La réunion débute à 16 heures 30.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission poursuit l'examen, en nouvelle lecture, des articles du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice (n° 1503) (Mme Laetitia Avia et M. Didier Paris, rapporteurs).
Nous reprenons l'examen du projet de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Article 7 (art. 1397 du code civil) : Allégement des conditions dans lesquelles les époux peuvent modifier leur régime matrimonial
La Commission examine les amendements identiques CL8 de M. Jean-Louis Masson et CL47 de M. Philippe Gosselin.
Il nous paraît un peu délicat de confier le soin de saisir le juge à un notaire qui ne serait pas parvenu à convaincre les époux de renoncer à une modification envisagée au nom de l'intérêt de l'enfant, comme le prévoit l'article 7. Outre que les notaires ne sont pas nécessairement rompus à ce genre de questions, ils ont en face d'eux leurs propres clients. Je vous propose donc de supprimer cette disposition.
J'émets un avis défavorable. Il est important que le changement de régime matrimonial ne lèse pas les intérêts des enfants, notamment lorsqu'ils sont placés sous tutelle. Le mécanisme prévu à l'article 7 permet d'éviter tout angle mort et de concilier efficacement protection des personnes vulnérables et accélération des procédures, sous l'égide du notaire et du représentant de la personne sous tutelle.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement CL25 de M. Jean-Louis Masson.
Cet amendement a été déposé pour des raisons similaires à celles que je viens de présenter.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 7 sans modification.
Article 8 (art. 116, 427, 431, 459, 500, 501, 507, 507-1 et 836 du code civil ; art. L. 132-3 du code des assurances ; art. L. 223-5 du code de la mutualité) : Suppression du contrôle préalable du juge pour certains actes relevant de la responsabilité du tuteur d'une personne protégée
La Commission examine l'amendement CL252 de M. Ugo Bernalicis.
Nous souhaitons garantir qu'il n'y aura pas de mise en danger du patrimoine des personnes en situation de vulnérabilité, comme les personnes sous tutelle, en préservant la place du juge dans leur protection. Cet amendement, déjà défendu en séance publique à l'occasion de la première lecture, vise à supprimer l'article 8.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL491 de la rapporteure.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL5 de M. Jean-Louis Masson.
Le projet de loi ne laisse subsister que le contrôle préalable du conseil de famille. Sa constitution étant facultative pour les majeurs sous tutelle, certains tuteurs seront tenus de demander une autorisation tandis que d'autres pourront s'en dispenser. Il en résultera des modalités de contrôle hétérogènes sans que cela résulte d'un critère objectif ou que ce soit justifié par un motif d'intérêt général, ce qui risque de méconnaître le principe constitutionnel d'égalité devant la loi.
Vous vous alarmez de disparités de protection selon qu'un conseil de famille est constitué ou non. Or, les alinéas de l'article 8 que vous proposez de supprimer visent précisément à modifier sur ce point l'article 500 du code civil. J'émets donc un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 8 modifié.
Article 8 bis (art. 63, 174, 175, 249, 249-1 [abrogé], 249-3, 249-4, 460 et 462 du code civil) : Droits matrimoniaux d'une personne protégée
La Commission adopte l'article 8 bis sans modification.
Article 8 ter (art. L. 5 [abrogé], L. 64, L. 72-1 [nouveau], L. 111, L. 387-1 [nouveau] et L. 388 du code électoral ; art. L. 315‑11 du code de l'action sociale et des familles ; art. L. 723-24 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 552-9-10 du code de l'organisation judiciaire ; art. L. 1432-3, L. 6143-6, L. 6162-8 et L. 6431-5 du code de la santé publique ; article 51-1 de la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française) : Droit de vote d'une personne protégée
La Commission adopte l'article 8 ter sans modification.
Article 8 quater (art. 26 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires extérieures) : Durée légale avant le réexamen des mesures de protection
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL32 de M. Vincent Descoeur.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL492 de la rapporteure.
Puis la Commission adopte l'article 8 quater modifié.
Article 9 : Compétence de la Caisse des dépôts et consignations pour la gestion de certaines sommes saisies ou consignées et leur répartition entre créanciers
La Commission adopte l'article 9 sans modification.
Article 9 bis (art. L. 125-1, L. 311-5, L. 322-1, L. 322-4 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution) : Procédure de saisie et de vente immobilière
La Commission adopte l'article 9 bis sans modification.
Article 9 ter (art. L. 211-1-1 [nouveau] et L. 523-1-1 [nouveau] du code des procédures civiles d'exécution ; art. L. 151 A du livre des procédures fiscales) : Transmission électronique des saisies-attributions et des saisies conservatoires
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL493 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 9 ter modifié.
Article 10 ter A (art. L. 111-6-6 du code de la construction et de l'habitation) : Accès des huissiers aux boîtes aux lettres
La Commission adopte l'article 10 ter A sans modification.
Article 10 ter (art. L. 3332-3 et L. 3332-4-1 du code de la santé publique) : Contrôle des débits de boissons
La Commission adopte l'article 10 ter sans modification.
Article 11 (art. L. 444-2, L. 444-7 et L. 950-1 du code de commerce) : Révision des critères de détermination des tarifs des professions réglementées du droit et du dispositif des remises
La Commission adopte l'article 11 sans modification.
Article 11 bis (art. 45 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels) : Prestation de serment des officiers publics et ministériels
La Commission adopte l'article 11 bis sans modification.
Section 1 Simplifier pour mieux juger
Article 12 (art. 233, 238, 246, 247-2, 251 à 254, 257, 262-1, 311-20, 313, 375-3 et 515-12 du code civil, art. L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation et art. L. 2141-2 du code de la santé publique) : Réforme de la procédure de divorce contentieux
La Commission examine l'amendement CL48 de M. Philippe Gosselin.
Je vous propose de revenir sur la suppression de la phase de conciliation dans la procédure de divorce. Nous avons évoqué ce sujet maintes fois en première lecture.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL200 de M. Antoine Savignat.
Cet amendement tend à redonner compétence au juge judiciaire en matière de divorce par consentement mutuel lorsqu'il existe des éléments d'extranéité. Cette disposition, qui n'est pas de nature à surcharger les juridictions, permettra de trouver une solution pour bon nombre de nos concitoyens : de multiples pays ne reconnaissent pas le divorce par consentement mutuel tel que nous le pratiquons en France.
La difficulté que vous évoquez est réelle et bien identifiée – nous en avons parlé en séance, et la ministre s'est engagée à dresser un bilan et surtout à faire un état de l'ensemble des discussions et négociations qui ont lieu à l'échelle européenne et internationale pour donner pleine effectivité aux mesures existant en France. Je vous propose d'attendre ce bilan. Par conséquent, avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL197 de M. Antoine Savignat.
L'amendement CL197 est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement CL253 de M. Ugo Bernalicis.
Nous souhaitons vous alerter sur l'importance de préserver une audience de conciliation obligatoire avant tout recours pour les personnes souhaitant entamer une procédure de divorce, car cela permet de faciliter le déroulement de la procédure et d'aider chacune des parties à exercer ses droits. L'amendement CL253 vise à maintenir cette disposition.
Le projet de loi prévoit une audience en début de procédure afin de fixer les mesures provisoires, comme le permet l'actuelle audience de conciliation, sauf si les deux parties y renoncent.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements CL522, rédactionnel, et CL460, de précision, de la rapporteure.
La Commission adopte ensuite l'article 12 modifié.
Article 12 bis A (art. 238 du code civil) : Réduction du délai de séparation requis pour constater la cessation de la vie commune entre les époux
La Commission adopte l'article 12 bis A sans modification.
Article 12 bis (art. 296, 298, 301, 303 et 307 du code civil) : Alignement du régime procédural de la séparation de corps sur celui du divorce par consentement mutuel
La Commission adopte l'article 12 bis sans modification.
Article 12 ter (art. 1175 du code civil) : Autorisation de la signature électronique dans la procédure de divorce par consentement mutuel
La Commission adopte l'article 12 ter sans modification.
Article 13 (art. L. 212-5-1 et L. 212-5-2 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire) : Procédure sans audience devant le tribunal de grande instance et procédure dématérialisée de règlement des litiges de faible montant
La Commission examine les amendements identiques CL36 de M. Vincent Descoeur et CL254 de Mme Danièle Obono.
L'article 13 contribuera à éloigner le justiciable du juge : on rompra encore davantage les liens en réduisant le nombre d'audiences. Comme nous l'avons déjà dit précédemment, nous ne sommes pas du tout favorables à une telle évolution.
L'amendement CL254 vise aussi à supprimer l'article 13 afin de garantir la tenue d'audiences publiques, peu importe que les parties viennent ou non – nous avons déjà eu ce débat. Il nous semble important que les audiences soient publiques et que les parties puissent venir si elles le souhaitent. Cela fait partie de nos principes républicains : la justice est rendue au nom du peuple français, et elle doit être accessible.
J'émets un avis défavorable. Les jugements ne pourront avoir lieu sans audience qu'à l'initiative des parties et donc avec leur accord exprès.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle adopte l'amendement CL524, visant à apporter une clarification rédactionnelle, de la rapporteure.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l'amendement CL81 de Mme Cécile Untermaier.
Puis elle adopte l'article 13 modifié.
Article 14 (art. L. 211-17 et L. 211-18 [nouveaux] du code de l'organisation judiciaire) : Traitement dématérialisé des injonctions de payer par une juridiction à compétence nationale
La Commission examine les amendements identiques CL37 de M. Vincent Descoeur, CL202 de M. Antoine Savignat et CL255 de Mme Danièle Obono.
La création d'une juridiction nationale unique pour les injonctions de payer ne fera qu'éloigner le justiciable en le privant d'un contact direct avec un magistrat et donc d'une dimension humaine qui nous paraît importante dans ce domaine. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 14.
Cette automatisation d'une procédure qui est importante va conduire, à mon sens, à son délaissement compte tenu de l'éloignement que cela impliquera.
Nous souhaitons également la suppression de cet article.
Vous allez créer une nouvelle juridiction centralisée et dématérialisée, en tout cas pour les personnes morales, car les personnes physiques pourront encore déposer un recours, en utilisant la procédure papier, auprès du tribunal situé à côté de chez elles, si j'en crois la manière dont le texte est rédigé – j'espère qu'il en sera bien ainsi.
Afin de gagner du temps et d'aller plus vite, on va industrialiser le processus au stade de l'émission de l'injonction de payer, alors que le juge doit exercer son office, notamment en regardant les pièces. Il y aura désormais moins d'attention accordée à chaque dossier.
Comme la partie devant recevoir l'injonction de payer n'est pas écoutée à ce stade, on pourrait imaginer que le juge d'instance cherche à anticiper une éventuelle contestation dans un certain nombre de cas, au vu de la situation de la personne concernée. Dans cette perspective, on devrait plutôt réfléchir à la manière dont on pourrait élargir l'office du juge afin de mieux prendre en compte un contentieux qui touche des personnes vulnérables, dans beaucoup de cas, notamment celui des crédits à la consommation, au lieu d'automatiser et d'éloigner comme vous voulez le faire.
Même si je sais bien que la phase contentieuse aura toujours lieu devant un tribunal à côté de chez soi, a priori, cet article du projet de loi ne correspond pas à la philosophie que nous souhaitons.
Je suis défavorable à ces amendements. Je rappelle que la première phase de l'injonction de payer prend la forme d'une requête.
La Commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL9 de M. Jean-Louis Masson.
Il y a deux approches : celle de la majorité revient à aller vite et à utiliser des voies modernes, via la dématérialisation, ce que l'on peut entendre ; celle des partis d'opposition, en général, consiste à préserver une justice humaine et proche de nos concitoyens. L'amendement CL9 permettra d'atteindre un juste milieu : nous proposons que la voie dématérialisée ne constitue qu'une option – il ne sera pas interdit de procéder autrement. Ce sera une étape dans le passage de l'ancien au nouveau monde. Il vaut mieux être prudent sur un tel sujet.
Nous sommes complètement en phase : il est prévu que ce ne sera qu'une option pour les personnes physiques. Il n'y aura de caractère obligatoire que pour les personnes morales, les sociétés. Cela permettra d'atteindre l'objectif que vous visez, à savoir maintenir un lien.
Notre amendement a donc toute sa place dans le texte. À la première phrase de l'alinéa 6, nous proposons de substituer au mot « sont » les mots « peuvent être ».
Permettez-moi de vous lire la deuxième phrase de l'alinéa 6 : « Toutefois, les demandes formées par les personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire ainsi que les demandes mentionnées au 2° du même article L. 211-17 peuvent être adressées au greffe sur support papier. » Il y a une exception au principe, qui est la dématérialisation, et nous répondons ainsi à votre objectif. Je demande le retrait de l'amendement, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement CL9 est retiré.
Puis la Commission examine, en discussion commune, les amendements CL394 de M. Paul Molac et CL205 de M. Antoine Savignat.
L'article 14 prévoit que les oppositions aux ordonnances portant injonction de payer qui tendent exclusivement à l'obtention de délais de paiement seront traitées selon une procédure dématérialisée. L'amendement CL394 vise à ce que le traitement de ces ordonnances fasse l'objet d'une audience.
Je voudrais simplement rappeler que l'on est, en matière d'ordonnances d'injonction de payer, dans le cadre d'une procédure non contradictoire. Le créancier saisit le magistrat d'une demande de condamnation en paiement de son débiteur. Si celui-ci entend solliciter des délais de paiement, il ne sera pas entendu par le juge car tout sera géré par l'unique juridiction compétente dans ce domaine. Je sais que cela déplaît et que la garde des Sceaux ne l'admet pas, mais je vais quand même le répéter : c'est l'exemple type qui permet d'affirmer avec certitude que ce texte déshumanisera la justice. Un pays dans lequel un débiteur, souvent de bonne foi mais confronté à de graves difficultés, ne peut pas être entendu par son juge pour expliquer sa situation et tenter de la faire comprendre est un pays dont la justice est déshumanisée.
J'émets un avis défavorable à ces amendements. J'apporterai des compléments d'information en séance, si vous me le permettez, mais je voudrais souligner dès maintenant que les délais de paiement sont aujourd'hui obtenus d'une manière presque systématique.
On peut en effet s'interroger : pourquoi le fond de l'injonction de payer serait-il traité par la juridiction territorialement compétente et pas la demande de délai de paiement ? Comme l'a dit la rapporteure, néanmoins, on demande et on octroie aujourd'hui de tels délais dans de très nombreux cas. La question de la systématisation devant la nouvelle juridiction nationale peut donc se poser. Par ailleurs, lorsque l'ordonnance est devenue définitive en l'absence de contestation sur le fond ou de demande de délai de paiement, on peut saisir le juge de l'exécution pour solliciter un délai – je l'ai souligné en séance. On se tournera alors vers la juridiction territorialement compétente : on pourra toujours saisir un juge de proximité.
Il y a quand même un problème. Vous l'avez bien identifié, et j'espère y être pour quelque chose. On va traiter à part les personnes physiques, qui devront s'adresser au tribunal situé à côté de chez elles mais, pour contester l'injonction de payer, il faudra nécessairement aller devant la juridiction spécialisée.
Même s'il y a des cas où l'on peut procéder sans audience, à la va-vite, pour accorder un délai de paiement, le fait de voir le juge est aussi un moyen pour le débiteur d'exposer d'autres problématiques dont il n'a pas osé parler jusque-là, parce qu'il est vulnérable, en détresse, et qu'il n'imagine pas pouvoir obtenir autre chose qu'un délai de paiement. C'est aussi au juge de soulever d'autres moyens qui peuvent conduire, par exemple, à proposer l'annulation d'une partie de la dette. C'est la raison d'être de la justice de proximité, qui est là pour protéger les plus vulnérables.
Il y a donc quelque chose à revoir : je ne pense pas qu'il faut procéder sans audience quand la demande tend uniquement à l'obtention d'un délai de paiement – on ne sait pas si c'est vraiment le cas, car la personne peut ne pas avoir osé demander davantage. Il est bon que le juge d'instance, de proximité, puisse vérifier ce qu'il en est.
