Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la décision (UE, EURATOM) 2018994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76787CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (n° 1355) (Mme Laetitia Saint-Paul, rapporteure).
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Mes chers collègues, les Français, de même que les citoyens des 26 autres États membres de l'Union européenne, seront appelés à élire leurs représentants au Parlement européen entre les 23 et 26 mai prochains. Cette échéance pourrait être un temps fort de la vie démocratique de l'Union, un moment où les citoyens européens se mobilisent conjointement autour d'un projet commun qui transcende leurs appartenances nationales.
Mais hélas, trop souvent, ces élections sont marquées par des taux d'abstention importants – en moyenne, nous avons perdu 20 points de participation depuis 1979 – et par des débats électoraux focalisés sur des clivages nationaux. Cette situation a sans doute joué un rôle dans le désamour que manifestent nos compatriotes à l'égard de l'Union européenne.
Avec le Brexit, les dirigeants européens ont pris conscience de l'urgence à remédier au « déficit démocratique » de l'Union, préoccupation dont nos collègues Sébastien Nadot et Didier Quentin se sont fait l'écho il y a quinze jours, avec beaucoup de talent. Pour remobiliser les citoyens lors des élections européennes, il est apparu souhaitable de chercher à rapprocher un peu les procédures électorales dans les différents États membres.
Actuellement, il existe 27 modes de scrutin différents pour ces élections : autant que de pays. Cette situation est contraire à l'esprit de l'acte électoral de 1976, qui avait institué l'élection des députés européens au suffrage universel direct. Cet acte prévoyait que les procédures électorales nationales ne s'appliqueraient que de manière transitoire, le temps que le Parlement européen et les États membres se mettent d'accord sur une « procédure d'élection uniforme ».
Mais en réalité, ils ne sont jamais parvenus à s'entendre, ce qui fait qu'aujourd'hui, nous n'avons pas les mêmes dates d'élection, pas les mêmes délais de dépôt des candidatures, pas les mêmes incompatibilités et inéligibilités, pas les mêmes règles de scrutin… Bref, la situation est pour le moins complexe, et pas très favorable à l'émergence d'une conscience européenne.
À défaut de procédure uniforme, les dirigeants européens se sont dit qu'ils allaient établir des « principes communs » pour ces élections. L'idée est pragmatique : il s'agit de faire converger par étapes les procédures électorales des États membres. C'est ainsi qu'en 2002, on a décidé que le scrutin devait être proportionnel et que les fonctions de parlementaire national et européen étaient incompatibles.
Depuis plusieurs mois, les dirigeants européens se sont mobilisés pour progresser encore sur ces principes communs dans la perspective des élections de 2019. La décision que nous examinons aujourd'hui est le fruit de cette négociation. Que prévoit-elle ? Elle impose aux États membres un seuil de 2 à 5 % des suffrages exprimés pour l'attribution des sièges dans les grandes circonscriptions. La France a déjà établi un seuil de 5 %. La décision impose de sanctionner le double vote : nous le faisons déjà. Elle impose un délai de dépôt des candidatures conforme à celui que nous prévoyons.
Voici, en substance, les éléments essentiels sur lesquels les dirigeants européens sont parvenus à se mettre d'accord. Cela peut paraître mince, mais il faut avoir en tête que les traditions électorales des États membres sont un sujet vraiment sensible.
Mon regret, qui est celui de ma famille politique, c'est que la décision ne prévoit pas de mettre en place une circonscription européenne commune où les citoyens voteraient pour des listes transnationales, comme cela avait été initialement envisagé. Les 73 sièges laissés vacants par le Brexit en donnaient l'occasion, mais les délais ont été trop courts pour mettre tout le monde d'accord.
Au total, vous l'aurez compris, la décision sur laquelle nous devons nous prononcer ne révolutionne pas le mode d'élection des députés européens. Mais elle va dans le sens d'une plus grande harmonisation des procédures nationales : c'est ce que nous recherchons et c'est positif. Dans l'immédiat, je vous propose de voter d'autant plus sereinement en faveur de cette décision que la France en respecte déjà toutes les dispositions.
À quelques mois des élections européennes, ce projet de loi revêt une importance significative. Depuis les premières élections au suffrage universel direct, le Parlement européen est devenu le lieu de l'expression démocratique européenne. Ses pouvoirs n'ont fait que se renforcer depuis lors. Pourtant, dans le même temps, comme vous l'avez souligné, la participation à ces élections a connu une érosion progressive et systématique. Or, comme le rappelait le Président de la République dans son discours de la Sorbonne, en septembre 2017, « le Parlement des Européens doit être le creuset de notre projet européen ». Ce projet de loi y participe, puisqu'il va permettre une harmonisation de la procédure électorale des États européens. Les avancées sont modestes, comme vous le soulignez dans votre rapport. Mais cette décision montre une volonté d'avancer et de faire du Parlement européen le coeur de la démocratie européenne. Notre groupe, qui est europhile, votera donc en faveur de ce projet de loi. Il va dans le même sens que le rétablissement de la circonscription unique pour les élections européennes en France, que nous avons voté en juin dernier ; cela va renforcer la lisibilité de ces élections et permettre d'avoir un débat national. Mais il faut aller encore plus loin. Vous avez mentionné le projet de listes transnationales dans le cadre d'une circonscription unique à l'échelle de l'Union, porté par notre Président de la République, qui souhaitait qu'elle soit mise en place dès les élections de 2019. Cela n'a pas été possible, mais pouvons-nous espérer que ce projet voie le jour en 2024 ?
En effet, les délais étaient trop courts pour la mise en place de la circonscription européenne unique pour les élections de 2019, d'autant que de nombreux obstacles techniques, juridiques et politiques se dressent sur notre route. Par exemple, comment assurer la représentation de tous les États de l'Union à l'intérieur de ces listes transnationales ? La France s'est positionnée comme leader sur cette question, nous devons soutenir notre Président de la République pour que cette circonscription voie le jour en 2024.
