La réunion débute à 9 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission examine, en nouvelle lecture, les projets de loi ordinaire (n° 1503) et organique (n° 1502) de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice et relatif au renforcement de l'organisation des juridictions (Mme Laetitia Avia et M. Didier Paris, rapporteurs).
Je rappelle que la commission mixte paritaire (CMP) relative aux deux textes que nous examinons ce matin a échoué. La navette ayant débuté au Sénat, nous sommes donc saisis du texte adopté par l'Assemblée nationale la semaine dernière.
Je vais donner la parole à nos deux rapporteurs, puis nous passerons à la discussion générale. Je demanderai aux groupes de limiter leur expression à cinq minutes. Nous sommes saisis de 503 amendements en ce qui concerne le premier texte, et de trois pour le projet de loi organique, soit 506 au total.
Après des débats riches et denses en commission des Lois, puis tout aussi riches mais plus étalés dans le temps en séance publique, jusqu'à la semaine dernière, l'organisation de nos travaux est telle qu'après l'échec de la CMP, jeudi dernier, nous reprenons en nouvelle lecture le texte adopté par notre assemblée.
Les travaux que nous allons mener vont nous permettre d'ajuster le projet de loi, après les discussions qui ont eu lieu jusque-là. Il ne s'agit pas de détricoter ce que nous avons nous-mêmes conçu et voté, mais de trouver ensemble des voies d'amélioration et de perfectionnement d'un texte qui doit être à la hauteur de notre ambition pour la justice.
Celle-ci aura un budget considérablement renforcé. Tel est l'objet de la loi de programmation 2018-2022, qui augmentera les crédits de 25 % sur la durée de ce quinquennat et prévoit le recrutement de 6 500 équivalents temps plein, dont 832 dédiés aux services judiciaires, c'est-à-dire des magistrats et des agents au sein des greffes.
Par ailleurs, les magistrats verront leur office se recentrer sur leur fonction première, qui est de juger, grâce à des mécanismes de déjudiciarisation que nous avons encadrés au cours des dernières semaines.
Ce sera aussi une justice qui fait le choix, assumé, de favoriser la culture du règlement amiable des litiges comme voie d'apaisement des conflits, et qui entre pleinement dans l'ère numérique tout en garantissant la pleine effectivité de la protection des droits et libertés – je fais référence à la labellisation de la LegalTech, c'est-à-dire les services juridiques en ligne, et à l'encadrement de l'open data des décisions de justice.
Nous reviendrons aussi sur la question de l'organisation territoriale. Vous savez quelles sont les garanties qui ont été données, et répétées, par la garde des Sceaux : il n'y aura pas de fermeture des lieux de justice. Tous ceux qui existent aujourd'hui resteront des lieux où l'on traitera des litiges de proximité en présence des magistrats dédiés, à savoir les juges des contentieux de la protection.
La CMP s'est terminée par un échec, les positions du Sénat étant trop éloignées des nôtres sur un certain nombre de points, même si un certain nombre de ces positions ont été prises en compte par notre assemblée en première lecture.
Nous sommes, en effet, dans une situation un peu incongrue : il nous revient d'examiner des dispositions que nous avons adoptées la semaine dernière. Nous le ferons avec la même attention que d'habitude, conformément aux exigences du débat démocratique qui nous rassemblent.
Je ne dirai que quelques mots du fond, car nous sommes toutes et tous parfaitement informés de ce qui figure dans ce texte.
On a dit qu'il porterait atteinte aux droits de la défense, mais il n'en est rien selon moi. L'avocat, dont le rôle restera essentiel, sera conforté dans toutes les phases de la procédure. Tout au plus est-il prévu de se conformer au droit européen, qui ne prévoit pas l'assistance d'un avocat lorsque celle-ci n'est d'aucune utilité pour l'exercice des droits de la défense.
Nous avons porté, de même, une attention scrupuleuse aux droits des victimes, dont le parcours sera largement facilité grâce à ce texte. C'est dans cet état d'esprit que nous allons instaurer le dépôt de plainte en ligne. Je rappelle qu'il ne se substituera en aucune façon à l'accueil physique. Les débats que nous avons eus, notamment en séance, ont montré que nous étions capables de durcir le texte pour faire en sorte qu'un accueil physique soit toujours possible, dès lors que la victime le souhaite ou que cet accueil est considéré comme nécessaire par les forces de police.
La nouvelle échelle des peines répond à des nécessités absolues : celle d'une meilleure individualisation et celle de l'effectivité de la condamnation. Les très courtes peines de prison, dont la seule conséquence est d'accentuer la marginalisation, seront proscrites et, inversement, toute peine de plus d'un an de prison, marquant la réprobation sociale et sanctionnant une infraction significative, devra être exécutée. C'est à ce prix que le contrat social entre les Français et la réponse pénale sera restauré.
La création, à titre expérimental, de ce que nous avons appelé la cour criminelle, répondra tout autant à l'engorgement des cours d'assises qu'à la nécessité de condamnations criminelles qui correspondent enfin aux crimes commis et permettent d'interrompre la dérive, trop fréquemment constatée, de la correctionnalisation.
La menace terroriste reste réelle – ce qui vient de se passer à Strasbourg nous l'a rappelé, si c'était nécessaire. Notre réponse pénale, en France comme à l'étranger, sera grandement confortée par la création d'un parquet national antiterroriste, doté de capacités de mobilisation étendues.
Nous avons habilité le Gouvernement à réviser l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante, ce qui fut évidemment un des points de difficulté dans le cadre de la CMP. Nous avons choisi une méthode novatrice qui consiste à ce que le texte soit préparé dans un délai de six mois avec le plein concours des parlementaires et des professionnels du droit – comme la garde des Sceaux l'a rappelé à plusieurs reprises, notamment devant le barreau de Paris tout récemment, les professionnels du droit ne seront en aucune façon exclus de la préparation de la réforme – et à ce qu'il n'y ait pas une ratification « sèche », mais au contraire une procédure laissant place au débat parlementaire avant toute mise en application des dispositions prévues.
Nous allons poursuivre nos débats de manière sereine, en essayant de rester dans l'esprit qui nous a animés jusqu'à présent. C'est en tout cas ce que je souhaite en tant que rapporteur.
Je voudrais insister sur notre pugnacité et notre endurance : nous avons déjà débattu pendant des dizaines d'heures de ce projet de loi. Son ambition est de renforcer notre justice et de changer de paradigme en tranchant avec la vision manichéenne qui, au fil des années, a éloigné nos concitoyens de la justice. Cette nouvelle lecture va nous permettre de tendre un peu plus vers l'objectif qui est celui d'une justice plus proche, plus simple, plus efficace et plus accessible pour tous nos concitoyens, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent.
C'est avec une volonté de perfectionner ce qui existe et surtout de replacer le justiciable au coeur du système que ce projet de loi s'est inspiré des pistes dégagées par les « Chantiers de la justice ». Lancés en octobre 2017, ils se sont articulés autour des professionnels du droit : les barreaux et les magistrats ont été entendus et associés à toutes les phases de la consultation et de la concertation, des recommandations aux propositions. Oui, le projet de loi est l'aboutissement de toutes ces réflexions. Nos travaux et ceux des sénateurs ont ensuite enrichi le texte et l'ont même, parfois, infléchi.
Si l'on veut que tous les litiges ne se transforment pas en conflits, la procédure amiable préalable permet d'offrir une solution rapide, simple et qui a fait ses preuves. Par ailleurs, la dématérialisation des procédures et des décisions ne dévoient pas la justice et ne la déshumanisent pas : la dématérialisation renforcera l'efficacité des magistrats, qui pourront se recentrer sur leurs missions, et elle répondra aux attentes des Français qui veulent saisir la justice, communiquer avec elle et suivre leur affaire, comme ils peuvent déjà le faire pour la plupart des services publics.
À ceux qui craignent l'esseulement du justiciable, qui attendrait le règlement de son litige par un traitement algorithmique, et à ceux qui déplorent le sacrifice de procédures protectrices, je voudrais dire que le projet de loi offre toutes les garanties, évidentes, du maintien de ces procédures. Ce sera particulièrement le cas dans les matières où des parties sont vulnérables et où des enfants peuvent être concernés, comme les affaires de divorce : le juge continuera bien sûr à se prononcer, en audience.
Nos débats sur cette réforme ambitieuse et dense ont été directs, complets et argumentés. Le texte présenté par le Gouvernement a été enrichi au cours des travaux que nous avons menés, pendant 33 heures en commission et plus de 80 heures en séance publique.
Le texte que nous examinons est issu d'une consultation engagée dès les « Chantiers de la justice », en octobre 2017, d'une concertation qui a été menée, par la ministre elle-même, avec tous les acteurs du monde judiciaire, au plus près du terrain, et enfin du débat au Sénat et à l'Assemblée nationale en première lecture.
Ce texte rassure, une fois encore, sur l'ambition du Gouvernement de doter la justice, malgré les contraintes budgétaires et sur les quatre années à venir, des moyens nécessaires pour relever les défis de notre temps, grâce à un budget en nette progression.
C'est un projet de loi équilibré : il concilie la nécessité de donner des gages à nos concitoyens en matière de sécurité et l'exigence de garantir les libertés individuelles et les droits de la défense. Il contient des règles efficaces et pragmatiques, notamment en matière de procédure. L'harmonisation prévue en ce qui concerne les investigations permettra aux magistrats et aux enquêteurs d'avoir plus de réactivité et de se mobiliser avec plus de simplicité. Le temps de travail effectivement consacré aux enquêtes sera clarifié et nous pourrons mieux lutter, dans le respect des libertés et des droits de la défense, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction, contre une délinquance protéiforme, de mieux en mieux organisée et de plus en plus équipée.
Le Parlement a concouru à enrichir ce texte de manière responsable, en commission puis en séance publique. Je suis certain que cette même volonté de parvenir à un texte bien façonné, et non pas formaté, mais aussi équilibré, au lieu d'être caricaturé, nous animera en nouvelle lecture. Nous devons impérativement adopter un texte répondant non aux attentes de telle ou telle corporation mais à celles de nos concitoyens, qui aiment leur justice mais ont souvent du mal à la comprendre et à la reconnaître.
Je vais m'exprimer, au nom du groupe Les Républicains, sur les questions de forme, puis M. Jean-Louis Masson parlera davantage du fond.
Au-delà de la durée, qui n'est jamais synonyme de qualité, il faut souligner le caractère chaotique du débat que nous avons eu. Je ne fais de procès à personne : je ne veux pas dire que le travail réalisé n'était pas sérieux, mais il faut reconnaître que les lignes de fond ont difficilement bougé et, surtout, que l'examen du texte a été entrecoupé de beaucoup de suspensions et de reports.
C'était lié, pour partie, aux événements, c'est-à-dire aux « gilets jaunes », dont il faut souligner qu'ils ont exprimé un besoin de proximité qui ne se retrouve pas dans ce texte. M. Jean-Louis Masson vous le dira : nous craignons l'évaporation d'un certain nombre de lieux de justice. Si le débat a été chaotique, c'est aussi à cause de l'organisation des travaux : on ne peut pas examiner 1 600 amendements en deux jours et trois nuits, ou l'inverse. C'est une vraie difficulté.
Il faut également souligner l'absence de vote solennel sur ce sujet pourtant important, qui fait l'objet d'une loi organique, visant à appliquer la Constitution – ce n'est donc pas anecdotique.
Enfin, je tiens à rappeler l'extrême justesse du vote : il y a eu 88 voix pour et 83 contre, alors que la majorité est censée défendre bec et ongles un projet auquel elle tient. C'est le signe du doute qui s'est installé.
Comme nous l'avons dit en première lecture, et nous ne changerons pas d'avis, le budget prévu nous paraît insuffisant. Il est certes en hausse, mais on part de très bas et l'augmentation prévue est donc à relativiser. La faiblesse de ce budget a une traduction sur le plan des créations de places de prison, dont le nombre a été réduit : alors que le Président de la République en avait annoncé 15 000, il y en aura 7 000, et l'on n'est même pas sûr de parvenir à atteindre cet objectif, tant s'en faut.
S'agissant des procédures, il y a en revanche quelques points positifs. Nous sommes favorables à la simplification de la procédure pénale et à la création d'un parquet national antiterroriste, mais nous avons des critiques assez fortes, que nous réexprimerons, à l'encontre de ce que nous percevons comme une déshumanisation de la justice, du fait du développement de la dématérialisation, des procédures d'arbitrage, dont le coût pèsera sur les justiciables, et de la fusion des tribunaux, en particulier celle des tribunaux d'instance et de grande instance. On ne peut pas s'empêcher de s'interroger : nous sommes certes convaincus que l'actuelle garde des Sceaux est de bonne foi, mais il y en aura d'autres après elle, et notre crainte est de voir les tribunaux d'instance disparaître à moyen terme. Certains se bercent d'illusions, mais nous sommes réalistes : nous pensons que plusieurs centaines de tribunaux d'instance disparaîtront, ce qui contribuera à l'éloignement de la justice et à sa déshumanisation.
Par ailleurs, nous restons opposés à ce que les peines soient « automatiquement » réduites aux deux tiers de la sanction prononcée : il faudrait que cette mesure soit formulée autrement. Comme nous croyons à la vertu exemplaire de la prison, nous ne sommes pas nécessairement favorables à toutes les peines de substitution : nous avons émis un certain nombre de réserves sur ce plan.
Quant au tribunal criminel départemental, nous avons l'impression qu'il y aura finalement une correctionnalisation d'un certain nombre de sujets, en particulier les viols.
Globalement, nous sommes donc critiques sur le fond. On a d'ailleurs vu que le vote a eu lieu « à l'arrache », avec une majorité extrêmement ténue.
Il est important de passer du temps à débattre de ce projet de loi, car il va façonner la vie judiciaire pour les années à venir. Un texte était nécessaire, et nous sommes globalement favorables à celui que nous examinons, notamment en ce qui concerne la réorganisation judiciaire, l'augmentation des moyens et le recentrage des acteurs sur leur coeur de métier, afin de donner plus de lisibilité aux justiciables.
Il y a néanmoins des points sur lesquels nous restons vigilants, voire en désaccord : les dispositions relatives aux caisses d'allocations familiales (CAF), la composition pénale, qui nous semble aller à l'encontre de ce que nous avons voulu faire depuis dix-huit mois, et les vidéo-audiences. Ce n'est pas une surprise, car nous l'avions déjà dit en première lecture, et nous en reparlerons. Il faut que le débat puisse avancer, et nous vous donnerons des exemples des problèmes qui vont se poser, notamment en lien avec les CAF.
Il manque aussi des éléments dans ce texte : nous pouvons entendre que ce n'est pas nécessairement le bon « véhicule », ou que le travail en amont n'a pas été suffisamment fait, mais il ne touche pas du tout à la justice commerciale, alors que c'est une piste pour dégager des effectifs supplémentaires au sein des tribunaux de grande instance.
Globalement, le projet de loi permettra de rapprocher nos concitoyens de la justice, dans la mesure où il dégagera du temps pour ses acteurs. Nous ne sommes pas contre la modernité, bien au contraire : il faut que la justice entre dans cette dimension, et les plateformes numériques ont leur rôle à jouer en la matière. Nous serons néanmoins vigilants sur leur certification et les conséquences potentielles pour l'exercice du droit en France.
Nous avons un peu l'impression d'être dans le film Un jour sans fin, à nous retrouver sans cesse dans la même situation et à devoir tout recommencer. Ce n'est pas votre faute, mais cela montre quand même que l'on pourrait un peu revoir notre procédure législative.
Nous ne sommes pas là pour reprendre tous les débats que nous avons déjà eus, mais le vote serré qui a eu lieu, avec 88 voix pour et 83 contre, démontre qu'il y a un besoin de discussion. Par ailleurs, même si on a passé du temps sur ce texte, seule une vingtaine d'amendements de l'opposition a été adoptée. Il faudrait peut-être faire preuve d'une plus grande ouverture sur un sujet, la justice, qui mériterait presque un consensus.