J'ajoute qu'il ne s'agit pas de la totalité des injonctions de payer, mais d'un contentieux représentant 25 000 ou 30 000 contestations – je n'ai plus le chiffre précis en tête.
Je voudrais revenir sur la réponse de la rapporteure : dire que des délais de paiement sont systématiquement accordés revient un peu à faire insulte au travail des magistrats, mais passons.
L'autre solution qui a été évoquée existe, en effet : elle est prévue par le code de procédure civile, mais c'est un peu comme si on se demandait pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
On a beaucoup entendu dire, ces derniers jours, que l'opposition pratique essentiellement une obstruction corporatiste contre ce texte, mais il y va, en l'occurrence, de l'intérêt du justiciable : s'il faut attendre que l'ordonnance soit définitive et mise à exécution pour que le débiteur puisse saisir le juge pour demander des délais, cela implique non seulement l'adoption d'une ordonnance, avec une condamnation de payer pour un débiteur qui est parfois en situation difficile, mais aussi la signification de l'ordonnance, ce qui conduit à des frais d'huissier, l'apposition de la formule exécutoire, en l'absence de recours, et enfin la signification d'un commandement de payer ou d'une mesure d'exécution de l'ordonnance. Il faut donc attendre quatre ou cinq actes d'huissier avant que le débiteur puisse faire entendre ses droits. Il est dans l'intérêt de l'ensemble des justiciables que l'on puisse être entendu par le magistrat territorialement compétent. C'est juste une question de bon sens et de simplification.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'article 14 sans modification.
Section 2 Simplifier pour mieux protéger
Article 16 (art. 428, 483, 494-1, 494-3, 494-5 à 494-11 du code civil) : Assouplissement de l'habilitation familiale
La Commission est saisie de l'amendement CL256 de M. Ugo Bernalicis.
Par cet amendement, nous voulons garantir un contrôle du juge un peu plus fréquent sur la situation des personnes vulnérables : le contrôle n'aura plus lieu tous les 10 ans, mais tous les 8 ans pour l'habilitation générale, et 5 ans pour l'habilitation partielle.
J'émets un avis défavorable. Comme je l'ai rappelé en séance, le dispositif concerné est récent : il vaudrait mieux attendre avant de le faire évoluer.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 16 sans modification.
Article 17 (art. 486, 503, 511 à 513, 513-1 [nouveau] et 514 du code civil) : Réforme des modalités d'inventaire et de contrôle des comptes de gestion des personnes protégées
La Commission examine l'amendement CL257 de M. Ugo Bernalicis.
Nous demandons la suppression de l'article 17 afin d'empêcher ce projet de loi de privatiser, et donc de rendre payant, un service public de la justice qui est actuellement gratuit et qui concerne au premier chef des personnes vulnérables.
Le Sénat a souhaité préserver le contrôle par défaut du greffe et a ouvert la voie à des dérogations, ce qui va dans le sens du Gouvernement, sans poser pour autant la question des moyens effectivement alloués aux greffes. Cela conforte notre analyse et renforce notre volonté de supprimer cet article.
On voit clairement que le personnel des greffes est en souffrance, et ce ne sont pas les quelques recrutements prévus par ce texte qui suffiront. Il faudrait vraiment beaucoup plus de greffiers dans notre pays. Cette profession est d'ailleurs solidaire de la journée de manifestation qui a été annoncée tout à l'heure pour le mois de janvier, et j'en suis très heureux. Il y aura à la fois les avocats, les greffiers et les magistrats : cela montre que les professions juridiques sont plutôt soudées, et j'espère que des justiciables se joindront aussi à la manifestation.
On voit bien que la volonté générale est de déjudiciariser et de privatiser. Je ne suis même pas sûr que votre objectif soit de rendre payants des services qui sont gratuits aujourd'hui : je ne crois pas que cela occupe une grande importance dans votre raisonnement, mais ce sera malheureusement la conséquence.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ensuite l'amendement CL31 de M. Vincent Descoeur.
Puis elle examine l'amendement CL208 de M. Antoine Savignat.
Je propose de compléter l'alinéa 6. Il est prévu que le juge puisse demander dès l'ouverture de la tutelle, s'il l'estime nécessaire, la désignation d'un commissaire-priseur, d'un huissier de justice ou d'un notaire pour procéder à un inventaire. L'amendement CL208 permettra également de le faire si le tuteur désigné le demande. Vous me direz qu'il n'est pas censé connaître le dossier, mais il est de la même famille dans bon nombre de cas : il peut donc avoir une idée du patrimoine concerné. Afin d'éviter tout conflit de famille ou toute remise en cause de son rôle, le tuteur peut estimer nécessaire qu'un inventaire soit réalisé d'emblée pour figer la situation.
Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris le sens de votre amendement. J'ai l'impression que vous proposez que le tuteur puisse demander que le commissaire-priseur dresse l'inventaire, alors qu'à l'heure actuelle c'est bien au tuteur qu'il revient de le faire, le commissaire-priseur n'intervenant qu'à titre exceptionnel. Il s'agirait donc d'inverser les rôles.
L'alinéa visé est clair : « Lorsque le juge l'estime nécessaire, il peut désigner dès l'ouverture de la mesure un commissaire-priseur judiciaire,… ». L'amendement que je vous soumets concernerait des situations exceptionnelles, lorsque le patrimoine est extrêmement important. Le juge peut avoir eu connaissance de ce fait, mais s'il n'a pas une connaissance suffisante du dossier, contrairement au tuteur, ce dernier, s'il fait partie du conseil de famille, et pour éviter toute difficulté, peut demander au juge de désigner, dès l'ouverture de la mesure de protection, un commissaire-priseur, un huissier de justice ou un notaire pour dresser un inventaire. Si le patrimoine mobilier est important, le tuteur n'a pas nécessairement les compétences pour le chiffrer. Il me semble que l'alinéa 6 va d'ores et déjà dans le sens de ce que je propose. Donner la possibilité au tuteur de demander la désignation d'un commissaire-priseur pour dresser un inventaire apporterait un complément utile et serait de nature à préserver les intérêts de la personne protégée.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL30 de M. Jean-Louis Masson.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL395 de M. Paul Molac.
Le nouvel article 513-1 du code civil dispose que la personne chargée de vérifier et d'approuver les comptes doit assurer la confidentialité du compte de gestion. Cet amendement tend à imposer à cette personne de remettre annuellement ce compte de gestion au majeur protégé.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 17 sans modification.
Article 18 (art. 373-2, 373-2-6 et 373-2-10 du code civil) : Renforcement de l'exécution des décisions du juge aux affaires familiales en matière d'autorité parentale
La Commission examine les amendements identiques CL10 de M. Jean-Louis Masson et CL258 de Mme Danièle Obono.
Je me suis exprimé en première lecture dans l'hémicycle sur ce sujet : il paraît peu adapté de mettre en oeuvre ce qui constitue une forme de violence en ayant recours aux forces de l'ordre pour l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement. Nous préférons que l'on s'en tienne aux dispositions légales actuelles, à savoir un dépôt de plainte pour non présentation d'enfant, à la suite de quoi la justice fait son travail. Ce qui est en jeu, ce sont des enfants : requérir la force publique nous paraît disproportionné.
Notre argumentation est assez similaire : nous souhaitons éviter le concours de la force publique dans ces cas de garde d'enfants. Il existe déjà, dans notre droit, des moyens de faire en sorte que le procureur agisse si toutes les voies de discussion normales évitant le recours à une forme de violence ont échoué. Nous pensons donc qu'il est sage de supprimer la possibilité prévue aux alinéas 1er et 2.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CL362 de M. Philippe Latombe.
Le développement du recours à la médiation, objectif poursuivi par le projet de loi, ne pourra être atteint que si les textes définissent précisément ce qu'est la médiation. En première lecture, un amendement similaire avait été cosigné par plusieurs membres de la commission des Lois, notamment Vincent Bru. Nous souhaitons introduire une définition de la médiation.
Nous avons défini la médiation en séance publique en faisant référence à la loi du 8 février 1995. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL259 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons que les médiations familiales deviennent gratuites. Comme elles nous semblent utiles, il faut permettre qu'elles soient aussi utilisées que possible, y compris quand elles n'ont pas été ordonnées par le juge. Le dispositif que nous vous soumettons est expérimental, afin de contourner l'article 40 de la Constitution, mais il s'agit bien de garantir un droit à la médiation familiale.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
La Commission adopte l'article 18 sans modification.
Article 18 bis (art. 373-2-9-1 [nouveau] du code civil et art. 213-1 du code de l'organisation judiciaire) : Attribution du logement par le juge aux affaires familiales en cas de séparation de parents non mariés
La Commission adopte l'amendement CL517 de clarification de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l'article 18 bis modifié.
Section 3 Concilier la publicité des décisions de justice et le droit au respect de la vie privée
Article 19 (art. L. 153-1 du code de commerce, L. 10, L. 10-1 [nouveau] et L. 741-4 du code de justice administrative, L. 111-13 et L. 111-14 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, 11-1 à 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l'exécution et relative à la réforme de la procédure civile) : Encadrement et harmonisation des régimes de diffusion des décisions de justice
La Commission examine l'amendement CL396 de M. Yannick Favennec Becot.
Comme l'a indiqué le rapport de M. Loïc Cadiet sur l'open data des décisions de justice, remis à la garde des Sceaux en janvier 2018, il est essentiel de réguler l'utilisation, par des outils de traitements algorithmiques, des décisions de justice mises à la disposition du public à titre gratuit et sous forme électronique, afin de permettre la restitution d'informations aussi objectives que possible et de qualité. À cette fin, l'édiction d'une obligation de transparence des algorithmes permettra l'analyse du fonctionnement des outils concernés et l'identification des faiblesses éventuelles par les autorités compétentes. Un mécanisme de contrôle opéré par la puissance publique devra être mis en place, en parallèle d'un mécanisme de certification de qualité assuré par un organisme indépendant, à l'instar des normes ISO.
Avis défavorable. Des dispositions de portée plus générale existent déjà, notamment la loi « Informatique et libertés » de 1978 et le règlement européen sur la protection des données.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine alors l'amendement CL260 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit de mettre un terme à l'extension du secret des affaires. La polémique sur ce thème a été ravivée par l'affaire des Implant Files : des journalistes du Monde n'ont pas pu avoir accès aux documents, et le moyen juridique soulevé pour s'y opposer était précisément la loi relative au secret des affaires. Celle-ci constitue donc une entrave directe aux lanceurs d'alerte. Elle empêche de faire la transparence sur des affaires qui peuvent concerner l'intérêt général – dans l'exemple que je citais, la santé publique. Comme vous le savez, entre le secret des affaires et l'intérêt général, cela fait longtemps que mon choix est fait ; j'espère obtenir l'adhésion de la majorité.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 19 sans modification.
Titre II bis (Supprimé) Dispositions relatives aux juridictions commerciales
La Commission examine l'amendement CL504 de la rapporteure.
Il s'agit, après que nous avons supprimé les articles qui composent cette division, de la supprimer elle-même du texte.
La Commission adopte l'amendement.
La division et son intitulé sont supprimés.
Article 19 bis (suppression maintenue) (art. 713-7, 713-11, 723-4 et 723-7 du code de commerce) : Élargissement du corps électoral des tribunaux de commerce
La Commission examine l'amendement CL11 de M. Jean-Louis Masson.
Le présent amendement vise à élargir le collège électoral des tribunaux de commerce aux exploitants agricoles ainsi qu'aux travailleurs indépendants et professionnels libéraux.
En outre, pour tenir compte des difficultés de recrutement des juges consulaires, sans remettre en cause la limite d'âge fixée à soixante-quinze ans, le présent amendement a pour objet de faire en sorte qu'un juge soit élu pour cinq mandats consécutifs de quatre ans au lieu de quatre mandats de deux ans.
La Commission rejette l'amendement.
Titre III Dispositions relatives aux juridictions administratives
Chapitre Ier Alléger la charge des juridictions administratives
Article 21 (art. 222-2-2, 222-2-3, 222-5, 222-6 [nouveaux] et 222-2-1 du code de justice administrative) : Élargissement et encadrement du recours à des magistrats honoraires
La Commission examine l'amendement CL261 de Mme Danièle Obono.
Je vais de nouveau essayer de vous convaincre s'agissant des magistrats honoraires. Nous manquons de conciliateurs. Or les magistrats honoraires feraient d'excellents conciliateurs de justice. Leur intervention permettrait d'ouvrir une voie gratuite évitant d'aller devant le juge, une sorte de justice horizontale. Nous ne leur proposons pas de travailler plus longtemps ; invitons-les plutôt à devenir conciliateurs et, pour les postes manquants au ministère de la justice, créons des postes, embauchons de nouveaux magistrats.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL505 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l'article 21 modifié.
Article 22 bis (art. 213-5 du code de justice administrative) : Assouplissement des conditions de mobilité des magistrats administratifs
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL128 de M. Raphaël Schellenberger.
Puis elle adopte l'article 22 bis sans modification.
Article 23 (art. 133-7 [nouveau], 233-7, 233-8 du code de justice administrative et art. 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986) : Encadrement du maintien en activité de magistrats administratifs au-delà de la limite d'âge
La Commission adopte l'article 23 sans modification.
Article 24 (art. 511-2 du code de justice administrative) : Possibilité de recourir à la collégialité en matière de référés précontractuels et contractuels
La Commission adopte l'article 24 sans modification.
Article 25 (art. 911-1, 911-2, 911-3, 911-4, 911-5 du code de justice administrative et art. 2333-87, 2333-87-3 et 2333-87-8-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Mesures permettant de renforcer l'effectivité des décisions de justice administratives
La Commission adopte l'article 25 sans modification.
Article 25 bis A (art. 611-1, 77-13-1, 77-13-2 [abrogé] et 775-2 [abrogé] du code de justice administrative) : Protection du secret des affaires
La Commission examine l'amendement CL264 de M. Ugo Bernalicis.
La directive sur le secret des affaires avait pour objectif d'harmoniser cette notion entre les différents États membres et de donner les moyens aux entreprises européennes de se défendre juridiquement contre le vol et l'espionnage industriel. Moi aussi, je suis contre le vol et l'espionnage industriel, mais on voit bien que c'est le moyen juridique qui est soulevé par les entreprises pour engager des procédures bâillons, par exemple, en tout cas pour éviter de communiquer des informations d'intérêt général qui permettent de faire surgir des affaires. Sans ces informations, les affaires en question ne sortent pas au grand jour ou ne sont révélées que quand il y a des morts, ou des enquêtes, parfois vingt ou trente ans après les faits. Je vous ai parlé des Implant Files ; j'imagine que d'autres affaires du même type apparaîtront. C'est inquiétant. On nous avait dit que les lanceurs d'alerte et la presse ne seraient pas concernés par la loi sur le secret des affaires, qu'elle pourrait continuer à avoir accès aux documents. Or on voit bien que c'est faux.
Nous demandons donc la suppression pure et simple de l'article 25 bis A, qui vise à transcrire pour les juridictions administratives la directive sur le secret des affaires.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL518 de la rapporteure.
C'est un amendement de clarification et de coordination. Il vise à réorganiser les dispositions du code de justice administrative relatives au secret des affaires en les allégeant et en les rapprochant des procédures existantes et déjà applicables devant le juge administratif lorsqu'il est nécessaire de concilier le contradictoire avec le respect d'un secret protégé, quelle qu'en soit la nature.
Pour le reste, il s'agit de tirer les conséquences de cet allégement et de préciser les mesures spécifiques aux actions pouvant être engagées en cas d'atteinte au secret des affaires.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 25 bis A modifié.