Ma famille politique a un désaccord sur le bien-fondé du rétablissement de la circonscription unique en France. Les arguments que vous avancez en faveur de cette circonscription nationale me semblent tout aussi valables dans le cadre des circonscriptions régionales. La circonscription nationale éloigne encore davantage le député européen du terrain : cela ne facilitera pas l'appropriation par nos compatriotes du mandat de député européen. Par ailleurs, la circonscription unique entraînera immanquablement une politisation du scrutin, qui deviendra un référendum pour ou contre la politique du Gouvernement. Cela ne favorisera donc nullement l'émergence d'un débat européen.
Madame la rapporteure, vous avez plaidé en faveur de la constitution de listes transnationales, en conformité avec la ligne de votre parti. Nous aurions pu y souscrire. Mais ce projet n'a pas pu voir le jour, non seulement pour des raisons de calendrier et pour des difficultés techniques, mais aussi parce que certains États s'y opposent.
Je terminerai en rappelant que la République en marche n'est pas le seul groupe europhile de l'Assemblée. Nous le sommes aussi, et beaucoup d'entre nous se sont engagés de longue date et résolument en faveur de l'Europe.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous convaincre, je l'espère, de la pertinence du retour à la circonscription unique en France. Car il s'agit bien d'un retour : la France avait adopté le système de la circonscription unique entre 1979 et 2003. Ce n'est qu'à cette date qu'elle a choisi de créer des circonscriptions dans le cadre de huit grandes régions, dans l'idée de rapprocher les élus du terrain. Le fait est que ce système n'a pas fait ses preuves, voilà pourquoi il me semble tout à fait indiqué que nous revenions dessus. Il avait même des effets pervers : ces grandes régions ne correspondant à rien, il était fréquent que les candidats se trouvent parachutés dans une circonscription où ils n'avaient aucun ancrage réel.
En outre, ce système était complexe, car les députés européens devaient déployer leur action à trois niveaux : celui de leur assise territoriale régionale, au sein de leur circonscription ; le niveau national, du fait de leur citoyenneté française ; et le niveau européen, car les députés européens représentent l'ensemble des citoyens de l'Union européenne. Finalement, avec la circonscription unique, les choses sont plus claires : de la même façon que nous autres, députés français, avons une assise territoriale locale à laquelle nous sommes très attachés, et représentons dans le même temps l'ensemble des citoyens français, les députés européens ont une assise nationale et représentent l'ensemble des citoyens européens.
Enfin, dernier argument, en revenant à la liste unique, nous faisons le choix de l'harmonie européenne – ce que chacun appelle de ses voeux – car l'immense majorité de nos partenaires n'ont qu'une seule circonscription. Ce n'est sans doute pas un hasard ; cela suggère que ce choix a fait ses preuves. Et si, à l'épreuve des faits, nous devions constater que le rétablissement de la circonscription unique n'était pas probant en France, nous pourrions toujours nous retrouver pour en reparler. Rendez-vous dans vingt ans !
Le groupe Modem soutient évidemment ce texte. On parle souvent du « déficit démocratique » de l'Union européenne, mais je tiens à souligner, comme je l'ai déjà fait dans l'hémicycle, que les députés européens ne sont pas moins légitimes que nous. D'ailleurs, je trouve qu'à l'échelle européenne, certains choix démocratiques ont été faits, qui me semblent assez inspirants. Je songe notamment à l'usage du scrutin proportionnel.
Ces derniers mois, de nombreuses consultations citoyennes ont été conduites en France, dans l'idée de réfléchir ensemble à ce que doit être l'Europe, et de la co-construire. Nous avons conscience que nous devons réinventer le modèle démocratique européen. Dans cet esprit, il me semblerait utile que notre Parlement étudie quelle peut être sa contribution à cette réflexion. Je pense que nous cultivons peut-être moins que d'autres pays les liens avec nos parlementaires européens ; j'aimerais avoir votre sentiment sur cette question.
J'ai moi-même organisé une consultation citoyenne sur le thème du tourisme à Saumur, qui a rencontré un réel succès. Je crois que nous devons absolument faire preuve de créativité pour préserver ce que nous croyons acquis, mais qui ne l'est pas forcément. Mon expérience au sein des forces m'a montré comme tout pouvait basculer facilement… Pour ce qui est du lien avec les députés européens, je suggère que notre Commission prenne l'initiative de rencontres et d'échanges avec eux, si notre Présidente en est d'accord.
Je m'étonne qu'on nous demande de travailler sur un texte qui ne changera rien à l'organisation des prochaines élections européennes en France. Pourquoi devons-nous approuver cette décision ?
L'Europe telle qu'elle existe ne fonctionne pas. Le Parlement européen est bien loin de faire vivre le coeur de l'Europe, car les décisions se prennent ailleurs. J'en veux pour preuve le débat sur les corridors portuaires. Dans ce cadre, nous avons échangé avec la présidente de la commission des transports du Parlement européen, qui considérait qu'il y avait un problème à régler. Pourtant, la représentante de la Commission européenne, que nous avons rencontrée hier, semblait considérer que ce n'était pas un sujet. Donc cette Europe n'est pas le périmètre pertinent pour conduire les coopérations entre pays européens.
Pour le reste, nous n'avons pas grand-chose à dire sur le texte de la décision. De toute façon elle est déjà appliquée ; nous la voterons.