Le groupe UDI, Agir et Indépendants a redéposé quelques amendements, ceux qui nous semblent les plus importants. Ils concernent le budget – même si celui-ci augmentera, nous pensons que l'on pourrait faire un peu mieux –, ils tendent à garantir à tous les justiciables et à toutes les victimes un accès égal au droit et à la justice, et ils visent à prendre en compte les différentes voix qui se sont exprimées : outre les parlementaires de l'opposition, les professions juridiques, le Défenseur des droits et beaucoup d'autres acteurs estiment qu'il y a encore des modifications à apporter. Nous souhaitons que cette nouvelle lecture nous permette d'apporter des améliorations et de dégager un vrai consensus sur la justice que nous voulons pour les années à venir
Je commencerai par un constat : le débat parlementaire n'a pas apaisé les craintes émanant de toutes parts au sein du monde judiciaire – et pas seulement des avocats, me semble-t-il. Contrairement à ce que j'ai pu lire, il ne s'agit pas d'une approche corporatiste : je crois qu'il y a un vrai souci de rééquilibrage du droit de la défense dans les procédures que nous allons modifier.
Je voudrais également dire que je n'ai pas eu à subir les lobbies dans toute leur puissance. Celle-ci est moins forte sur ce texte que pour d'autres qui ont été examinés sous le précédent quinquennat, en particulier la loi dite « Macron ».
Le présent projet de loi est très difficile, très technique et très disparate, car il concerne aussi bien les prisons que les procédures civiles et pénales : on comprend bien la difficulté d'entrer dans ce texte et d'en percevoir la philosophie.
Je tiens également à souligner, car je ne l'ai pas fait en séance publique, que les rapporteurs ont vraiment réalisé un travail de qualité, sur un texte très difficile – je l'ai dit. Quelle que soit l'issue de nos débats, je les remercie sincèrement.
J'ai un regret à propos de la méthode. C'est un texte qui était plus équilibré, selon moi, quand il est sorti du Sénat. Il fallait bien sûr modifier certaines dispositions, mais il me semble que nous aurions pu nous retrouver sur trois points qui ont été évoqués par notre collègue du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés.
L'article relatif aux CAF s'écarte de la philosophie de 2016 – on faisait alors appel au juge en cas de litige – pour suivre une orientation dangereuse qui consiste à saisir, en cas de litige, non plus le juge mais une administration. Sur ce point, le groupe Socialistes et apparentés ne peut vous suivre.
S'agissant de la visio-audience, je pense qu'il n'aurait pas été difficile de revenir à la situation initiale en attendant une normalisation de ce dispositif. À mon avis, on ne peut pas aller aussi vite : c'est trop tôt.
J'ai aussi déposé plusieurs amendements relatifs à la composition pénale : il me paraît indispensable de revenir sur cette question.
Je crains que le projet de loi ne passe à côté de notre histoire. J'étais assez favorable à la création d'une cour départementale mais, quand on voit les « gilets jaunes » et leur intérêt pour l'association des citoyens aux politiques publiques, je me demande si la bonne solution consiste à les écarter d'un dispositif auquel ils apportent leur vision.
Je regrette que le juge soit, quand même, éloigné du justiciable tant au civil qu'au pénal – même si c'est plus marqué au civil – alors qu'il y a une revendication sur ce plan. Nous voyons bien dans nos permanences à quel point nos concitoyens sont inquiets lorsqu'ils ont à porter une affaire en justice. Il faudrait évidemment remédier à ce problème.
Je redoute que l'on désorganise le service public de la justice, déjà très fragile, en créant des spécialisations et des dispositifs nouveaux qui vont obliger les magistrats à modifier leur mode de travail alors qu'ils doivent déjà traiter leurs dossiers dans des conditions extrêmement difficiles.
Enfin, je déplore, alors que j'avais abordé ce texte dans un état d'esprit constructif, qu'un compromis n'ait pu être trouvé – sans porter atteinte, pour autant, aux engagements pris par le Président de la République : je pense qu'une voie de compromis était possible. Mais on apprend en faisant, et j'espère que nous parviendrons, à l'occasion d'un prochain texte, à travailler non pas « en même temps » mais avec toutes les oppositions.
Je ne vais pas revenir longuement sur l'aspect chaotique de l'organisation de nos travaux. Même si les responsabilités sont multiples, il faut rappeler cette réalité. Nous sommes encore en train de nous précipiter alors que le texte repassera en janvier et qu'il n'y a plus de réforme constitutionnelle : on aurait pu prendre un peu plus de temps, mais peu importe.
J'espère que je ne recevrai pas de courrier désagréable si je dis que vous avez menti, madame la rapporteure, ainsi que la ministre, Mme Belloubet, en affirmant que le budget augmentera de 25 %. Jusqu'à preuve du contraire, cinq hausses de 5 %, sur cinq ans, ne représentent pas 25 % de plus, mais 18,6 %.
J'ai vu, avec étonnement, que les rapporteurs ont adressé au Conseil national des barreaux, à la bâtonnière de Paris et à la Conférence des bâtonniers un courrier dénonçant la « diffusion d'informations erronées et trompeuses sur le projet du contenu de loi », des « attaques personnelles contre les parlementaires ayant exercé la profession d'avocat », l'« allégation d'une absence de concertation » et des « sommations interpellatives par voie d'huissier à des députés » – j'ignorais d'ailleurs que cela existait.
Ils ont reçu la réponse suivante :
« Votre interpellation en date du 14 décembre confirme que la fébrilité, le déni de la contradiction et la défiance envers les corps intermédiaires prévalent désormais dans les débats qui secouent le Parlement sur le projet de loi de programmation pour la justice.
« Votre lettre ouverte révèle donc que les conditions d'un débat serein et responsable ne sont plus réunies ni garanties par votre majorité parlementaire.
« En conséquence, nous nous en remettons à la proposition formulée par M. le Président de la République de participer à un "débat sans précédent pour construire un nouveau contrat pour la Nation".
« Nous considérons que la réforme de la justice doit avoir toute sa place dans ce grand débat national plutôt que d'être maltraitée par le processus chaotique qui prévaut actuellement au Parlement.
« C'est la raison pour laquelle nous demandons officiellement, au nom des 68 000 avocats, à M. le Président de la République d'arrêter le processus parlementaire concernant la loi de programmation pour la justice (voir courrier en pièce-jointe) afin de laisser les Français débattre de l'avenir de leur justice, comme de celui des autres services publics.
« Nous regrettons que ceux qui portent la responsabilité politique de l'impasse dans laquelle nous sommes aujourd'hui aient souhaité mettre en cause la responsabilité morale des avocats, qui sont avant tout des hommes et des femmes libres.
« Nous nous en tiendrons toujours à notre responsabilité citoyenne et civique : défendre l'accès aux droits, l'accès au juge et les libertés individuelles et publiques pour tous et partout en France.
« Ce sont les valeurs que nous porterons avec tous nos confrères de métropole et des outre-mer, demain comme hier, dans le débat républicain que nous souhaitons partager avec nos concitoyens.
« Nous vous prions de croire, madame la députée, monsieur le député, à l'assurance de notre parfaite considération ».
Il était important d'avoir connaissance de ces échanges, d'autant que la semaine dernière, madame la rapporteure, dans une question au Gouvernement, vous disiez que cette réforme avait été faite non pas pour les professionnels du droit – ils l'avaient déjà remarqué – mais pour les justiciables. Opposer ainsi les deux, comme vous le faites, est une faute politique : vous devriez travailler à élargir l'adhésion à une réforme qui concerne tout le monde. La concertation que vous avez tant vantée a été menée, pour l'essentiel, avec les professionnels du droit. Il est donc pour le moins étrange que nous en arrivions à la situation actuelle. Les justiciables ont bon dos : à quel moment les avez-vous associés ? Quand ont-ils eu leur mot à dire ? De toute façon, ce mot – « justiciable » – est un terme générique, dans lequel on peut mettre à peu près tout ce que l'on veut.
J'approuve la proposition des avocats, qui me semble sage. Je précise que je ne suis pas avocat moi-même et que je ne suis influencé par aucun lobby : j'exprime cette position de mon propre chef, parce que je pense qu'elle est juste. D'ailleurs, elle est partagée par un certain nombre de magistrats, dont le Syndicat de la magistrature, mais aussi par les greffiers, qui se mobilisent eux aussi et manifesteront de nouveau en janvier prochain.
Je considère donc que vous devez retirer le projet de loi : on ne peut pas se permettre qu'un texte consacré à des sujets aussi importants soit voté avec seulement cinq voix d'écart. On pourrait prendre le temps du débat, inclure la justice dans la concertation qui aura lieu dans trois mois. En effet, on voit bien que la concertation n'a pas fait défaut seulement pour la taxe sur les carburants : elle a manqué pour la loi sur l'alimentation et l'agriculture, pour le projet de loi d'orientation des mobilités et, donc, pour le présent projet de loi. Il serait vraiment sage de votre part de donner suite à notre demande.
Je passerai rapidement sur les conditions dans lesquelles nous avons discuté le texte : j'approuve ce qu'ont dit MM. Philippe Gosselin et Ugo Bernalicis. J'ajouterai toutefois un élément de contexte : l'annonce surprise par la garde des Sceaux, dans l'hémicycle, d'une réforme par voie d'ordonnance de la justice des mineurs, issue de l'ordonnance de 1945. La profession a été aussi surprise que les parlementaires. Le sujet aurait nécessité, à tout le moins, un débat d'une autre nature.
Le présent projet de loi, en raison des inquiétudes qu'il soulève et de l'absence de consensus qu'il crée – pour ne pas parler de désaccords –, notamment dans le monde judiciaire, aurait dû connaître le même sort que le projet de révision constitutionnelle. En effet, le Président de la République a constaté, de manière extrêmement solennelle, l'existence dans le pays d'un mouvement qui prend sa source dans la fracture sociale et territoriale, et appelé à un nouveau contrat avec la Nation sur ces deux aspects. Or c'est précisément sur la dimension sociale et la dimension territoriale que le projet de loi est contesté. Beaucoup considèrent qu'il va aggraver la fracture territoriale en éloignant la justice du justiciable, en concentrant et en numérisant. Que ce soit là fantasme ou réalité, peu importe : très majoritairement, le pays et les professionnels de la justice considèrent que le projet de loi aura pour effet de creuser la fracture territoriale. Quant à l'aspect social, la réforme des tribunaux d'instance concerne bien la justice des petits contentieux, c'est-à-dire une justice de masse qui est aussi une justice du pauvre, avec le soupçon qu'elle soit mise à mal.
Il m'avait semblé, en écoutant le Président de la République et un certain nombre de membres de la majorité, que, dans leur acte de contrition quant à la façon dont le pays a été réformé depuis dix-huit mois, ils disaient, entre autres, vouloir être moins arrogants, moins coupés des réalités, prendre davantage en compte l'avis des uns et des autres, essayer de débattre et de fabriquer du consensus en amont de la loi. Or, dans le cas du projet de loi de réforme de la justice, qu'on le veuille ou non – et il est inutile de se retrancher derrière l'action supposée de lobbies : c'est là pur fantasme –, la communauté judiciaire, des magistrats aux avocats, en passant par les greffiers, les éducateurs spécialisés et l'administration pénitentiaire, est très majoritairement opposée au texte. Comment peut-on prétendre tirer enseignement des dix-huit derniers mois et des « erreurs » qui ont été commises – selon les propres mots du Président de la République et d'un certain nombre de membres du Gouvernement – tout en continuant de légiférer contre l'immense majorité de ceux qui sont les premiers concernés, à savoir les acteurs du monde judiciaire ?
Il y a quinze jours, je me suis rendu au Stade de France, non pas pour un match, mais pour la rentrée solennelle du Jeune Barreau. Des centaines d'avocats étaient présents, bien sûr, mais aussi des magistrats, des procureurs, des présidents de tribunaux de grande instance, ou encore des greffiers. Eh bien, il ne s'est pas trouvé une seule personne pour reconnaître la moindre qualité à votre texte. Vous devez le comprendre et inscrire ce projet à l'ordre du jour du débat national qui va s'ouvrir à la suite du mouvement des gilets jaunes. C'est le seul moyen d'être fidèle à la volonté du Président de la République.
Comme en première lecture, le groupe Libertés et Territoires s'oppose au projet de loi, tout simplement parce que la philosophie générale du texte n'est pas la bonne : la logique comptable reste par trop prépondérante dans les dispositions qui sont proposées. Pour qu'elle soit efficace et efficiente, la justice doit disposer de davantage de moyens financiers. Certes le budget est en augmentation, mais c'est loin d'être suffisant. Le texte n'opère pas de véritable rattrapage.
La justice doit recruter davantage de magistrats et de greffiers. Elle doit également être plus proche du justiciable. Surtout, elle doit privilégier la relation humaine. Enfin – et surtout –, elle doit garantir scrupuleusement l'État de droit pour tous. Or le projet de loi ne répond pas à ces quelques grands principes qui, selon nous, doivent être le coeur de la justice du XXIe siècle. Nous ne pouvons accepter l'augmentation des pouvoirs du parquet, au détriment de ceux de la défense – les professions de justice nous le rappellent en permanence –, la déshumanisation des procédures, notamment par un recours accru aux plateformes en ligne, ou encore le renvoi de décisions à une autre autorité que celle du juge, comme c'est le cas pour la revalorisation de pensions alimentaires. Je ne peux pas ne pas évoquer, enfin, l'extension très abusive de pratiques pourtant réservées jusque-là à des délits très graves, comme la géolocalisation ou l'enquête sous pseudonyme. Ce sont là autant d'atteintes aux libertés fondamentales. C'est pourquoi notre groupe s'opposera fortement à ce projet, faute d'observer la nouvelle donne pourtant évoquée à l'occasion de cette nouvelle lecture.
Cette réforme suscite de nombreuses interrogations, voire une profonde inquiétude parmi les professionnels de notre système judiciaire. Ces derniers voient leurs capacités rognées au profit d'organismes déracinés, déconnectés des préoccupations du justiciable. L'exemple des nouvelles prérogatives qui seront bientôt accordées aux CAF en matière de réévaluation des prestations familiales est assez révélateur : cette réévaluation doit être du ressort du juge qui suit le dossier, et non de celui d'organismes en ayant une connaissance lointaine, voire aucune. La direction de la CAF risque en effet de fixer des montants de pension particulièrement bas, de manière à réduire les dépenses.
Par ailleurs, vous créez un nouvel échelon, au prétexte de renforcer l'efficacité du traitement des dossiers. En réalité, cela aboutira à une justice distante, à mille lieues des conditions réelles d'exercice de la justice auxquelles sont confrontés les Français au quotidien.
Par mesure d'économie, vous entendez aussi refondre l'architecture des tribunaux en fusionnant deux entités qui rendent la justice à des échelles totalement différentes. Vous créez des pôles judiciaires et des structures spécialisées. Ces mesures, qui éloignent les justiciables du système judiciaire, risquent également de faire disparaître des instances de proximité enracinées. Vous allez, de ce fait, dévitaliser les tribunaux.
D'autres points du texte alarment légitimement les professionnels de la justice : le dépôt de plainte par voie électronique, qui va engorger les juridictions, le traitement par des sociétés commerciales de la médiation précontentieuse, la suppression de la définition de la consultation juridique.