Titre IV Dispositions portant simplification et renforcement de l'efficacité de la procédure pénale
Chapitre Ier Dispositions relatives au parcours judiciaire des victimes
Article 26 (art. 10, 10-2, 15-3, 15-3-1 [nouveau], 40-4-1, 41, 89, 391, 393-1, 420-1 et 706-57 du code de procédure pénale) : Amélioration du parcours judiciaire de la victime
La Commission examine l'amendement CL262 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement porte sur la justice restaurative. Il vise à augmenter le spectre de l'obligation d'information quant à l'existence de ces mesures puisque nous ne disposons pas de baguette magique permettant d'augmenter le budget consacré à la justice restaurative.
On parle souvent de la place du justiciable, et plus généralement aussi, en matière pénale, de celle de la victime. Je ne pense pas que le procès soit le seul endroit où il faille garantir la place de la victime. Les mesures de justice restaurative tendent à montrer leur efficacité en la matière, avec plusieurs types de dispositifs : il est possible de rencontrer des auteurs d'infractions similaires à celle dont on a été victime, de rencontrer d'autres victimes, et parfois l'auteur lui-même – dans un cadre très particulier, en présence de tiers. Cela se fait sur la base du volontariat, et cela marche, autant pour les auteurs que pour les victimes. Souvent, ces dernières ne cherchent pas seulement à ce que l'auteur soit condamné : elles veulent aussi comprendre le pourquoi de l'acte. Il serait donc utile de déployer ces mesures, de leur donner plus d'envergure.
Comme nous l'avons déjà dit, cet amendement est parfaitement satisfait par l'article 10-1 du code de procédure pénale. Je vous demande de le retirer, monsieur Bernalicis ; à défaut, avis défavorable.
Non, il n'est toujours pas satisfait ; ce n'est pas vrai. Tous les professionnels du droit ayant à connaître de près ou de loin de la procédure judiciaire – voire intervenant avant le début des poursuites – ne sont pas obligés d'informer les victimes de l'existence de ces procédures. Beaucoup le font, notamment les avocats ; pour les policiers, c'est obligatoire à partir du moment où il y a un dépôt de plainte. Parfois, on vous demande de cocher une case en face de laquelle il est écrit que vous reconnaissez avoir tout lu – j'en ai fait l'expérience il n'y a pas très longtemps. J'insiste sur cet amendement car les mesures de justice restaurative méritent d'être beaucoup plus largement connues. Les professionnels du droit, mais aussi les justiciables – victimes et auteurs – méritent d'en avoir connaissance.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine alors l'amendement CL236 de M. Antoine Savignat.
Vous allez me dire que c'est une obsession chez moi, car j'ai déjà défendu plusieurs fois cette idée et que j'y reviens une fois encore, mais je pense vraiment qu'il n'y a rien de plus fragile qu'une victime et que le système doit les protéger. Or permettre à quelqu'un de déposer sa plainte en ligne, ce n'est pas le protéger. En autorisant cela, l'État ne joue pas son rôle – même si j'ai bien compris qu'il ne s'agissait pas d'une obligation et qu'il était toujours possiblepour la victime de se rendre dans le commissariat le plus proche.
Il faut aussi savoir imposer des règles, pour les besoins de la protection de la victime mais aussi pour ceux de l'enquête et de la procédure, car on doit pouvoir recueillir toutes les preuves. L'un des arguments avancés consistait à dire qu'être seul devant son ordinateur pouvait libérer la parole. Or c'est exactement l'inverse qui va se produire : la victime aura beau parler à son ordinateur, ce n'est pas lui qui va recueillir son témoignage. Du reste, le dépôt de plainte en ligne implique une parfaite maîtrise de la langue française écrite pour parvenir à décrire ce dont on a été victime. Or nous savons tous l'importance de la précision de la plainte, et l'usage qui peut être fait de certains mots ou de tournures inadéquates. C'est donc l'intérêt supérieur de la victime qui est en jeu. Il s'agit non pas de lui interdire totalement de déposer plainte en ligne – la possibilité n'existe pas encore –, mais de ne pas le lui permettre lorsqu'il s'agit d'une atteinte à la personne.
Ce sujet a lui aussi été largement abordé, et nous avons apporté un grand nombre de précisions en première lecture, en commission des Lois puis en séance publique, qui nous semblent parfaitement répondre à vos préoccupations, cher collègue. Nous ne saurions accepter votre amendement, sauf à remettre en question le fondement même du texte et notamment son article 26.
Il y a une différence entre la pré-plainte et la plainte en ligne. Ouvrir la possibilité de déposer une pré-plainte en ligne pour les victimes d'atteintes physiques ou de violences sexuelles ou sexistes ne pose pas de problème : cela vous permet de commencer à écrire tranquillement chez vous, devant votre ordinateur, le récit de ce qui s'est passé, sans être immédiatement confronté à un être humain. Cela peut parfois être utile. Vous obtiendrez ensuite un rendez-vous au cours duquel un policier recueillera votre plainte. On joint donc, pour ainsi dire, l'utile à l'agréable.
Le problème, avec la plainte en ligne, c'est qu'on peut passer directement à l'ouverture d'une enquête par le procureur sans avoir vu aucun policier. J'imagine qu'un policier vous demandera de vous présenter au commissariat, mais ce n'est pas obligatoire.
Il serait plus sage de prévoir un dispositif de pré-plainte plutôt que de plainte en ligne, ne serait-ce qu'en raison de la valeur juridique que revêt la plainte en tant que telle. Une plainte doit être, selon moi, non seulement déposée par la victime, mais être recueillie par un policier, avant que le procureur n'engage les poursuites. Au demeurant, si une victime veut déposer plainte sans passer par un policier, c'est déjà possible : elle peut envoyer directement un courrier au procureur de la République.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine ensuite l'amendement CL82 de Mme Cécile Untermaier.
L'amendement est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement CL461 du rapporteur.
C'est un amendement que je qualifierais de compromis par rapport à l'article 26 bis A, dont je proposerai ensuite la suppression. Il s'agit de permettre aux officiers et agents de police judiciaire d'être identifiés par leur numéro d'immatriculation administrative, autrement dit d'être anonymisés, y compris dans les procès-verbaux de plainte initiale. Nous nous sommes rendu compte, en effet, que la plainte pouvait poursuivre son chemin et que le problème d'identification du fonctionnaire de police pouvait se retrouver ultérieurement. Cet amendement correspond donc tout à fait aux débats que nous avons eus.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL49 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit, là encore, du dépôt de plainte en ligne. Nous ne refusons aucunement, bien sûr, de vivre avec notre temps, pas davantage que nous ne nous opposons à la possibilité de déposer plainte en ligne dans un certain nombre de cas, mais il nous paraît préférable, pour les raisons qui viennent d'être évoquées par mes collègues et dans un certain nombre de cas – ici, les crimes et délits contre les personnes – de rencontrer physiquement une personne. Ce ne sont pas seulement les aspects humains qui entrent en ligne de compte – même s'ils nous paraissent importants, car la justice ne doit pas être désincarnée. Il y va aussi de la difficulté que l'on peut avoir à formuler un certain nombre d'éléments, sans parler de la maîtrise de l'outil informatique. Pour toutes ces raisons, il nous paraît préférable de limiter le recours au dépôt de plainte électronique.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL12 de M. Jean-Louis Masson.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL211 de M. Antoine Savignat.
L'amendement est retiré.
La Commission examine alors l'amendement CL83 de Mme Cécile Untermaier.
Nous avons déposé le présent amendement, mais des éléments nous ont été fournis concernant des garanties réglementaires qui seraient introduites à propos de la plainte en ligne.
C'est précisément l'objet des dispositions que nous avons votées à l'alinéa 11. L'amendement est donc satisfait.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL132 de M. Guy Bricout.
On a tendance à s'intéresser davantage aux responsables qu'aux victimes. Certes, une prise en charge psychologique est prévue, mais elle s'exerce bien souvent trop tardivement.
Mon amendement vise à élargir la prise en charge psychologique aux proches des victimes de crimes ou délits ayant entraîné la mort. Un grave accident s'est produit dans ma circonscription, qui a entraîné le décès d'une jeune fille, et son frère, très atteint physiquement, n'a reçu une assistance psychologique qu'au bout de trois mois. Il convient d'autoriser le procureur de la République à mandater immédiatement une assistance psychologique.
Je comprends parfaitement votre demande, monsieur Bricout. Elle est respectable, surtout compte tenu des faits auxquels vous faites référence.
Cela dit, il nous semble qu'elle est déjà très clairement satisfaite dans le code de procédure pénale, notamment en son article 10-2, qui donne toute latitude aux victimes pour être assistées, dans des conditions qui s'améliorent de jour en jour, quand bien même vous avez pu relever une difficulté.
De manière générale, la prise en charge psychologique et médicale des victimes nous paraît satisfaisante, au regard non seulement du code de procédure pénale, mais aussi de l'ensemble des dispositifs sanitaires qui sont mis en oeuvre. Il n'est donc pas souhaitable d'alourdir le code de procédure pénale en la matière. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 26 modifié.
Article 26 bis A (supprimé) (art. 15-3 du code de procédure pénale) : Anonymisation des policiers et gendarmes au stade du dépôt de plainte ou de main courante
La Commission examine l'amendement CL462 du rapporteur.
Comme je l'ai indiqué précédemment, je demande la suppression de cet article, par coordination avec l'amendement CL461 à l'article 26.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 26 bis A est supprimé.
Article 26 bis B (art. 15-4 du code de procédure pénale) : Extension de la procédure d'anonymisation des policiers et gendarmes aux actes dans lesquels ils interviennent
La Commission adopte l'article 26 bis B sans modification.
Chapitre II Dispositions relatives aux phases d'enquête et d'instruction
Section 1 Dispositions communes aux enquêtes et à l'instruction
Sous-section 1 Dispositions relatives au recours aux interceptions par la voie des communications électroniques, à la géolocalisation, à l'enquête sous pseudonyme et aux techniques spéciales d'enquête
Article 27 (art. 60-4, 77-1-4 [nouveaux], 100, 100-1, 230-32 à 230-35, 230-45, 706-1-1, 706-1-2, 706-72, 706-95, 706-95-5 à 706-95-10 et 709-1-3 du code de procédure pénale et 67 bis 2 du code des douanes) : Mise en cohérence des dispositions relatives aux interceptions des communications électroniques et à la géolocalisation
La Commission examine les amendements identiques CL265 de M. Ugo Bernalicis et CL397 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Par cet amendement de suppression, nous souhaitons prévenir l'élargissement potentiellement considérable, pour le procureur, du recours à des techniques d'enquête qui constituent une remise en cause de la place du juge d'instruction. C'est une question que pose le texte dans son ensemble, et qui n'a à aucun moment pu être discutée avec qui que ce soit, comme s'il s'agissait d'une injonction du ministère de l'intérieur. Chaque fois, on nous présente au départ ces techniques d'enquête comme des exceptions, destinées à ne servir qu'en matière de criminalité organisée et de terrorisme – avant de finir par devenir la norme. Quand on prend goût à des techniques d'enquête liberticides, on finit par se demander pourquoi on ne les utiliserait pas aussi pour tel ou tel crime ou délit. Elles permettent sans doute, ici ou là, d'arrêter certains auteurs, mais dans combien de cas n'ont-elles été d'aucun secours ?
Déjà, et sans vouloir ouvrir ici la polémique, certains services d'enquête utilisent ces techniques et le font « plus ou moins » dans les règles. Ainsi, mon collègue François Ruffin semble être sous le coup d'une enquête pour sédition… Des journalistes ont eu connaissance de certaines informations très personnelles qui, en théorie, ne peuvent être obtenues que par réquisition, et non par un simple service d'enquête…
J'appelle à la vigilance. Il faut mettre un coup d'arrêt aux pouvoirs exorbitants du procureur de la République ! Seul un juge d'instruction doit disposer de tels pouvoirs, qui doivent en outre être limités à la criminalité organisée et au terrorisme.
Vous allez sans doute évoquer le juge des libertés et de la détention, mais il n'est même pas compétent dans le cadre de l'extension de ces techniques d'enquête !
La situation est inquiétante : donner des pouvoirs supplémentaires sans les circonscrire, c'est prendre le risque qu'on les utilise à mauvais escient. Même les procureurs se plaignent – c'est le monde à l'envers ! – considérant que les préfets sont trop intrusifs dans leurs enquêtes relatives aux « gilets jaunes ». Nous avons également pu le constater en matière de terrorisme pendant l'état d'urgence.
L'amendement CL397 va dans le même sens. Nous sommes opposés à l'extension du recours à la géolocalisation, aux perquisitions et aux interceptions par voie de communications électroniques aux crimes et délits punis d'au moins trois d'emprisonnement. Cela banalise le recours à des techniques d'enquête dérogatoires, d'autant que les diverses améliorations apportées par le Sénat au dispositif n'ont pas été retenues.
Le droit au respect de la vie privée est bafoué ; il faut veiller au maintien d'une juste proportionnalité entre le respect des libertés individuelles et les besoins des enquêtes. Une fois de plus, cette réforme poursuit une politique pénale d'intégration dans le droit commun des mesures réservées à l'état d'urgence. Nous nous y sommes déjà opposés dans de précédents projets de loi relatifs à la sécurité et nous nous y opposons toujours, d'où notre demande de suppression de l'article.
Nous avons déjà eu ce débat. Le texte vise à assurer une meilleure cohérence et une actualisation des règles applicables aux interceptions et à la géolocalisation. C'est de bonne justice et cela permettra aux services d'enquête d'être efficaces. En outre, comment justifier que les interceptions soient aujourd'hui seulement possibles pour les faits de délinquance et de criminalité organisées ?
En matière d'interception, des garanties équivalentes sont prévues pour l'enquête et l'instruction, les écoutes devant être autorisées par un magistrat du siège dans les deux cas. Ces magistrats du siège sont spécialisés. Vous pouvez toujours considérer que les juges des libertés et de la détention n'ont pas les mêmes pouvoirs que les juges d'instruction, mais il s'agit dans les deux cas de magistrats du siège, parfaitement aptes à intervenir du fait des pouvoirs que leur confère la loi.
S'agissant de la géolocalisation, les textes actuels, devenus incompréhensibles, nécessitaient d'être harmonisés. Mon avis sera donc défavorable.
Qu'appelez-vous « délinquance organisée » ? Tous les délinquants sont en général organisés, sauf cas marginal d'un acte individuel. Faites-vous allusion à M. Julien Coupat, accompagné d'un passager et d'un « gilet jaune » à l'arrière de sa voiture ? Les dérives sont évidentes ! Avez-vous à ce point des oeillères pour estimer que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes et que le juge des libertés et de la détention rendra son office ? Ce juge fait ce qu'il peut !
En l'occurrence, il ne peut pas grand-chose : il n'a pas de cabinet, pas de greffier et il est seul… Que va-t-il faire ? Une deuxième enquête après celle du procureur de la République ? C'est idiot ! Il faut mieux renforcer les pouvoirs du juge d'instruction et en recruter davantage.
Pourquoi donnez-vous ces pouvoirs aux procureurs ? Parce qu'ils ne sont pas indépendants et subissent des pressions – des préfets, et pas uniquement d'eux… Je vous avais déjà alerté en séance, nous sommes en train de basculer dans un livre de George Orwell – et ce n'est pas un monde merveilleux. Nous devrions regarder tous ensemble des épisodes de Black Mirror pour éviter cela !
La Commission rejette ces amendements.
Elle passe ensuite à l'amendement CL463 du rapporteur.
Cet amendement vise à compléter l'article préliminaire du code de procédure pénale afin que le respect des principes constitutionnels et conventionnels fixés à l'égard des mesures de contrainte – garde à vue, détention provisoire – soit étendu aux mesures dont nous venons de parler. Ainsi, toute mesure portant atteinte à la vie privée d'une personne ne pourra être prise, sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire, que si elle est nécessaire à la manifestation de la vérité et proportionnée à la gravité de l'infraction au regard des circonstances de l'espèce.
