Intervention de Claire Compagnon

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 10h00
Commission des affaires sociales

Claire Compagnon :

Merci pour votre intérêt manifeste à l'égard de l'activité de notre organisation.

L'établissement a fait l'objet d'une mission de contrôle de la Cour des comptes classique et habituelle et, de la part de l'IGAS, d'une mission d'appui dans la phase de redressement. La mission de l'IGAS a formulé un certain nombre de recommandations portant sur l'organisation des procédures, la reconfiguration de l'équipe de direction, la clarification de certaines missions et la mise en place d'une procédure comptable validée par les services de Bercy en matière de recouvrement. Toutes ces actions sont en cours, certaines très avancées, d'autres un peu moins. À chaque réunion du conseil d'administration, un point relatif à l'état du redressement est fait par la direction de l'établissement. Bien entendu, nous le faisons également avec les différentes tutelles.

La mission de redressement est particulièrement suivie et pilotée à la fois par l'équipe de direction et le conseil d'administration de l'établissement. Après avoir eu un rapport comme celui de la Cour, d'évidence, nous ne souhaitons pas en avoir un second. Le directeur veille au redressement de l'organisation.

Ce redressement est difficile compte tenu notamment du plafond d'emplois. L'établissement est soumis, comme tous les autres établissements publics de l'État, à des contraintes budgétaires, financières et de recrutement qui compliquent le redressement. Nous avons obtenu des postes supplémentaires dans le cadre de la nouvelle mission Dépakine mais cela reste insuffisant pour aller aussi vite que nous le souhaiterions dans la phase de redressement.

J'observe, parce que c'est symptomatique de la situation, que dans leurs cours sur l'organisation publique de l'État et de ses établissements publics, les énarques citent toujours l'insuffisance de moyens en personnels de l'ONIAM depuis sa création pour gérer, et vous l'avez souligné, madame Robert, les missions d'ampleur qui lui ont été attribuées successivement au cours des années. Pour le benfluorex, nous avons dû prendre en compte près de 10 000 dossiers, dont vous imaginez bien qu'ils ne tiennent pas en une seule page ! Cela suppose une grande technicité et un temps de travail relativement long.

Nous avons amélioré l'attractivité du dispositif ONIAM par la revalorisation du barème et de la table de capitalisation, mais elle reste notoirement insuffisante au regard des mécanismes d'indemnisation mis en place par les juridictions. Notre attractivité tient à la gratuité de l'expertise et à l'absence d'obligation de recourir à une assistance par avocat mais, dans les dossiers Dépakine, la complexité des procédures et des situations conduit les victimes à y recourir, de sorte que l'argument est un peu formel. Les écarts subsistent et leur réduction est liée aux moyens qui peuvent nous être octroyés pour augmenter nos barèmes au regard de ceux des juridictions.

Nous travaillons à la mise en place d'un système d'information répondant aux enjeux de la dématérialisation et de l'amélioration des process d'information des victimes et de toutes les parties prenantes. Vous n'êtes pas sans savoir que penser, organiser et mettre en oeuvre un tel dispositif demande un peu de temps. Cela dépendra aussi des moyens qui nous seront donnés pour ce faire.

Madame Robert, comme l'ensemble des instances amenées à recourir à l'expertise, l'ONIAM est confronté à une insuffisance d'experts qui entraîne des délais considérables dans les procédures d'indemnisation. Cela vaut aussi pour les tribunaux, les juridictions du Conseil national de l'ordre national des médecins ou d'autres organisations ayant un besoin important d'expertise. Nous appelons de nos voeux une réflexion globale des pouvoirs publics sur l'expertise médicale dans les années à venir, ainsi que sur la mutualisation de l'expertise pour les différentes instances qui y ont recours, réflexion qui pourrait être conduite par votre assemblée.

S'agissant du cas particulier du Mediator, quelque 9 100 situations ont été portées devant le collège d'experts « benfluorex » qui siège auprès de l'ONIAM. L'ensemble de ces dossiers n'ont pas donné lieu à des procédures d'indemnisation, soit que l'imputabilité des dommages à la prise de benfluorex n'ait pu être prouvée, soit au regard de l'importance de ces dommages. Sur les 9 100 situations instruites par le collège d'experts, 35 % ont donné lieu à un avis positif et à une indemnisation par l'établissement.