Par ailleurs, nous sommes favorables à la circonscription unique car elle renforce la proportionnalité du scrutin, à laquelle ma famille politique est attachée. Quant à cette grande idée, que le Président de la République voulait imposer à ses partenaires, de créer une circonscription unique à l'échelle de l'Europe, avec des listes transnationales, cela traduit la volonté de ceux qui veulent faire une Europe ultra libérale sur le modèle des États-Unis d'Amérique, en niant les identités nationales. Cette Europe-là, les Français vous ont dit qu'ils n'en voulaient pas en 2005, et les Britanniques l'ont dit en 2016, avec le Brexit. Simplement, en France, nous avons nié ce choix populaire, tandis que le Royaume-Uni, qui est une vraie démocratie, a pris acte de cette décision.
En conclusion, nous voulons rappeler qu'au-delà de cette décision, nous devons changer l'Europe, donner plus de pouvoir au Parlement européen. Pourtant, nous avons le sentiment que telle n'est pas la priorité de notre pays : c'est bien regrettable.
Nous ne pouvons pas déplorer d'être trop informés. Si nous ratifions cette décision aujourd'hui, c'est parce qu'il est nécessaire qu'elle soit validée par tous les États membres de l'Union européenne, selon leurs procédures internes, pour entrer en vigueur à l'échelle de l'Europe.
Je crois que s'il y a bien une institution sur laquelle nous devons éviter de jeter l'opprobre, c'est bien le Parlement européen, démocratiquement élu. Par ailleurs, nous n'avons peut-être pas la même vision de ce que doit être l'Europe. Mais, en tant que membres de la commission des Affaires étrangères, nous constatons tous à quel point le monde est instable. Par mon expérience des théâtres d'opération, j'ai vu Sarajevo, Beyrouth et Abidjan en pleine guerre, et je peux vous dire combien j'ai été choquée de voir l'état de Paris le week-end dernier. J'en tire une conviction profonde : l'union fait la force, et le chacun pour soi n'est pas une solution.
Je souhaite revenir sur la fin de votre rapport, qui aborde la question des listes transnationales, et le système – imprononçable ; quel dommage que nous ne l'ayons pas francisé ! – des Spitzenkandidaten. Vous évoquez les difficultés qui jalonnent la mise en place de ces listes, et notamment la complexité des deux votes que cela suppose. À mon sens, cet obstacle peut être surmonté. Nous n'avons qu'à nous inspirer de notre voisin allemand, qui a mis en place un vote double, au niveau des länder et au niveau fédéral. À l'origine, ce système, qui remonte à la Loi fondamentale de 1949, visait à éviter qu'une seule formation politique ne soit majoritaire. En effet, les électeurs ne sont nullement contraints de voter pour la même formation politique au niveau du Land et au niveau fédéral. Cela explique le fait qu'à une exception près, l'Allemagne a toujours eu un gouvernement de coalition. Cependant, à l'échelle européenne, ce système, associé à celui des Spitzenkandidaten, aurait pour effet de polariser le débat autour de quelques têtes de listes, ce qui pourrait conduire à des coalitions contre-nature. Enfin, avez-vous eu vent de critiques constitutionnelles concernant des formations politiques qui présenteraient une liste au niveau national, mais ne pourraient pas s'affilier dans le cadre d'une liste transnationale ?
Je n'ai pas d'écho de cette difficulté. Pour cette circonscription commune, tout reste à inventer, le projet en est à ses balbutiements. Comme je le proposais à notre Présidente, nous pourrions nous approprier ce thème, et, pourquoi pas, faire des propositions, dans la perspective des élections de 2024.
Nous pourrons en rediscuter. Il faut avoir conscience que ce débat n'est pas nouveau. Depuis le début, on parle d'avoir une proportion des sièges affectés à une circonscription européenne. Je pense que le débat est appelé à se prolonger encore.
Vous évoquez dans votre rapport la question de la diffusion médiatique des débats européens. Nous devons pourtant veiller à ne pas tomber dans les errements que nous avons vécus avec la diffusion d'un clip gouvernemental dramatisant et racoleur, qui ressemblait davantage à de la propagande qu'à de l'information.
Vous l'avez vécu comme tel et c'est votre droit. Mais quand on constate le Brexit et l'état du monde, je crois qu'un peu de dramatisation ne nuit pas, car il me semble que, pour l'Europe, l'heure est grave.
Je partage votre enthousiasme pro-européen. Mais nous sommes sceptiques sur la circonscription unique, car nous craignons que cela ne mette les représentants européens hors de portée des citoyens. En outre, cela ne permettra pas une juste représentation des ultra-marins. Pour réenchanter le projet européen, je crois qu'il faut en finir avec les mesures néo-libérales qui affectent les citoyens européens. Nous en sommes un exemple frappant.
Comme je l'ai déjà dit, les circonscriptions régionales n'ont pas eu pour effet de rapprocher les élus européens des citoyens. Votre remarque sur la représentation des ultramarins est très intéressante ; je crois que la France est un des pays qui va le plus loin sur les questions de parité, de représentativité. La représentation de ces territoires représente un défi auquel nous devons apporter des réponses au niveau national et au niveau européen.
Je ne m'attarderai pas sur un argument que chacun connaît ici, qui est que lorsqu'un gouvernement cherche à changer le mode de scrutin, il a des visées électoralistes…La première élection du Parlement européen au suffrage universel remonte à 1979. Depuis cette date, on alterne entre les listes nationales, les régions, les grandes régions, etc. Je pense que cette instabilité déboussole nos citoyens, qui n'ont peut-être pas besoin de ça en ce moment. Trois arguments plaidaient contre le rétablissement de la circonscription unique : le premier est la proximité ; il a déjà été évoqué par M. Herbillon. Au moment où le Gouvernement essaie difficilement de relier les fils avec les territoires, voilà que l'on coupe ces fils un peu plus pour faire une liste nationale. Je trouve que c'est un peu incohérent. Le deuxième argument, c'est qu'avec les listes nationales, les élections européennes servent souvent à recaser les perdants du scrutin national – chacun le sait très bien, tous les partis l'ont fait, de droite comme de gauche. Il y a un troisième argument qui est peu évoqué et c'est regrettable : au moment où l'on avait finalement redonné aux régions la gestion des fonds européens, on fait exactement l'inverse pour les élections. Quant à l'argument d'un scrutin plus proportionnel lorsqu'il est conduit à l'échelle nationale, j'y vois les prémices d'un débat que nous aurons, dans quelques mois ou quelques années, sur la proportionnelle pour les élections législatives. Cela, nous y sommes opposés.