C'est le minimum syndical ! J'ose imaginer que le procureur de la République ne se fait pas plaisir en utilisant des techniques spéciales d'enquête à tout va. C'est d'ailleurs au juge des libertés et de la détention d'opérer ce contrôle.
J'en reviens à la fameuse perquisition. En théorie, lorsque le procureur de la République demande à faire une perquisition, les policiers vont sur place et, si l'intéressé n'est pas consentant, on demande alors au juge des libertés et de la détention l'autorisation de passer outre. Étant donné qu'il n'y a pas suffisamment de juge des libertés et de la détention, qu'ils ne sont pas présents lors de ces perquisitions, ni toujours rapidement joignables, on leur demande en amont de la perquisition de pouvoir se passer de l'accord de la personne perquisitionnée ! Nous basculons dans un monde de plus en plus intrusif où la violence de l'État devient légitime !
Vous vous faites plaisir avec cet amendement…
Monsieur Bernalicis, c'est tout de même vous qui, lors des débats en première lecture en commission des Lois puis dans l'hémicycle, nous avez expliqué qu'on allait utiliser ces techniques spéciales d'enquête pour des vols. Le présent amendement vise donc à vous rassurer, en insérant ces mentions dans le code de procédure pénale.
La Commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL162 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement, rédigé par M. Ciotti, revient sur une disposition de l'article 27 qui exige une décision motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant les opérations d'investigation technique. Cette exigence apparaît excessive au regard des enjeux en cause, d'autant que les opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Le présent amendement propose de supprimer cette exigence, comme le prévoyait le projet de loi initial.
Cette évolution positive émanait de la majorité du Sénat. Nous souhaitons la conserver. Mon avis sera donc défavorable.
Nous sommes au coeur du débat : vous élargissez le spectre des peines concernées, tout en indiquant que le juge des libertés et de la détention analysera la proportionnalité. Quelle hypocrisie ! Certes, la logique de cet amendement est à l'opposé du précédent, mais la logique globale est identique… Quelle était la motivation de la perquisition concomitante du siège de La France insoumise et de dix-sept autres lieux ? Après avoir subi une perquisition, vous pouvez la faire annuler dans le cadre de la procédure, mais plus tard ! En attendant, vous êtes perquisitionnés, avec la violence que cela représente.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite successivement l'amendement de coordination CL464 puis l'amendement de coordination rédactionnelle CL465 du rapporteur.
Elle examine l'amendement CL466 du rapporteur.
Cet amendement vise à renforcer les garanties applicables à la procédure d'autorisation en urgence par le procureur de la République d'une interception téléphonique, en prévoyant qu'elle ne sera possible qu'en cas de risque « imminent » d'atteinte grave aux personnes ou aux biens. Cette disposition ne figurait ni dans le texte initial, ni dans nos divers échanges. En outre, cette procédure ne sera pas utilisable si la personne est protégée en raison de sa profession ou de son mandat.
L'autorisation donnée par le procureur devra être confirmée par le juge des libertés et de la détention dans les meilleurs délais, et au plus tard dans un délai maximal de vingt-quatre heures, y compris si l'opération a cessé. À défaut de confirmation, il devra être immédiatement mis fin à l'opération.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de coordination CL467 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement CL84 de Mme Cécile Untermaier.
Je défends les différents amendements qui suivent. Le seuil retenu, de trois ans, élargit considérablement les possibilités d'utilisation de ces actes. S'agissant de la géolocalisation et des techniques spéciales d'enquête, les garanties que vous apportez traduisent bien cette inquiétude et ce malaise.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme et les associations représentatives des avocats s'opposent à cette mesure. Il ne s'agit pas d'une démarche corporatiste, mais de la dénonciation d'actes très intrusifs et non proportionnés aux infractions concernées.
MM. Beaume et Natali, qui ont rendu un rapport dans le cadre des Chantiers de la justice, proposaient d'ailleurs de retenir le seuil de cinq ans, ce qui assurait une meilleure proportionnalité. Il s'agit de la recommandation d'un procureur général réputé qui considérait que le seuil des trois ans était trop bas, les garanties contradictoires des droits de la défense n'étant pas suffisantes au regard de dispositifs particulièrement intrusifs.
Je suis surpris d'entendre notre excellente collègue Cécile Untermaier parler de malaise. En l'occurrence, ces dispositions sont extrêmement claires. Elles sont assumées et ont largement été débattues. À la suite de nos débats, nous souhaitons accorder des garanties complémentaires pour les sécuriser. C'est tout sauf un malaise ! Il s'agit d'une évolution positive de notre droit et des libertés individuelles. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 27 modifié.
Article 28 (art. 230-46 [nouveau] du code de procédure pénale, 706-2-2, 706-2-3, 706-35-1, 706-47-3, 706-72 et 706-87-1 du code de procédure pénale) : Harmonisation du cadre applicable à l'enquête sous pseudonyme
La Commission examine les amendements identiques CL266 de Mme Danièle Obono et CL398 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Nous sommes toujours dans la même logique d'extension des pouvoirs du procureur de la République. Je ne sais plus ni comment ni dans quelle langue vous le dire… Mme Untermaier a raison, vos amendements traduisent une forme de malaise. Vous sentez et savez bien qu'il s'agit de mesures exorbitantes, les garanties procédurales accordées étant bien faibles : une fois que vous avez porté atteinte à la vie privée ou aux libertés individuelles, il est trop tard !
En outre, vous prenez le risque que des gens innocents contre lesquels vous utilisez ces mesures en viennent à ne plus avoir confiance dans la République. C'est dramatique ! Nous sommes à des années-lumière des principes de présomption d'innocence, de proportionnalité, de séparation des pouvoirs ; je le déplore. En conséquence, l'amendement CL266 vise à supprimer l'article 28.
L'article 28 étend le recours à l'enquête sous pseudonyme aux enquêtes sur tous les crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement. Une fois de plus, vous généralisez des mesures d'exception, réservées jusqu'à présent à des crimes et délits graves. Au regard de l'expérience peu concluante de l'application en France du statut de repenti, on peut d'ailleurs s'interroger sur l'utilité et l'efficacité de ce type de dispositif…
L'extension prévue n'apparaît pas souhaitable au nom du respect des libertés individuelles. En effet, le droit actuel – qui réserve l'enquête sous pseudonyme aux seules infractions les plus graves commises en bande organisée – apparaît largement suffisant.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle rejette successivement les amendements CL85 et CL86 de Mme Cécile Untermaier.
Elle en vient ensuite à l'amendement CL267 de M. Ugo Bernalicis.
Je reviens sur l'amendement de ma collègue Untermaier, qui prévoyait de soumettre le recours à l'enquête sous pseudonyme à l'autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Vous ne le jugez ni utile ni nécessaire. Cela nous pose un problème. C'est pourquoi cet amendement de repli propose l'établissement d'une véritable « doctrine d'emploi » pour le recours à l'enquête sous pseudonyme. Sur la base de cet article, souhaitez-vous que les policiers puissent infiltrer des milieux militants et associatifs – comme l'Action non violente (ANV)-Cop21 qui fait un excellent travail – ou des lanceurs d'alerte ? Est-ce là votre ambition ? Si ce n'est pas le cas, acceptez la mise en oeuvre d'une doctrine ou un encadrement !
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de coordination CL468 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 28 modifié.
Article 29 (art. 230-45, 706-2-2, 706-95-1, 706-95-2, 706-95-4, 706-95-11 à 706-95-20 [nouveaux] et 706-96 à 706-102-9 du code de procédure pénale et 226-3 du code pénal) : Uniformisation du régime applicable à certaines techniques spéciales d'enquête
La Commission examine les amendements identiques CL268 de M. Ugo Bernalicis et CL399 de M. Paul Molac.
Vous êtes toujours dans la même logique d'extension des pouvoirs d'enquête. J'espère que, grâce aux bonnes résolutions de la nouvelle année, nous pourrons vous faire entendre raison pendant la séance publique !
Je suis d'accord avec M. Bernalicis. Beaucoup de nos amendements, notamment l'amendement CL399, visent à éviter le recours aux techniques spéciales d'enquête. Ces techniques étaient initialement utilisées dans le cadre de l'état d'urgence, puis elles ont été transcrites dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. On les retrouve désormais dans le droit commun ! Ce n'est pas une bonne méthode. En outre, cela n'évite pas les attentats. C'est à autre chose qu'il faut s'attaquer ! Ces régressions fragilisent la démocratie.
La Commission rejette ces amendements.
Elle passe à l'amendement CL163 de M. Éric Ciotti.
L'article 29 prévoit le recours à quatre techniques spéciales d'enquête pour l'ensemble des crimes. Cette mesure est pertinente, mais il convient d'aller plus loin en prévoyant de pouvoir y recourir pour les délits passibles d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL400 de M. Paul Molac.
Cet amendement de repli vise à préciser que les autorisations de techniques spéciales d'enquête prévues par le présent article – sonorisation, captation d'images, recueil de données techniques de connexion, autorisant toutes les dérives dans le futur… – doivent pouvoir faire l'objet de recours devant la chambre de l'instruction, dans les conditions prévues par l'article 186 du code de procédure pénale.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite successivement l'amendement rédactionnel CL469 et l'amendement de coordination CL470 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement CL401 de M. Paul Molac.
Cet article a pour objet d'unifier le régime juridique applicable aux techniques spéciales d'enquête – sonorisation, captation d'images, recueil des données techniques de connexion et captation de données informatiques – malgré leur caractère attentatoire aux libertés fondamentales.
Il prévoit qu'en cas « d'urgence » – la notion est juridiquement floue –, les techniques spéciales d'enquête peuvent être autorisées par le procureur de la République, sans autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Cette mesure est disproportionnée : le juge des libertés et de la détention doit pouvoir intervenir au cours de l'enquête, en amont de l'autorisation. Notre amendement de repli propose donc de supprimer cette mesure.
Mon avis sera défavorable. J'ai déposé plusieurs amendements pour mieux encadrer la procédure d'autorisation en urgence. Il ne s'agit pas, madame Untermaier, de répondre à un malaise, bien au contraire.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL471 du rapporteur.
Le présent amendement vise à prévoir que l'autorisation en urgence du procureur de la République afin de mettre en oeuvre une technique spéciale d'enquête devra être confirmée par le juge des libertés et de la détention, dans un délai maximal de vingt-quatre heures, y compris si l'opération a cessé. La même modification a été opérée à l'article 27 s'agissant des interceptions téléphoniques.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements CL472 et CL473 du rapporteur.
La Commission adopte l'article 29 modifié.
Sous-section 2 Dispositions relatives au statut et aux compétences des officiers, fonctionnaires et agents exerçant des missions de police judiciaire
Article 30 (art. 16, 18, 21, 28, 60, 60-1, 60-2, 60-3, 76-2, 77-1, 77-1-1 à 77-1-3 et 390-1 du code de procédure pénale ; art. 365-1 du code des douanes ; art. L. 130-7 du code de la route) : Statut et compétence de la police judiciaire
La Commission examine l'amendement CL269 de Mme Danièle Obono.
Nous souhaitons dénoncer le transfert de compétences des officiers de police judiciaire (OPJ) vers les agents de police judiciaire (APJ) « sous le contrôle de l'officier de police judiciaire ». Dans la réalité, on sait ce que veut dire ce terme de contrôle…
Cette évolution est inquiétante : les pouvoirs du juge d'instruction basculent vers le procureur de la République, ceux du procureur de la République vers l'OPJ et ceux de l'OPJ vers l'APJ. À quoi servent encore les juges d'instruction ? Autant tous les remplacer par des juges des libertés et de la détention (JLD) et donner tout pouvoir au procureur !
Notre collègue Bernalicis semble considérer que le bon sens n'a pas sa place dans le code de procédure pénale… Comment contester qu'un agent de police judiciaire (APJ) puisse effectuer une demande d'expertise technique ou de communication sous le contrôle de l'OPJ ? Notre société réclame moins de rigidité ! Nous le traduisons dans la procédure pénale.
Afin de garantir le bon déroulement de la procédure pénale, 100 % des policiers devraient être officiers de police judiciaire ! Il faudrait que tous les policiers bénéficient de deux ans – voire trois ans dans certains secteurs – de formation initiale, comme c'est le cas au Canada, en Allemagne ou dans beaucoup de pays européens. Lorsque la formation est passée à un an, nous étions à la pointe ; nous sommes désormais à la traîne ! On donne de tels pouvoirs aux APJ en l'absence d'un nombre suffisant d'OPJ. Ce n'est pas la même chose…
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL494 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 30 sans modification.
Sous-section 3 Dispositions relatives à la garde à vue
Article 31 (art. 63, 63-4-3-1, 706-112-1 [nouveau] et 706-113 du code de procédure pénale) : Simplification du régime de la garde à vue
La Commission examine l'amendement CL402 de M. Paul Molac.
Nous souhaitons supprimer cet article car il prévoit trois dispositions attentatoires aux libertés : l'autorisation de la prolongation de la garde à vue aux seules fins de permettre un déferrement pendant les heures ouvrables ; le caractère facultatif de la présentation de la personne devant le procureur de la République ou le juge d'instruction pour la première prolongation de vingt-quatre heures de la garde à vue ; la notification du transport par les enquêteurs à l'avocat de la personne gardée à vue uniquement dans certains cas de transport – lorsque le client doit être entendu, participer à un tapissage ou à une reconstitution.
Une présentation facultative du gardé à vue devant un magistrat du parquet en vue de la prolongation de sa garde à vue prolongerait de facto celle-ci, sans aucune des garanties auxquelles a droit la personne gardée à vue. L'avocat assiste son client à tout moment : il doit donc être avisé par les enquêteurs de tout transport de son client.
Nous avons déjà très largement abordé ce sujet en première lecture. L'Assemblée nationale a voté l'article 31 dans une rédaction parfaitement satisfaisante. J'invite la Commission à le conserver en l'état et à rejeter cet amendement.
Nous savons tous qu'il y a eu des gardes à vue préventives, même si la Garde des sceaux a déclaré dans la presse que, dans le code de procédure pénale, cette notion n'existait pas. C'est bien le problème : cela n'existe pas mais cela se pratique ! On nous rétorque qu'elles faisaient suite à des faits caractérisés : cela se défend si, lorsqu'on se promène avec du sérum physiologique dans son sac, c'est pour le jeter sur les policiers… Sans être expert en la matière, il me semble que c'est plutôt pour s'en mettre dans les yeux ; c'est un porteur de lentilles de contact qui vous parle. Cela montre qu'en période de crise, les interprétations du code de procédure pénale s'élargissent considérablement et que les dispositions adoptées entraînent des pratiques qui ne sont ni nécessaires ni proportionnées.
En l'espèce, le nombre de libérations après la garde à vue lors des événements récents montre à quel point elles étaient ciblées… Admettons plutôt qu'elles ont servi à écarter certains manifestants pour dissuader les gens de se déplacer. Voilà comment vit la France de 2018 !
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de coordination CL520 du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL88 de Mme Cécile Untermaier.
Il s'agit de dispositions notifiées par une circulaire de la Garde des sceaux. Je retire l'amendement.
L'amendement CL88 est retiré.
La Commission examine l'amendement CL131 de M. Guy Bricout.
Il est choquant que, selon le code de procédure pénale, les personnes soupçonnées de commerce de stupéfiants ou de délinquance organisée puissent être placées en garde à vue pendant quatre-vingt-seize heures alors que la garde à vue pour enlèvement de mineur avec séquestration n'est que de quarante-huit heures. Ceci me paraît très insuffisant pour faire avouer l'auteur suspecté d'un tel fait. Cet amendement vise donc à permettre la mise en place d'une garde à vue de quatre-vingt-seize heures dans le cas d'enlèvement de mineur avec séquestration.
En ce qui concerne les enlèvements de mineurs, soit nous sommes dans le cas d'un forfait commis en bande organisée auquel cas la garde à vue est de quatre-vingt-seize heures ainsi que le mentionne l'article 706-73 du code de procédure pénale, soit l'auteur a agi seul – comme c'est le cas le plus fréquent – auquel cas la garde à vue a une durée de quarante-huit heures. Avis défavorable.
