Intervention de François de Rugy

Réunion du jeudi 6 décembre 2018 à 9h00
Commission des affaires économiques

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Votre Haut-Commissariat à la planification écologique planifiera aussi les hausses d'impôt qui permettront de financer ce programme. L'insoumission généralisée, vous l'aurez, mais elle ne sera pas dirigée contre ceux auxquels vous pensez.

En ce qui concerne la consommation énergétique d'ici à 2030, monsieur Saddier, nous serons en mesure de donner les chiffres, car nous nous fondons sur des scénarios précis. Nous pensons – même si cela peut évidemment être contesté – que, dans les dix années à venir, la consommation d'électricité restera relativement stable. D'un côté, il y aura des gains en termes d'efficacité énergétique, avec l'amélioration des appareils et leur renouvellement, qui permettront de consommer moins, ou encore l'isolation chez les particuliers et la consommation maîtrisée dans les entreprises : ce sont là des réalités qui se mettent en place, fort heureusement. De l'autre, on observera une électrification un peu plus importante de certains usages, notamment dans les entreprises du fait que l'on va utiliser de l'électricité à la place d'autres sources d'énergie, ou avec la montée en puissance progressive de la voiture électrique. On considère toutefois que ces deux mouvements opposés se compenseront. Par la suite, c'est vrai, l'augmentation de la consommation sera plus forte ; il faudra y faire face en termes de production. Là aussi nous devons être clairs et précis, faute de quoi nous serons confrontés à d'importantes difficultés.

En ce qui concerne le contexte européen et l'interconnexion, c'est évidemment la politique que nous menons. La sécurité de l'approvisionnement peut s'entendre soit au niveau européen – nos voisins allemands y seraient assez favorables –, soit à l'échelle nationale – ce qui est plutôt la tradition de la plupart des pays, dont la France. Cela dit, de fait, les réseaux seront de plus en plus interconnectés, ce qui accroîtra les possibilités d'assurer la sécurité de l'approvisionnement, et, selon les cas, soit de profiter des capacités des uns et des autres, soit d'en faire profiter ses voisins. Toutefois, je regrette qu'il n'y ait pas davantage de coordination entre les politiques nationales de l'énergie, mais c'est ainsi ; je souhaite que le sujet soit débattu lors des prochaines élections européennes. Je ne sais pas ce que l'on vous a dit en Bulgarie, monsieur Herth, mais nous sommes tout à fait partants pour coordonner davantage, et nous avons bien sûr, en la matière, des échanges avec nos partenaires.

La question de l'acceptabilité est effectivement très importante, monsieur Saddier, mais nous y sommes confrontés en permanence, et le problème est général : s'il y a une seule personne dans cette salle qui croit que l'on peut implanter demain un réacteur EPR où on veut et quand on veut, qu'elle me fasse signe. La dernière fois qu'on a voulu le faire, le gouvernement de l'époque a choisi Flamanville parce qu'il y avait déjà, à cet endroit, un site nucléaire et que plus personne n'en voulait ailleurs : l'acceptabilité du nucléaire s'est elle aussi réduite. Il en va de même pour la chaleur renouvelable : dans le territoire où je suis élu, des gens s'insurgent parfois contre l'installation d'une chaufferie à bois à côté de chez eux, y compris des personnes qui avaient voté massivement en faveur de candidats qui prônaient le développement des chaufferies à bois. Cela ne veut pas dire qu'on n'installe pas ces équipements, bien sûr, mais ils suscitent moult recours.

L'acceptabilité est donc un problème général, et la décision vous revient, à vous, parlementaires : faut-il favoriser l'acceptabilité plutôt que de rajouter des normes et des règles qui rendent les choses plus compliquées ? Des mesures de simplification ont été prises, notamment sous la houlette de Sébastien Lecornu – je les assume même si je n'étais pas encore à la tête du ministère – concernant l'éolien et les méthaniseurs. On m'accuse d'ailleurs des pires horreurs – peut-être certains d'entre vous souscrivent-ils à ces jugements –, en disant que j'ai signé un décret en catimini. Non seulement, par définition, un décret est publié, et ne peut donc être pris en catimini, mais les mesures en question résultent d'un travail on ne peut plus transparent sur la simplification. Or il est nécessaire de simplifier. Pour l'éolien offshore, par exemple, dont Mme Battistel a parlé, c'est aussi là que réside le problème : il y a tellement de recours possibles que, de toute façon, les opérations sont extrêmement longues à voir le jour.

Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. Herth à propos de la voiture électrique : un énorme travail doit être fait pour créer un contexte favorable. Les produits fournis par les industriels arrivent sur le marché, à des prix acceptables. Si les gens pensent qu'une voiture électrique, c'est forcément une Tesla à 60 000 euros – 35 000 euros pour le modèle le moins cher –, nous n'y arriverons pas ! Renault produit la Zoé, qui plus est sur notre territoire national. Neuf, le véhicule coûte 17 000 euros, bonus déduit et, dans les concessions, on en trouve d'occasion à 9 000 ou 10 000 euros. De même, beaucoup de gens croient qu'il faut avoir une borne de recharge chez soi, alors qu'une prise électrique suffit ; ou encore que la voiture électrique est faite pour la ville et non pour la campagne. À cet égard, l'un de vos anciens collègues du groupe Les Républicains, Alain Leboeuf, vous démontrera de façon extrêmement concrète que, dans son département, la Vendée, la voiture électrique s'est développée en milieu rural, et que c'est là qu'elle est la plus efficace et la mieux adaptée.