Mon cher collègue, je vois que visiblement mes nouveaux arguments n'ont pas porté, mais peut-être allez-vous les mûrir ! Concrètement, seuls quatre autres pays européens n'ont pas de circonscription unique. Je crois que la circonscription unique, par maints aspects, a fait ses preuves.
Vous parlez de proximité. Avant d'être élue députée, je n'avais jamais vu de député européen de ma vie, de près ou de loin, ou peut-être à la télévision. Vous parlez de régions mais les circonscriptions des députés européens ne correspondaient pas du tout aux régions que vous évoquez ! Il n'existait pas de logique territoriale. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce découpage était…perfectible. Je suis tout sauf convaincue de la pertinence de ces listes régionales.
Je crois que c'est un débat sans fin. Le véritable problème de nos parlementaires de Strasbourg, c'est comment les faire connaître et reconnaître. Il faut bien dire qu'ils pâtissent d'un déficit de notoriété certain, sauf pour ceux qui ont été vaincus au cours de leur vie politique par le suffrage universel, et qui trouvent dans cette élection une occasion de rebondir, voire de repêchage.
Nous avions imaginé avec certains élus, je pense à Jérôme Lambert notamment, que sur la base de 75 députés, il y ait 50 circonscriptions européennes correspondant à un regroupement de deux ou trois départements, et vingt-cinq députés élus au suffrage proportionnel sur une liste nationale. Au moins, nous aurions su qui était le député européen pour les Deux Charentes. Mais l'on nous a opposé qu'il fallait que le scrutin fût proportionnel.
Toutefois, certains députés européens se sont fait connaître. Je ne citerai qu'un seul exemple, sans que cela ne soit désobligeant pour d'autres, celui de notre collègue Alain Cadec qui était responsable de la Commission de la Pêche du Parlement européen. Il a ainsi acquis une notoriété. Pour les autres, il faut bien reconnaître que nous ne les connaissons pas.
La liste nationale peut avoir des vertus. Le problème, évoqué par M. Herbillon, c'est que nous risquons de transformer cette élection européenne en référendum pour ou contre le Président de la République actuel, sans que cela soit lié en rien aux enjeux européens. Je rappelle que la première percée du Front national, conduit par Jean-Marie Le Pen, remonte aux élections européennes de 1984, sans que cette percée ne soit liée à des sujets européens.
Je crois que mieux associer les parlementaires européens à nos travaux nationaux serait une bonne chose. En théorie, la commission des Affaires européennes devrait jouer ce rôle, mais en pratique, nous n'avons vu que deux ou trois parlementaires européens au total.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous aviez en vue avec cette circonscription unique et ces listes transnationales ? Nous pourrions construire cette circonscription commune en nous appuyant sur le solde des sièges des parlementaires britanniques à répartir, mais nous pourrions même la concevoir, à terme, pour l'attribution de l'ensemble des sièges. Allons-nous voter pour des listes avec plus de sept cents noms ? Cela aurait peut-être un avantage, celui de faire mieux connaître les groupements des formations politiques au niveau européen, avec ce que l'on appelle en mauvais français le « Spitzenkandidat ». L'autre jour, certains d'entre nous sommes allés à Helsinki pour l'élection de notre « Spitzenkandidat » pour le Parti populaire européen. Mais qui connaît le Parti populaire européen en France ? Je peux en dire autant pour les socialistes, les libéraux, etc… Nous ne connaissons pas ces grandes formations.
Dans notre rapport avec Sébastien Nadot, nous avons insisté sur le fait que le pire danger pour la démocratie, c'est de la croire acquise. Je partage donc tout à fait le point de vue de la rapporteure. Il faut toujours être vigilant.
Mon cher collègue, par maints aspects je rejoins vos observations et les conclusions qui étaient les vôtres lors de la présentation de votre rapport sur la refondation démocratique de l'Union européenne. Effectivement, rien n'est acquis. La paix n'est plus un argument de vente auprès de nos jeunes, tant elle semble aller de soi. C'est tout de même dommage que cet argument de la paix en Europe ne porte absolument plus.
Je crois que vous avez trouvé les réponses au problème du référendum pour ou contre le gouvernement. 2019 ne sera pas la première année que ce risque existera. À chaque élection européenne, cette distorsion s'est matérialisée. Je pense que seules les listes transnationales, conduites par des partis européens peu identifiés en France, permettraient vraiment de déplacer le débat sur des enjeux proprement européens. C'est pourquoi j'espère très sincèrement que notre Commission travaillera sur cette question avant 2024, et que nous aurons des solutions à apporter à la nécessaire refonte démocratique de l'Europe que vous nous avez présentée.
J'ai fait partie d'une délégation qui s'est rendue en Bulgarie la semaine dernière. Nous avons eu l'occasion d'échanger longuement avec le Président de la République bulgare, sur les grands enjeux européens et sur le rôle du leadership français en matière de défense et d'environnement. Nous avons aussi pu découvrir au Parlement bulgare les clivages et les débats politiques propres à ce pays. Chaque État membre a sa propre alchimie de partis, de débats et de thématiques. Il est vrai que l'idée d'une liste transnationale trouve ici l'une de ses limites. Il serait probablement très difficile de décliner une même thématique avec les bons mots vis-à-vis des opinions publiques.