Je souscris à votre analyse, monsieur le rapporteur. Cela étant, la durée des gardes à vue est une vraie question. Beaucoup de policiers la considèrent trop courte, qu'elle soit de quarante-huit ou de vingt-quatre heures, dans la mesure où, en fin d'après-midi, un suspect placé en garde à vue dormira en cellule et ne sera présenté au procureur de la République que le lendemain : on n'appelle pas le procureur de permanence pour savoir s'il faut ou non prolonger la mesure.
En tout cas, dans la pratique, on ne le fait pas. Ce n'est acceptable ni pour les gens qui passent la nuit en cellule, ni pour les policiers qui devront reprendre la procédure le lendemain. Ce pays manque cruellement de magistrats !
Monsieur Bernalicis, pourriez-vous éviter les digressions et vous en tenir aux amendements en discussion, s'il vous plaît ?
Je ne souscris pas au raisonnement du rapporteur : le fait que l'auteur de l'enlèvement ait agi seul n'enlève rien à la gravité de son acte, quand bien même le cas serait moins complexe à traiter.
Au-delà de la gravité des faits, la durée de la garde à vue est liée aux nécessités de l'enquête. Dans le cas d'un crime ou d'un délit perpétré en bande organisée, l'allongement de la garde à vue permet de pousser plus loin les investigations précisément pour interpeller les co-auteurs et les complices.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 31 modifié.
Article 31 bis (suppression maintenue) (art. 10-4, 15-3 et 61-2 du code de procédure pénale) : Assistance de la victime par un avocat dès le dépôt de plainte
La Commission est saisie de l'amendement de rétablissement CL340 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit, par parallélisme des formes, de permettre à une victime d'être assistée dès les premiers instants d'un avocat, comme l'est, depuis la réforme de 2008, l'auteur d'une infraction, dès les premières heures de sa garde à vue. Cela permettra notamment de la rassurer sur le bon déroulement de la procédure.
Nous avons déjà eu ce débat, et notre collègue Alexandra Louis nous a d'ailleurs fait part de son expérience en la matière.
Il me semble que les dispositions du code de procédure pénale satisfont déjà votre demande, notamment l'article 10-2, qui prévoit que la victime qui souhaite se constituer partie civile est assistée d'un avocat et qu'elle peut être accompagnée par la personne de son choix à toutes les étapes de la procédure ; ou encore l'article 63-4-5, qui dispose qu'un avocat assiste toutes les victimes confrontées à une personne placée en garde à vue. Avis défavorable.
Nous en rediscuterons en séance, l'idée étant d'élargir encore l'accès des victimes à la défense.
La Commission rejette l'amendement.
L'article 31 bis demeure supprimé.
Section 2 Dispositions propres à l'enquête
Sous-section 1 Dispositions étendant les pouvoirs des enquêteurs
Article 32 (art. 53, 56-1, 76, 78, 78-2-2 et 802-2 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 64 du code des douanes ; art. 41 du code des douanes de Mayotte ; art. L. 621-12 du code monétaire et financier ; art. L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales) : Extension des pouvoirs des enquêteurs
La Commission examine les amendements de suppression identiques CL 270 de M. Ugo Bernalicis et CL403 de M. Paul Molac.
Nous voulons empêcher la banalisation des mesures dérogatoires que prévoit cet article en étendant le champ et la durée des enquêtes de flagrance, de la perquisition sans assentiment et de la pénétration dans le domicile de jour. Cet article est une nouvelle illustration du transfert des pouvoirs du juge d'instruction au procureur de la République, des pouvoirs du procureur aux OPJ et des pouvoirs des OPJ aux APJ.
L'article 32 étend les pouvoirs des enquêteurs par l'intégration dans le droit commun de dispositifs relevant de l'état d'urgence et actuellement prévus pour la seule poursuite des infractions de terrorisme. Cet amendement de suppression manifeste notre opposition à ce mouvement et à des dispositions qui, comme celles des articles 28 et 29 du projet de loi, sont particulièrement attentatoires aux libertés fondamentales.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ces amendements.
Elle rejette ensuite, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement CL89.
Puis elle en vient à l'amendement CL271 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit de prévoir la présence d'un avocat durant la perquisition. Cet avocat sera commis d'office de manière à éviter toute fuite d'information. Il aura pour mission de vérifier le bon déroulement de la procédure.
Après les réticences originelles suscitées par la présence de l'avocat en garde à vue, tout le monde s'accorde aujourd'hui pour admettre que c'est un facilitateur. Il est donc temps de franchir une nouvelle étape.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
L'amendement CL90 de Mme Cécile Untermaier est retiré.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement CL91 de Mme Cécile Untermaier.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à celui qu'a défendu notre collègue Bernalicis.
Nous souhaiterions que la personne visée par une perquisition soit informée de son droit de prévenir sans délai son avocat. On peut considérer cette perquisition déstabilisante et il nous semble de bonne justice que le justiciable soit avisé de la possibilité de prévenir son avocat.
De deux choses l'une : soit la personne chez qui la perquisition a lieu est placée en garde à vue, auquel cas elle bénéficie des droits qui lui ont été notifiés dont l'assistance d'un avocat ; soit elle n'est pas en garde à vue auquel cas elle jouit de l'entière liberté de ses droits dont l'appel à son avocat, qui peut parfaitement être présent – il n'y a aucune restriction sur ce point dans le code de procédure pénale. Faire de cette possibilité une notification obligatoire me paraît tout à fait excessif. Cela ne ferait qu'alourdir la procédure alors que l'objet de ce projet de loi est précisément de la simplifier.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL164 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise justement à alléger les procédures. Monsieur le rapporteur, en introduisant la possibilité de recours à l'encontre des perquisitions et visites, vous les alourdissez considérablement. Il existe déjà des possibilités de recours contre les enquêtes, mais y ajouter la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention me paraît une erreur.
J'irais volontiers dans votre sens, mais vous savez fort bien qu'il nous est difficile d'aller contre les décisions du Conseil d'État, de la Cour européenne des droits de l'homme ou du Conseil constitutionnel, qui exigent des garanties juridictionnelles effectives. Il s'agit d'une contrainte juridique plutôt incontournable.
Il faudra un jour que le législateur retrouve ses prérogatives pleines et entières. Nous sommes ici sur un point de confrontation entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif, lequel dépend de notre capacité à défendre l'ordre et la loi. Certes, les libertés individuelles doivent être protégées, mais lorsqu'on ne pense plus qu'à protéger la liberté individuelle, on aboutit à un système pervers qui détruit la liberté collective. Le législateur doit faire en sorte que nous retrouvions notre souveraineté juridique ; c'est un enjeu essentiel. Le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, dit « pacte de Marrakech », en offre une illustration essentielle, mais cela nous éloigne de notre sujet…
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de coordination CL519 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 32 modifié.
Article 32 bis (art. 66, 155 [abrogé], 230-45, 495-2, 530-6,706-57 et 801-1 du code de procédure pénale) : Procédure orale pour la répression de certaines infractions prévues par le code de la route
La Commission adopte l'amendement de précision CL495 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 32 bis modifié.
Sous-section 2 Dispositions diverses de simplification
Article 33 (art. 43 et 60 du code de procédure pénale ; art. L. 234-4, L. 234-5, L. 234-9 et L. 235-2 du code de la route) : Dispositions diverses de simplification
La Commission est saisie de l'amendement CL275 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement a pour but de préserver la qualité des missions assurées actuellement directement par des officiers de police judiciaire.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 33 sans modification.
Article 33 bis (art. 706-150, 706-153 et 706-158 du code de procédure pénale) : Régime des saisies spéciales
La Commission adopte l'article 33 bis sans modification.
Section 3 Dispositions propres à l'instruction
Sous-section 1 Dispositions relatives à l'ouverture de l'information
Article 34 (art. 80-5 [nouveau], 85, 86, 173, 392-1 et 706-24-2 [abrogé] du code de procédure pénale) : Continuité des actes d'enquête lors de la saisine du juge d'instruction et recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile
La Commission en vient à l'amendement de suppression CL276 de Mme Danièle Obono.
Il s'agit toujours d'éviter la banalisation des mesures dérogatoires. Vous prévoyez par cet article l'extension de la procédure de « sas » pour les interceptions, la géolocalisation et les autres techniques spéciales d'enquête. Même si cela est censé répondre notamment à la volonté d'éviter des ruptures entre l'enquête et l'information judiciaire, cette procédure est actuellement réservée à la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées. Son extension n'est pas réellement justifiée. Nous ne souhaitons pas que ce qui était l'exception devienne la norme.
Les dispositions de l'article 34 sont des dispositions de bon sens, auquel j'ai toujours espoir que M. Bernalicis veuille bien un jour se rallier. Le projet de loi décale l'extinction des mesures de quarante-huit heures pour éviter les ruptures dans les investigations. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
L'amendement CL92 de Mme Cécile Untermaier est retiré.
La Commission en vient aux amendements identiques CL13 de M. Jean-Louis Masson et CL93 de Mme Cécile Untermaier.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 7 de l'article : il nous paraît contraire aux intérêts des justiciables d'allonger légalement les délais de réponse accordé aux magistrats.
Nous souhaitons la suppression de l'alinéa 7 qui oppose à la personne qui a déposé plainte un délai, à notre sens exorbitant, de six mois avant de pouvoir se constituer partie civile.
Il est souvent nécessaire que le parquet dispose d'une durée suffisante pour mener une enquête avant la saisine du juge d'instruction, afin de disposer de plus de facilités pour juger de la valeur de la plainte. Nous avions jusqu'à maintenant laissé les choses en l'état initial du projet de loi. J'entends parfaitement les difficultés que soulèvent les modifications apportées. Je vous propose volontiers que nous réfléchissions de nouveau, en prévision de la séance publique, à cette disposition et aux conditions dans lesquelles elle pourrait évoluer.
Le rapporteur me surprend agréablement en faisant cette ouverture. Néanmoins, ce n'est pas la première fois qu'il la fait et, si nous devons modifier cette disposition, pourquoi ne pas le faire maintenant grâce à un sous-amendement ?
Je n'ai pas parlé de rédaction mais de réflexion. Nous devons réfléchir à la rédaction adéquate. Par ailleurs, c'est la première fois que j'entrouvre cette porte.
Je me souviens que c'est effectivement la Garde des sceaux, et non le rapporteur, qui avait évoqué une évolution en première lecture. Cependant, il ne s'est rien passé en séance publique et nous voici en train de reprendre la discussion au point où nous l'avions laissée. Un sous-amendement permettrait de régler la question en proposant par exemple la possibilité d'une extension motivée du délai de trois mois. Car nous l'avons déjà dit : six mois, c'est trop long !
Le débat est posé. Nous devons réfléchir à la meilleure option, qui peut d'ailleurs être une solution intermédiaire. Quoi qu'il en soit, je m'engage à ce qu'un amendement soit déposé en séance.
La Commission rejette ces amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL521 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL94 de Mme Cécile Untermaier.
Lorsqu'une ordonnance de non-lieu est requise par le procureur de la République, nous considérons que le juge d'instruction pourrait recueillir l'avis de la victime avant de prendre sa décision.
La victime a déjà pu exprimer sa position à plusieurs reprises, que ce soit au moment de la plainte ou lorsqu'elle se constitue partie civile. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 34 modifié.
Sous-section 2 Dispositions relatives au déroulement de l'instruction
Article 35 (art. 81, 97, 142-5, 142-6, 142-7, 157-2 [nouveau], 706-71 et 884 du code de procédure pénale ; art. 51-1 [nouveau] de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse) : Mesures diverses de simplification du déroulement de l'instruction
La Commission est saisie de l'amendement CL278 de M. Ugo Bernalicis.
Compte tenu de l'important contentieux sur la régularité des scellés, nous proposons que l'ouverture des scellés se fasse en présence du mis en examen et de l'avocat.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL277 de M. Ugo Bernalicis.
Vous proposez une extension du champ d'application de l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) à nos yeux exorbitante, notamment parce que vous rendez facultatif le débat contradictoire devant le juge et que vous portez de six mois à deux ans sa durée maximale, sans parler du fait que le consentement de l'individu concerné n'est pas requis. Si le bracelet électronique est préférable à l'incarcération, ce n'est pas non plus une panacée. Il serait bon que nous ayons recours aux autres outils à notre disposition comme le contrôle judiciaire.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite successivement les amendements de coordination CL523 et CL525, ainsi que l'amendement rédactionnel CL496 du rapporteur.
Puis elle en vient à l'amendement CL526 du rapporteur.
Cet amendement de coordination renforce les droits des parties lorsqu'elles n'ont pas d'avocat en leur accordant un droit de consultation des expertises. Aujourd'hui, c'est à l'avocat et sur sa demande que sont communiquées les conclusions ou l'intégralité de l'expertise ; il est indispensable que les parties qui n'ont pas de conseil puissent bénéficier du même droit.
La Commission adopte l'amendement.
La Commission examine les amendements identiques CL95 de Mme Cécile Untermaier et CL287 de Mme Laurence Vichnievsky.
Nous touchons ici à l'un des points durs du texte, sur lequel nous n'avons absolument pas progressé. Nous considérons que, pour une prolongation de détention provisoire, la visioconférence ne saurait être obligatoire : elle peut avoir lieu si la personne y consent, mais pas être imposée.
En effet, cela fait partie des trois sujets importants sur lesquels nous sommes en désaccord avec le groupe majoritaire sur ce texte. Nous pensons que, pour une décision aussi importante que la privation de liberté, même s'il ne s'agit que d'une prolongation, il est légitime que la personne mise en examen conserve le droit de rencontrer son juge. Si cette personne veut voir un magistrat, il faut qu'elle le puisse.
Il s'agit effectivement d'un point important. Il est logique que nous n'ayons pas avancé puisque nous examinons le texte adopté en première lecture. Nous nous trouvons argument contre argument. Acceptez donc la même position négative de votre rapporteur !
Dans le débat contradictoire sur l'éventuel renouvellement d'un mandat de dépôt, nous proposons en effet une comparution par visioconférence de la personne détenue, mais aussi une appréciation impliquant, dans 90 % des cas, un mémoire rédigé par un avocat avec des pièces justificatives, notamment sur les garanties de représentation. Or, souvent, le débat tourne autour de la capacité d'une personne à être remise en liberté sous contrôle judiciaire et à justifier de ces garanties de représentation. C'est donc essentiellement un débat technique sur pièces.
La Commission rejette les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL165 de M. Éric Ciotti.
Elle examine ensuite l'amendement CL166 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à supprimer l'interdiction de l'usage de la visioconférence pour les mineurs.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL96 de Mme Cécile Untermaier.
Elle adopte ensuite l'article 35 modifié.
Article 35 bis (art. 145-4-2 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire) : Droit de correspondance des personnes placées en détention provisoire
La Commission examine l'amendement CL527 du rapporteur.
L'article 35 bis a été introduit dans le texte par la commission des Lois en première lecture. Il ouvre aux personnes en détention provisoire une voie de recours devant le juge, en l'occurrence le président de la chambre de l'instruction, contre les décisions d'interdiction de correspondance. Il nous est apparu que l'ensemble des décisions qui pouvaient faire grief à la personne en détention provisoire devaient suivre la même procédure.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 35 bis modifié.
Sous-section 3 Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l'instruction
Article 36 (art. 41-4, 41-6, 84-1, 89-1, 116, 170-1 [nouveau], 173, 175, 175-1, 179-2, 180-1, 185, 186-3, 706-119, 706-153 et 778 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives à la clôture et au contrôle de l'instruction
La Commission examine l'amendement CL279 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement tendant à supprimer l'article 36 tire les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, en 2006. Il s'agit d'éviter non seulement que l'on restreigne la durée et le caractère contradictoire de l'instruction, ainsi que son bon contrôle par la chambre de l'instruction, mais aussi que se développe le mécanisme, pour nous problématique, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL98 de Mme Cécile Untermaier.