Sans surprise, je m'oppose à ce que nos juridictions deviennent de simples chambres d'enregistrement des décisions gouvernementales ; je m'oppose à ce que le déracinement des instances judiciaires devienne un obstacle au fonctionnement de l'appareil judiciaire ; je m'oppose, en somme, à ce texte qui, loin de moderniser notre système judiciaire, l'enserre dans un carcan technocratique, ce qui est à mille lieues des attentes des Français.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (n° 1503
Titre Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA JUSTICE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE
Article 1er : Programmation financière et approbation du rapport annexé
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CL42 de M. Philippe Gosselin et CL160 de M. Éric Ciotti, les amendements CL159 de M. Éric Ciotti, CL1 de M. Jean-Louis Masson, CL363 de M. Jean-Christophe Lagarde, CL238 de M. Ugo Bernalicis, CL440 de Mme Emmanuelle Anthoine, CL239 de Mme Danièle Obono, CL441 et CL442 de Mme Emmanuelle Anthoine.
L'amendement CL42 vise à reprendre la trajectoire plus ambitieuse qui avait été fixée par le Sénat, dans la droite ligne de ce que viennent d'indiquer Philippe Gosselin et Jean-Louis Masson. S'agissant des moyens alloués à la justice, nous partons de loin. Or la trajectoire décrite à l'article 1er témoigne d'un effort largement insuffisant. Nous proposons donc, pour notre part, une hausse des crédits de 33,8 % et une augmentation du nombre de postes de 13 728, contre 6 500 dans le projet de loi.
L'amendement CL160 vise à doter notre justice de plus de moyens, comme nous l'avons souvent demandé lors des débats en première lecture. Notre justice est paupérisée. Les magistrats et les agents de l'administration pénitentiaire sont confrontés à la même disette budgétaire – bâtiments dégradés, manque de matériel et de moyens humains – que celle que déplorent les policiers. Certes, le projet de loi de programmation tend à accroître les moyens de la justice, mais nous souhaitons aller au-delà : nous voulons doter notre justice, à l'horizon 2022, d'un budget qui s'approche de 0,38 % du PIB, voire dépasse cette proportion. Nous souhaitons une augmentation des crédits de 50 %, pour atteindre 10,56 milliards d'euros, avec une création de 13 728 postes supplémentaires. C'est bien le moins pour permettre à notre justice de s'approcher des standards européens, d'atteindre progressivement le niveau des moyens que d'autres grandes démocraties de l'Union européenne consacrent à leur justice.
L'amendement CL159 est un amendement de repli.
Jean-Jacques Urvoas avait parlé de « clochardisation » de la justice. Or nous en sommes toujours au même point, et l'augmentation prévue nous semble insuffisante. Nous reprenons la proposition du Sénat, soit une augmentation de 1,9 milliard d'euros au lieu de 1,3 milliard. Que sont ces 600 millions au regard des 15 milliards – peut-être même davantage – que le Président de la République a trouvés la semaine dernière pour répondre à la grogne nationale des gilets jaunes ? Ce n'est pas excessif dès lors qu'il s'agit de remédier à la clochardisation de notre justice.
Nous reconnaissons la volonté du Gouvernement d'augmenter les moyens de la justice, mais nous pensons nous aussi qu'un effort supplémentaire nous porterait au niveau de certains pays voisins, par exemple l'Espagne. Nous constatons tous que la justice a besoin de moyens supplémentaires : tel est l'objet de l'amendement CL363.
Nous proposons, par l'amendement CL238, de porter à 9,5 milliards d'euros le budget de la justice au terme de la trajectoire budgétaire, ce qui représenterait une augmentation de 35 % par rapport aux 7 milliards actuels. Il s'agit de se donner les moyens suffisants d'embaucher les personnels dont on a cruellement besoin – personnels des greffes, magistrats, surveillants pénitentiaires, de manière à atteindre l'effectif cible, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation – et surtout opérer une remise à neuf des prisons, ce qui me semble être bien plus urgent que d'en construire de nouvelles et de les remplir.
Pour votre part, vous proposez de partir des 7 milliards actuels pour arriver à 8,3 milliards, soit une augmentation de 18,6 %. Si vous vouliez vraiment augmenter les moyens de 25 %, il faudrait arriver à 8,75 milliards. Je vous propose donc, en vue de la séance, de travailler à un amendement allant dans ce sens. C'est un peu en deçà de ce que proposent nos collègues du groupe Les Républicains, mais ce serait toujours cela de pris pour augmenter la qualité de la justice dans notre pays. Ne me répondez pas que les 3 % de Maastricht, la dette ou je ne sais quoi d'autre nous l'interdisent : cette année, vous allez dépasser allègrement les 3 %, sans que les gilets jaunes y soient pour quoi que ce soit. En effet, le doublement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) nous fait arriver à 3,2 % de déficit, et vous l'assumez parfaitement, en liaison avec la Commission européenne. Ce serait tellement mieux si cet argent pouvait aller au service public, c'est-à-dire aux citoyennes et aux citoyens – et, en l'espèce, aux justiciables.
L'amendement CL239 est en lien avec le précédent : il s'agit de fixer un objectif beaucoup plus ambitieux en termes d'effectifs, alors que les professionnels de la justice sont extrêmement mobilisés depuis plusieurs mois. Ils demandent notamment un désengorgement des tribunaux, ils souhaitent avoir plus de temps pour approfondir les dossiers. Cela passe par des recrutements, comme nous le proposons – en l'occurrence, 18 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT), d'ici à 2022, de magistrats et magistrates, de greffiers et greffières, sans oublier les personnels administratifs. Cela nous permettrait de nous situer dans la moyenne européenne, alors même que, depuis de nombreuses années, nous déplorons d'être bien en deçà. Il nous semble que, pour rapprocher la justice des justiciables, il faut d'abord des agents, du personnel de justice, de l'humain. Tel est le sens de notre amendement.
Nous avons déjà longuement débattu de ce sujet, en commission puis en séance publique. Croyez bien que je suis la première à vouloir un budget aussi élevé que possible pour notre service public de la justice, lequel mérite l'ambition la plus haute. Je rappelle que le projet de loi comporte un volet budgétaire – c'est la programmation contenue dans l'article 1er – et un volet de réformes. C'est bien en nous appuyant sur ces deux aspects que nous arriverons à rénover le fonctionnement des services judiciaires et à améliorer les conditions dans lesquelles les magistrats exercent leur mission.
Cela dit, à l'évidence, on ne peut pas tout faire. Il est important de construire l'évolution du budget dans un cadre maîtrisé. L'étude d'impact nous rappelle, à cet égard, que l'évolution des crédits, telle qu'elle est prévue, est équilibrée et en ligne avec la trajectoire budgétaire globale prévue pour l'ensemble du quinquennat. Il ne semble donc pas opportun de se lancer dans une surenchère. Du reste, on le voit bien avec ces nombreux amendements : pourquoi s'arrêter à tel montant plutôt qu'à tel autre ?
Je rappelle que l'augmentation sera de près de 25 % – je n'ai pas dit 25 % exactement, monsieur Bernalicis, mais elle ne sera pas non plus de 18,6 % : vous avez oublié la première année, c'est-à-dire 2018, pour laquelle nous avons voté les crédits en 2017. Or il s'agit bien d'une programmation pour les années 2018 à 2022, et non pas 2019 à 2022 – dans cette dernière hypothèse, l'augmentation serait effectivement de 18,6 %. Par conséquent, votre calcul est erroné. J'espère, cher collègue, que mon explication vous sied.
Les crédits augmenteront donc de 1,3 milliard d'euros, et le nombre d'ETPT de 6 500. Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas uniquement d'emplois dédiés aux services pénitentiaires ou à la justice pénale : 832 créations d'emplois auront lieu dans les services judiciaires, dont 248 emplois de juristes assistants, 250 emplois de greffiers assistant les magistrats, sans oublier bien sûr des postes de magistrats. Il s'agit donc d'investir sur le plan budgétaire, mais également dans le recrutement d'hommes et de femmes concourant au fonctionnement de notre justice.
Par ailleurs, 260 créations d'emplois auront lieu au secrétariat général pour mettre en oeuvre le plan de transformation numérique ; 2 282 créations d'emplois pour les nouvelles structures pénitentiaires, qui sont également un élément important de la loi de programmation ; 1 500 créations d'emplois dans les services d'insertion et de probation, pour mettre en oeuvre la nouvelle politique pénale ; 1 100 créations de postes pour combler les vacances d'emplois de surveillants – à la suite du relevé de conclusions signé le 29 janvier 2018 par la principale organisation représentative des personnels pénitentiaires –, mais aussi pour renforcer le renseignement pénitentiaire ; 133 créations d'emplois dans les centres éducatifs fermés. Si je prends le temps de détailler l'ensemble de ces emplois, c'est aussi pour vous montrer que les données figurant dans l'article 1er sont calibrées et équilibrées. Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Madame la rapporteure, le tableau commence en 2018, à 7 milliards, et on arrive, en 2022, à 8,3 milliards ; cela fait bien cinq ans, et l'augmentation est de 18,6 %. Je veux bien que l'on remonte à 2017, comme vous le faites. Toutefois, non seulement ce n'est pas vous qui aviez voté ce budget mais, en plus, vous aviez procédé à des annulations de crédits, y compris au ministère de la justice : des reports de charges sur l'année 2018 avaient eu lieu, ce qui a d'ailleurs pour conséquence que le montant de 8 milliards affiché pour 2018 n'englobe pas vraiment des crédits supplémentaires. Cela dit, pour les cinq années 2018 à 2022, c'est-à-dire en incluant les crédits votés en 2017 pour 2018, je maintiens que l'augmentation est de 18,6 %.
Je n'y peux rien : c'est ce que montre votre tableau. Libre à vous d'ajouter 2017 ou 2023 – il ne vaut mieux pas – mais, en l'état, l'augmentation est bien de 18,6 %.
La Commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CL438 et CL437 de Mme Emmanuelle Anthoine.
Puis elle examine l'amendement CL240 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement, d'autant plus pertinent depuis que le Gouvernement a décidé de modifier l'ordonnance de 1945, vise à renforcer les moyens de la justice des enfants et des adolescents, ainsi que de la protection judiciaire de la jeunesse, en allouant 35 millions d'euros au milieu ouvert, grâce au redéploiement des crédits prévus pour la construction de centres éducatifs fermés (CEF). La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a considéré ces centres comme des « antichambres de la détention » dans un avis de mars 2017. En octobre dernier, les syndicats ont mené une grève qui allait dans le même sens.
Il existe de nombreuses alternatives aux CEF, à savoir le milieu ouvert et la réinsertion, qui passent par les services territoriaux éducatifs de milieu ouvert, qui assurent l'accueil et l'information des mineurs et des familles, mettent en oeuvre des prescriptions de l'autorité judiciaire et agissent à partir du milieu de vie du mineur ; les unités éducatives de milieu ouvert, qui mettent en oeuvre les décisions ordonnées par les juges des enfants ; les unités éducatives d'activités de jour ; les unités éducatives auprès du tribunal ; les services éducatifs auprès du tribunal ; les services territoriaux éducatifs et d'insertion. Toutes ces structures sont bien mieux adaptées et bien plus conformes à l'esprit de l'ordonnance de 1945.
Avis défavorable. Nous avons déjà eu le débat sur cet amendement. Quant au fond, attendons l'article 52A.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL241 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement vise à garantir d'ici à 2022 les mêmes possibilités d'aménagement de peine outre-mer qu'en métropole et à doter les services publics ultramarins des mêmes moyens que dans l'hexagone. La Commission nationale consultative des droits de l'homme avait relevé dans un rapport en 2017 qu'il y a en outre-mer un « très faible nombre de personnes bénéficiant d'un aménagement de peine », cela s'expliquant par le fait que « les aménagements de peine sont beaucoup plus difficiles à mettre en place qu'en métropole ». Le Gouvernement doit corriger cette inégalité.
Avis défavorable. Nous avons adopté en première lecture, à l'initiative de M. Olivier Serva, un amendement transpartisan à l'article 1er ter, afin d'intégrer au rapport annuel d'exécution de la loi une évaluation spécifique du déploiement des moyens financiers consacrés à la justice dans les collectivités d'outre-mer.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement CL516 de la rapporteure, visant à corriger une erreur matérielle.
Puis elle examine l'amendement CL390 de M. Sylvain Brial.
Notre collègue Brial tient à alerter la représentation nationale sur les difficultés d'accès au droit inhérentes à Wallis-et-Futuna, où la justice, qui a souffert de plusieurs problèmes, nécessite une attention toute particulière. Si, dans l'hexagone, nous assistons à une déjudiciarisation au profit du notaire, il faut savoir qu'à Wallis-et-Futuna il n'y a pas de notaires, pas plus que d'avocats : il faut se rendre en Nouvelle-Calédonie, ce qui est loin d'être simple. De surcroît, la situation du « citoyen défenseur », unique en France, n'a pas été prise en compte, alors qu'elle mérite une véritable réflexion, ainsi que l'intégration de la coutume, comme cela se fait dans le droit anglo-saxon, par exemple, dans notre droit latin. Notre collègue souhaite renforcer, par le biais de cet amendement, l'accès au droit et à la justice aux îles Wallis-et-Futuna.
La Commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'examen de l'amendement CL333 de M. Philippe Gosselin.
L'amendement, qui fait notamment suite au rapport sur la réinsertion remis au mois de mars par la commission des Lois, vise à étendre une expérimentation menée dans plusieurs départements avec plusieurs associations, dont le groupement pour l'emploi des probationnaires (GREP).
Avis défavorable. Nous souhaitons certes encourager ces dispositifs, mais sans les inscrire dans la loi.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL71 de Mme Cécile Untermaier.
Nous avons redéposé cet amendement, qui répond selon nous à un manque d'ambition du texte. Il vise à mettre en place des comités de détenus, pourvus d'un rôle consultatif sur l'organisation interne et sur les droits et les devoirs au sein des centres pénitentiaires. Ces comités, qui ne sont pas d'invention récente, sont utiles pour les surveillants eux-mêmes. Notre proposition est en adéquation totale avec votre volonté de redonner du sens à la peine et de la rendre plus efficace. Nous regrettons vraiment que vous n'ayez pas adopté en première lecture cet amendement au rapport annexé, sans incidence financière. Comme vous l'avez fait en précisant les modalités architecturales des prisons, il faudrait favoriser les comités de détenus dans le rapport annexé.
Je comprends l'intention de votre amendement, que nous partageons, mais sa rédaction conduit à généraliser un dispositif qui ne peut pas s'appliquer dans toutes les structures pénitentiaires. Peut-être pourriez-vous le retravailler pour la séance, afin de le rendre moins systématique et plus flexible ?
Je tiens à m'associer à cet amendement. Amender un rapport annexé n'a rien de contraignant, mais permet de fixer un objectif au ministère. Qui plus est, toutes les précautions ont été prises, puisque la rédaction précise d'entrée : « sous réserve du bon ordre et de la sécurité de l'établissement ». En réalité, la majorité n'a pas la volonté politique d'expérimenter les comités de détenus. C'est tout. Assumez-le et dites pourquoi vous êtes opposés à cette mise en place, sans avancer des prétextes fallacieux qui nuisent au débat et à la bonne compréhension des choses. Mon groupe est favorable aux comités de détenus, puisque nous avions également déposé un amendement au projet lui-même, donc beaucoup plus contraignant. Cette expérimentation permettrait, comme le dit si bien Mme la ministre, de rendre utile le temps de détention.
Je me permets d'insister, parce que cet amendement s'inscrit dans l'esprit du texte. Je ne prétends pas qu'il soit parfait. En revanche, nous pourrions profiter du temps de la séance pour le retravailler, en supprimant un caractère obligatoire qui n'était pas dans mon intention. Nous pourrions le présenter comme une expérimentation ou en laisser l'initiative au centre pénitentiaire, de façon à avancer dans cette voie, qui s'inscrit parfaitement dans le sens de l'efficacité de la peine. La réinsertion se joue dès le centre pénitentiaire. Je retire l'amendement et le retravaillerai en vue de la séance.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL141 de Mme Danièle Obono.
