon ? Comment pourrais-je dire à Katowice, comme je l'ai fait lundi dernier, que la Pologne doit sortir du charbon ? L'exploitation minière représente encore 80 000 emplois dans ce pays mais il y a déjà eu une évolution car elle en comptait 320 000 il y a dix ans. Partout les choses bougent et c'est notre responsabilité de conduire les transformations plutôt que de les subir.

L'un des enjeux de l'hydrogène, monsieur Delpon, est en effet le stockage. Étendre les capacités de stockage de l'électricité permettra de gérer beaucoup plus facilement l'électricité produite par l'énergie renouvelable et d'arriver à égaliser consommation et production.

Quant à l'éolien flottant, monsieur Maquet, monsieur Pahun, je suis totalement pour. Il faut toutefois éviter de se payer de mots. Il y a quelques semaines, certains voulaient tout arrêter, préférant attendre une baisse des prix au risque de priver la France de filière industrielle et de stopper les premiers projets. Je me suis battu pour l'éolien flottant, notamment en posant des exigences de prix. Si nous avons fixé à 2020 le premier appel d'offres, c'est que nous considérons qu'un délai de dix-huit mois est nécessaire. Si les prix baissent, nous pourrons aller plus vite dans les années à venir.

Monsieur Wulfranc, nous avons déjà présenté tous les éléments aux élus du territoire mais nous pourrons faire un point avec vous. Sur les relais d'activité, les discussions se poursuivent, notamment sur la filière de la déconstruction et du démantèlement qui pourrait s'implanter là.

Monsieur Prud'homme, vous évoquez la possibilité de mettre le nucléaire à l'abri du marché. Engie, qui exploite les centrales en Belgique, sait ce que ça veut dire : chaque fois qu'il y a un problème avec une centrale, cela suscite des interrogations sur l'entreprise en général. Nous voulons avancer, dans l'intérêt d'EDF à long terme et dans l'intérêt de l'État, mais nous n'avons pas de doctrine toute faite. Faut-il séparer le nucléaire des autres activités d'EDF et le renationaliser à 100 % ? Comment traiter les réseaux et les énergies non renouvelables ? Quel sort réserver à l'hydroélectricité ?

S'agissant de l'électromoblitié, monsieur Zulesi, nous devons mobiliser moyens et acteurs. Vous avez dit « malgré l'actualité, la transition doit rester une priorité », je dirai plutôt « du fait de l'actualité » car il faut agir pour ne pas laisser les gens se débrouiller seuls face aux hausses des prix du pétrole, qui ne manqueront pas de revenir – n'oublions pas que le prix du baril est monté jusqu'à 147 dollars il y a quelques années. Même si une semblable augmentation n'arrive que dans cinq ou dix ans, nous nous serons préparés et nous aurons protégé les Français contre ces fluctuations, au-delà des enjeux climatiques qui restent une préoccupation majeure. Préoccupation que ne semble pas partager M. Di Filippo qui caricature notre action en disant que nous voulons « sauver la terre » alors qu'il s'agit de préserver la capacité des humains à vivre sur terre, et donc sur le territoire français de métropole et d'outre-mer.

Monsieur Bony, nous nous pencherons sur la question de la pénurie de ressources pour la méthanisation. S'agissant des parcs éoliens, je vous invite à regarder une carte de France. Vous verrez qu'il y a de très vastes zones qui ne comptent que très peu d'éoliennes terrestres. Il s'agit d'en ajouter là où elles sont encore peu nombreuses – en tenant compte du vent, évidemment.

Madame Brunet, travailler avec tous les acteurs et maximiser les retombées pour les territoires, ce sont des axes de notre action.

Sur l'hydroélectricité, monsieur Morenas, il faut dire la vérité. Plusieurs gouvernements successifs ont pensé qu'ils pouvaient proroger indéfiniment les concessions sans les ouvrir à la concurrence. Nous sommes arrivés au bout de cette logique qui ne me semble pas la meilleure pour défendre ce secteur. Les élus des Pyrénées en ont ras-le-bol que rien n'ait été fait depuis six ans que les concessions sont arrivées à échéance. Ils sont venus me voir pour que le processus d'ouverture à la concurrence soit relancé. Nous allons gérer cela au mieux dans l'intérêt des territoires et des entreprises concernés, dans le cadre de notre politique énergétique.

Vous avez évoqué, monsieur Bouillon, monsieur Potier, les territoires à énergie positive. Les élus locaux et les collectivités territoriales se mobilisent déjà et mènent beaucoup d'actions intéressantes comme celle qu'a citée M. Lioger à Metz. Je suis convaincu qu'il faut montrer que les économies d'énergie dans les bâtiments publics et les logements sont rentables. La dotation globale de fonctionnement (DGF) doit-elle être pour une part indexée sur la politique des collectivités locales en matière d'énergie ? J'y serais tout à fait favorable. Il faudrait en discuter avec les diverses associations de collectivités car je ne suis pas sûr qu'elles seraient toutes d'accord. Encore une fois, il n'y a pas de recette magique. Ne perdons pas de vue que le moratoire sur la taxe carbone réduira les recettes et donc les financements des collectivités. Quand on fait de la pédagogie budgétaire, on fait oeuvre utile dans le débat public.