Voici un amendement qui pourrait faire l'objet d'une certaine souplesse de la part de la majorité puisqu'il s'agit simplement d'allonger un peu – de cinq jours – le délai d'application du mécanisme de règlement contradictoire de l'information. Les professionnels nous ont dit que les 15 jours prévus étaient excessivement courts. Il me semble que nous pouvons porter ce délai à 20 jours, voire à 18 jours seulement, comme je le proposerai par l'amendement de repli qui vient ensuite.
Le texte initial prévoyait 10 jours, délai porté par le Sénat à 15 jours. J'estime que cela suffit à garantir correctement les droits de la défense, sans pour autant allonger inutilement les délais de procédure, puisque nous sommes potentiellement dans le cas d'une détention provisoire.
Cette discussion avait en effet déjà eu lieu en commission des Lois. Nous aurions souhaité que le délai soit un peu supérieur à 15 jours. J'appuie donc l'amendement de Mme Untermaier ainsi que le suivant.
Je trouve que, finalement, on ménage beaucoup le procureur de la République, à qui on accorde six mois au lieu de trois pour répondre à une plainte, alors que, s'agissant des professionnels de la justice que sont les avocats, il semble inconcevable de leur accorder ne serait-ce que cinq jours supplémentaires. Je finis par comprendre l'exaspération de certains face à ces positions ressenties comme de parti pris.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l'amendement CL97 de Mme Cécile Untermaier.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL497, CL530, CL528 et CL529 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 36 modifié.
Section 1 Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites et aux poursuites
Article 37 A (art. 559 du code de procédure pénale) : Citation à parquet
La Commission adopte l'article 37 A sans modification.
Sous-section 1 Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l'amende forfaitaire
Article 37 (art. L. 3352-5, L. 3353-3 et L. 3421-1 du code de la santé publique ; art. 446-1 du code pénal ; art. L. 3315-5 du code des transports ; art. 495-17, 495-19, 495-20, 495-21, 495-23 [abrogé], 530-7 [abrogé], 768, 768-1, 769, 775 et 777-3 du code de procédure pénale ; art. L. 121-5 et L. 325-1-2 du code de la route ; art. L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation ; art. L. 214‑3 du code rural et de la pêche maritime) : Extension du champ d'application de l'amende forfaitaire délictuelle
La Commission examine l'amendement CL167 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à augmenter le montant des amendes forfaitaires applicables en matière de trafic et d'usage illicite de stupéfiants.
Je soutiens cette disposition opportune, qui facilitera le combat contre la consommation de stupéfiants, véritable fléau qui nourrit aujourd'hui les réseaux de délinquance en suscitant une demande à laquelle répond une offre de plus en plus forte.
Si le principe retenu, à savoir la possibilité de prononcer une peine d'amende, est opportun, il est totalement neutralisé par le fait que l'amende est fixée, s'agissant de son montant minoré, au niveau dérisoire de 150 euros. Je propose donc, pour qu'elle soit réellement dissuasive, de la porter à 400 euros, avec un montant minoré de 350 euros et un montant majoré de 800 euros.
Je vous remercie d'avoir souligné que vous étiez favorable au principe de cette mesure. Quant au débat sur le niveau de l'amende, nous l'avons déjà eu. Notre position est tout simplement de fixer des montants à la fois dissuasifs et réalistes – ce que nous estimons être le cas pour l'échelle retenue. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL168 de M. Éric Ciotti.
Cet autre amendement est présenté dans le même esprit que le précédent, s'agissant cette fois de la répression de l'occupation abusive et illégale des espaces communs et des halls d'immeuble. Nous voulons renforcer le caractère dissuasif de l'amende en la portant de 200 à 400 euros.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL498 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL99 de Mme Cécile Untermaier.
Nous cosidérons aussi que cette amende forfaitaire est une disposition très opportune. Nous avions tenté de la faire adopter durant le précédent quinquennat, mais le contexte ne le permettait pas. Aussi nous félicitons-nous que soit saisie l'occasion que nous offre aujourd'hui sa meilleure acceptation par la société !
Reste le débat sur le montant. Contrairement à M. Ciotti, je considère que 200 euros ou 150 euros, c'est beaucoup, surtout dans certains quartiers concernés par le phénomène, d'où notre proposition de retenir un montant moindre et celle – qui fera l'objet de l'amendement suivant – de substituer à la peine d'amende un stage de sensibilisation.
Comme je le disais à l'instant, il s'agit de fixer des niveaux qui soient à la fois dissuasifs et réalistes. Il faut en outre conserver un certain écart avec le montant des amendes encourues pour de simples contraventions. Il me semble, dans ces conditions, que l'équilibre retenu par le texte est satisfaisant. Je sais cependant que la discussion pourrait être sans fin sur cette question…
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL100 de Mme Cécile Untermaier.
Ne pourrait-on imaginer qu'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants puisse être proposé, aux moins aux non-récidivistes, en lieu et place du paiement de l'amende forfaitaire ?
Permettez-moi une réponse extrêmement simple. Le procureur de la République dispose, dans le cadre des directives générales qui lui sont données par la Chancellerie, d'une certaine latitude dans la conduite de sa politique pénale. Il peut déjà choisir l'amende forfaitaire, le stage de sensibilisation, la composition pénale ou toute autre réponse pénale adaptée à la situation de l'auteur. La solution que vous proposez me semble donc déjà intégrée dans notre droit pénal.
Mais n'y aurait-il pas un intérêt à ce que la loi affiche cette double approche plutôt que de définir simplement une infraction assortie d'une amende ? Je crois qu'afficher notre soutien aux stages de sensibilisation serait tout à fait salutaire, sans qu'il soit besoin d'attendre les circulaires de la Garde des sceaux.
Je comprends votre préoccupation. Mais il faudrait afficher cette alternative pour toutes les autres modalités de réponse pénale, ce qui n'aurait guère de sens – et ferait au passage doubler la taille du code de procédure pénale. Il existe des dispositions claires, qui permettent déjà au parquet de choisir la réponse pénale adaptée, sans que nous ayons besoin de le rappeler expressément.
Je pense que cette question devrait du moins être réétudiée dans le cas de la justice des mineurs.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL14 de M. Jean-Louis Masson.
Étendre le principe de l'amende forfaitaire est une bonne idée, mais je trouve que son champ reste trop restreint. C'est pourquoi je propose, par cet amendement, d'étendre l'application de la procédure d'amende forfaitaire à tous les délits punis d'une peine d'amende, sauf disposition contraire. Le montant serait de 300 euros, de 250 euros en cas de paiement immédiat et de 600 euros en cas de majoration. Ce serait un vrai progrès.
Cette proposition se heurte à une difficulté pratique et concrète : le recours à l'amende forfaitaire est une technique mise à disposition des officiers de police judiciaire devant constater d'une manière simple, sans contestation, les infractions qui sont, pour l'essentiel, des infractions de voie publique. L'étendre à toutes les infractions possibles serait à la fois impraticable et contraire à la logique que nous défendons.
Je ne suis pas d'accord. Dans le cas des infractions routières, qui représentent des centaines de milliers de dossiers, une possibilité de recours existe toujours. On n'est pas obligé de payer l'amende forfaitaire : si l'on s'estime dans son bon droit, on intente un recours devant le juge. Il pourrait en être de même pour l'ensemble des délits passibles d'une peine d'amende.
A ceci près que l'exemple que vous avez choisi relève du domaine contraventionnel et qu'il n'y a pas d'autre victime des infractions routières que la société dans son ensemble ou, le cas échéant, le conducteur lui-même.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 37 modifié.
Sous-section 2 Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Article 38 (art. 41-1, 41-1-1 [abrogé], 41-2, 41-3-1 A [nouveau], 495-8, 495-10 et 495-11-1 [nouveau] du code de procédure pénale ; art. 64-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; art. 23-3 de l'ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna) : Dispositions relatives aux alternatives aux poursuites, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
La Commission examine l'amendement CL102 de Mme Cécile Untermaier.
Cet amendement a trait à la composition pénale, peine prononcée dans l'urgence, le plus souvent par un délégué du procureur, et non par un magistrat, généralement un ancien officier de police judiciaire sans fonction juridictionnelle ni spécialisation en matière de justice des enfants, et non par un magistrat. Cette peine, en outre, est inscrite au casier judiciaire.
Nous avons le souci de soustraire les mineurs à cette procédure qui n'a pas de valeur pédagogique. Entre les mains du parquet et de délégués non-magistrats, elle ne peut répondre à l'exigence d'une justice spécialisée aux visées éducatives et de réinsertion, conforme à nos principes de valeur constitutionnelle et conventionnelle.
Avis défavorable. A mes yeux, la composition pénale a, au contraire, une valeur pédagogique extrêmement forte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL280 de Mme Danièle Obono.
Par cet amendement, nous proposons de limiter le recours à la composition pénale. Le Gouvernement fait le choix de supprimer tout seuil pour le recours à cette procédure alternative aux poursuites, placée dans les mains du procureur et sous la seule homologation d'un juge du siège, dont on nous dit par ailleurs qu'il serait souhaitable de se passer… Piètre justice pénale que la généralisation d'une formule initialement destinée à s'appliquer aux dossiers les moins graves !
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CL101de Mme Cécile Untermaier et CL288 de Mme Laurence Vichnievsky.
Nous défendrons dans l'hémicycle cet amendement auquel nous tenons particulièrement. On ne peut pas laisser en l'état la disposition qui étend aux mineurs la possibilité de recourir à la composition pénale alors qu'elle écarte le juge des enfants.
Nous touchons ici au troisième point de blocage dans le texte que nous examinons : nous sommes totalement opposés à l'extension de la composition pénale pour des peines punies de dix ans d'emprisonnement. Nous souhaitons que l'on revienne sur cette disposition, qui nous semble aller au rebours de ce que nous avons essayé de nous mettre en place depuis dix-huit mois, notamment à travers le projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes.
On nous a souvent expliqué, dans cette enceinte, qu'il fallait que les victimes puissent bénéficier d'un procès et que la presse soit au courant des sanctions. Or, les victimes sont écartées de la procédure puisque l'audience correctionnelle disparaît – et avec elle la publicité du jugement. L'intervention du juge se trouve réduite à une simple validation.
Avec le principe de la visioconférence que j'évoquais tout à l'heure à propos de l'amendement CL287 et le nouveau rôle dévolu à la CAF par l'article 6, la composition pénale constitue la principale cause de l'abstention des membres de notre groupe sur le projet de loi dans son ensemble.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL531 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL342 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit d'un amendement de repli visant à supprimer les alinéas 13 à 15 afin que la composition pénale ne puisse être appliquée qu'aux personnes physiques et non aux personnes morales, qui, sinon, éviteraient à bon compte le passage en jugement et la publicité des débats. On voit bien, en effet, la pente que vous prenez : votre conception de la justice tend vers plus de rentabilité, y compris économique.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL343 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons de supprimer purement et simplement la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Un autre amendement tendra, plus loin, à supprimer également la comparution immédiate.
Je veux bien que l'on dise que la justice est longue, laborieuse, fastidieuse, et qu'il faut trouver des modes alternatifs plus efficaces et plus rapides, actionnés directement par le procureur. Mais nous sommes très attachés à faire vivre un certain nombre de principes, faute de quoi notre justice deviendrait complètement désarticulée et vide de sens.
Pour ma part, j'ai le sentiment que la CRPC, instituée, sauf erreur de ma part, à l'initiative de M. Dominique Perben, permet une réponse pénale adaptée, moderne, rapide, efficace, et bien acceptée par l'auteur de l'infraction.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL103 de Mme Cécile Untermaier.
Je vous offre, chers collègues, la possibilité de nous prouver enfin que le procureur de la République n'est pas le seul gagnant de ce texte. Nous proposons qu'il doive, avant de proposer une peine conformément aux dispositions du quatrième alinéa du présent article, informer par tout moyen la personne ou son avocat de ses intentions. Ce qui n'est que facultatif dans la rédaction actuelle deviendrait ainsi obligatoire.
Votre amendement est satisfait car il est déjà prévu que le procureur formule sa proposition ; je ne vois pas ce qu'une information préalable ajouterait au dispositif, qui me paraît équilibré. Je vous suggère de le retirer, à défaut de quoi j'émettrais un avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 38 modifié.
Section 2 Dispositions relatives au jugement
Sous-section 1 Dispositions relatives au jugement des délits
Article 39 (art. 80, 388-5, 393, 393-1, 394, 397-1-1 [nouveau], 397-2, 397-7 et 495-10 du code de procédure pénale) : Dispositions relatives au tribunal correctionnel
La Commission examine l'amendement CL404 de M. Paul Molac.
Cet amendement a pour objectif de lutter contre la surpopulation carcérale en invitant les magistrats à envisager des pistes d'accompagnement éducatif et de coercition en milieu ouvert, alternatives à la détention provisoire. Cela permettra de favoriser une alternative à cette détention provisoire.
Cet amendement est satisfait par l'article 137 du code de procédure pénale. J'émets donc un avis défavorable.
Cet amendement est intéressant en ce qu'il indique que « le placement en détention provisoire doit notamment être motivé et justifié au regard du défaut de garantie qu'apporterait un placement sous contrôle judiciaire assorti des obligations mentionnées aux 5° ou 6° de l'article 138 ». Cela permettrait d'éviter que l'assignation à résidence sous surveillance électronique soit utilisée comme une solution de facilité. Il faut établir une gradation entre les différentes mesures existantes : si le contrôle judiciaire n'est pas possible, prévoyons la possibilité d'une assignation à résidence sous surveillance électronique ; si le bracelet électronique lui-même n'est pas possible, envisageons la détention provisoire. Cela me semblerait adapté aux objectifs poursuivis.
Je remercie M. Bernalicis de nous avoir rappelé les dispositions de l'article 137 du code de procédure pénale….
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL405 de M. Paul Molac et CL227 de M. Antoine Savignat.
Elle examine ensuite l'amendement CL344 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de renforcer les droits de la défense et sa capacité à s'organiser, en portant de dix à trente jours le délai de convocation à l'audience.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de coordination CL532 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement CL50 de M. Philippe Gosselin.
Cet amendement vise à faire passer de trois à cinq jours la durée possible de la détention provisoire du prévenu déféré selon la procédure de comparution immédiate lorsque la réunion du tribunal est impossible le jour même.
Pour nous, toute disposition qui vise à limiter la détention provisoire est bienvenue. Ce n'est pas le cas de cet amendement. Je me demande même si, en portant la durée de la détention provisoire à cinq jours, on peut encore parler de comparution immédiate. Je pense donc qu'il faut en rester à trois jours au maximum.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL345 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement vise à supprimer la comparution immédiate, procédure qui envoie le plus de gens en détention, notamment pour des courtes peines. On peut évidemment dire que cela va plus vite pour l'auteur et pour les victimes, mais cela aboutit à un cercle vicieux de gens incarcérés qui finissent par constituer le noyau dur de la population carcérale sans que pour autant ce soit efficace en termes de récidive.
Loin de moi l'idée de qualifier votre amendement d'absurde. Il n'en fait pas moins l'objet d'un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL307 de M. Robin Reda.
Puis elle adopte l'article 39 modifié.
Article 40 (art. 398-1, 495, 495-1 et 495-3 du code de procédure pénale ; art. L. 163-3 du code monétaire et financier) : Extension du champ d'application de la procédure de jugement à juge unique et de l'ordonnance pénale
La Commission examine l'amendement CL346 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit de préserver les droits de la défense et la qualité des jugements qui doivent être, par principe, rendus en formation collégiale. Nous ne pouvons que nous opposer à l'extension du jugement à juge unique.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle rejette également, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement CL15 de M. Jean-Louis Masson.
Puis elle examine l'amendement CL533 du rapporteur.
Ce long amendement est essentiellement de nature légistique. Pour éviter des problèmes en cas de modification de la liste des infractions pouvant être jugées à juge unique, je propose d'utiliser des tirets plutôt que des lettres de l'alphabet.