L'amendement vise à créer une agence de la probation. La majorité a voté la création d'une agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle. Nous pensons qu'il faudrait plutôt créer une agence unique de la probation pour toutes les peines de probation, qui viendrait en support de tous les dispositifs, en étant un point d'entrée unique pour les associations. L'agence aurait un rôle de coordination entre les ministères. Pour avoir participé une nouvelle fois à la projection du film À l'air libre et discuté avec les encadrants de la ferme de Moyembrie, je sais à quel point il est difficile de coordonner les demandes faites aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), à la direction de l'administration pénitentiaire, au conseil départemental ou encore à l'agence régionale de santé (ARS). Il y aurait une plus-value à développer toutes les peines de probation et à permettre aux associations et aux différentes structures d'avoir un interlocuteur unique. Cette agence unique offrirait aux magistrats une boîte à outils de solutions diverses adaptées aux différents publics.
Avis défavorable. Nous avons choisi de créer une agence du travail d'intérêt général, ce qui n'enlève rien à l'ambition de développer le système probatoire de notre pays.
Certes, cela n'enlève rien, mais ça ne règle pas le problème non plus ! Votre agence permettra, sur la question du travail d'intérêt général (TIG), de mieux coordonner l'administration pénitentiaire et les grandes structures publiques ou privées ; mais tout le reste se fera sans agence. Alors que vous êtes habituellement favorables à la simplification, vous complexifiez le dispositif. Votre agence du travail d'intérêt général servira surtout à contourner la direction de l'administration pénitentiaire et à renforcer des partenariats avec les grandes structures privées partenaires pour développer des postes de TIG à 400 heures dans du secteur marchand… Mais soit !
À supposer que vous soyez de bonne volonté, vous devriez être favorables à une agence de la probation. L'interministérialité est un enjeu majeur pour la direction de l'administration pénitentiaire dans le cadre de ces peines de probation, qui touchent à plusieurs domaines, comme l'hébergement, la santé ou l'insertion professionnelle. Essayons de redonner du sens à ce système et de développer tous les dispositifs de probation. Même si vous faites seulement semblant de créer une peine de probation autonome, cette agence de la probation satisferait tout le monde. À dire vrai je préférerais une direction interministérielle de la probation, plus aboutie. Nous ne vous proposons une agence que pour rester dans votre état d'esprit.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL161 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à faire passer le nombre de places supplémentaires de prison de 7 000 à 20 000. Le déficit actuel est un problème majeur, qui pèse sur toute la chaîne pénale de notre pays, en entravant l'exécution des peines prononcées au nom du peuple français et en contraignant à une logique hypocrite d'aménagement quasi-obligatoire et systématique des peines, ce qui en déconstruit le sens. Ce déficit participe également de l'indignité de l'univers carcéral.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL242 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement vise à créer une agence du travail pénitentiaire et de la formation pour l'emploi. Moins d'un tiers des personnes détenues exercent une activité rémunérée en détention ; le manque de postes est criant ; les activités proposées sont très souvent réduites à du façonnage ou de l'assemblage, qui ont presque disparu à l'extérieur. Ce travail ne donne pas lieu à des contrats, les personnes ne disposant pas d'indemnités en cas de chômage technique, d'arrêt maladie ou d'accident du travail. La durée de travail n'est pas plus encadrée ; il n'y a ni jours de repos, ni revenu minimal. Contre ce règne du non-droit, il est important de proposer un encadrement plus strict, afin d'assurer une meilleure réinsertion des personnes détenues, de garantir une égalité de traitement et d'éviter de mettre en concurrence les salariés entre eux. Cette agence nous semble à même de compléter un dispositif favorable à la réinsertion.
L'agence que nous proposons couvre le travail d'intérêt général et le travail en détention. L'intention de votre amendement est donc satisfaite. Je vous suggère de le retirer, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
L'agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle concernait, dans sa première version, le seul TIG. À lire la présentation qui en est faite, quelques lignes seulement sont consacrées à ce qui ne relève pas des TIG. J'ai l'impression que cette mission a été ajoutée au dernier moment, sans véritablement s'intégrer dans une stratégie. Certes, le mot « travail » est commun au TIG et au travail en détention, mais à part cela… Je ne suis pas sûr qu'il y ait une continuité entre ces deux domaines qui ne relèvent pas du tout des mêmes dispositions, des mêmes lieux ou de la même logique.
Par ailleurs, l'agence que nous proposons de créer serait le gestionnaire unique des personnes détenues. Elle déchargerait administrativement les directeurs d'établissement pénitentiaire, garantirait une application uniforme des droits sur le territoire et une harmonisation des postes proposés, et enfin offrirait la possibilité de déployer des expérimentations, de proposer des ateliers de travail plus orientés vers la formation professionnelle, la découverte de nouveaux métiers ou de nouvelles qualifications, afin d'avoir des chaînes de travail ressemblant à ce qui se fait à l'extérieur de la prison. Il serait cohérent d'avoir d'un côté une agence de la probation et de l'autre cette agence du travail pénitentiaire et de la formation pour l'emploi.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 1er bis [suppression maintenue] : Programmation de la progression du nombre des conciliateurs de justice
La Commission examine l'amendement CL69 de M. Philippe Gosselin.
Les conciliateurs sont davantage intégrés à notre système judiciaire et juridique depuis la loi de modernisation de 2016. L'amendement vise à reprendre la programmation de la progression du nombre de conciliateurs de justice pour la période 2018-2022, adoptée en première lecture par le Sénat. Nous ne pouvons pas chercher à développer des solutions alternatives, sans leur consacrer un minimum de moyens humains.
Avis défavorable, non pas sur l'intention, mais sur le principe de progression d'un nombre de bénévoles.
Sur la médiation préalable obligatoire, sur l'incitation massive à passer par des modes alternatifs de résolution des différends, des litiges et des conflits, sujets sur lesquels nous pouvons être d'accord, faisons en sorte de ne pas rester dans l'incantatoire ! Il n'y a rien de pire pour nos concitoyennes et nos concitoyens que de se dire que nous inscrivons dans la loi de belles idées qui ne se traduisent pas dans la réalité. Or c'est ce que nous allons faire ! Nous leur disons qu'ils pourront consulter gratuitement un conciliateur ; mais que penseront-ils quand ils ne pourront pas avoir de rendez-vous avant trois ou quatre mois ? Ce sera contre-productif. Certains céderont et paieront ; d'autres se diront qu'on s'est bien moqué d'eux.
Vous savez vous-mêmes pertinemment que votre système ne tient pas debout et que vous n'aurez pas suffisamment de conciliateurs, puisque, dans l'un des dispositifs, vous avez prévu qu'il soit possible de contourner la médiation obligatoire, s'il n'y a pas de conciliateur disponible dans un délai raisonnable. D'ailleurs, qu'est-ce qu'un délai raisonnable ? Sur les recours préalables obligatoires en matière administrative, je trouve qu'un délai de quinze jours est raisonnable, quand pour vous c'est un délai d'un mois qui l'est. C'est vous dire si la notion est fluctuante.
Si nous pouvons avoir des différends idéologiques ou programmatiques, nous sommes cette fois d'accord sur la nécessité de faire davantage appel aux conciliateurs, qui sont des bénévoles logiquement indemnisés pour les frais engagés. Il ne serait pas normal que les fonctions qu'ils exercent leur coûtent de l'argent. Le grand avantage pour le justiciable, c'est qu'ils représentent une justice de proximité et gratuite. Refuser l'amendement au motif qu'il ne serait pas possible de fixer une progression du nombre des bénévoles dans la loi ne me semble pas pertinent. Une association ou une fédération qui ne se fixe pas des objectifs sur le renouvellement de ses dirigeants est à côté de la plaque. Aujourd'hui, d'ailleurs, au-delà du défaut d'engagement citoyen, certaines associations sont en difficulté pour n'avoir pas anticipé les départs de certains de leurs membres.
Une grande partie des conciliateurs de justice sont des retraités, d'anciens cadres, d'anciens ouvriers, d'anciens salariés, qui trouvent satisfaction à servir l'intérêt général. Si nous ne nous fixons pas des objectifs importants, d'ici à quelques années, nous constaterons un manque de conciliateurs. Nous devons nous donner les moyens de fixer au moins des objectifs. Quand on s'en fixe, il est déjà parfois difficile de les atteindre ; en avançant au fil de l'eau, cela sera encore plus compliqué.
Je rejoins Philippe Gosselin. Nous faisons reposer le dispositif sur des bénévoles qui ne doivent pas en être de leur poche. Or, actuellement, les conciliateurs que j'ai rencontrés me disent qu'ils ne sont même pas remboursés des frais réels de leurs déplacements. Il faut peser sur le Gouvernement pour que ces conciliateurs soient intégralement remboursés des frais engagés, sans quoi il n'y aura plus de conciliateurs. Ils se déplacent beaucoup et vont, sur le terrain, vers les justiciables en difficulté. Prenons garde à ce que la procédure civile ne soit pas le parent pauvre de la justice. Le délégué du procureur bénéficie d'une rémunération très modeste pour ses interventions. Le conciliateur, parce qu'il relève de la procédure civile, ne bénéficie pas de la moindre rémunération, ni même d'une indemnisation. Le ministère de la justice doit prendre la mesure de ces questions.
Peut-être pas assez, mais c'est un autre sujet… Ils sont remboursés de leurs frais kilométriques, par exemple, sur la base des barèmes fixés par la loi. D'autre part, monsieur Gosselin, nous partageons tous le même objectif, dans le cadre du développement des modes alternatifs de règlement des litiges, du recours au conciliateur. Mais, comme vous l'a indiqué très justement la rapporteure, on ne peut pas prévoir le recrutement des conciliateurs, qui ne sont par essence pas « recrutés », dans la mesure où ils sont bénévoles.
Je n'ai pas dit qu'ils n'étaient pas indemnisés, mais qu'ils ne l'étaient pas suffisamment pour rentrer dans leurs frais. Les conciliateurs sont bénévoles mais il faut au moins qu'ils soient indemnisés à la hauteur de leurs frais et qu'ils puissent, par exemple, bénéficier d'un ordinateur. Si l'on veut disposer d'un nombre suffisant de conciliateurs, ils ne doivent pas en être de leur poche.
La Commission rejette l'amendement.
En conséquence, l'article 1er bis demeure supprimé.
Article 1er ter : Rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la présente loi
La Commission examine l'amendement CL243 de M. Ugo Bernalicis.
Nous souhaitons que soit étudiée la possibilité de faire des modules « respect », ou modules de confiance, le régime normal de prise en charge des personnes détenues et qu'ils ne soient pas limités à des cas particuliers, quand l'établissement le permet. À défaut d'instaurer des conseils des détenus, vous devez au moins témoigner de votre volonté d'aller en ce sens.
Aujourd'hui, lorsque sont expérimentés ces modules, qui supposent un encellulement individuel, cela ne fait qu'augmenter mécaniquement, dans les autres quartiers, la surpopulation que connaissent déjà les maisons d'arrêt, puisque la population carcérale ne diminue pas. Cela aboutit à une double gestion de la détention et à l'établissement d'une concurrence qui n'a pas lieu d'être entre les détenus qui accèdent à ces modules et les autres.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de réfléchir à la manière de faire de ces modules le régime normal.
C'est dommage car, pour être allée vous-même dans les prisons, vous savez que ces expérimentations sont positives, puisqu'elles se caractérisent en particulier par le nombre extrêmement faible, voire quasi inexistant, d'attaques contre les surveillants.
Je veux bien admettre qu'en cas de généralisation, les effets positifs s'atténueraient sans doute car, aujourd'hui, les détenus expérimentant ces modules sont triés sur le volet, mais on peut tout de même penser que cela contribuerait à réduire les tensions et à améliorer à la fois les conditions de vie des détenus et les conditions de travail des surveillants pénitentiaires.
On ne peut pas se contenter de déplorer les suicides et la violence, sans rien faire, alors que nous disposons d'une expérimentation qui s'avère intéressante et produit des résultats positifs.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er ter sans modification.
Titre II SIMPLIFIER LA PROCÉDURE CIVILE ET ADMINISTRATIVE
Chapitre Ier Redéfinir le rôle des acteurs du procès
Section 1 Développer la culture du règlement alternatif des différends
Avant l'article 2
La Commission examine l'amendement CL305 de M. Antoine Savignat.
Il s'agit de supprimer le chapitre Ier et son intitulé car, si nous admettons que les modes alternatifs de règlement des litiges ont tendance à se développer, nous faisons également le constat que, malgré le manque de moyens, notre système judiciaire fonctionne bien, qu'il a permis d'assurer la stabilité et la paix dans notre pays et qu'il ne saurait donc être remis en question.
Or, sous couvert d'un titre aguicheur, « Développer la culture du règlement amiable des différends », vous proposez ni plus ni moins d'imposer le recours à ces modes alternatifs de règlement qui, alors même que les justiciables ont fait le choix de saisir le juge, leur seront au bout du compte imposés, contre leur gré, par le magistrat.
C'est à mon sens en totale contradiction avec la finalité de ce type de mode de règlement, qui mérite sans doute d'être développé mais en amont de la saisine, pour que le justiciable continue d'avoir le choix entre la saisine du juge ou un mode de règlement alternatif.
Ne vous en déplaise, vous ne m'enlèverez pas de l'idée que cette loi est dictée par des considérations économiques et la nécessité de soulager les juridictions. C'est comme si le ministre de l'éducation nationale disait aux parents de ne pas inscrire leurs enfants à l'école mais de les inscrire au CNED, pour tenir les budgets.
Je partage l'avis d'Antoine Savignat sur la philosophie générale de ce chapitre Ier, dont le titre, clairement mensonger, veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Compte tenu de votre refus de voter l'amendement sur les conciliateurs de justice, qui représentent la seule voie gratuite de médiation, avec la mise en place de l'open data et de la Legaltech, les justiciables vont se retrouver captifs d'opérateurs privés, qui vont leur proposer des services divers et variés.
Nous ne pouvons donc accepter ce chapitre qui aboutit à rendre la conciliation obligatoire, ce qui est contraire à la nature même de la conciliation. Celle-ci est d'autant plus efficace qu'elle est souhaitée par l'une au moins, voire par les deux parties.
Nous sommes d'accord pour que l'on propose une conciliation aux justiciables, qui doivent être informés que ce type de solution gratuite existe, mais on ne peut les y contraindre. Cela ne rendra pas la justice meilleure mais témoigne simplement de votre volonté de diminuer le nombre de dossiers que doivent traiter les juges. C'est déplorable.
Je voudrais convaincre mes collègues du bien-fondé de ce chapitre. En réalité, il n'est nullement question que le juge, lorsqu'il est saisi, oblige les parties à la conciliation mais qu'il évalue si elles y seraient éventuellement disposées.
Le juge n'a d'ailleurs aucun intérêt à se dessaisir d'un dossier au profit du médiateur car, si la médiation qu'il a proposée échoue, le dossier reviendra immanquablement sur son bureau. Je ne vois donc aucune raison pour ne pas lui permettre, s'il estime qu'elle peut aboutir, de proposer une médiation aux deux parties.
Dans un procès, il y a deux parties, le demandeur et le défendeur. À partir du moment où on permet au juge d'interférer et de proposer quelque chose qui n'est demandé par aucune des parties, on transforme le juge en partie. Si vous refusez la conciliation proposée – ou ordonnée, comme le dit le texte – par le juge, vous entamez un bras de fer avec lui, alors qu'il est là pour trancher.
Encore une fois, je ne suis pas contre le développement des modes alternatifs de règlement, mais permettre au magistrat de proposer ou d'ordonner une médiation que personne ne lui a demandée est un dévoiement du système.
La Commission rejette l'amendement.