J'ai déjà répondu, au moins pour une part, à ce qu'a dit M. Duvergé concernant les biocarburants. Là aussi, il faut être concret : oui au développement de cette filière, mais il faut que le bilan écologique global soit bon. Plutôt que d'importer une grande partie de l'huile de palme – et je ne parle pas des polémiques que cela suscite –, il faut créer des filières françaises et européennes plus efficaces et plus compétitives. Concernant l'hydrogène, je préfère ne pas entretenir d'illusions : son utilisation pour les véhicules particuliers n'est pas du tout à l'horizon de la programmation pluriannuelle de l'énergie, c'est-à-dire dix ans. Le procédé est extrêmement coûteux. L'hydrogène sera plus intéressant s'agissant des véhicules lourds : c'est une vraie solution alternative pour les trains. Plutôt que d'électrifier certaines lignes, on pourra utiliser des locomotives fonctionnant à l'hydrogène – Alstom, constructeur français, a mis en service un exemplaire de démonstration en Allemagne, et certaines régions françaises sont prêtes à lancer elles aussi des expérimentations qui permettront d'avancer. Il faudra par ailleurs produire l'hydrogène de façon renouvelable et propre ; aujourd'hui, la technique émet du gaz à effet de serre – non pas du CO2, mais du CH4.

Madame Battistel, je vous ai déjà répondu en ce qui concerne l'éolien. Pour ce qui est de la filière de déconstruction des centrales nucléaires, vous avez raison. C'est un projet qui existe à Fessenheim. Je rassure aussi M. Herth : ce que j'ai dit concerne les autres sites.

Nous reparlerons ultérieurement de l'hydroélectricité. Pour ce qui est de garder la gestion publique, et même si je ne veux pas jouer sur les mots, je vous rappelle que nous avons un système de concession. Premièrement, EDF est une société anonyme – certes à capitaux publics à hauteur de 85 %, mais ce n'est pas un établissement public. Deuxièmement, certains barrages sont gérés par d'autres sociétés – dans les Pyrénées, une filiale d'Engie, pour une part. La question n'est pas de garder la gestion publique ; en revanche, il faut conserver la maîtrise.

À propos de l'hydroélectricité, j'en profite pour signaler que je vois arriver de nombreux courriers, qui d'ailleurs se ressemblent tous, ce qui montre qu'ils viennent du même endroit. L'un d'entre eux était même signé par des élus du Conseil de Paris, qui m'écrivaient en substance : « Cela vous étonnera peut-être que nous vous parlions des concessions hydroélectriques » – en fait, cela ne m'étonne pas tant que cela, car je sais d'où cela vient –, « mais vous êtes en train de privatiser 150 barrages. » De fait, il y a des gens qui croient sincèrement que l'État est en train de vendre 150 barrages à des entreprises privées. Or nous ne vendons rien du tout : il y a des concessions, et nous continuerons avec ce système. La seule question – Mme Battistel le sait très bien car elle connaît parfaitement le sujet – est de savoir si on reconduit les concessions avec ou sans appel à la concurrence. Ne pas faire appel à la concurrence, cela revient à reconduire la position dominante d'EDF, concessionnaire de 80 % des installations. La Commission européenne nous dit que cela n'est pas possible, car c'est contraire aux règles européennes de la concurrence.

Quoi qu'il en soit, ce sont bien de concessions, ce qui signifie, en bon français, que l'on concède, pour une certaine durée, l'exploitation d'un ouvrage qui reste dans le domaine public. Il faut dire les choses aux Français : si on leur ment pour leur faire peur, on suscite des réactions irrationnelles. L'intérêt public est de conclure des accords intéressants pour les concessions, qui permettent ensuite de réinvestir.

Ce qu'a dit Mme Battistel à propos des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) concerne un barrage en particulier ; nous en reparlerons ensemble. Cela dit, le sujet concerne la transition énergétique : il s'agit de savoir si les barrages hydroélectriques, en plus de produire de l'électricité propre et renouvelable, peuvent servir au stockage de l'électricité. Cela suppose d'investir, mais permettra ensuite d'avoir un système plus performant. Oui, le fait que ces investissements soient financés par des sociétés auxquelles on accorde la concession pour une certaine durée répond à l'intérêt public.

Je pense avoir répondu à Mme Panot, en dehors de ce qu'elle a dit concernant la fermeture de Fessenheim, prétendument annoncée depuis dix ans. Je me tourne vers les députés LR : je ne crois pas que M. Sarkozy ait annoncé cette fermeture quand il était Président de la République. Je suis même persuadé du contraire. François Hollande, en revanche, l'avait effectivement inscrite à son programme et, en cinq ans, il n'a pas réussi à mettre en oeuvre cet engagement.

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