Par ailleurs, il ajoute à cette liste un certain nombre d'infractions, comme les incendies par imprudence, et en retire d'autres, comme les discrédits sur les décisions judiciaires qui relèvent du droit de la presse. Il limite aussi la compétence du juge unique en matière de délit des risques causés à autrui aux hypothèses dans lesquelles l'infraction est commise par un conducteur.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine alors l'amendement CL104 de Mme Cécile Untermaier.
Avis défavorable. Je tiens à préciser que seules les violences conjugales légères sont susceptibles d'être jugées à juge unique. Dans l'état actuel du texte, on ne vise pas les violences qui dépassent ce stade.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL26 et CL27 de M. Jean-Louis Masson.
Elle adopte ensuite l'article 40 modifié.
Article 41 (art. 502, 509, 509-1 [nouveau], 510 et 512 du code de procédure pénale) : Effet dévolutif de l'appel en matière correctionnelle et formation à juge unique de la chambre des appels correctionnels
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL500 et CL501 du rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL169 de M. Éric Ciotti et CL105 de Mme Cécile Untermaier.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL502 du rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL106 de Mme Cécile Untermaier.
Elle adopte ensuite l'article 41 modifié.
Sous-section 2 Dispositions relatives au jugement des crimes
Article 42 (art. 281, 316-1 [nouveau], 331, 332, 365-1, 371-1 [nouveau], 380-2-1 A et 380-3-1 [nouveaux], 689-11 et 698-6 du code de procédure pénale) : Mesures de simplification du procès d'assises et expérimentation du tribunal criminel départemental
La Commission est saisie des amendements identiques CL129 de M. Raphaël Schellenberger et CL406 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Nous proposons de supprimer cet article, par lequel la justice criminelle s'oriente vers un système de cours spéciales dans lesquelles il n'y aurait plus de jurés. Nous souhaitons, pour notre part, conserver des jurys populaires.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CL347 de Mme Danièle Obono.
Il est proposé de garantir le principe de l'oralité des débats – un peu comme ici pour peu qu'on veuille débattre – selon lequel la cour d'assises ne peut se prononcer qu'en fonction des éléments évoqués à l'audience.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL535 du rapporteur.
Cet amendement vise à préciser les obligations de motivation de la peine prononcée par la cour d'assises.
La Commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement CL16 de M. Jean-Louis Masson.
Elle en vient à l'amendement CL537 du rapporteur.
Le présent amendement donne des précisions sur l'audience à juge unique sur les intérêts civils.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL170 de M. Éric Ciotti.
Le principe de cet amendement est d'allonger la durée de détention provisoire préalable au jugement par la juridiction de second degré, compte tenu du délai d'audiencement devant la cour d'assises d'appel. Il s'agit d'éviter de remettre en liberté des personnes qui auraient été condamnées en cours d'assises en première instance pour des faits extrêmement graves, et dont le délai de comparution en appel, pour des raisons qui échappent à l'intérêt général, serait beaucoup trop long pour permettre leur maintien en détention provisoire.
Si j'ai bien compris, cher collègue, vous souhaitez pour les crimes une détention provisoire qui pourrait aller jusqu'à trois ans, soit trois fois un an, pour la comparution en appel. C'est le délai que je vous proposerai de réserver aux crimes de terrorisme et aux crimes contre l'humanité.
Les délais pour les crimes non liés au terrorisme sont de deux ans. Cela me semble une solution mesurée, conforme à la réalité de nos juridictions comme à notre souhait de limiter la détention provisoire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL538 du rapporteur.
Je viens de parler de cet amendement par anticipation. Il prolonge la durée maximale de la détention provisoire en appel en cas de poursuites pour actes de terrorisme ou de crimes contre l'humanité. Ces crimes sont d'une particulière difficulté ce qui justifie cette prolongation. Je pense, cher collègue, que vous en serez d'accord ?
Le principe est le même que celui de l'amendement que je défendais de façon plus générale, mais je pensais notamment aux crimes pour actes de terrorisme. Il eût été élégant de sous-amender ma proposition… Mais votre orientation me convient.
La Commission adopte l'amendement.
La Commission examine l'amendement CL348 de M. Ugo Bernalicis.
Il s'agit de supprimer l'expérimentation des cours criminelles départementales. Sous prétexte de célérité, on s'apprête à supprimer les jurys, donc la présence de jurés lors des procès, en ne conservant l'actuel système des cours d'assises que pour un nombre limité de crimes. On voit bien que l'étape suivante sera de généraliser le nouveau système. Telle est votre intention réelle.
Nous ne pouvons pas accepter que cette justice, qui se rend au nom du peuple français et parfois avec le peuple français par le biais de ces jurys, soit mise de côté d'un revers de main, sous couvert de contraintes de célérité, de budget, etc. Si la justice n'est pas assez rapide, il suffit d'y mettre les moyens.
On ne peut absolument pas soutenir, comme vous l'indiquez, que cette expérimentation est la première étape d'une généralisation. Ce n'est qu'une expérimentation. La Chancellerie y associera notamment les professions du droit, comme la ministre s'y est engagée. Avis défavorable.
Je pense que les professions du droit vont vraiment s'associer à l'examen de ce texte par leur manifestation du 15 janvier prochain ! Elles ont bien la volonté de participer activement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision CL536 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL540 du rapporteur.
La loi devait être appliquée au 1er janvier 2019, mais elle ne sera pas promulguée à cette date. Je propose donc de faire glisser son entrée en vigueur en conséquence.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de correction CL503 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL539 du rapporteur.
Cet amendement apporte une correction importante dans la mesure où nous sommes en phase avec le texte élaboré par le Sénat. Il concerne des crimes commis à l'étranger et qui peuvent être poursuivis par les juridictions françaises, y compris lorsque des Français ne sont ni victimes ni auteurs.
L'amendement, tel qu'il avait été rédigé à la suite d'une erreur du Sénat, faisait que nous ne pouvions pas poursuivre dans l'hypothèse où un autre pays avait engagé des poursuites. Ce n'est manifestement pas satisfaisant dans la mesure où ceci verrouille la procédure sans garantir que l'action engagée à l'étranger aille à son terme.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 42 modifié.
Article 42 bis AA (art. L. 217-5 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, 706-16-1 et 706-16-2 [nouveaux] du code de procédure pénale, L. 422-1-1 [nouveau] et L. 422-2 du code des assurances, L. 169-4 et L. 169-10 du code de la sécurité sociale et 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) : Simplification et sécurisation du parcours procédural d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme
La Commission examine les amendements identiques CL171 de M. Éric Ciotti et CL407 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Vous avez souhaité modifier le parcours procédural d'indemnisation des victimes du terrorisme, en créant un juge unique de l'indemnisation des victimes des actes de terrorisme. Cette disposition, qui centralise tout à Paris, soulève un émoi important parmi les familles des victimes de terrorisme et notamment, hélas, parmi celles, très nombreuses, des attentats de Nice, dans ma ville.
Plusieurs associations se sont mobilisées contre cette disposition qui leur apparaît contraire à un principe de proximité, voire d'humanité. Centraliser les procédures, c'est éloigner les victimes de l'accès au droit, de l'accès à la justice, après le préjudice qu'elles ont subi et dont elles réclament légitimement réparation devant la justice civile.
Je propose donc de supprimer cet article pour revenir au dispositif actuel, qui me paraît préférable à la procédure centralisée que le Gouvernement a décidé de suivre.
Pour une fois, je suis d'accord avec M. Ciotti. Je ne vois pas pourquoi on centralise tout à Paris. Cela signifie, pour les gens qui veulent avoir gain de cause, devoir venir à Paris, prendre un avocat à Paris, etc. Franchement, ce ne sera pas pratique.
Je vous entends parfaitement, mes chers collègues, en particulier vous, monsieur Ciotti, en raison des dramatiques événements qui se sont produits à Nice.
Cela dit, je ne partage absolument pas votre analyse. Les raisons en ont déjà été largement développées, mais compte tenu de l'importance du sujet, je tiens à vous les rappeler.
Il existe déjà un point d'entrée unique pour l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme, au travers de la procédure amiable devant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, qui est installé à Vincennes et qui dispose d'une antenne à Marseille.
Ensuite, le tribunal compétent n'est pas forcément le tribunal le plus proche du lieu de résidence de la victime. À Nice, il n'y a pas eu que des victimes niçoises. Pour celles qui n'habitaient pas Nice, la signification d'une juridiction spécialisée, en l'occurrence à Nice, serait assez faible. Il n'est pas question de se lancer dans une comptabilité macabre, mais, clairement, certaines victimes n'ont pas d'intérêt particulier à rester à Nice, quand bien même elles ou leurs proches y ont été frappés.
J'ajoute que les poursuites, l'instruction et le jugement de ces affaires se tiennent d'ores et déjà à Paris. Nous sommes déjà, cher collègue Molac, dans une situation de centralisation en la matière, car elle répond à une logique de spécialisation, ainsi que de qualité dans la manière dont la justice est rendue.
Précisons qu'il s'agit d'une centralisation de deuxième niveau, puisqu'elle ne concernera que la contestation de certains actes ou décisions du Fonds de garantie. Ce n'est pas une centralisation absolue ni dans tous les domaines. La contestation est sans aucun doute importante, et nous avons d'ailleurs renforcé le droit des victimes en la matière. J'avais moi-même considéré que les capacités de réquisition du Fonds de garantie étaient sans doute trop larges et qu'elles devaient être encadrées, encastrées dans des dispositions plus protectrices du droit des victimes : par exemple, l'information préalable quand des réquisitions ont lieu, ou l'autorisation préalable lorsque ces réquisitions sont dressées à l'employeur de la victime – une disposition absolument centrale.
L'incompétence des juridictions pénales, puisque c'est l'un des aspects du texte qui porte création du juge de l'indemnisation des victimes d'attentats terroristes, ne retire pas aux victimes la capacité de se constituer partie civile devant le juge pénal. Elle permet même d'accélérer le processus. Il y aura parallèlement une procédure pénale qui peut parfois être très longue compte tenu de la complexité des données, et une indemnisation des victimes qui sera mise en oeuvre sans retard. Cette disposition leur est très nettement favorable. Autre élément favorable pour les victimes : elles bénéficieront de cette spécialisation et d'une bien meilleure expertise en la matière que si l'on avait éclaté les responsabilités.
Enfin, même si je sors un peu du texte, je voudrais insister sur la capacité absolue des juridictions, y compris celle-ci, de faire des audiences foraines, c'est-à-dire de se déplacer. Il serait absolument incohérent qu'une juridiction reste dans ses murs alors qu'il est nécessaire d'aller sur place.
Permettez-moi d'avoir été un peu long, mais le sujet était important.
Cela étant, je donne un avis défavorable à ces amendements, parce qu'il me semble que nous répondons pleinement à vos légitimes préoccupations.
C'est un sujet important et, surtout, sensible pour de nombreuses familles. Malheureusement, notre pays a été victime de plusieurs attentats qui se sont déroulés en province : avant Strasbourg, il y avait eu Trèbes, Saint-Étienne du Rouvray, Grenoble, Nice…
J'entends vos arguments sur la spécialisation, donc sur la supposée qualification supérieure qui y serait associée. Ce n'est pas certain, car il y a des magistrats extrêmement compétents dans tous nos tribunaux. Quoi qu'il en soit, je préfère la proximité. Tout à l'heure, M. Molac a rappelé les contraintes que représente pour des familles éprouvées le fait de devoir se déplacer, financer des trajets, et recourir à des avocats dont les tarifs sont souvent supérieurs à ceux d'un avocat de province lorsqu'elles veulent se constituer partie civile devant la juridiction pénale. Tout cela rajoute de la complexité à la douleur.
Je rappelle que l'aide juridictionnelle est de plein droit dans cette matière, et que les frais engagés par les victimes sont en fait inexistants. C'est à prendre en compte, même si cela ne suffit pas à calmer leur douleur.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'amendement de précision CL474 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement CL107 de Mme Cécile Untermaier.
Mon amendement rejoint la préoccupation qui a été exprimée de manière très sensible et complète par notre collègue Ciotti. C'est en effet un sujet très sensible.
Monsieur le rapporteur, j'ai entendu vos arguments. Comme vous l'avez précisé, c'est pour aller contester certaines décisions que les victimes devront rejoindre la capitale. En revanche, il me semble que nous devrions apporter un peu de souplesse et faire en sorte que le président de la juridiction compétente puisse décider, dans certaines situations, de délocaliser les juridictions, évitant ainsi aux victimes de se déplacer. Tel est l'objet de mon amendement.
Toutefois, il me semble avoir entendu en séance publique que ma demande avait déjà été satisfaite par un amendement de reprise. Si c'était le cas, j'en serais très heureuse.
Je l'ai dit préalablement, les audiences foraines sont toujours possibles. À l'issue de la discussion qui nous a occupés et à laquelle vous avez sans doute participé, nous avons voté l'article 53 bis B qui prévoit expressément la possibilité de déplacer des audiences sur le terrain en tant que de besoin. Et cela vaut pour ce cas de figure, comme vous le souhaitez.
Nous avons en effet débattu de cet article 53 bis B, sur lequel je m'étais moi-même permis de déposer un amendement.
On dit que c'est possible, et qu'on peut donc le faire. Mais on ne dit pas qu'on doit le faire. Si le justiciable était au centre des préoccupations, on n'aurait aucun état d'âme à préciser qu'on doit lui permettre d'aller devant le tribunal le plus proche de chez lui. On reprendra ce débat dans l'hémicycle, et je redéposerai un amendement en ce sens.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'amendement de coordination CL475 du rapporteur.
Elle adopte ensuite l'article 42 bis AA modifié.
Article 42 bis AB (art. L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure et L. 773-10 [nouveau] du code de justice administrative) : Contestation devant le juge administratif des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance
La Commission adopte l'article 42 bis AB sans modification.
Article 42 bis AC (art. L. 229-1, L. 229-4 et L. 229-5 du code de la sécurité intérieure) : Extension du régime procédural prévu pour la saisie administrative de données et supports informatiques aux documents saisis.
La Commission adopte l'article 42 bis AC sans modification.
Article 42 bis B (art. 706-75, 706-77, 706-80, 706-80-1 [nouveau] et 706-80-2 [nouveau] du code de procédure pénale et 67 bis, 67 bis-3 [nouveau] et 67 bis-4 [nouveau] du code des douanes) : Clarification du cadre procédural applicable aux opérations de surveillance en matière de criminalité et de délinquance organisées
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL408 de M. Paul Molac.
Puis elle adopte l'article 42 bis B sans modification.
Article 42 bis C (art. L. 122-3, L. 213-12 [nouveau], L. 217-1 à L. 217-4 et L. 217-5 [nouveau] du code de l'organisation judiciaire, 41, 396, 628 à 628-3, 628-10, 702, 706-17 à 706-17-2, 706-18, 706-19, 706-22-1, 706-25 et 706-168 à 706-170 du code de procédure pénale, L. 225-2, L. 225-3, L. 228-2 à L. 228-5 et L. 229-1 du code de la sécurité intérieure et L. 221-3 et L. 222-1 du code du patrimoine) : Organisation judiciaire en matière de lutte contre le terrorisme
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL409 de M. Jean-Félix Acquaviva.
Puis elle adopte l'article 42 bis C sans modification.
Chapitre V (supprimé) Dispositions relatives à la cassation
La Commission examine l'amendement CL546 du rapporteur.
Il s'agit de supprimer une subdivision dont l'Assemblée nationale a supprimé l'unique disposition en première lecture.
La Commission adopte l'amendement.
La division et l'intitulé sont ainsi supprimés.
Article 42 ter (art. 230-19, 694-31, 695-26, 696-9-1, 696-47-1 [nouveau] et 696-73 du code de procédure pénale, 227-4-2 du code pénal et 64 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique) : Dispositions relatives à l'entraide pénale internationale
La Commission adopte l'article 42 ter sans modification.