Article 2 (art. 22-1, 22-2 et 22-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative et art. 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) : Développement du recours aux modes alternatifs de règlement des différends
La Commission est saisie des amendements identiques CL145 de M. Antoine Savignat et CL244 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 2. Aux termes des articles 1er et 2 du code de procédure civile, le procès appartient aux parties ; selon l'article 5 du même code, le magistrat ne doit trancher que sur ce qui lui est demandé par ces parties. Il y va de la souveraineté du peuple et de la paix publique, puisque ce qui fait la légitimité des décisions de justice c'est qu'elles sont rendues par les magistrats au nom du peuple.
Si nous demandons la suppression de cet article, c'est que nous craignons que les articles susmentionnés ne soient remis en cause via l'amendement à l'article 55 qui a été voté à la dernière minute et autorise le Gouvernement à modifier par ordonnance toutes les erreurs ou omissions de cette loi. Si les erreurs et omissions, dont on ne sait trop ce qu'elles recouvrent doivent servir in fine à réformer l'ensemble de notre procédure, c'est non seulement inadmissible mais catastrophique.
En l'absence d'un service public gratuit des modes alternatifs de résolution des différends, nous souhaitons maintenir le droit existant pour ne pas dégrader l'accès des citoyens à la justice.
Vous proposez de donner au juge judiciaire la possibilité de prescrire en tous domaines une médiation, y compris sans l'accord des parties, et d'étendre l'obligation de tenter une résolution amiable aux conflits relatifs au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant. Selon nous, ces dispositions vont conduire à la mise en place d'une justice à deux vitesses, en restreignant l'accès à une justice gratuite. Je rappelle en effet que, si la conciliation est gratuite, ce n'est pas le cas de la médiation ou de la procédure participative, qui nécessite un avocat. Cet article ne va donc ni dans le sens d'une simplification de la justice, ni dans celui d'un rapprochement des juges et des justiciables. C'est la raison pour laquelle nous proposons sa suppression.
Avis défavorable. Cette article ne menace en rien la souveraineté du peuple. Le procès appartient bien aux parties, qui ne peuvent être contraintes à la conciliation. Il n'y a ni extinction de l'instance ni dessaisissement du juge. Quant aux dispositions de l'article 55, ce sont des dispositions de pure légistique, et l'accès à la justice est garanti pour tous, puisqu'en l'absence de conciliateur, l'obligation est levée.
J'ai du mal à vous comprendre : vous dites que la conciliation n'est pas une obligation, mais vous précisez qu'en l'absence de conciliateur l'obligation est levée…
Il est écrit, à l'alinéa 8, que « lorsque la demande tend au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant ou est relative à un conflit de voisinage, la saisine du tribunal de grande instance doit, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office, être précédée, au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d'une tentative de médiation […] ou d'une tentative de procédure participative, sauf […] en l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa et justifiée par un motif légitime, notamment l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable ».
Votre construction est bancale, car la voie gratuite n'est pas garantie. Si le juge estime que le conflit peut se régler par la conciliation, les parties vont se présenter devant le conciliateur qui va leur demander un délai de cinq mois ; et si elles trouvent ce délai trop long, elles pourront alors retourner devant le juge, qui traitera leur dossier et, au bout du compte, vous aurez rallongé les délais. C'est inouï !
Vous dites qu'il n'y a pas d'obligation, mais je lis le contraire : donc soit je ne sais pas lire, soit vous n'assumez pas votre position.
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL72 de Mme Cécile Untermaier.
Elle en vient à l'examen des amendements identiques CL2 de M. Jean-Louis Masson et CL43 de M. Philippe Gosselin.
Cet amendement est un amendement de coordination avec celui par lequel nous proposerons la suppression de l'article 12, afin de maintenir la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux.
Si l'article 12 du projet de loi est supprimé, il est nécessaire de rétablir l'impossibilité pour le juge de déléguer cette conciliation à un médiateur familial, car c'est au cours de cette phase qu'il reçoit les parties pour un premier contact et qu'il se prononce sur les mesures provisoires nécessaires au fonctionnement de la famille jusqu'au prononcé du divorce.
Je voudrais profiter de cette prise de parole pour protester contre la manière dont se déroule notre réunion de ce matin. Je n'incrimine personne en particulier, mais nous allons dérouler nos amendements, alors que la majorité et les rapporteurs n'ont aucune intention de les adopter. Par ailleurs, personne n'est enclin à défendre avec force ses positions, dans la mesure où il n'y a aucune marge de manoeuvre.
Peut-être la situation sera-t-elle différente en janvier, lorsque les débats reprendront, puisque un mouvement de concertation est censé s'engager à la suite des revendications des « gilets jaunes » pour réfléchir à de nouvelles formes de proximité entre l'État et les citoyens et à l'éradication des déserts judiciaires ou médicaux. Ne faisons donc pas durer un débat conclu d'avance. Mon amendement est défendu.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CL153 de M. Antoine Savignat.
Si le magistrat peut imposer la médiation, que cela se fasse au moins dans des conditions raisonnables, c'est-à-dire avant les plaidoiries ou l'ordonnance de clôture, pour éviter de maintenir le justiciable dans l'illusion qu'il va finalement aboutir, que la procédure va aller à son terme et qu'un jugement va être rendu. Soyons aussi bassement matérialistes : une audience de clôture ou de mise en état, c'est une facture, comme une audience de plaidoirie. Il faut donc que les justiciables aient l'assurance que, dès lors que l'ordonnance de clôture ou de mise en état a été rendue ou lorsque les plaidoiries sont intervenues, ils ne pourront plus s'entendre dire que le juge ne tranchera finalement pas leur litige et les renverra à la médiation. C'est, me semble-t-il, raisonnable.
Il me semble que vous vous êtes trompé d'amendement et avez défendu l'amendement CL209, auquel je suis défavorable, comme je suis défavorable à l'amendement CL153.
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL209 de M. Antoine Savignat.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL155 de M. Antoine Savignat.
L'idée étant de faire gagner du temps et de l'argent à tout le monde, il s'agit d'empêcher, lorsque les parties sont chacune assistées d'un avocat et qu'elles peuvent attester d'une tentative de rapprochement préalable, qu'une nouvelle médiation ne puisse être ordonnée dans le cadre de la procédure.
Avis défavorable. La procédure participative relève de la procédure préalable. Pour le reste, il s'agit de faire un pas de côté en faisant appel à un tiers, les avocats représentant les parties n'étant pas des tiers.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques CL3 de M. Jean-Louis Masson et CL73 de Mme Cécile Untermaier.
L'amendement CL3 vise à supprimer les dispositions rendant obligatoires, sous peine d'irrecevabilité, les tentatives de conciliation menées par un conciliateur de justice ou un médiateur.
Nous sommes d'accord pour développer la culture du règlement amiable des différends, mais développer ne veut pas dire contraindre. C'est pourquoi nous demandons la suppression des alinéas correspondant à cette contrainte, qui n'est pas du tout dans l'esprit de la loi de 2016, aux termes de laquelle le divorce par consentement mutuel repose sur un accord des parties. Vous introduisez de la contrainte là où nous voulions de la fluidité. C'est regrettable.
Avis défavorable. Si cela ne correspond pas à l'esprit de la loi de 2016, cela est conforme, en tout cas, à la lettre du texte.
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL75 de Mme Cécile Untermaier.
Elle en vient ensuite à l'amendement CL147 de M. Antoine Savignat.
Il s'agit, en matière de tentative de conciliation préalable à la saisine de toute juridiction, de préciser le motif légitime permettant d'y échapper, en indiquant que, lorsque l'urgence ou la matière considérée le justifie, et notamment lorsqu'il y a atteinte à l'ordre public, les parties peuvent être dispensées de cette tentative de conciliation.
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL150 de M. Antoine Savignat.
Elle adopte ensuite l'article 2 sans modification.
Article 3 (art. 4-1 à 4-7 [nouveaux] de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) : Encadrement juridique et certification des services en ligne de résolution amiable des litiges
La Commission examine l'amendement CL146 de M. Antoine Savignat.
Opposés au chapitre 1er de ce titre II, nous demandons la suppression de l'article 3 comme celle de l'article 2.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL6 de M. Jean-Louis Masson.
Le présent amendement vise à rendre obligatoire la certification, afin d'offrir au public un service en ligne fiable de résolution amiable des litiges, d'arbitrage ou d'aide à la saisine des juridictions.
La garde des sceaux s'est quelque peu emmêlé les pinceaux lors des débats en séance publique, en acceptant certains agréments mais en rejetant la certification. Je ne vois pas ce qui peut justifier ce distinguo ténu entre agrément et certification, en tout cas ni l'atteinte à la concurrence, ni l'atteinte à la libre entreprise.
J'ai d'ailleurs étayé mes arguments par une petite démonstration qui, juridiquement, ne me paraissait pas si mauvaise, dans la mesure où elle s'appuyait sur les conclusions du Conseil constitutionnel, que la garde des Sceaux connaît très bien.
Je ne vois réellement pas au nom de quoi on ne peut pas certifier ces plateformes. Il y va de la qualité de la Legaltech. Il est indispensable que nos concitoyens aient l'assurance d'avoir accès à un service de qualité, et le fait que les plateformes doivent répondre à un cahier des charges ne contrevient en rien à la liberté d'entreprendre.
J'y reviendrai en séance car, malgré ce que j'ai dit tout à l'heure, nous allons continuer à défendre notre point de vue.
Je vous accorde que l'exercice auquel nous nous livrons est singulier, puisque le texte qui nous est soumis est celui que nous avons adopté la semaine dernière. Mais, vous le savez, ainsi le veut la procédure.
J'ai d'ailleurs dit que je ne visais personne en particulier, mais il faudra tirer les conclusions qui s'imposent dans le cadre de la révision constitutionnelle et de la réforme de l'organisation de nos travaux. Il est absurde en effet que nous débattions de ce dont nous avons déjà débattu la semaine dernière, alors que le Sénat n'a toujours pas examiné la trentaine d'articles nouveaux que nous avons introduits dans le texte.
Pour répondre aux arguments que vous avez développés, nous défendons naturellement l'idée d'un cahier des charges, d'ailleurs coconstruit avec le Sénat. Nous avons en effet conservé, dans cet article 3, énormément de dispositions rédigées par le Sénat. Nous avons notamment conservé cette certification, car elle constitue un repère pour les justiciables qui veulent savoir quelles sont les plateformes répondant à ce cahier des charges.
Mais nous ne voulons pas aller jusqu'à la certification obligatoire, car elle entraînerait une interdiction de prestations de services, ce qui ne passerait pas le contrôle de conventionnalité. C'est ce qui justifie mon avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL77 de Mme Cécile Untermaier.
J'espère que cet amendement est déjà satisfait. Il s'agit de rappeler que les services en ligne ne peuvent avoir pour fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel. J'introduis au contraire dans la législation la notion de régulation et de contrôle.
Oui, cet amendement est satisfait, ou du moins en partie. Il l'est dans la mesure où les services en ligne ne peuvent avoir pour seul fondement un traitement algorithmique, puisqu'il doit y avoir en arrière-fond une personne et un traitement humain, y compris automatisé, des données à caractère personnel.
Cependant, on ne peut pas interdire tout traitement algorithmique, car cela reviendrait à interdire toute utilisation d'un outil numérique. Si nous prenons le cas de notre propre activité, le dérouleur des amendements repose sur un traitement algorithmique des données… Si vous pensez que votre amendement est satisfait dans l'esprit, je vous invite à le retirer. Sinon, je devrai émettre un avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission examine les amendements identiques CL70 de M. Philippe Gosselin et CL122 de M. Philippe Latombe.
Avant de défendre l'amendement 70, je vais prolonger la discussion sur l'amendement précédent, qui a trait à la difficulté que nous rencontrons en face des traitements algorithmiques quasi automatiques. En réalité, avec le développement de l'open data et la mise à disposition de centaines de milliers de jugements et de décisions de justice diverses et variées, nous allons effectivement arriver à des traitements algorithmiques et à une justice prédictive. C'est un vrai risque. Donc le sujet, même si l'amendement est retiré, demeure, dans tous les cas, un vrai sujet d'alerte.
Quant à mon amendement, je considère qu'il est défendu : nous voulons un service de qualité, ce qui est lié à la certification. Mais des arguments ont déjà été avancés sur le sujet et, à ce stade, ce n'est pas la peine d'aller plus avant.
Je vais abonder dans le sens de ce qu'a dit M. Gosselin tout à l'heure. Nous avons besoin de disposer d'une certification obligatoire, et cela ne nous semble pas problématique. En séance, j'avais donné l'exemple des organismes de contrôle technique des véhicules, qui sont obligatoirement certifiés sans qu'il y ait atteinte à la libre implantation de ces centres sur le territoire. Il n'y a pas de risque d'atteinte à la libre concurrence si la certification consiste seulement à vérifier que la personne délivrant le service a le droit d'officier. Mon amendement vise, dans cet esprit, à ce qu'une information détaillée soit fournie sur les conséquences des actions en justice que le service en ligne permet d'entreprendre.
Il y va d'une certaine notion de la responsabilité civile professionnelle. On a besoin de pouvoir éventuellement intenter des recours en défaut de conseil sur ce type de plateforme. L'information détaillée demandée permettra de faire naître éventuellement la discussion sur les possibles conséquences néfastes, notamment pour le client des plateformes.
Cet amendement est cohérent avec notre amendement CL125 qui viendra plus loin en discussion, selon lequel la certification est obligatoire.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement CL158 de M. Antoine Savignat.
Cet amendement vise à préciser que toutes ces plateformes de médiation et d'aide à la saisine des juridictions, ces intervenants virtuels au procès, doivent relever des juridictions françaises, a fortiori pour les personnes morales, qui doivent avoir une inscription au registre du commerce et des sociétés de l'un des tribunaux de commerce français, pour des raisons évidentes de responsabilité juridique.
Aujourd'hui, tous les officiers ministériels et tous les auxiliaires de justice doivent être inscrits à un ordre, un barreau ou un conseil français pour exercer la mission qui est la leur. Il y va de la protection des intérêts du justiciable. Si, demain, ces plateformes sont domiciliées dans je ne sais quel État américain ou dans n'importe quel autre pays, les justiciables se trouveront en grande difficulté en cas d'erreur dans la saisine ou de découverte, a posteriori, d'un manque d'impartialité de l'un des médiateurs – ainsi qu'il est arrivé dans des affaires très médiatiques.
Avis défavorable. C'est en fait une question d'approche. Ces services juridiques en ligne sont-ils des professions réglementées, ou s'agit-il de simples prestataires de services relevant du droit commun ? C'est la seconde option qui a été retenue.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL76 de Mme Cécile Untermaier, CL125 de M. Philippe Latombe et CL149 de M. Philippe Gosselin.
Nous savons bien qu'il faut intégrer la dimension numérique dans la justice. Mais, alors que le service public de la justice doit garantir aux citoyens un égal accès à la justice, la qualité de la prestation variera selon les plateformes. Face au développement de ces plateformes, il nous semble que le service public de la justice doit en tout cas réfléchir davantage à la nécessaire régulation des dispositifs de résolution en ligne développés par le secteur privé.
Vous nous dites, madame la rapporteure, que ces plateformes existent et qu'elles vont vivre leur vie. Mais qu'en sera-t-il de l'aide juridictionnelle nécessaire pour faire accéder à la médiation les personnes en situation précaire ? Comment concilier aide juridictionnelle et plateformes privées lorsqu'on ignore, en fait, la qualité de la prestation qu'elles fournissent ?
C'est une discussion que nous avons déjà menée en séance publique. Pour ma part, je suis un peu déçu de nos échanges, car plusieurs députés de différents groupes vous disent que la certification doit être obligatoire et vous ne voulez pas l'entendre ! Les arguments que vous nous opposez ne sont pas convaincants. Nous avons produit des exemples dans plusieurs domaines, et je ne vois pas comment on pourrait décréter que la certification obligatoire est impossible.
