Mes chers collègues, les Français, de même que les citoyens des 26 autres États membres de l'Union européenne, seront appelés à élire leurs représentants au Parlement européen entre les 23 et 26 mai prochains. Cette échéance pourrait être un temps fort de la vie démocratique de l'Union, un moment où les citoyens européens se mobilisent conjointement autour d'un projet commun qui transcende leurs appartenances nationales.
Mais hélas, trop souvent, ces élections sont marquées par des taux d'abstention importants – en moyenne, nous avons perdu 20 points de participation depuis 1979 – et par des débats électoraux focalisés sur des clivages nationaux. Cette situation a sans doute joué un rôle dans le désamour que manifestent nos compatriotes à l'égard de l'Union européenne.
Avec le Brexit, les dirigeants européens ont pris conscience de l'urgence à remédier au « déficit démocratique » de l'Union, préoccupation dont nos collègues Sébastien Nadot et Didier Quentin se sont fait l'écho il y a quinze jours, avec beaucoup de talent. Pour remobiliser les citoyens lors des élections européennes, il est apparu souhaitable de chercher à rapprocher un peu les procédures électorales dans les différents États membres.
Actuellement, il existe 27 modes de scrutin différents pour ces élections : autant que de pays. Cette situation est contraire à l'esprit de l'acte électoral de 1976, qui avait institué l'élection des députés européens au suffrage universel direct. Cet acte prévoyait que les procédures électorales nationales ne s'appliqueraient que de manière transitoire, le temps que le Parlement européen et les États membres se mettent d'accord sur une « procédure d'élection uniforme ».
Mais en réalité, ils ne sont jamais parvenus à s'entendre, ce qui fait qu'aujourd'hui, nous n'avons pas les mêmes dates d'élection, pas les mêmes délais de dépôt des candidatures, pas les mêmes incompatibilités et inéligibilités, pas les mêmes règles de scrutin… Bref, la situation est pour le moins complexe, et pas très favorable à l'émergence d'une conscience européenne.
À défaut de procédure uniforme, les dirigeants européens se sont dit qu'ils allaient établir des « principes communs » pour ces élections. L'idée est pragmatique : il s'agit de faire converger par étapes les procédures électorales des États membres. C'est ainsi qu'en 2002, on a décidé que le scrutin devait être proportionnel et que les fonctions de parlementaire national et européen étaient incompatibles.
Depuis plusieurs mois, les dirigeants européens se sont mobilisés pour progresser encore sur ces principes communs dans la perspective des élections de 2019. La décision que nous examinons aujourd'hui est le fruit de cette négociation. Que prévoit-elle ? Elle impose aux États membres un seuil de 2 à 5 % des suffrages exprimés pour l'attribution des sièges dans les grandes circonscriptions. La France a déjà établi un seuil de 5 %. La décision impose de sanctionner le double vote : nous le faisons déjà. Elle impose un délai de dépôt des candidatures conforme à celui que nous prévoyons.
Voici, en substance, les éléments essentiels sur lesquels les dirigeants européens sont parvenus à se mettre d'accord. Cela peut paraître mince, mais il faut avoir en tête que les traditions électorales des États membres sont un sujet vraiment sensible.
Mon regret, qui est celui de ma famille politique, c'est que la décision ne prévoit pas de mettre en place une circonscription européenne commune où les citoyens voteraient pour des listes transnationales, comme cela avait été initialement envisagé. Les 73 sièges laissés vacants par le Brexit en donnaient l'occasion, mais les délais ont été trop courts pour mettre tout le monde d'accord.
Au total, vous l'aurez compris, la décision sur laquelle nous devons nous prononcer ne révolutionne pas le mode d'élection des députés européens. Mais elle va dans le sens d'une plus grande harmonisation des procédures nationales : c'est ce que nous recherchons et c'est positif. Dans l'immédiat, je vous propose de voter d'autant plus sereinement en faveur de cette décision que la France en respecte déjà toutes les dispositions.