Je veux saluer le travail de notre collègue Serge Letchimy, qui est à l'origine de cette proposition : ce n'était pas simple, et il a manifestement convaincu puisque le texte qui nous arrive a été approuvé très largement.
Le foncier en outre-mer est un véritable sujet ; il faut, pour le traiter, humilité, volontarisme et respect des spécificités de chaque territoire. Il constitue un problème lorsque des successions non abouties privent des individus d'un capital, bloquent les transactions et le développement de l'immobilier.
C'est pourquoi, dans l'intérêt de nos territoires, il est nécessaire de trouver une solution, notamment en se fondant sur les besoins exprimés localement. C'est ce que fait cette proposition de loi.
En effet, comme vous avez pu le dire en commission, monsieur Letchimy, ce texte a été véritablement pensé localement et travaillé au niveau national, en vue de son adoption par le Parlement. Frappé au coin du bon sens, il répond à des problématiques majeures en outre-mer. Il rendra donc pleinement effectif le principe d'adaptation prévu à l'article 73 de notre Constitution, c'est-à-dire l'application de dispositions très différenciées dans les territoires ultramarins. Vous avez donc pu affirmer à juste titre qu'il représente « la première vraie loi de différenciation », et, comme vous, le groupe Libertés et territoires souhaite que demain « nous puissions penser un texte de loi localement, l'adopter localement et qu'il soit ensuite approuvé par le Parlement ».
Je veux, par ailleurs, parler de la situation du foncier à Wallis et Futuna. Je vous remercie, cher collègue, d'avoir su respecter nos fondements culturels en n'intégrant pas notre territoire dans votre proposition de loi. Vous avez compris notre attachement à la coutume selon laquelle le foncier doit rester dans les familles, passant de génération en génération, sans cadastre – un bien inaliénable, comme le reconnaît notre statut.
Un rapport d'information du Sénat de 2014, qui précise le régime coutumier de propriété foncière à Wallis et Futuna, distingue trois types de propriété : la propriété publique des autorités coutumières, objet de droits coutumiers, qui concerne des zones non cultivées, des routes et le rivage à marée basse ; la propriété de village, appartenant à des propriétaires mais laissée sous la direction du chef de village – un modèle qui n'existe pas à Futuna ; la propriété familiale, qui confère au groupe familial un droit perpétuel, exclusif et inaliénable sur le sol qu'il exploite.
Notre sensibilité, notre susceptibilité sur le sujet n'ont pas toujours été comprises. Il convient qu'ici, à Paris, nos administrations fassent preuve – selon votre exemple, monsieur le rapporteur – de plus d'ouverture et de compréhension à l'égard de notre culture, afin d'éviter des tensions inutiles.
Oui, le foncier ne suscite pas le même attachement, ni la même gestion sur nos îles ou en métropole. La population est unanime à ce sujet : si, lors des assises des outre-mer, les habitants ont fait beaucoup de propositions, personne n'a remis en cause ce fondement de notre culture. Lorsque des conflits surviennent, comme cela arrive, la coutume apporte des réponses. Il en est de même lorsqu'un terrain est nécessaire pour telle ou telle construction d'intérêt commun : les chefferies trouvent une solution. Dès lors que l'on respecte la coutume, il est parfaitement possible de satisfaire les attentes de chacun.
Nous entendons donc surveiller ce qui se fait chez nous : nous ne souhaitons pas voir notre territoire se doter de résidences hôtelières imposantes accueillant, au mépris de l'environnement, des populations trop nombreuses adeptes de toutes sortes de loisirs. Nous ne souhaitons pas que des investisseurs sans scrupule viennent détruire nos îlots, condamner nos récifs coralliens ou tout simplement spéculer.
La suite qui sera donnée au livre bleu des outre-mer nous donnera l'occasion de proposer des formes d'adaptation au monde moderne issues de nos propres réflexions, élaborées en commun et conformément à notre coutume.
Cette proposition de loi respecte chacun. Les solutions qu'elle apporte sont certes imparfaites, mais permettent d'aller de l'avant. Voilà pourquoi je voterai ce texte, et appelle mon groupe à en faire autant.