Nous pouvons ne pas être d'accord sur l'organisation judiciaire, voire être en désaccord profond sur le regroupement des tribunaux d'instance et de grande instance et sur la création d'un tribunal judiciaire. Ces questions dépendent en effet de perceptions très différentes de la justice.
Mais, sur ce sujet, il ne s'agit pas de remettre en cause un dogme ni d'adopter une approche idéologique – ce qui pourrait au demeurant être respectable. Il s'agit – comme je crois que vous en êtes persuadés vous-mêmes – d'assurer à nos concitoyens la meilleure justice possible. Nous voulons éviter – je reprends les termes que j'ai utilisés en en séance – que des « margoulins » s'implantent sur le marché et abusent de la crédulité de gens se trouvant en situation de faiblesse : ne se trouvent-ils pas en effet, peu ou prou, dans cette situation, s'ils ont un litige ? Je ne vois donc pas au nom de quoi on refuserait la certification proposée, qui est gage de qualité.
Vous prétendez que de telles dispositions seraient susceptibles d'être censurées par le Conseil constitutionnel. Je vous invite à faire plutôt l'exégèse de sa décision du 16 janvier 1982, qui consacrait, à propos de la loi sur les nationalisations, la liberté d'entreprendre… Et quand bien même il devrait déclarer non conformes la disposition que nous vous proposons, il me semble que c'est un risque que nous pouvons courir. La belle affaire, en effet, si elles ne devaient pas résister à leur passage sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel ! Personne ne perdrait la face et nous aurions purgé la discussion d'un élément qui me paraît important, au-delà de nos idéologies et de nos approches.
Madame la rapporteure, pourquoi vous arc-boutez vous encore contre cette certification, qui vise à garantir une justice de qualité ?
Je n'ai pas invoqué le risque d'inconstitutionnalité, mais celui d'inconventionnalité. C'est en effet au droit européen que votre proposition serait susceptible de contrevenir.
Madame Untermaier, l'aide juridictionnelle s'applique en matière de médiation dans la mesure où ce sont des avocats, à l'intervention desquels nous sommes attachés, qui effectuent ces opérations de médiation. En tout état de cause, les avocats font déjà de la médiation et continueront d'en faire, tout comme les plus démunis continueront de bénéficier de l'aide juridictionnelle en la matière.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle se saisit des amendements CL245 de Mme Danièle Obono, CL247 et CL246 de M. Ugo Bernalicis.
Je vais défendre ensemble trois amendements qui ont un objet voisin.
L'amendement CL245 vise à rendre la certification obligatoire, l'amendement CL247 à faire en sorte qu'elle ne soit valable que pour une durée de cinq ans, pendant laquelle des contrôles pourront être mis en oeuvre de manière aléatoire ; quant à l'amendement CL246, il propose que la certification soit effectuée dans le ressort de chaque cour d'appel, par une commission consultative composée de praticiens, d'usagers, de magistrats, de personnels de greffe, d'officiers publics et ministériels, ainsi que de justiciables, car il est extrêmement important d'encadrer la certification, comme cela a été dit par plusieurs collègues.
Mais je voudrais verser quelques nouveaux éléments à la discussion. L'enquête « Cadre de vie et sécurité de 2018 » qui vient d'être publiée par l'INSEE nous apprend que pas moins de 1,7 million de personnes en France ont été victimes d'une arnaque, en ligne dans 51 % des cas. Je pense même que ces chiffres sous-estiment la réalité, car lorsque vous vous faites arnaquer en ligne, vous n'en êtes pas fiers et n'avez pas tendance à le déclarer spontanément, y compris à l'occasion d'un simple questionnaire ou sondage…
Cette enquête, je le souligne, ne repose pas sur un simple échantillon de 800 personnes : elle présente une fiabilité bien supérieure. Il en ressort également que les escroqueries bancaires sur internet, qui concernent 1,2 million de personnes par an, sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus massives. De faux sites internet proposent ainsi des cartes grises, et beaucoup de nos concitoyens sont tombés dans le panneau, même si très peu d'entre eux ont déposé plainte.
Si nous mettons en place une certification obligatoire pour mieux contrôler toutes ces plateformes, nous n'éviterons pas tous les « margoulins », pour reprendre le terme de M. Gosselin, mais nous pourrons au moins circonscrire leur activité et faciliter les contrôles et poursuites. Ce serait faire oeuvre, me semble-t-il, d'utilité publique. N'hésitons pas à prendre le risque évoqué par notre collègue Gosselin, pour éviter d'en faire courir un à nos concitoyens.
Avis défavorable aux trois amendements. Fixer la durée de la certification est d'ordre réglementaire, et l'organisme qui en est chargé, le Comité français d'accréditation (COFRAC), est habitué à gérer ce genre de situations.
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'amendement de précision CL515 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Section 2 Étendre la représentation obligatoire
Article 4 (art. 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ; art. L. 1453-1 A [nouveau] du code du travail ; art. 364 [nouveau] du code des douanes ; art. L. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution ; art. L. 142-9 du code de la sécurité sociale ; art. L. 134-4 du code de l'action sociale et des familles) : Extension de la représentation obligatoire
La Commission examine l'amendement CL248 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons de supprimer l'article 4 afin d'éviter que l'extension de la représentation obligatoire n'engendre des coûts supplémentaires pour le justiciable et ne l'éloigne de l'accès à la justice.
Certes, on nous annonce une possible réforme de l'aide juridictionnelle, mais sans dire quand elle aura lieu. Coïncidera-t-elle avec l'entrée en vigueur de ce texte ? Permettez-moi d'en douter étant donné votre capacité à anticiper les calendriers… J'observe au passage qu'il faudrait rebaptiser le projet de loi : voter en 2019 une programmation pour la période 2018-2022 fait piètre impression !
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL138 de M. Philippe Latombe.
Je propose de revenir à la rédaction initiale de l'article, qui prévoyait la représentation obligatoire par avocat devant le tribunal paritaire des baux ruraux. En effet, la matière traitée est extraordinairement complexe et technique, de sorte que la représentation par un avocat est le gage d'une meilleure justice. Las, le Sénat a supprimé cette disposition.
J'ai d'ailleurs tendance à penser qu'il y a un problème de conflit d'intérêts : des représentants des organisations syndicales agricoles siègent dans ces juridictions. Cela renforce l'avantage que nous trouverions à introduire la représentation obligatoire par avocat, afin de rendre sérénité et transparence aux délibérations.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CL139 de M. Philippe Latombe et CL204 de M. Pierre Cordier.
Cet amendement tend à maintenir les dispositions en vigueur en matière de dérogation à la représentation et à l'assistance des parties par avocat. Il s'agit de ne pas rassembler l'ensemble de ces dispositions dérogatoires dans la loi du 31 décembre 1971, qui a trait à l'exercice de la profession d'avocat et n'a pas vocation à énoncer les règles relatives à la procédure devant les juridictions civiles.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement CL7 de M. Jean-Louis Masson.
Ce dispositif tire les conséquences de la fusion du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance prévue par le projet de loi. Outre une précision rédactionnelle, le présent amendement comprend aussi la mention expresse selon laquelle tout représentant qui n'est pas avocat doit disposer d'un pouvoir spécial.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle rejette également, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, les amendements CL315 et CL319 de Mme Marie-France Lorho.
La Commission examine ensuite les amendements identiques CL140 de M. Philippe Latombe et CL206 de M. Pierre Cordier.
L'amendement vise à supprimer les alinéas 12 à 18 de l'article 4, dans la mesure où le Sénat a codifié dans la partie législative du code du travail les principes d'assistance et de représentation de conseil de prud'hommes. Nous souhaitons maintenir cette mention dans la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification et ne comprenons pas pourquoi vous la replacez dans cet article, sachant qu'il existe un certain nombre de personnes habilitées à défendre les salariés devant le conseil des prud'hommes – parfois même jusque devant la cour d'appel.
Avis défavorable. Nous voulons que toutes les dispositions relatives à la représentation soient regroupées au même endroit. C'est une question de lisibilité du droit.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL545 de la rapporteure.
La Commission adopte ensuite l'article 4 modifié.
Section 3 Repenser l'office des juridictions
Article 5 (art. 46, 311-20 et 317 du code civil, art. L. 2141-6 et L. 2141-10 du code de la santé publique, art. 4 de la loi n° 68-671 du 25 juillet 1968 relative à l'état civil des Français ayant vécu en Algérie ou dans les anciens territoires français d'outre-mer ou sous tutelle devenus indépendants, loi du 20 juin 1920 ayant pour objet de suppléer par des actes de notoriété à l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l'état civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre, art. 1er et 2 de l'ordonnance n° 62-800 du 16 juillet 1962 facilitant la preuve des actes de l'état civil dressés en Algérie, art. 847 bis [nouveau] et 1119 du code général des impôts) : Compétence des notaires pour délivrer certains actes de notoriété et recueillir le consentement dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette successivement les amendements CL215 et CL213 de M. Xavier Breton.
Puis elle examine l'amendement CL142 de M. Philippe Latombe.
Mon amendement porte sur l'acte exécutoire d'avocat. Il repose sur l'idée de laisser à l'avocat un certain nombre de possibilités d'exercice de ses fonctions. Je n'en dirai pas davantage, car nous avons eu ce débat avec la garde des Sceaux en première lecture et je souhaite, comme mon collègue Gosselin, garder mes forces pour la séance.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CL214 et CL360 de M. Xavier Breton.
Puis elle examine l'amendement CL250 de M. Ugo Bernalicis.
Notre amendement vise à ce que certains actes soient délivrés gratuitement par les notaires. Au début de la procédure législative, je me suis dit que j'allais peut-être un peu trop loin : quand même, faire travailler gratuitement les notaires… Et voici que, dans les couloirs de cette assemblée, j'ai rencontré un notaire, dont je ne citerai pas le nom (Sourires), et qui m'a fait, lorsque je l'ai interrogé pour savoir si notre proposition n'allait pas trop loin, la réponse suivante : « Tu sais, en réalité je pense que mes collègues notaires seraient capables de faire gratuitement ces actes-là, car cela leur amènerait peut-être une clientèle nouvelle, qui viendrait ainsi rencontrer le notaire, discuter avec lui, découvrir ses services… »
Honnêtement, je n'avais pas pensé à cet argument supplémentaire, que je vous livre, et qui milite pour qu'un certain nombre d'actes, auparavant délivrés gratuitement par le tribunal, le soient désormais tout aussi gratuitement par le notaire, au lieu de l'être moyennant finances. Même si la somme est modique, et même si l'on peut faire appel à l'aide juridictionnelle, la gratuité de l'accès au droit est pour nous une question de principe.
Avis défavorable, même si je salue l'abnégation de notre collègue notaire qui a pu vous donner ces renseignements… (Sourires.)
Il y a différents types d'actes, et certains petits actes coûtent plus cher à établir qu'ils ne sont facturés. C'est quelque chose qu'il faut savoir. Or, dans certains territoires ruraux, il n'y a quasiment que des petits actes et, partant, les notaires y ont effectivement bien du mal à à vivre, car ils sont loin d'établir couramment des actes de vente de maisons à 150 000 euros. Ils ne sont donc peut-être pas aussi grippe-sous que certains voudraient bien le dire.
Le problème, c'est qu'une certaine confusion est entretenue dans le grand public – confusion à laquelle certains trouvent parfois leur intérêt –, entre ce que l'on appelle les « frais de notaire », et qui consistent en réalité en des taxes diverses et variées, telles que les droits de mutation ou les frais d'hypothèque, et les honoraires proprement dits, c'est-à-dire la rétribution du notaire lui-même.
Il est exact aussi que, dans un certain nombre de départements, plutôt ruraux, où les prix de vente de l'immobilier ne sont pas les prix parisiens, le barème par paliers fait que les notaires, du moins certains d'entre eux, sont dans une difficulté plus grande qu'on ne pourrait le penser. À force de considérer leur activité quasiment comme un service public qu'ils devraient exercer gratuitement, on finit par dévoyer l'institution de l'officier ministériel chargé de délivrer des actes authentiques.
C'est un vrai sujet, qu'il faudra un jour mettre sur la table. Dans l'imaginaire de beaucoup de gens, l'avocat, le notaire et toutes ces professions de justice indépendantes sont considérées comme roulant sur l'or, mais la réalité est beaucoup plus complexe. Si l'on veut promouvoir un large accès au droit, il faudra bien se poser ces questions.
J'ai été surprise de voir se développer le recours au notaire pour assurer le service public de la justice, qui s'entend comme un service gratuit. Nous en avions déjà fait autant concernant le divorce par consentement mutuel dans la loi du 18 novembre 2016 et, d'après ce qu'on m'a dit, cela ne fonctionne pas si bien que cela. Le traitement de ces demandes de divorce connaît en effet un ralentissement très important – qui, n'est d'ailleurs pas nécessairement dû à la profession. Cette désorganisation du service public de la justice remet en cause sa rapidité et son efficacité.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement CL44 de M. Philippe Gosselin.
S'agissant du recueil du consentement à l'assistance médicale à la procréation, on a confié, là aussi, une compétence complète aux notaires, ce qui ne fait pas du tout l'unanimité. Ce n'est pas une question d'idéologie. Actuellement, cette compétence est partagée pour moitié par le juge judiciaire et par le notaire, et ceux qui recourent au juge judiciaire le font parce qu'ils le veulent et qu'ils y trouvent un intérêt. En confiant la compétence en totalité au notaire, on donne encore une fois le sentiment de dessaisir la justice de ses prérogatives pour confier à des notaires des tâches indues.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL144 de M. Philippe Latombe.
Nous proposons d'élargir la compétence du recueil au consentement à l'assistance médicale à la procréation à la profession d'avocat, en plus de celle de notaire.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette également l'amendement CL45 de M. Philippe Gosselin.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision CL459 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Article 6 : Modalités de révision des pensions alimentaires
La Commission est saisie des amendements de suppression CL78 de Mme Cécile Untermaier, CL133 de M. Philippe Latombe, CL212 de M. Pierre Cordier, CL219 de M. Xavier Breton, CL251 de Mme Danièle Obono, CL392 de M. Jean-Félix Acquaviva et CL421 de Mme Marie-France Lorho.
Cet article est l'un de ceux auxquels le groupe Socialistes et apparentés est le plus opposé, notre ligne de conduite consistant à placer le juge au coeur du litige. Dès lors qu'il y a désaccord entre des parties, ce n'est pas à l'administration mais à l'autorité judiciaire de trancher. Voyant dans cet article la volonté d'éloigner plus encore le juge du justiciable, nous en demandons la suppression.
Le nombre d'amendements de suppression déposés par la plupart des groupes – sauf par celui de La République en Marche – nécessite de s'arrêter un instant pour vérifier si cet article est une bonne initiative. Au-delà des questions de constitutionalité et d'équité, ce qu'a dit Mme Untermaier est juste : dans un conflit familial, confier le soin de trancher au juge plutôt qu'à la caisse d'allocations familiales (CAF) donne beaucoup plus de force à la décision. On risque, avec cette disposition, de prolonger le conflit, de ne pas le comprendre et d'en rendre l'issue inacceptable par les parties. D'autre part, comment la CAF pourrait-elle, à partir d'un barème national, fixer une pension alimentaire sans entrer dans le détail de chaque dossier individuel ? Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
Nous demandons, nous aussi, la suppression de cet article qui présente certains risques. Les CAF sont des personnes de droit privé n'offrant aucune garantie d'indépendance et de respect des droits des parties.
Le droit européen précise que seule une autorité indépendante peut régler des questions relatives aux obligations alimentaires en matière familiale. Le juge, indépendant et garant de l'intérêt supérieur de l'enfant, doit être seul habilité à fixer le montant de la pension alimentaire.
