Cette réforme suscite de nombreuses interrogations, voire une profonde inquiétude parmi les professionnels de notre système judiciaire. Ces derniers voient leurs capacités rognées au profit d'organismes déracinés, déconnectés des préoccupations du justiciable. L'exemple des nouvelles prérogatives qui seront bientôt accordées aux CAF en matière de réévaluation des prestations familiales est assez révélateur : cette réévaluation doit être du ressort du juge qui suit le dossier, et non de celui d'organismes en ayant une connaissance lointaine, voire aucune. La direction de la CAF risque en effet de fixer des montants de pension particulièrement bas, de manière à réduire les dépenses.
Par ailleurs, vous créez un nouvel échelon, au prétexte de renforcer l'efficacité du traitement des dossiers. En réalité, cela aboutira à une justice distante, à mille lieues des conditions réelles d'exercice de la justice auxquelles sont confrontés les Français au quotidien.
Par mesure d'économie, vous entendez aussi refondre l'architecture des tribunaux en fusionnant deux entités qui rendent la justice à des échelles totalement différentes. Vous créez des pôles judiciaires et des structures spécialisées. Ces mesures, qui éloignent les justiciables du système judiciaire, risquent également de faire disparaître des instances de proximité enracinées. Vous allez, de ce fait, dévitaliser les tribunaux.
D'autres points du texte alarment légitimement les professionnels de la justice : le dépôt de plainte par voie électronique, qui va engorger les juridictions, le traitement par des sociétés commerciales de la médiation précontentieuse, la suppression de la définition de la consultation juridique.
Sans surprise, je m'oppose à ce que nos juridictions deviennent de simples chambres d'enregistrement des décisions gouvernementales ; je m'oppose à ce que le déracinement des instances judiciaires devienne un obstacle au fonctionnement de l'appareil judiciaire ; je m'oppose, en somme, à ce texte qui, loin de moderniser notre système judiciaire, l'enserre dans un carcan technocratique, ce qui est à mille lieues des attentes des Français.