Je suis prêt à prendre en compte ce qu'a dit M. Dombreval sur l'acceptabilité du solaire, tout en étant conscient des problèmes qui se posent en la matière. Je pourrais vous donner citer des cas concrets. Ainsi, on m'a expliqué que l'on ne pouvait pas faire de solaire à tel endroit en raison des règles des Bâtiments de France, des règles de compatibilité ou d'utilisation des sols – c'est sans doute à cela que M. Pottier faisait allusion. Selon les services de mon ministère, par exemple, la création d'une centrale au sol sur certains sites est impossible parce qu'elle s'opposerait à la nécessaire protection d'un espace naturel protégé. Il peut s'agir d'un aigle ! L'aigle aurait-il été effrayé par les panneaux solaires ? Quoi qu'il en soit, il faudra y réfléchir sérieusement. Si l'on continue à mettre en avant toutes sortes d'arguments, bons ou mauvais, et à lancer des injonctions contradictoires, on ne changera pas d'échelle.

La remarque que vous avez faite sur la Côte d'Azur relève évidemment du bon sens. Moi-même, quand je vois tous ces hangars logistiques et toutes ces toitures de supermarchés, je me dis qu'il y a des panneaux solaires qui se perdent !

Il faut changer d'échelle. Il faut modifier nos modes d'action et nos procédures d'appels d'offres. Nous sommes prêts à travailler concrètement sur les règles. Mais je suis sûr que, de toute façon, nous n'échapperons pas à la critique. Certains considèrent déjà que ce n'est pas bien au motif que les panneaux solaires sont importés de Chine. On trouve toujours un prétexte, alors même qu'on produit, et c'est heureux, des panneaux solaires en dehors de la Chine.

Madame Véronique Riotton, vous avez évoqué la nécessité de mesurer régulièrement nos avancées en matière énergétique et climatique. C'est un des objectifs du Haut Conseil pour le climat. Mais d'autres peuvent aussi intervenir.

Monsieur Serville, je n'ai pas dit que la Guyane n'était pas en France, ni que cela ne m'intéressait pas. J'ai simplement dit que la Montagne d'Or était un sujet en soi, programmation pluriannuelle de l'énergie ou pas – nous sommes d'accord sur ce point. Et personne n'a prétendu, en tout cas pas moi, que ce projet ne posait aucun problème et qu'on pouvait y aller tête baissée. Pour autant, je pense qu'il y a encore matière à travailler sur les activités économiques en Guyane, sur les questions d'énergie, etc. Donc, nous en reparlerons. C'est la seule chose que j'ai voulu dire.

Je répondrai la même chose à M. Letchimy. Je suis tout à fait d'accord pour que l'on se penche – et l'on pourra poursuivre nos échanges en dehors de cette réunion – sur les questions posées par l'alimentation en gaz, la géothermie, etc. En tout cas, il est sûr que la programmation pluriannuelle de l'énergie connaît une déclinaison territoire de l'outre-mer par territoire de l'outre-mer, selon les spécificités locales. C'est une obligation légale.

Cela dit, je suis convaincu que certains potentiels, notamment en énergies renouvelables, ne sont pas suffisamment exploités. Le système des zones non interconnectées (ZNI) a créé des rentes de situation et favorisé ce qui est aujourd'hui complètement contradictoire avec notre politique, à savoir la construction de centrales thermiques. Le phénomène ne touche d'ailleurs pas que les outre-mer, mais aussi les îles de Bretagne ou la Corse. Le schéma est toujours le même : on construit une centrale thermique et on accorde à celui qui l'exploite un tarif d'achat garanti, qui est financé par la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

Il faut donc transformer le système et le faire progressivement, dans la mesure où il faut aussi, évidemment, assurer l'alimentation électrique. Je suis tout à fait conscient de ce qu'a dit M. Serville à propos de la Guyane, et j'imagine que cela se vérifie dans d'autres territoires. Nous devrons en outre appliquer des solutions adaptées aux territoires, plutôt que de plaquer un modèle unique, comme on a pu le faire par le passé.

Enfin, monsieur Pahun, je pense vous avoir déjà répondu, en même temps qu'à d'autres, sur l'éolien flottant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup, monsieur le ministre d'État, pour ces réponses exhaustives.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 6 décembre 2018 à 9 heures

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Yves Blein, M. Éric Bothorel, Mme Anne-France Brunet, M. Sébastien Cazenove, M. Michel Delpon, M. Fabien Di Filippo, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, Mme Valérie Oppelt, M. Jimmy Pahun, M. Dominique Potier, M. Denis Sommer

Excusés. - Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Jean-Claude Bouchet, M. Philippe Huppé, M. Jean-Bernard Sempastous

Assistait également à la réunion. - M. Antoine Herth