Il existe aussi un risque réel de non-respect du principe de neutralité. Les CAF distribuent des prestations sociales, mais elles ont aussi le pouvoir de sanctionner les bénéficiaires ou encore, s'agissant des pensions alimentaires, de se substituer au débiteur défaillant. Le directeur de la CAF, disposant de l'ensemble de ces informations sensibles, serait ainsi tout à la fois juge et partie, ordonnateur et payeur dans certaines situations.
Les garanties d'indépendance et d'impartialité ne sont donc pas respectées.
Nous avons longuement eu ce débat en séance publique en première lecture. Je m'interroge quant à votre entêtement à vouloir adopter cette disposition. Les arguments qui nous ont été opposés ne sont pas du tout convaincants. Cet article est l'un des points durs contre lesquels les professions sont arcboutées. Sur un plan plus politique, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez que des affaires aussi graves et aussi lourdes de conséquences que les contentieux entre ex-époux puissent être traités par un organisme administratif. Comment les agents qui, au sein de cet organisme, auront à prendre les décisions, pourront-ils le faire en connaissance de cause ? J'espère vraiment que vous allez accepter de revenir sur cette disposition.
Sur le principe, ce serait une première dans notre droit si un organisme administratif pouvait réviser la décision d'un juge. Je crains que cela n'ouvre la voie à d'autres dispositions du même ordre. Il me semblait qu'un jugement ne pouvait être modifié que par un juge puisqu'il y a autorité de la chose jugée.
On oppose ici la légitimité, l'impartialité et l'expertise du juge à celles d'un directeur de CAF. Il est vrai que les problèmes sont nombreux. Un ami me disait qu'un divorce était ruineux tant affectivement que financièrement. Personnellement, je n'ai pas de religion en la matière, mais mon groupe tient à cet amendement de suppression.
Je remarque aussi que Mme Vichnievsky, qui est pour nous une référence au vu de son expérience, s'oppose à cet article. Ce n'est certes pas son vécu qui lui donne raison sur tout, mais son avis pèse sur mon jugement. Voilà pourquoi, avec d'autres, je présente cet amendement de suppression.
J'ai déjà fait état des inquiétudes des professionnels de notre système judiciaire quant aux prérogatives accordées aux dispensateurs des prestations familiales. Cette disposition soulève la question du glissement des compétences du juge vers un organisme éloigné des réalités du justiciable ; elle risque aussi de porter préjudice au percepteur de ces prestations. Les caisses d'allocations familiales viennent subroger les ressources financières de parents en carence. Elles risquent de mésestimer le coût réel des montants de pension de manière à réduire ces dépenses ou d'estimer un montant éloigné des véritables besoins des demandeurs. Considérant qu'il est du ressort du juge qui suit le dossier – et non d'organismes qui n'en ont pas connaissance – de réévaluer les pensions familiales, je propose la suppression de cet article.
Nous avons longuement eu ce débat, en effet, en première lecture. J'imagine que nous l'aurons à nouveau en janvier prochain dans l'hémicycle. Le dispositif soulève des interrogations, que j'ai entendues. Nous avons la volonté de trouver un mécanisme qui permette, dans les situations simples, de moduler ou de réviser plus rapidement le montant des pensions alimentaires. Il s'agit d'éviter que les administrés se retrouvent à attendre au moins six mois pour que l'évolution de leurs revenus se traduise par une révision de la pension alimentaire à la hausse ou à la baisse. Le rythme de vie de notre société est tel que les ressources d'un parent peuvent varier du tout au tout d'un semestre à l'autre.
Il s'agit, je le rappelle, d'une expérimentation qui durera seulement trois ans dans cinq départements. En outre, des garde-fous sont prévus pour permettre la suspension de la décision de la CAF en cas de recours devant le juge des affaires familiales (JAF).
Mon avis sur ces amendements est donc défavorable.
Les avis formulés à l'égard des expérimentations sont à géométrie variable : mon groupe en a proposé quelques-unes, notamment sur les conseils de détenus, et le caractère expérimental de ces propositions ne vous a guère émue, madame la rapporteure.
Pendant que nous examinions ce projet de loi, les barèmes institués par la loi dite « Macron » et applicables aux prud'hommes ont été déclarés contraires à la Charte sociale européenne et à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il faut donc prêter attention à l'application de barèmes administratifs quasi-automatisés, non conformes à des conventions auxquelles nous avons adhéré. La conventionalité de cette expérimentation pourrait être mise en question, au-delà de sa constitutionnalité. Si vous voulez accélérer la prise de décision en matière de divorce, renforcez les greffes et augmentez le nombre de magistrats.
J'ai donc pris mes désirs pour des réalités. (Sourires.)
Plusieurs collègues ont souligné le risque que présente l'utilisation d'un barème national qui ne prendrait pas suffisamment en compte les difficultés personnelles et les réalités locales. Le rythme de vie et le pouvoir d'achat ne sont pas tout à fait les mêmes selon qu'on habite Paris, une métropole ou une petite ville.
Je ne suis pas sûr non plus que ce soit le moment d'accroître les charges qui pèsent sur les CAF. Techniquement, elles seraient sans doute à même de traiter les dossiers : on leur demande tant qu'elles ont fini par s'adapter. Cependant, nombre d'entre elles sont engorgées. On leur demandera, à partir du 5 février, d'aller verser une centaine d'euros à 5 millions de personnes, dont plusieurs centaines de milliers ne sont pas connues de leurs services – je ne fais aucune polémique, me contentant de reprendre les propos de certains membres du Gouvernement. Dans une période où la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 demande à ces mêmes CAF d'économiser plusieurs milliers d'emplois et 25 % de leurs frais de fonctionnement, hors personnel, je me demande – au-delà du fond de cette réforme – quelle sera la qualité de traitement des dossiers. Certaines caisses pourront peut-être faire ce qui leur est demandé ; la majorité ne le pourra pas – ce qui mettra en péril les familles et l'intérêt de l'enfant.
Nous avons entendu les doutes exprimés. La rapporteure a rappelé que nous étions dans le cadre d'une expérimentation. Cette dernière permettra de déterminer si le dispositif est pertinent ou pas. La mesure s'adresse aux femmes et aux hommes – mais principalement aux femmes – qui sont dans des situations financières délicates et qui, en raison d'événements de la vie, vont demander une révision de pension alimentaire. L'objectif est d'obtenir plus rapidement cette révision puisque, comme l'indique l'étude d'impact, vous n'obtenez actuellement aucune décision en moins de six mois.
Vous nous dites que c'est au juge de traiter cette question et à l'avocat d'assister son client dans le cadre de la procédure. Pour en avoir discuté avec des confrères, la plus-value de la présence du juge et de l'avocat dans cette procédure est faible : la décision est encadrée par des barèmes. La procédure de révision de la pension alimentaire est en outre assortie de garde-fous : il y a une première décision de justice, dont le directeur de la CAF ne pourra pas faire abstraction, et ledit barème qui fixera le cadre de ses décisions. Si l'une des deux parties n'est pas satisfaite, elle aura la possibilité de saisir le juge. Enfin, si la décision du directeur de la CAF est susceptible de conséquences manifestement excessives, le juge pourra intervenir en urgence.
Tout d'abord, de quel barème parle-t-on ? S'agit-il du barème indicatif aujourd'hui proposé par le ministère de la justice, qui prend en compte les revenus du débiteur de la pension alimentaire, mais ni son passif ni les revenus du créditeur – éléments que les juges, eux, intègrent dans leur décision ? Qui publiera ce barème ? Comment sera-t-il conçu ? Aujourd'hui, nous ne savons rien. On nous dit que les CAF ont des barèmes : quels sont-ils ; comment sont-ils calculés ? Quelle valeur administrative ont-ils ? Comment y a-t-on accès ? L'alinéa 8 de l'article 6 précise que l'organisme compétent pourra, en l'absence de production par un parent des renseignements et documents requis, moduler forfaitairement le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation. Un pouvoir très important est donc donné aux CAF.
Ensuite, des calculs montrent que, dans de nombreux cas, si la CAF applique le barème sans tenir compte de certains éléments auparavant pris en considération par le juge, des personnes qui perdent leur emploi et qui demandent une diminution de la pension alimentaire à verser pourraient se retrouver à payer une pension plus importante que lorsqu'ils avaient encore leur emploi.
Nous vous incitons vraiment à supprimer cet article.
On peut comprendre l'intention : accélérer certaines décisions, désengorger les tribunaux et donner aux CAF une capacité d'exécution intelligente en s'appuyant sur des barèmes – qu'on ne connaît pas encore – et des pièces justificatives. Cependant, conférer aux CAF un pouvoir, non plus d'exécution, mais d'appréciation, risque de faire dériver cette procédure, même expérimentale, vers une forme de décision de justice. En effet, l'alinéa 8 précise qu'en cas de défaut d'un document à fournir par une des deux parties, la CAF pourra prendre une décision forfaitaire.
Ce barème national est effectivement en cause.
Monsieur Terlier, dire que les familles auront la possibilité de saisir le juge en cas de désaccord, c'est méconnaître la réalité. Les personnes déjà en difficulté au quotidien pour trouver à manger et qui, rien que pour obtenir un rendez-vous à la CAF, doivent faire un parcours du combattant, ne saisiront jamais le juge de crainte d'allonger encore la procédure. On verra ce que donnera l'expérimentation mais elle est biaisée d'avance, au-delà même du débat de fond sur le dessaisissement de la justice.
Nous souscrivons tous à l'absolue nécessité d'une révision des pensions alimentaires assurée dans un délai rapide. Cependant, c'est faire injure au juge que de considérer qu'il ne puisse s'en charger. Nous souhaitons une justice qui réponde à cette exigence d'efficacité. Je crains que le dispositif proposé ne soit pas conventionnel. On ne peut pas demander à une administration de sortir de sa neutralité pour apprécier une situation en cas de désaccord entre les deux parties sans porter un préjudice grave à l'idée que nous nous faisons de la justice sur notre territoire.
Cette mesure est très pertinente dans l'hypothèse, assez répandue, où le débiteur d'une pension alimentaire perd son emploi ou se retrouve dans une situation financière délicate l'empêchant de verser cette pension. En général, l'ex-conjointe se présente alors à la CAF pour percevoir l'allocation qui se substitue à la contribution impayée. La CAF demande de saisir le juge pour faire constater l'état d'impécuniosité du débiteur ; c'est sur le fondement de cette décision judiciaire qu'elle pourra maintenir le versement de la prestation. Cette procédure dure sept à huit mois alors que l'information pourrait être immédiatement disponible sur simple constat du directeur de la CAF.
Je voudrais dire, à titre personnel, que si cette mesure n'était pas expérimentale, je ne la voterais pas. Je suis en effet dubitatif quand j'entends les arguments développés, notamment sur le barème. Normalement, un juge doit apprécier les facultés contributives des parties. Néanmoins, la mesure mérite d'être expérimentée : nous en ferons le bilan et nous en évaluerons la pertinence.
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL79 de Mme Cécile Untermaier.
Elle examine ensuite l'amendement CL216 de M. Xavier Breton.
L'amendement vise à supprimer la référence à un barème national. J'en profite pour dire, en particulier à mon collègue de l'Aveyron Stéphane Mazars, que si l'on est opposé au principe, je ne vois pas comment on peut soutenir l'expérimentation. En effet, vous introduisez dans la loi une disposition qui, au-delà même des doutes exprimés lors de l'examen des précédents amendements de suppression, crée une différence de traitement entre les justiciables qui seront soumis à l'expérimentation et ceux qui ne le seront pas. Alors que certains se verront appliquer un barème dont on ne connaît ni les tenants ni les aboutissants, d'autres continueront bénéficier de l'intervention d'un magistrat – quitte à devoir attendre de passer devant le juge aux affaires familiales (JAF). Personnellement, je pense que l'on aurait gagné à supprimer la disposition.
Avis défavorable. Je rappelle que le barème existe déjà. Il s'agit d'en pérenniser l'application et non d'inventer un nouveau processus.
J'entends ce que vous dites, mais de quel barème s'agit-il ? Est-ce le barème indicatif publié par le ministère de la justice ? Si tel est le cas, je ferai deux remarques : la première est que ce barème est indicatif ; la seconde est que, comme l'a rappelé notre collègue, le juge peut s'en servir mais doit apprécier les capacités contributives des deux parents et donc moduler sa décision en fonction de la situation.
Aujourd'hui, si l'on appliquait le barème, la pension alimentaire de celui qui vient de perdre son emploi pourrait être plus importante que celle qu'il avait à verser lorsqu'il avait un travail. C'est évidemment un problème. Cela tient au fait que l'on ne tient pas compte, dans ce barème, du passif de la personne, ni des facultés contributives de l'autre parent.
Reprenons l'exemple, déjà donné en séance publique en première lecture, d'un couple séparé habitant à Paris, dans lequel l'un des parents est propriétaire de son logement alors que l'autre paie un loyer. Aujourd'hui, le juge prend cette différence de situation en compte pour calculer la capacité contributive des deux parents.
Madame la rapporteure, votre réponse nous inquiète à double titre. Elle semble signifier, d'abord, que les juges n'apportent finalement aucune plus-value au traitement de telles affaires, qu'il suffit d'appliquer le barème et que la modulation, qui relève précisément de leur métier, n'a absolument aucun intérêt. En second lieu, l'expérimentation que vous introduisez semble destinée à être très rapidement généralisée.
Un barème existe dans nombre de domaines, par exemple celui de la responsabilité hospitalière. Quand le juge doit évaluer des préjudices, il e, fait application. Mais, à aucun moment, ce barème n'est la solution absolue du litige. Ce n'est qu'une indication destinée à faire en sorte que les décisions prises par les tribunaux ne s'écartent pas trop les unes des autres.
Si l'on introduit un barème national, l'administration n'aura d'autre choix que de l'appliquer. Je ne vois pas comment elle pourrait, sans être juge, apprécier les préconisations en fonction de l'espèce. Le litige sera tranché par application d'un barème administratif. Voilà pourquoi cette expérimentation inquiète notre groupe !
Encore une fois, il ne s'agit pas d'une opposition entre, d'un côté, le barème appliqué strictement par la CAF dans le cadre de l'expérimentation et, de l'autre côté, les facultés contributives qui seraient appréciées par les magistrats. Selon l'article tel qu'il est rédigé, la demande modificative est accompagnée de documents ou de pièces portés à la connaissance de chacune des parties, permettant à la CAF d'apprécier la réalité de ces évolutions. Il est évident que les parties ont l'obligation de présenter des documents sur leur situation, c'est-à-dire leurs charges, leurs revenus, tout ce qui permet effectivement au directeur de la CAF d'apprécier la situation de manière un peu plus fine que l'application pure et simple d'un barème de référence. Le juge fait de même.
Si ce que dit notre collègue Stéphane Mazars est juste, on ne peut pas parler d'application pure et simple d'un barème. La CAF aurait-elle le pouvoir d'apprécier ? De deux choses l'une : soit l'on applique un barème et cela justifie que l'on s'adresse à une autorité autre que le juge ; soit l'autorité à laquelle on s'adresse dispose d'un pouvoir d'appréciation et seul un magistrat est légitime pour cela.
C'est le noeud du problème : soit l'expérimentation porte sur le fait que ces éléments, comme vous l'avez avancé en réponse à nos amendements de suppression, sont suffisamment objectifs et objectivables à travers le barème pour que le recours au juge ne soit pas nécessaire – ce que nous contestons, mais c'était votre argumentaire ; soit on considère qu'il y a besoin d'une appréciation, or cette appréciation ne peut être portée que par un juge et non par un directeur de CAF. J'observe, et vous le savez très bien, que, dans les faits, ce dernier sera dans l'incapacité de traiter tous les dossiers : ce seront des agents de la CAF qui s'en chargeront. Comment peut-on, sans faire injure à personne, imaginer de mettre au même niveau les capacités d'évaluation d'un agent de CAF et celles d'un juge aux affaires familiales ? Soyons sérieux !