Les recours en justice devant les juridictions civiles et devant les juridictions pénales sont nombreux. Le procès pénal est attendu pour l'année prochaine, mais nous n'en sommes pas encore certains. Des actions collectives sont aussi en cours.

Concernant le financement de l'ONIAM et les soupçons évoqués par M. Door, je voudrais apporter des éléments précis. Pour ce que nous en savons, la saisine du parquet financier tient à la mise en cause de personnes et non à des détournements de fonds au sein de l'établissement. On n'est pas dans ce registre là. Nous n'avons pas aujourd'hui d'éléments qui nous laisseraient penser que des dégâts financiers ont été faits aux ressources de l'ONIAM, pendant ces quelques années.

Les moyens financiers demandés dans le cadre du PLFSS pour 2019 procèdent, comme je l'indiquais précédemment, de l'accroissement de notre activité, qui ne cesse de se poursuivre, et des nouvelles missions qui nous ont été confiées, notamment dans le cadre du processus d'indemnisation des victimes de la Dépakine. Les moyens demandés au PLFSS correspondent aux dépenses d'indemnisation des victimes et pas au financement de notre établissement.

Plusieurs d'entre vous ont demandé si nous avions été saisis de demandes d'indemnisations de victimes du Levothyrox. Elles sont très peu nombreuses, et la loi prévoit que le dommage doit être d'une gravité suffisante pour donner lieu à une saisine des commissions de conciliation et d'indemnisation. À notre connaissance, les dossiers déposés n'entraient pas dans le cadre de la procédure fixée par la loi.

Monsieur Hammouche, le dispositif relatif aux accidents liés à la prise de Dépakine a été prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Nous avons commencé l'examen des dossiers en août 2017. Les résultats des premiers dossiers d'indemnisation seront connus à la fin de ce trimestre. La procédure est longue, parce que nous avons affaire à des situations extrêmement compliquées, en raison de la nature et la permanence des troubles affectant ces enfants ou ces adultes, des difficultés de solvabilisation des interventions et des modes de prise en charge sanitaire, sociale et médico-sociale de ces personnes atteintes de troubles du neuro-développement. La dotation de 33 millions d'euros pour 2019 nous paraît suffisante pour poursuivre le travail d'indemnisation engagé en 2018. Environ 1 000 demandes sont arrivées à ce jour. Nous ne sommes donc pas submergés par les situations. Il conviendra, dans un délai que je ne connais pas, de revenir devant l'Assemblée pour simplifier un système d'une telle complexité qu'il provoque des délais d'instruction extrêmement longs pour la procédure expertale, puis pour le processus d'indemnisation.

Concernant les actions de l'ONIAM à l'encontre des responsables des dommages, nous ne sommes pas autorisés à intervenir directement auprès des laboratoires pharmaceutiques. Comme vous l'avez déterminé dans le cadre de la loi de 2016, ils sont partie prenante de la réflexion et des procédures d'indemnisation. Les premières décisions d'indemnisation, qui seront connues la semaine prochaine, statueront également sur les responsabilités, celle du laboratoire pharmaceutique, mais aussi celles des professionnels de santé et de l'État. À ce jour, il ne nous est pas possible de vous fournir des éléments précis sur la teneur et le partage des responsabilités, mais nous savons qu'en fonction de la date à laquelle ces mères ont pris du valproate, la question des responsabilités se posera aussi, je le répète, pour les professionnels de santé et les médecins prescripteurs.

Au-delà de la responsabilité pour des dossiers particuliers, nous nous interrogeons régulièrement sur la grande légèreté de certains représentants de l'industrie pharmaceutique au regard de l'intérêt de passer par le dispositif d'indemnisation de l'ONIAM qui est moins coûteux que le recours aux tribunaux. Nous l'avons signifié à plusieurs reprises aux pouvoirs publics et nous avons des discussions régulières à ce sujet avec les associations, en particulier avec Mme Martin, présidente de l'APESAC et ses avocats. Il en va de même pour le laboratoire Servier dans le cadre du benfluorex.