À mon sens, une élection c'est d'abord l'enjeu de parvenir à avoir ce dialogue avec les électeurs. Il est vrai que la maille régionale qui prévalait jusqu'à présent n'était pas le bon niveau. D'autant que nous avions très peu de relais au niveau de la presse. C'est une des grandes limites du débat public sur les sujets européens en France. Nous sommes un pays centralisé, y compris au niveau des médias. C'est pour cela aussi qu'il me semble que la maille nationale est le bon niveau au regard des enjeux du moment.
Nous devons porter l'image de la France dans le cadre des élections européennes. La France est attendue en tant que nation, mais nous devons aussi porter l'idée européenne vis-à-vis de nos électeurs. Le seul moyen de le faire de façon pertinente et efficace, avec les risques que cela comporte, c'est de le faire au niveau national. Le choix qui a été fait me paraît donc, à ce jour, le plus pertinent. La proximité se fait avec les moyens nouveaux que sont les réseaux sociaux. Rien n'empêche les futurs parlementaires européens d'en user également.
Merci beaucoup cher collègue pour ce témoignage. Je crois vraiment qu'à la suite de Sébastien Nadot et Didier Quentin, qui ont travaillé depuis plus d'un an sur ce sujet, il faut vraiment que ce rapport reste en vie. Peut-être, madame la Présidente, sera-t-il utile de refaire un point dans un an et d'unir autour de ce sujet tous ceux qui le souhaitent.
C'est-à-dire le sentiment d'une absence de démocratie européenne. Pourtant, nous élisons des députés, il existe un Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement et un Conseil des ministres européens, lesquels sont l'émanation des systèmes démocratiques des États de l'Union européenne. Pour autant, les citoyens nous disent depuis des années : « l'Europe c'est quoi ? », « qui nous représente ? », « qui sont nos députés européens ? ».
Il est vrai que depuis 1979, la question se pose, quels que soient les modes de scrutin que nous avons mis en place. Je pense qu'il n'existe qu'un seul scrutin valable, que nous n'avons jamais tenté, c'est le mode de scrutin par circonscription, comme pour les législatives. Mes chers collègues, nous sommes tous élus dans le cadre d'une circonscription, nos électeurs nous identifient peu ou prou. Ils viennent nous voir, ils discutent avec nous, ils ont des représentants directs. Les députés européens, nul ne les connaît ou ne les rencontre. Finalement, ils font ce qu'ils veulent à Bruxelles ou à Strasbourg. Je vous réitère la position que je défends depuis si longtemps dans cette Assemblée. Mais l'on m'oppose toujours les problèmes que suscite l'application de la proportionnelle à ces niveaux-là. Pour ma part, je n'ai rien contre la proportionnelle locale.
Cher collègue, élus dans notre circonscription, nous représentons l'ensemble des Français. Élus dans la circonscription France, les députés européens représentent l'ensemble des citoyens de l'Europe. C'est un changement d'échelle qui a sa logique.
J'ai un mot à dire au sujet de la manière de faire vivre concrètement l'Europe à nos concitoyens. Je vais bientôt poser une question orale sans débat à Nathalie Loiseau car je me suis aperçue du nombre d'enveloppes fléchées « France », que notre pays consomme à 10 % et qui sont reversées à la fin de l'année à l'Union européenne. Pourquoi ne les consommons-nous pas ? Car nous avons institué des procédures administratives d'une complexité invraisemblable. Pourtant, ces aides pourraient donner une vision concrète de ce qu'est l'Europe et de ses objectifs.
Il est évident qu'il faut réformer la gestion des fonds européens. À mon avis, cela implique d'éloigner cette gestion de Bercy.
Vous avez exposé dans votre rapport la problématique de la démocratie européenne, lancinante depuis 1976, avec des constats que nous connaissons : la distance importante entre le citoyen et l'institution, la participation très insuffisante lors des scrutins.
Nous avons parlé du mode de scrutin. Que ce soit pour des listes nationales ou régionales, je pense que la question du vote sanction vis-à-vis de l'équipe dirigeante se posera toujours. En revanche, je crois qu'il pourrait être intéressant de revoir notre façon de voter. L'article 4 propose différentes modalités : vote par correspondance, vote électronique ou vote en ligne. Pensez-vous que le vote en ligne, que l'Estonie seule applique depuis 2005, pourrait faire évoluer la participation des citoyens au scrutin européen ?
En effet, seule l'Estonie a fait ce choix car elle est très en avance sur les questions numériques, et c'est aussi pour cela qu'elle est vulnérable par maints aspects aux attaques cyber. En France, nous avons plutôt choisi de développer le système des procurations. C'est un modèle qui fonctionne bien. Tous les pays européens qui avaient choisi l'une des modalités de vote mentionnées à l'article 4 ont tendance à en revenir, car cela n'augmente pas la participation et pose de nombreux problèmes techniques et de sécurité.
Merci d'avoir organisé ces échanges sur ces élections qui auront lieu dans quelques mois. Sincèrement, je pense que c'est le seul lieu où j'ai pu en entendre parler et parler moi-même d'une manière détendue.
Je me demande pourquoi il faut réunir un million d'euros pour constituer une liste aux élections européennes. Est-ce que cela n'est pas trop peu ? Ne faut-il pas mettre quatre ou cinq millions ? J'ambitionne de constituer une liste et ce coût prohibitif a de quoi refroidir n'importe qui. Pourtant, en théorie, la démocratie est ouverte à tous les citoyens ; cela implique qu'elle coûte le moins cher possible. Sans compter qu'après, il faudrait encore assurer la promotion de cette liste et là, je crois que nous pouvons faire confiance aux médias dont nous disposons pour ne se polariser que sur les quatre ou peut-être cinq listes « officielles ». Il est évident que ceci ne fait pas progresser la notoriété de l'Union européenne auprès de nos concitoyens.