La discussion est intéressante car nous sommes au coeur du sujet – compétence liée et pouvoir d'appréciation : soit l'on s'en tient aux éléments qui découlent du barème national et ce barème national pose question parce qu'il n'y a pas d'individualisation des éléments ; soit l'on dispose d'un pouvoir d'appréciation et on dépasse largement les pouvoirs qui sont normalement ceux d'une CAF.
Je rappelle qu'aujourd'hui, pour l'essentiel, les CAF constatent des « droits », que les courriers envoyés aux allocataires font état de « droits » et que la situation de ces derniers implique automatiquement qu'on leur attribue telle ou telle allocation. On appelle cela la « reconnaissance des droits ». La seule marge d'appréciation découle soit de la commission de recours amiable en cas d'indus ou de trop-perçus – on est alors dans un cadre individuel qui ne relève pas de la justice puisque ce sont des prestations attribuées à tort qui doivent être récupérées –, soit de la commission d'action sociale qui peut attribuer des budgets d'investissement ou de fonctionnement à des associations – mais pas à des particuliers.
Mais ici, nous sommes dans un cadre totalement dérogatoire au fonctionnement des CAF…
Certes, mais même le principe de l'expérimentation ne me paraît pas adapté. Je trouve que cela va vraiment trop loin.
Malgré tout, notre échange est intéressant. Les choses semblent être jouées dans cette nouvelle lecture, mais nous venons de soulever une vraie difficulté. Il n'y a pas de compétence liée : si c'était le cas, il n'y aurait pas de pouvoir d'appréciation. Et s'il y a un pouvoir d'appréciation, on est hors champ de l'expérimentation et on risque de se heurter rapidement à des problèmes insolubles. J'ajoute que, si l'on a un pouvoir d'appréciation, il faut instruire le dossier ; or, les services ne pourront le faire faute de moyens et de temps, comme nous l'avons dit tout à l'heure.
Le texte dispose que le directeur de la CAF pourra apprécier la révision d'une pension alimentaire sur la base d'un barème national. Il précise que la demande modificative doit être fondée sur l'évolution des ressources des parents, et sur celle, découlant d'un accord des parties, des modalités de résidence et d'exercice du droit de visite et d'hébergement. Il précise aussi, ce qui a peut-être été mal appréhendé par l'ensemble de la représentation nationale, que la demande modificative est accompagnée de documents ou pièces portés à la connaissance de chacune des parties et permettant à l'organisme compétent – la CAF – d'apprécier la réalité de ces évolutions.
Ainsi, dès l'origine, l'organisme avait-il bien la capacité d'apprécier, en fonction des documents dont il dispose, la réalité de ces évolutions ! Rien n'a changé depuis le moment où nous avons examiné cette mesure prise à titre expérimental qui répond aux problématiques sur lesquelles notre collègue Latombe s'est interrogé. Le directeur de la CAF appliquera ce barème national et pourra apprécier la situation en fonction des documents et des pièces dont il dispose afin de fixer le montant de la pension alimentaire.
Tout le monde a l'impression qu'il y a quelque chose de nouveau, mais je dois vous dire que, vraiment, il n'y a rien de nouveau…
Il y a un barème. Ce barème s'applique. Et il s'applique stricto sensu. Il s'applique notamment parce qu'il n'est pas envisagé de laisser une capacité d'appréciation au directeur de la CAF.
Le directeur de la CAF statue en fonction d'éléments précis, « barémisés », et c'est pour cela que ces dispositions n'ont vocation à s'appliquer que dans les cas simples. Au moindre élément de complexité dans le dossier, on aura recours au juge, qui a la capacité d'évaluer les éléments tels que ceux que M. Latombe a évoqués.
Selon l'alinéa 5, la demande modificative est accompagnée de documents portés à la connaissance de chacune des parties et permettant à l'organisme compétent d'apprécier la réalité des évolutions. Je reconnais que le verbe « apprécier » peut être équivoque et évoquer, dans une de ses acceptions, l'office du juge.
L'idée est de dire qu'il ne suffit pas de prétendre que ses revenus ont évolué, mais qu'il faut en apporter les éléments justificatifs. S'il est nécessaire de rédiger à nouveau cet alinéa pour remplacer le verbe « apprécier » et préciser que les parties doivent produire les pièces justificatives, nous le ferons. Mais le fond de cet alinéa est bien celui-là : rien de plus, rien de moins. Il ne s'agit pas de donner des capacités d'appréciation au directeur de la CAF, nous sommes tous d'accord là-dessus.
Si vous le souhaitez, je vous proposerai une rédaction en séance publique qui correspondra exactement à ce que je viens de vous expliquer, et qui ne comportera pas le verbe « apprécier ». En tout état de cause, je vous le répète : le directeur de la CAF n'a pas de capacité d'appréciation. Lorsque les situations sont complexes et n'entrent pas dans le cadre du barème stricto sensu, on s'en remet à la compétence du JAF.
Vous aurez la possibilité de vous exprimer en séance publique sur la nouvelle rédaction qui sera proposée. Chacun a pu s'exprimer très longuement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL217 de M. Xavier Breton.
La loi actuelle – l'article L. 582-2 du code de la sécurité sociale – permet déjà au directeur de la CAF de délivrer un titre exécutoire en cas d'accord des parents non mariés sur la première fixation du montant d'une pension alimentaire. Mais sachant que le directeur de la CAF peut, dans certaines conditions, délivrer le titre exécutoire fixant le montant initial de la pension, comment expliquer que la compétence qui lui est conférée de modifier le montant de la pension soit réservée aux cas où ce montant a été antérieurement décidé par l'autorité judiciaire, et donc qu'il ne puisse pas modifier le montant de la pension que lui-même aurait fixé en première analyse ?
Je me permets d'ajouter, au détour de cet amendement, qu'il est particulièrement désagréable de s'entendre dire que rien ne se passe, que nous n'avons rien compris, monsieur Terlier, pour en arriver à la conclusion, madame la rapporteure, qu'il faut revoir la formulation du texte manifestement équivoque.
Mon avis sur l'amendement est défavorable.
Par ailleurs, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, vous soulevez une difficulté qui pour moi n'en est pas une parce que le verbe « apprécier » n'était pas entendu dans ce sens-là. Malgré tout, nous allons modifier la rédaction pour éviter toute ambiguïté. Après tout, c'est le but des débats parlementaires.
La discussion a eu lieu. Nous attendrons l'amendement annoncé par Mme la rapporteure pour nous exprimer sur le mot qu'elle proposera à la place du verbe « apprécier ».
Je souhaite, madame la rapporteure, que vous répondiez précisément : comment expliquer que l'on donne à un directeur de CAF la possibilité de modifier une disposition prise par un juge en première analyse, mais pas celle de modifier une disposition que lui-même aurait prise en première analyse dans un cas où il est habilité à le faire ?
Dans le texte tel qu'il est rédigé, le directeur de la CAF pourra modifier le montant d'une pension fixé par un juge, mais il ne pourra pas modifier le montant d'une pension que lui-même a fixé. Je voudrais savoir comment on peut tolérer une telle incohérence dans un texte de loi.
Je ne vois pas où est l'incohérence. Il y a d'un côté le droit en vigueur et de l'autre l'expérimentation limitée dans le temps et l'espace.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CL46 de M. Philippe Gosselin et CL364 de M. Michel Zumkeller.
Selon notre collègue Terlier, on n'a pas modifié le texte. En effet. Mais l'intérêt d'avoir plusieurs lectures au cours d'une navette parlementaire, c'est de pouvoir mûrir, le cas échéant, la réflexion grâce à des échanges nourris – sauf si vous ne croyez pas au débat parlementaire. Sans ces échanges, il n'y aurait qu'un monologue parlementaire. Certes, un tel monologue existe dans certaines « non-démocraties », mais je ne crois pas que ce soit ce que nous recherchons.
Deuxième point : madame la rapporteure, j'ai noté avec beaucoup de satisfaction que même si nos débats n'avaient pas à se prolonger, que même si c'était un non-événement, ce non-événement a tout de même produit quelque chose d'intéressant, à savoir la réécriture d'une partie du texte. Cela montre bien qu'il y avait tout de même un point à clarifier. Le débat ne se résume donc pas à « circulez, il n'y a rien à voir » !
Troisième point : l'amendement est défendu. (Sourires.)
Effectivement, cet article posait un problème. La rapporteure nous proposera une nouvelle rédaction, et nous serons vigilants.
J'observe par ailleurs que ces amendements ont le mérite de mettre les choses à plat et d'expliquer que, si jamais nous devions en rester là, mieux vaudrait n'étudier que les cas où les parties sont d'accord, ce qui résoudrait beaucoup de problèmes… Il ne faut pas balayer la question d'un revers de main.
La Commission rejette les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL544 de la rapporteure.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL134 et CL152 de M. Philippe Latombe, CL335 de M. Philippe Gosselin, CL193 de M. Antoine Savignat et CL286 de M. Philippe Latombe.
Je vais défendre mes trois amendements en même temps.
L'objet des deux premiers est de faire en sorte que la décision prise par la CAF puisse être revue par le JAF et que la saisine du juge suspende le caractère exécutoire de la décision.
Le troisième amendement est de repli. Si l'on va devant le juge, et si l'on montre au président du tribunal de grande instance que la décision prise est manifestement disproportionnée, ce dernier pourra suspendre son caractère exécutoire. Ce système est très compliqué : c'est une usine à gaz qui fera naître bien des problèmes.
Aujourd'hui, le fait que le titre n'ait pas de caractère exécutoire suscitera la pratique suivante : l'une des deux parties contestera systématiquement le montant de la pension alimentaire revalorisée et demandera également la modification de la résidence des enfants pour aller devant le juge aux affaires familiales. Ce dernier statuera sur l'ensemble, y compris la pension alimentaire.
De fait, il y a des effets de bord avec le barème présenté aujourd'hui et vous n'êtes pas à même de nous dire ce que sera celui-ci. Vous indiquez que c'est un barème national. Le seul barème que nous connaissions et qui soit public, c'est celui proposé par le ministère de la justice qui ne prend en compte que les revenus du débiteur de la pension. C'est un revenu national alors que les niveaux de vie diffèrent selon qu'on est locataire ou propriétaire, qu'on vit dans une agglomération ou à la campagne. De nombreux éléments sont à prendre en compte. L'individualisation est absolument nécessaire.
Voilà pourquoi nous vous demandons la suspension du caractère exécutoire du titre en cas de saisine du juge, à tout le moins un effet suspensif à date pour éviter des recours excessifs. De cette façon, si le juge confirme le montant de la pension alimentaire, sa décision sera applicable rétroactivement à partir de la décision de la CAF.
L'amendement CL335 concerne lui aussi la fixation de la pension alimentaire. Je fais miens les arguments de notre collègue Latombe.
Au cours des débats précédents, la ministre s'était rendu compte que l'absence de caractère suspensif de la décision du directeur de la CAF posait effectivement problème. Elle avait proposé la mise en place d'une procédure de suspension de l'exécution de la décision du directeur de la CAF par saisine du président du tribunal de grande instance. C'est la copie du modèle existant devant les cours d'appel : le référé-suspension devant le premier président. Mais nous ne savons pas quelles seront, dans le dispositif proposé, les modalités de ce recours. Faudra-t-il assigner ? Cela se fera-t-il par requête ? Faudra-t-il une représentation obligatoire ?
Je suis prêt à retirer mon amendement si l'on s'engage à discuter d'une autre procédure qui me semble beaucoup plus simple. Le paradoxe de la situation, c'est que le juge du premier degré devient juge du second degré, puisque l'on demande au JAF de traiter en appel des décisions du directeur de la CAF. Or il existe, devant le tribunal de grande instance, le juge de l'exécution, dont les modalités de saisine sont codifiées, et qui peut parfaitement prononcer un sursis à exécution.
Remplacer la saisine du président du tribunal de grande instance par celle du juge de l'exécution permettrait peut-être de simplifier le système, d'autant plus – et je rejoins les excellentes observations de notre collègue Mazars – qu'il s'agit d'une expérimentation. À quoi bon créer une nouvelle procédure pour expérimentation là où le juge de l'exécution pourrait parfaitement intervenir ? Si on pouvait en discuter d'ici l'examen du texte dans l'hémicycle, je serais prêt à retirer cet amendement.
Je vais répondre principalement à M. Savignat puisqu'il fait une proposition concrète. Je suis tout à fait disposée à en discuter durant les trois prochaines semaines, avant la discussion en séance publique. Instinctivement, je dirais qu'il est plus rapide de faire un recours devant le président du tribunal de grande instance que de saisir le juge de l'exécution. Mais nous avons besoin d'éléments de fond et de données nationales sur les délais, pour savoir ce qui sera le plus efficace pour atteindre notre objectif.
Faute de précisions sur les modalités de la saisine du président du tribunal de grande instance, je ne sais pas ce qui serait le plus rapide. Je vous adresserai une note détaillée sur le sujet ; nous en rediscuterons dans les trois prochaines semaines. Je vais donc retirer mon amendement.
Madame la rapporteure, nous avons déjà eu cette discussion. Vous ne voulez pas me répondre maintenant. Mais, techniquement, que va-t-il se passer si des personnes contestent la décision de la CAF ? Il y aura systématiquement saisine du JAF et du président du tribunal de grande instance pour demander la suspension du caractère exécutoire de la décision. Et cela va engorger les juridictions.
En cas de demande de modification de la pension, celui des deux parents qui n'en voudra pas exprimera son désaccord en demandant que l'on revoie aussi le lieu ou le mode d'exercice de la résidence des enfants. Et, systématiquement, on se retrouvera devant le JAF.
Il faudrait arriver à isoler les cas où il n'y a pas de conflits des cas où il y en a, et à mettre en place un système – si vous voulez conserver l'expérimentation faisant intervenir la CAF – qui soit réservé à des situations qui ne risqueraient pas d'entraîner d'engorgement ou d'effets de bord. Aujourd'hui, si l'on sait qu'on peut suspendre le caractère exécutoire en saisissant le président du tribunal de grande instance, les demandes en ce sens se multiplieront.
Je voudrais revenir sur la proposition de notre collègue Savignat. Il est sans doute nécessaire de se pencher, d'ici la séance publique, sur la procédure permettant d'arrêter l'exécution de cette décision. Malgré tout, et je m'adresse à notre collègue Latombe, on peut, en cas de décision assortie d'exécution provisoire, faire arrêter cette exécution provisoire par le biais d'une assignation devant le premier président de la cour d'appel, voire d'un référé d'heure à heure. Cela fonctionne très bien ; c'est très rapide.
L'amendement CL193 est retiré.
La Commission rejette successivement les amendements CL134, CL152, CL335 et CL286.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL393 de M. Paul-André Colombani.
C'est un amendement de repli qui vise à faire en sorte que le magistrat soit informé des décisions de la CAF afin qu'il garde un tant soit peu la main dans ce processus déjudiciarisé.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 6 modifié.
La réunion s'achève à 13 heures 10.
Information relative à la Commission
La Commission a désigné M. Guillaume Larrivé, rapporteur sur les propositions de nomination de deux membres du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République et de deux membres du même Conseil par le Président de l'Assemblée nationale.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, M. Christophe Euzet, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. David Habib, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Pacôme Rupin, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, M. Cédric Villani, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier
Excusés. - Mme Caroline Abadie, Mme Huguette Bello, Mme Marie Guévenoux, M. Gilles Le Gendre, Mme Emmanuelle Ménard, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Maina Sage, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet
Assistaient également à la réunion. - Mme Emmanuelle Anthoine, M. Julien Aubert, M. Guy Bricout, M. Pierre Cordier, Mme Frédérique Meunier, M. Éric Straumann, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Michel Zumkeller