Je tiens aussi à souligner que le financement de la structure ONIAM, dans le cadre de l'indemnisation du benfluorex ou, aujourd'hui, de la Dépakine, est à la charge de la collectivité nationale et non à la charge de laboratoires dont certains sont les premiers responsables des dégâts et des victimes des médicaments. La question reste ouverte. Elle se pose au législateur. Elle n'est pas de notre ressort, même si nous pouvons clairement chiffrer le coût du dispositif, en termes de temps de travail et de rémunération des experts et des agents. Le directeur de l'établissement s'est déjà livré à l'exercice. Nous pourrions tout à fait fournir le coût pour la collectivité nationale de l'instruction et du mécanisme d'indemnisation.

Les améliorations que nous souhaitons apporter à l'assistance aux victimes, afin de mieux accompagner leur parcours d'indemnisation, ont trait à la phase préalable d'information sur le dispositif. Pour prendre un exemple concret, selon une évaluation scientifique publiée en juin dernier, de 15 000 à 30 000 personnes sont aujourd'hui porteuses de troubles du neuro-développement liés à la prise de valproate par leur maman. Or nous avons reçu 1 000 dossiers.

Comment notre établissement, un certain nombre de services seraient-ils à même d'informer ces personnes, leurs parents, leur famille, de l'existence de ce dispositif d'indemnisation ? Les caisses nationales d'assurance maladie, compte tenu des données de santé dont elles disposent, pourraient relier la prise de valproate et les troubles du neuro-développement dont sont victimes ces enfants ou ces adultes.

Je ne veux pas botter en touche. Nous avons aussi la responsabilité de rendre plus visible et plus lisible l'existence de nos différents modes d'indemnisation. J'espère que les trois ans qui viennent nous permettront de remplir très correctement cette mission tant en ce qui concerne le site d'information que les processus ou l'information donnée par les commissions de conciliation et d'indemnisation dans le cadre de leur mission d'indemnisation. Un énorme travail de simplification doit être mené dans les deux années à venir.

Monsieur Borowczyk, s'agissant de la sinistralité des actes dans le champ de l'ostéopathie, nous n'avons aucun retour. Je ne peux pas vous apporter d'information précise. Cela est très lié aux critères permettant aux commissions de conciliation et d'indemnisation d'être saisies valablement et de procéder à une étude et à une éventuelle indemnisation dans le cadre aujourd'hui fixé par la loi.

Peut-être avez-vous vu que les relations avec les assureurs s'étaient un peu tendues, ces derniers mois, après la mise en place, dans le cadre du plan de redressement de l'établissement ainsi que d'une meilleure gestion, d'un important dispositif de recouvrement des créances. Pour le dire de façon schématique et caricaturale, ils n'étaient pas habitués à ce processus de recouvrement. Nous avons souhaité l'entourer de toutes les garanties juridiques pour éviter un contentieux important. Les choses sont en train de s'organiser, de se discuter, de se mettre en oeuvre. Il est trop tôt pour tirer un bilan de l'attitude des assureurs. Nous le saurons dans les mois qui viennent.

La question relative à la création d'un « pôle public du médicament » dépasse largement le champ de mon intervention en tant que présidente de l'ONIAM. Les suites de l'utilisation du Mediator et de la Dépakine, nous incitent à réfléchir sur le risque des produits de santé. Comme tout produit de santé, le médicament comporte un risque. Ce risque doit-il être pris en compte uniquement par la solidarité nationale et l'argent public ? La question est de votre ressort. Nous pouvons instruire avec vous les études, émettre des avis, rendre compte du coût pour la collectivité, mais le sujet relève d'abord d'une disposition législative qui n'existe pas aujourd'hui. Pardonnez-moi de vous renvoyer la question. En tant qu'établissement public de l'État, nous sommes chargés de mettre en oeuvre les décisions que vous prenez et les lois qui sont adoptées en matière d'indemnisation. Or, à ce jour, aucune ne nous permet d'intervenir directement auprès des industriels du médicament pour obtenir réparation ou même indemnisation des frais engagés au titre de la solidarité.

Nous ne travaillons pas sur les causes des maladies nosocomiales.

Nous devrions pouvoir rendre compte de manière plus précise auprès d'autres opérateurs ou d'autres établissements publics, tels que la Haute Autorité de santé (HAS) et Santé publique France, de la nature de notre activité en matière d'indemnisation des accidents médicaux et de leur nature. Aujourd'hui ce travail n'est pas fait. Nous ne disposons ni des moyens humains suffisants ni d'un service médical suffisamment fort pour procéder à cette analyse et réaliser ces liens avec les structures. C'est un regret de notre part.

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