Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 20 décembre 2018 à 15h00
Mesures d'urgence économiques et sociales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Toutefois, nous vous alertons quant à l'effet psychologique très important qu'aura l'entrée en vigueur du prélèvement à la source : elle se verra immédiatement sur la fiche de paie, dès janvier prochain, alors que l'éventuel gain de prime d'activité n'arrivera que plus tard. Il est à craindre, de surcroît, que l'application du prélèvement à la source ne s'accompagne de quelques erreurs techniques, en raison de sa complexité. Le sentiment d'injustice risque d'en être décuplé.

Nous nous interrogeons également sur la mise en place effective de cette hausse de 90 euros de la prime d'activité. Les caisses d'allocations familiales sont-elles capables de l'appliquer dès le mois de février prochain, alors que les attentes seront grandes ?

Nous espérons que la majorité des employeurs recourra au dispositif de l'article 1er. Il permettra, s'il est appliqué, un gain immédiat de pouvoir d'achat, sans conséquence sur nos finances – exception faite de son effet sur l'impôt sur les sociétés. Nous y sommes favorables, mais nous tenons à vous alerter sur les difficultés que les petites entreprises pourraient rencontrer dans sa mise en oeuvre, et sur les inégalités entre salariés qui en découleraient.

Nous soutiendrons également le dispositif prévu à l'article 2, qui vise à exonérer de charges salariales et d'impôt sur le revenu les heures supplémentaires, dans la limite d'un plafond. Cette mesure a été plébiscitée par les Français lors de sa mise en place pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy ; sa suppression, en 2012, a été très mal vécue par les travailleurs. Nous regrettons cependant que le dispositif proposé n'aille pas jusqu'à l'exonération de charges patronales sur les heures supplémentaires : cela constituerait une incitation efficace pour les petites entreprises, qui ne sont pas nécessairement en mesure de verser la prime exceptionnelle.

Nous nous inscrivons en faux contre l'argument selon lequel cette exonération de charges patronales aurait pour conséquence de diminuer le nombre d'emplois créés. C'est en créant davantage de valeur que l'on créera des emplois. Si nos entreprises, particulièrement les TPE et les PME, n'embauchent pas, ce n'est pas à cause du recours aux heures supplémentaires, mais en raison de la faiblesse des commandes et de la difficulté à trouver des salariés qualifiés. Pour éviter tout effet d'aubaine, nous défendrons un amendement visant à exonérer de charges patronales les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de 50 salariés, avec la même limite, en volume horaire, que pour les charges salariales.

Enfin, nous ne pouvons que souscrire au retour en arrière que constituent l'article 3 et la création d'un nouveau taux intermédiaire de CSG à 6,6 %. Dès l'inscription de la hausse de 1,7 point de la CSG dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, nous nous y étions opposés, en vous avertissant qu'elle aurait un effet désastreux sur le pouvoir d'achat des salariés et des retraités modestes. Il y a quelques semaines, nous vous proposions, en vain, d'instituer ce taux intermédiaire de CSG à 6,6 % : au regard de la trajectoire budgétaire, vous n'avez pas jugé bon de le retenir. Comme vous l'aurait dit Georges Clemenceau, honoré il y a peu dans cet hémicycle : « La vérité d'aujourd'hui peut avoir été l'erreur d'hier. »

Nous étions favorables à la baisse des charges sur le travail, forts de la conviction qu'il faut encourager l'emploi en redonnant des marges de manoeuvre à nos entreprises. Mais cette baisse de charges ne devait pas se faire au détriment des retraités, accusés injustement d'être une génération privilégiée.

Il est regrettable qu'il ait fallu plus d'un an pour que le Gouvernement entende nos arguments. Nous saluons cependant ce changement d'analyse. Notre groupe soutiendra donc, en responsabilité, ce projet de loi, même si nous regrettons les effets de sa mise en oeuvre précipitée sur l'équilibre de nos comptes publics. Nous ne cessons, depuis plus d'un an, d'alerter le Gouvernement sur la nécessité de mettre enfin en oeuvre les mesures d'économie qui auraient permis de conjuguer à la fois une politique en faveur du travail et des mesures de redistribution sociale.

Faute d'avoir engagé ces réformes, nous en sommes réduits, aujourd'hui, à voter des mesures qui auront pour conséquence de dégrader la trajectoire budgétaire de notre pays. En l'état, le coût des mesures que vous proposez est compris entre 10 et 15 milliards d'euros : ces sommes, pour leur majorité, ne sont pas financées.

Enfin, permettez-moi de rappeler que les milliers de Français rassemblés sur les ronds-points ne demandent pas uniquement une augmentation de pouvoir d'achat – penser cela serait leur faire injure. Au-delà des mesures en faveur du pouvoir d'achat, nous appelons à réfléchir à un pacte humain et social, et nous souhaitons que les prochains mois soient l'occasion d'une évolution d'ampleur en ce sens.

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