Titre V Renforcer l'efficacité et le sens de la peine
Chapitre Ier Dispositions relatives aux peines encourues et au prononcé de la peine
Article 43 (art. 131-3, 131-4-1, 131-5-1, 131-6 à 131-8, 131-9, 131-16, 131-22, 131-35-1, 131-35-2, 131-36, 221-8, 222-44, 222-45, 223-18, 224-9, 225-19, 225-20, 227-29, 227-32, 311-14, 312-13, 321-9, 322-15, 621-1 et 712-1 A [nouveau] du code pénal, L. 3421-1, L. 3421-5, L. 3421-7 et L. 3353-3 du code de la santé publique, 20-2-1 [nouveau], 20-4-1 et 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, 18 de la loi du 21 avril 1832, 24, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 3 de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public) : Renforcement de la cohérence et de l'efficacité des peines correctionnelles
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL17 de M. Jean-Louis Masson et CL349 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement CL17 a pour objet de supprimer la création, par le projet de loi, d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique en tant que peine autonome. La prison a une valeur exemplaire indispensable et la sanction précitée ne nous paraît pas à la hauteur d'une peine à part entière.
Notre amendement vise à refonder l'échelle des peines en mettant enfin en oeuvre le triptyque de la peine d'amende, de la peine de probation autonome et de la peine d'emprisonnement afin de pouvoir réviser l'intégralité du code pénal à l'aune de cette nouvelle échelle des peines, bien plus simple et plus claire.
Avis défavorable aux deux amendements. À l'inverse de votre perception, monsieur Masson, il nous semble que la peine de détention à domicile sous surveillance électronique est de nature à diminuer le prononcé des peines d'emprisonnement sans affaiblir la nature de la sanction et le suivi des personnes condamnées. Le fait de rendre la peine autonome renforce encore cette disposition.
La Commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques CL54 de M. Philippe Gosselin et CL173 de M. Éric Ciotti.
Elle étudie l'amendement CL350 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons de supprimer le changement profond, voulu par le Gouvernement, concernant la peine de stage, qui pourrait désormais s'ajouter à la peine d'emprisonnement, et s'effectuerait quasi automatiquement, de surcroît, aux frais du condamné, alors que les modalités de paiement du stage sont actuellement laissées à l'appréciation des magistrats, qui individualisent la peine en fonction de la situation de la personne.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements identiques CL52 de M. Philippe Gosselin et CL172 de M. Éric Ciotti.
Il s'agit de rétablir la disposition, adoptée par le Sénat, prévoyant que la peine de travail d'intérêt général puisse être prononcée non pas seulement à la place de l'emprisonnement, mais également en plus de l'emprisonnement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement CL352 de M. Ugo Bernalicis.
Par cet amendement de suppression ciblée, nous proposons de garantir que le travail d'intérêt général (TIG) ne puisse être effectué auprès de personnes morales de droit privé. Nous considérons que le Gouvernement, en élargissant le TIG aux entreprises privées, procède de fait à une privatisation du service public de la justice au détriment de l'intérêt général. Le Gouvernement, en effet, souhaite non seulement que la peine de travail d'intérêt général soit ouverte aux entreprises mais aussi que la durée de cette peine passe de 280 à 400 heures.
Je peux vous comprendre quand vous dites qu'il n'y a pas suffisamment de possibilités de prononcer des peines de TIG, qu'en ouvrant le TIG au secteur de l'économie sociale et solidaire on joint en quelque sorte « l'utile à l'agréable », que certaines entreprises sont capables de prendre ces travailleurs, que 400 heures permettent de confier des missions de long cours et qu'il devient ainsi rentable pour ces entreprises de financer un encadrant. Cependant, on dévoie ainsi le sens du travail dit d'intérêt général et on crée une peine de travail, ce qui n'est pas la même chose. Enfin, cela a pour effet qu'un travail normalement assuré par des salariés sous contrat de travail pourra demain être effectué par des personnes condamnées.
Nous n'avons pas exploré toutes les capacités des administrations publiques, des collectivités territoriales et des associations à but non lucratif susceptibles d'accueillir des postes de TIG. Je vais vous raconter une anecdote : j'ai mis en relation le centre régional d'oeuvres universitaires et scolaires de Lille et le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) du département du Nord, si bien que le CROUS de Lille va prendre des postes de TIG alors qu'il n'avait jamais eu l'idée de le faire. Si on créait des postes de prospection dans les SPIP, on pourrait offrir beaucoup plus de possibilités.
Je vous rejoins pour dire que nous n'avons sans doute pas suffisamment exploré les possibilités qu'offre le TIG actuel. Il n'en reste pas moins que nous devons mieux l'ancrer dans la société. Le travail est un élément d'insertion et de rédemption essentiel. C'est pourquoi il est prévu d'étendre le TIG, en lui conservant son caractère d'intérêt général. Vous parlez de rentabilité pour le secteur privé, mais il n'y a aucune intention de cette nature dans le texte. Pour avoir travaillé pendant plusieurs mois sur cette question, je peux vous dire que, pour une entreprise privée, le TIG représente une charge particulière car il suppose la présence de tuteurs formés et habilités. C'est plus une charge qu'une aide, et la difficulté est de faire en sorte que ce TIG, au travers de l'agence dont on a parlé ce matin, puisse être prolongé dans des structures adaptées pour le prendre en charge dès lors que les chefs d'entreprise veulent s'y engager, statutairement dans leurs entreprises. Avis défavorable, donc.
La Commission rejette l'amendement.
Elle étudie les amendements identiques CL53 de M. Philippe Gosselin et CL174 de M. Éric Ciotti.
Avis défavorable. Je rappelle la contrainte que constitue la convention n° 29 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail forcé, en vigueur depuis 1932.
La Commission rejette les amendements.
Elle adopte l'amendement CL476 du rapporteur, tendant à corriger une erreur de référence.
Elle examine l'amendement CL51 de M. Philippe Gosselin.
Il s'agit de permettre au juge de prononcer une peine de TIG avec, pour les jeunes de treize à seize ans, l'accord des parents. Cela nous semble plus pédagogique qu'une peine de prison.
Je comprends parfaitement l'idée de cet amendement, mais ce dernier se heurte à quelques difficultés. Premièrement, nous sommes très contraints par la convention de l'OIT sur le travail forcé, dont je parlais à l'instant. Deuxièmement, je ne suis pas sûr que l'on puisse faire effectuer un travail à des jeunes dès l'âge de treize ans, même avec l'accord de leurs parents. Même l'apprentissage n'est pas possible à cet âge-là. Il y a un seuil en dessous duquel on peut difficilement descendre. Troisièmement, nous avons voté, sur ma proposition, un amendement qui permet de faire exécuter le TIG lorsque le jeune a seize ans révolus, quand bien même l'infraction aurait été commise avant cet âge. Cette dimension pédagogique répond partiellement à votre préoccupation. Pour ces trois raisons, j'émets un avis défavorable.
L'idée n'est pas celle d'un travail au sens où l'entend l'OIT. Nous sommes dans le cadre d'une sanction-réparation pédagogique, applicable, avec l'autorisation des parents, à un jeune qui aurait sali ou détérioré des biens et qui pourrait être amené à les nettoyer ou à les réparer. Cela me paraît préférable à une peine d'emprisonnement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 43 modifié.
Article 43 bis [suppression maintenue] (art. 131-30-3 [nouveau] du code pénal) : Peine obligatoire complémentaire d'interdiction du territoire français pour tous les délits et crimes punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement
La Commission examine les amendements identiques CL55 de M. Philippe Gosselin et CL175 de M. Éric Ciotti.
Il s'agit de rendre obligatoire, sauf décision spécialement motivée, le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français pour les étrangers reconnus coupables d'une infraction punie d'au moins cinq ans de prison.
Cette problématique nous a largement occupés en séance. Mon avis, défavorable en première lecture, n'a pas changé.
La Commission rejette les amendements.
En conséquence, l'article 43 bis demeure supprimé.
Article 43 ter [suppression maintenue] (art. 132-16-5 du code pénal) : Systématisation de l'aggravation de la peine à raison de l'état de récidive légale
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements identiques CL143 de M. Philippe Gosselin et CL176 de M. Éric Ciotti, tendant à rétablir l'article.
En conséquence, l'article 43 ter demeure supprimé.
Article 43 quater (art. 132-36 du code pénal) : Révocation automatique et intégrale du sursis simple et modification des règles de révocation du sursis avec mise à l'épreuve
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements, en discussion commune, CL56 de M. Philippe Gosselin et CL177 de M. Éric Ciotti.
Puis elle adopte l'article 43 quater sans modification.
Article 44 (art. 41 et 81 du code de procédure pénale et 132-70-1 du code pénal) : Amélioration de la connaissance de la personnalité du prévenu par le tribunal correctionnel
La Commission est saisie de l'amendement CL353 de Mme Danièle Obono.
La modification que nous proposons paraît légère d'un point de vue légistique, mais elle change en profondeur la philosophie du procès pénal. La césure du procès pénal aux fins d'investigation sur la personnalité et la situation sociale, économique et familiale des personnes prévenues nous semble déterminante pour mettre en application le principe d'individualité de la peine et la notion de parcours d'exécution des peines. Il s'agit de garantir la meilleure prévention possible de la récidive. Si on prononce la bonne peine en fonction de la personnalité de l'individu, on remplit l'objectif de la peine qui est de réinsérer la personne dans la société, à la suite du délit ou du crime qu'elle a commis.
Nous sommes évidemment favorables à la césure, puisque cet article la renforce, mais défavorables à la césure automatique.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 44 sans modification.
Article 45 (art. 132-19, 132-25 et 132-26 du code pénal, 464-2 [nouveau], 465-1, 474, 485-1 [nouveau], 723-7, 723-7-1, 723-13 et 723-15 du code de procédure pénale et 22 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) : Modification des conditions du prononcé des peines d'emprisonnement ferme
La Commission aborde, en discussion commune, les amendements CL365 de M. Michel Zumkeller et CL57 de M. Philippe Gosselin.
L'amendement CL365 vise à supprimer l'interdiction de prononcer des peines d'emprisonnement inférieures à un mois et à maintenir, comme le proposait le Sénat, un seul seuil d'un an, au lieu des deux seuils de six mois et d'un an, pour plusieurs raisons.
Tel qu'il est rédigé, cet article risque de porter une atteinte excessive au principe d'individualisation de la peine et il ne nous paraît pas opportun de créer des niveaux intermédiaires.
Deuxièmement, je comprends l'objectif de renforcement de l'efficacité des peines mais l'empilement des seuils complique la rédaction du texte et induit des limitations dans le travail du juge, ce qui nous semble en contradiction avec une bonne administration de la justice et avec le principe d'individualisation de la peine.
Enfin, les dispositions proposées pourraient entraîner des effets de seuil contre-productifs : afin de contourner l'interdiction du prononcé d'une peine d'emprisonnement inférieure à un mois, les juridictions de jugement qui souhaitent prononcer une courte peine d'emprisonnement pourraient se voir contraintes de prononcer une peine de deux mois même si cela ne correspond pas exactement à la peine légitimement encourue par le prévenu.
C'est un des éléments-pivots du texte, que nous ne souhaitons pas voir modifié. Avis défavorable aux deux amendements.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle est saisie de l'amendement CL178 de M. Éric Ciotti.
Cet élément est effectivement un pivot du texte, monsieur le rapporteur, mais un pivot négatif. On pourrait résumer la logique de la déconstruction de la peine à cet article, qui va supprimer toute peine jusqu'à un mois d'emprisonnement et rendre obligatoire l'aménagement des peines comprises entre six mois et un an. Notre amendement vise donc à supprimer ces dispositions que nous considérons comme inopportunes et dangereuses.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL354 de Mme Danièle Obono.
Notre amendement vise à repenser le concept de récidive légale en matière d'aménagement de peine, afin de rendre effectifs les principes d'individualisation de la peine et de parcours d'exécution des peines. Il faut renforcer la possibilité pour le magistrat d'apprécier l'effet sur la peine de la circonstance aggravante de récidive dans le cadre d'un aménagement de peine, comme le recommandait la conférence de consensus.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL419 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons de revenir sur l'amendement n° 1185, que le Gouvernement a fait adopter en séance publique en première lecture, qui supprime la condition de l'accord de la personne pour que soit prononcée, comme mesure d'aménagement, une détention à domicile sous surveillance électronique.
Si les justiciables condamnés à des peines de prison refusent de porter le bracelet électronique, qui semble a priori moins contraignant, c'est que la contrainte qu'il fait peser sur la personne condamnée se situe ailleurs, c'est-à-dire au domicile, et que le bracelet a un effet sur tout l'environnement personnel, familial et amical de l'intéressé. C'est pourquoi, jusqu'à présent, on demandait l'accord de l'individu. Ce n'est pas une mesure anodine. Nous souhaitons donc rétablir l'accord préalable obligatoire.
Ce n'est évidemment pas une mesure anodine. Elle est d'ailleurs en deuxième position sur l'échelle des peines, ce qui montre l'importance que nous lui accordons. Le seul moment où l'accord est requis, c'est lorsque l'émetteur est placé sur la personne. Cette dernière a toute liberté de le refuser mais en cas de refus, elle viole ses obligations avec les conséquences qu'elle en tirera elle-même et que la juridiction lui appliquera.
C'est complètement hypocrite ! Vous dites que la personne ne doit pas aller en prison. Elle est condamnée à une détention à domicile sous surveillance électronique et si elle la refuse, on alourdit sa condamnation. Cela n'a aucun sens !
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL355 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 24 relatif au mandat de dépôt différé, qui vise à ce que l'incarcération se fasse, en quelque sorte, « loin des yeux » du magistrat qui aura prononcé la peine.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Elle étudie l'amendement CL373 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de supprimer les dispositions qui viennent réduire le champ d'application de l'article 723-15 du code de procédure pénale sur les aménagements de peine.
S'il y a aujourd'hui autant de monde en milieu ouvert et, comparativement, si peu en milieu fermé – beaucoup trop, certes, mais peu par rapport au nombre de personnes en milieu ouvert –, c'est parce qu'il existe ces dispositions d'aménagement de peines à visée large et qu'elles restent à l'appréciation du magistrat. Vous faites une erreur en empêchant l'aménagement de peine pour les reliquats de peine compris entre un et deux ans. Cette disposition risque d'avoir un effet contre-productif et d'augmenter le nombre de personnes en détention.
L'article 723-15 n'est évidemment pas supprimé. Comme vous l'avez dit, nous modifions simplement son seuil d'application. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 45 sans modification.
Article 45 bis AA (art. 131-36-11 [nouveau] et 131-36-12-1 du code pénal) : Recours à la surveillance électronique mobile en matière de violences au sein du couple ou de la famille
La Commission adopte l'article 45 bis AA sans modification.
Article 45 bis A [suppression maintenue] (art. 717-1, 721 à 721-2, 723-29 du code de procédure pénale, 132-24 du code pénal et 41 de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales) : Suppression du crédit « automatique » de réduction de peine
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements identiques CL58 de M. Philippe Gosselin et CL179 de M. Éric Ciotti, tendant à rétablir l'article.
En conséquence, l'article 45 bis A demeure supprimé.
Article 45 ter (art. 763-3 du code de procédure pénale) : Élargissement du champ d'application du suivi socio-judiciaire
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL59 de M. Philippe Gosselin.
Puis elle adopte l'article 45 ter sans modification.
La réunion s'achève à 20 heures.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Laetitia Avia, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Éric Ciotti, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, Mme Élise Fajgeles, M. Philippe Gosselin, Mme Émilie Guerel, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Catherine Kamowski, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Pacôme Rupin, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, Mme Hélène Zannier
Excusés. - Mme Caroline Abadie, Mme Huguette Bello, Mme Paula Forteza, Mme Marie Guévenoux, M. Gilles Le Gendre, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Maina Sage, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Louis Bricout