Je vous entends parfaitement, mes chers collègues, en particulier vous, monsieur Ciotti, en raison des dramatiques événements qui se sont produits à Nice.
Cela dit, je ne partage absolument pas votre analyse. Les raisons en ont déjà été largement développées, mais compte tenu de l'importance du sujet, je tiens à vous les rappeler.
Il existe déjà un point d'entrée unique pour l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, au travers de la procédure amiable devant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, qui est installé à Vincennes et qui dispose d'une antenne à Marseille.
Ensuite, le tribunal compétent n'est pas forcément le tribunal le plus proche du lieu de résidence de la victime. À Nice, il n'y a pas eu que des victimes niçoises. Pour celles qui n'habitaient pas Nice, la signification d'une juridiction spécialisée, en l'occurrence à Nice, serait assez faible. Il n'est pas question de se lancer dans une comptabilité macabre, mais, clairement, certaines victimes n'ont pas d'intérêt particulier à rester à Nice, quand bien même elles ou leurs proches y ont été frappés.
J'ajoute que les poursuites, l'instruction et le jugement de ces affaires se tiennent d'ores et déjà à Paris. Nous sommes déjà, cher collègue Molac, dans une situation de centralisation en la matière, car elle répond à une logique de spécialisation, ainsi que de qualité dans la manière dont la justice est rendue.
Précisons qu'il s'agit d'une centralisation de deuxième niveau, puisqu'elle ne concernera que la contestation de certains actes ou décisions du Fonds de garantie. Ce n'est pas une centralisation absolue ni dans tous les domaines. La contestation est sans aucun doute importante, et nous avons d'ailleurs renforcé le droit des victimes en la matière. J'avais moi-même considéré que les capacités de réquisition du Fonds de garantie étaient sans doute trop larges et qu'elles devaient être encadrées, encastrées dans des dispositions plus protectrices du droit des victimes : par exemple, l'information préalable quand des réquisitions ont lieu, ou l'autorisation préalable lorsque ces réquisitions sont dressées à l'employeur de la victime – une disposition absolument centrale.
L'incompétence des juridictions pénales, puisque c'est l'un des aspects du texte qui porte création du juge de l'indemnisation des victimes d'attentats terroristes, ne retire pas aux victimes la capacité de se constituer partie civile devant le juge pénal. Elle permet même d'accélérer le processus. Il y aura parallèlement une procédure pénale qui peut parfois être très longue compte tenu de la complexité des données, et une indemnisation des victimes qui sera mise en oeuvre sans retard. Cette disposition leur est très nettement favorable. Autre élément favorable pour les victimes : elles bénéficieront de cette spécialisation et d'une bien meilleure expertise en la matière que si l'on avait éclaté les responsabilités.
Enfin, même si je sors un peu du texte, je voudrais insister sur la capacité absolue des juridictions, y compris celle-ci, de faire des audiences foraines, c'est-à-dire de se déplacer. Il serait absolument incohérent qu'une juridiction reste dans ses murs alors qu'il est nécessaire d'aller sur place.
Permettez-moi d'avoir été un peu long, mais le sujet était important.
Cela étant, je donne un avis défavorable à ces amendements, parce qu'il me semble que nous répondons pleinement à vos légitimes préoccupations.