Pour le reste, je pense, comme mon collègue Lambert, que l'élection dans le cadre de nos circonscriptions est le seul système qui puisse marcher. Nous devons nous appuyer sur notre propre histoire et sur la manière dont la République s'est enracinée dans nos territoires. Vous disiez, madame, que nous avions encore beaucoup d'efforts à faire pour revitaliser l'espace démocratique européen. Je suis tout à fait prêt à vous aider dans cette réflexion. J'ai fait le tour de France à pieds, ainsi qu'un tour d'Europe, sur les conseils avisés de la Présidente : j'ai donc ma petite idée sur la question. Le seul problème c'est que personne ne me demande jamais rien.
J'ai suggéré au début de cet échange que tous ceux qui souhaitent s'agréger autour de ceux qui ont le plus travaillé sur ce sujet, comme Sébastien Nadeau ou Didier Quentin, puissent travailler ensemble sur ces questions et refaire un point chaque année, pour que notre commission se saisisse vraiment des questions européennes. Si vous le souhaitez, j'oeuvrerais volontiers avec vous en ce sens.
Voilà deux séances d'affilée que nous parlons de l'Union européenne en pointant la question de la défiance démocratique à l'égard de cette Union. J'ai l'impression que les rapports ou propositions qui nous sont soumis sont vraiment une goutte d'eau au regard du défi que rencontre aujourd'hui l'Europe, de la panne, de l'impasse assez tragique dans laquelle elle se trouve. Je dis tragique, parce que je sais bien que dans le cadre de la globalisation, nous avons besoin d'une échelle pertinente, large, pour affronter les défis qui nous attendent, et, pour autant, la façon dont l'Union européenne fonctionne, ou plutôt dysfonctionne, ses choix, son orientation, son incapacité à répondre aux aspirations des Européens, nous envoient littéralement dans le mur.
Cela pose une question majeure qui est celle de la souveraineté. Je vais prendre un exemple tout récent, qui permet de comprendre que nous parlons de démocratie européenne, alors que nous restons dans un cadre pur de diplomatie entre États. La France était un élément moteur pour parvenir à instaurer une taxation des GAFA en Europe. Nous devons pourtant de céder devant Angela Merkel, et au fond, les Français, non plus que les autres peuples européens, n'ont été associés à cette décision.
Par ailleurs, il faut mentionner un paradoxe, c'est que le Parlement européen est en réalité l'un des plus transparents dans ses décisions ; bien plus que le Parlement français. Et pourtant, le sentiment d'opacité est total, parce que les débats qui s'y jouent échappent aux populations : tout se joue dans le cadre opaque de la diplomatie entre États. Donc on peut changer le mode de scrutin, on peut l'améliorer, mais tant que l'on n'aura pas une démocratie vivante et surtout un projet qui crée de la dynamique, nous irons dans le mur. La panne de l'Union européenne est liée à trente ans de politiques qui ont réduit la capacité des populations à vivre librement et dignement. Les inégalités se sont creusées, c'est la réalité. C'est pourquoi vous avez raison, le 20 décembre, quand nous aurons le débat au sein du Parlement, sans doute sera-t-il question de ce dont nous allons débattre à l'occasion des élections européennes elles-mêmes.
Dans tous les cas, je crois que l'échelle européenne est l'échelle nécessaire pour faire face aux grands enjeux tels que la taxation des GAFA. La majorité n'est jamais revenue sur sa volonté d'y parvenir. Chaque pays, pris isolément, n'aura jamais le poids suffisant pour parvenir à mettre cela en oeuvre. La fuite des immenses multinationales face à l'impôt est un sujet crucial, c'est un combat que nous nous sommes tous approprié.
La question de la consommation de ces crédits européens est un réel sujet. Les documents à remplir pour récupérer quelques crédits sont souvent lourds et fastidieux. Étant élu d'un département frontalier, je vois la différence avec nos amis belges qui se débrouillent très bien pour récupérer des aides européennes, en s'appuyant sur des structures qui regroupent toutes les collectivités locales. Nous pourrions nous améliorer de notre côté.
Par ailleurs, comme vous tous, je rencontre régulièrement des citoyens, lors de mes permanences, mais aussi, actuellement, en allant au-devant des « gilets jaunes ». Je leur parlais de l'Europe. Je leur disais qu'elle est certes loin d'être parfaite – je suis le premier à le reconnaître – mais elle est un gage de paix depuis au moins 70 ans ! Cela n'est déjà pas mal ; c'est sans précédent dans l'histoire de l'Europe. J'ai évoqué le fait que trois générations n'avaient pas mis de baïonnette au bout du canon ; pour moi qui suis ardennais, avec une terre où les Allemands sont passés trois fois, en 1870, et 1914 et en 1940, ce n'est pas rien ! On m'a répondu : « Oui mais Monsieur le député, comme le disait ma grand-mère, après une bonne guerre il y a toujours une reprise économique ». Il a fallu que je fasse à nouveau état de mon point de vue, gentiment mais fermement, sur la valeur de cette période de paix, dans cette Europe imparfaite.
Nos difficultés à accéder à des enveloppes de l'Union européenne fléchées pour la France me rendent folle. J'ai rencontré des négociants en vin du Saumurois qui me disent : « Nous voyons bien, dans les salons internationaux, que tous les autres pays européens arrivent à toucher leurs fonds et à être compétitifs ; quant à nous, le coût que représente le fait de monter un dossier est supérieur au gain que l'on peut espérer en tirer ». Je mets en oeuvre au sein de ma circonscription une initiative qui s'appelle « Un fruit à la récré ». Cela peut paraître futile, mais ce projet a une vraie vocation économique, écologique et sociale. Le but est que tous les enfants de Saumur aient pour goûter un fruit financé à 100 % par l'Union européenne. Pour cela, j'ai affronté une montagne administrative et au bout de dix-huit mois, enfin, ce projet va pouvoir se matérialiser. Mais il m'aura fallu dix-huit mois ! Alors que la France consomme à peine 10 % de son enveloppe de fonds européens fléchés. C'est inadmissible ! Des volontés politiques, des idées, des ambitions sont noyées sous la technocratie.
Ce sont les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) qui ont les choses en main, c'est-à-dire l'administration déconcentrée de l'État. C'est à ce niveau qu'il faut agir. En fluidifiant ces procédures, nous pourrions dépenser mieux, et montrer à nos citoyens les projets financés par l'Union européenne. C'est ce genre de progrès qui lui permettrait d'être davantage acceptée, car on percevra alors l'utilité réelle de l'Europe.
Comme la rapporteure, je suis outrée de voir la façon dont les choses se passent sur le terrain depuis des années. Je pense que le rôle de Bercy est en cause. Nous devons poser la question d'une réforme globale de la gestion de ces fonds, pour qu'ils bénéficient effectivement au terrain.
Je m'en suis saisie et je ne compte vraiment pas lâcher le morceau. Il faut arrêter de tuer dans l'oeuf des projets concrets, porteurs, qui peuvent susciter l'adhésion et faciliter la vie quotidienne de nos concitoyens. Merci de vos propos sur la valeur de la paix, qui me touchent. J'ai été extrêmement choquée par ce qui s'est passé à Paris dimanche. Je me suis revue à Beyrouth, au pied d'un immeuble percé d'un trou d'obus entre les deuxième et cinquième étages, avec un sixième étage encore habité. Je me sens extrêmement proche des Libanais, on dit souvent que c'est notre petite soeur, et il est vrai que nous avons énormément de choses en commun. C'est une civilisation très avancée ; nous devons garder en mémoire que la barbarie peut aussi frapper chez nous. Vraiment, rien n'est acquis, et j'espère que la France va s'apaiser.
Au sujet de la consommation des fonds européens, il me semblerait utile que nous auditionnions Madame Loiseau ; c'est le travail de la ministre des Affaires européennes de régler cette question. En effet, nous perdons des occasions de rapprocher l'Europe de nos concitoyens. Nous sommes dans une situation assez particulière en France à cet égard. Dans de nombreux pays européens, on voit souvent, sur le terrain, des panneaux qui indiquent l'utilisation des fonds européens pour la réalisation d'investissements.
Notre Présidente a été députée au Parlement européen – et une excellente députée ! Quelle a été votre perception du lien entre députés européens et citoyens, et de l'impact du système électoral ? Pensez-vous qu'il y a une différence entre la situation des députés européens français et leurs collègues, de ce point de vue ?
Je vais simplement dire quelques mots pour vous répondre. Premièrement, les Parlements nationaux ne sont absolument pas comparables au Parlement européen. Le Parlement européen dispose en réalité d'un pouvoir beaucoup plus important qu'on ne le pense : pas une seule décision n'est prise par le Conseil ou la Commission sans que le Parlement ne donne son accord. Ce système de codécision oblige à rassembler les consensus les plus larges possibles au Parlement, ce qui implique de travailler très en amont sur les textes, tous groupes confondus, afin de rassembler une très large majorité pour peser le plus possible sur la Commission et le Conseil. C'est donc un mode de fonctionnement très différent. Quant à mon expérience de la relation avec les électeurs, j'ai été l'élue de la région Ile-de-France, région de 12 millions d'habitants ; il est évident que la proximité avec 12 millions de personnes, c'est une question...
Nous ne devons pas oublier que nous avons une commission des affaires européennes. Les sujets concernant la consommation des fonds européens me semblent relever naturellement plutôt de sa compétence.
Nos concitoyens – je pense aux entreprises, à celles du port du Havre – ne s'adressent pas aux députés européens lorsqu'ils ont besoin de parler à l'Europe. Ils décident d'ouvrir un bureau à Bruxelles, d'avoir une task force sur place pour interpeller la Commission, le Conseil ou les fonctionnaires européens, considérant que les décisions sont prises là-bas. Dans notre Europe, les décisions se prennent grâce au lobbying, et pas dans l'espace démocratique. Le remodelage des circonscriptions n'y changera rien, le texte que nous examinons n'y changera rien. Mais on peut espérer que le Parlement européen nouvellement élu aura le souci d'être en phase avec les désirs des peuples et d'imposer d'autres règles de fonctionnement à l'Europe.
Je reviens sur ce que je disais tout à l'heure : nous coupons le lien des députés européens avec les régions alors même que celles-ci ont à présent la gestion des fonds européens. Je voudrais vous donner un exemple de ce que cela implique, tiré de mon expérience d'élu au conseil régional de la région Provence Alpes Côte d'Azur (PACA). Monsieur Muselier est à la fois président de la région et député européen. Il a établi un lien direct entre Bruxelles et Strasbourg, c'est ainsi que nous captons et consommons beaucoup de fonds européens. Demain Monsieur Muselier ne sera plus député européen. Lorsque nous aurons des députés européens en provenance de Brest, du Limousin ou je ne sais d'où encore, cela m'étonnerait qu'ils posent le même regard sur la consommation des fonds européens dans la région PACA.
Je veux rebondir sur la question des fonds européens pour aborder la question de la francophonie, qui est un réel sujet. Le nouveau programme cadre européen recherche et innovation, dénommé « horizon 2020 », est abondé de plus de 8 milliards d'euros alloués à la recherche, dont une partie importante est fléchée sur des petites et moyennes entreprises (PME). Mais les dossiers sont en anglais ! Ce n'est pas la langue maternelle des experts ou des sociétés qui doivent valider les dossiers. Beaucoup de très petites entreprises (TPE) et de start up se privent de ces fonds, car les conseillers qui les accompagnent demandent 30.000 euros pour traduire les dossiers de l'anglais. Pour ma part, je sais parler anglais mais je ne serais pas en mesure de rédiger un rapport technique dans cette langue.
Je suis choquée d'entendre cela car le français est une langue de travail officielle des institutions européennes. Nous ne pouvons pas l'accepter. Je veux bien que nous travaillions ensemble pour inclure cette dimension de la francophonie dans la question que je poserai la semaine prochaine. Par ailleurs, nous ne devons pas forcément effectuer un partage rigide entre affaires européennes et affaires étrangères. Ce sont des sujets qui concernent tout le monde, et sur lesquels l'ensemble des députés pourraient se saisir.
J'échangerai avec ma collègue des affaires européennes afin de déterminer la manière dont nous pourrions, ensemble, réaliser un travail utile.
Je croyais que l'Union européenne était régie par le principe de subsidiarité. Je ne vois pas l'intérêt qu'il y a à passer par l'UE pour offrir des fruits à la ville de Saumur. C'est complètement délirant. Les Français qui sont à court d'argent ont du mal à accepter les 9 milliards nets que nous donnons à cette organisation qui nous fait tant de mal. Pour le prochain paquet budgétaire, notre contribution pourrait se monter à 12 voire 14 milliards d'euros, ce qui ferait de nous le deuxième contributeur. Lorsque l'on dépense cette somme pour une organisation, on peut comprendre l'exaspération de nos concitoyens. S'il est une économie à faire c'est bien celle-ci. Nous ne pourrons pas continuer à être le pays qui contribue le plus avec l'Allemagne.
Je reviens sur cette initiative du fruit à la récré. Ce qui me paraît délirant, c'est que l'on ne consomme que 10 % de nos enveloppes. Le but de cette initiative est de développer l'alimentation en circuit court. Le fait que l'UE se saisisse de cette question est un moyen de démontrer une certaine proximité. L'Europe peine à se placer au bon niveau. Nous autres, citoyens européens, estimons que l'alimentation des Européens est une question primordiale : c'est un enjeu de santé et un enjeu économique. En outre, cela donne de la proximité. Cela peut vous sembler artificiel, mais je trouve que cette initiative a du sens.
Je ne remets pas en cause le sens de cette initiative, mais le rôle de l'UE n'est-il pas de définir des normes de pesticides au niveau européen pour qu'il y ait une concurrence loyale, sur laquelle puissent s'appuyer les initiatives pour donner des fruits aux enfants de Saumur ?
Si les crédits européens ne sont pas consommés, c'est bien parce que nous avons créé une usine à gaz. La subsidiarité devrait revenir au coeur du projet européen, c'est une question de bon sens. Ce n'est pas parce que vous allez donner des fruits aux enfants de Saumur qu'ils vont aimer l'Europe, si au même moment des normes absurdes font qu'ils sont remplis de pesticides. L'Europe sera aimée quand elle sera efficace, pas quand elle voudra montrer quelque chose. Le langage que vous employez est significatif. Il faut « montrer ». L'intérêt n'est pas de montrer, c'est de gouverner au bon échelon.
Au sujet du prochain cadre financier pluriannuel qui concerne les années 2021 à 2027, je pense qu'il est important que nous nous opposions au fait que le Conseil européen l'adopte avant l'élection du nouveau Parlement européen. Je l'ai déjà dit dans notre hémicycle et lors du débat sur la refondation démocratique. Il n'est ni légitime ni démocratique que le Conseil décide sur des budgets qui concerneront au premier chef le prochain Parlement européen. Si l'ensemble de la Commission pouvait soutenir ce point, ce serait positif.
Je viens aussi de la région PACA. Si les régions sous-consomment les crédits européens – et c'est le cas dans ma région – ce n'est pas en raison du mode de scrutin. Nous avons tout essayé et la région reste très déficitaire, même si depuis peu notre consommation de crédits s'améliore sensiblement. Nous avons créé des agglomérations dans nombre d'endroits précisément pour accéder à ce type de dossiers. Mais dans nos recrutements, nous avons favorisé un recrutement à la base plutôt que des cadres, qui nous auraient permis de faire le lobbying nécessaire. Aujourd'hui, rien ne nous interdit d'être efficaces et de renforcer la région, comme l'a fait le président Muselier, pour aller chercher des subventions au niveau européen. Cela permettra de mieux redistribuer vers les collectivités qui ne peuvent pas accéder à ce type de lobbying.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 1355.
Audition, ouverte à la presse, de M. Hervé Berville, député, sur son rapport remis au Premier ministre sur « La modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale »
L'enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :
Audition de M. Hervé Berville sur son rapport remis au Premier ministre sur « La modernisation de la politique partenariale de développement et de solidarité internationale »
Questions des députés
La séance est levée à midi quinze.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 5 décembre 2018 à 9 h 30
Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Valérie Boyer, M. Moetai Brotherson, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Olivier Dassault, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Frédéric Descrozaille, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, M. Éric Girardin, M. Claude Goasguen, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Antoine Herth, M. Christian Hutin, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, Mme Amélia Lakrafi, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Pascal Lavergne, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, Mme Jacqueline Maquet, M. Denis Masséglia, M. Sébastien Nadot, Mme Delphine O, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, M. Bernard Reynès, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman
Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Samantha Cazebonne, M. Christophe Di Pompeo, M. Pierre-Henri Dumont, M. Philippe Gomès, Mme Sonia Krimi, Mme Marine Le Pen, M. Maurice Leroy, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Isabelle Rauch, M. Hugues Renson, M. Joachim Son-Forget, Mme Sira Sylla, Mme Michèle Tabarot
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Michel Jacques, M. Philippe Michel-Kleisbauer