Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 10h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mercredi 24 octobre 2018

La séance est ouverte à dix heures.

Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente

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La commission auditionne, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, Mme Claire Compagnon, candidate au renouvellement de son mandat de présidente du conseil d'administration de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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L'ordre du jour appelle l'audition de Mme Claire Compagnon, candidate au renouvellement de son mandat de présidente du conseil d'administration de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Je rappelle que l'article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit que les dirigeants pressentis de certains organismes majeurs dans le champ sanitaire doivent être auditionnés par le Parlement, en l'espèce par les commissions des affaires sociales des deux assemblées, avant leur nomination.

Je précise qu'il ne s'agit que d'une simple audition et non pas d'un avis demandé aux commissions compétentes. Cette audition ne sera donc pas suivie d'un vote.

Madame Compagnon, je vous souhaite la bienvenue.

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Claire Compagnon

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis très honorée de me retrouver devant vous ce matin afin de vous présenter les raisons qui m'incitent à demander le renouvellement de mon mandat à la présidence du conseil d'administration de l'Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Ce premier mandat de présidente du conseil d'administration de l'ONIAM n'a pas été un long fleuve tranquille, pour des raisons qui tiennent à un certain nombre d'événements qui se sont produits au cours des trois dernières années.

Avant d'évoquer ces différents points, je voudrais me présenter. Je suis une personnalité atypique dans ces fonctions à la fois de haut fonctionnaire et de présidente de l'ONIAM, puisque j'ai d'abord eu un parcours associatif. J'ai longuement milité et dirigé des organisations non gouvernementales dans le champ du sida, au sein de l'association Aides, puis en contribuant à refonder la politique publique de lutte contre le cancer par l'organisation, en 1998, des premiers États généraux des malades atteints de cette maladie. Ces éléments de parcours ont largement contribué à faire ce que je suis aujourd'hui. Dans ce cadre, durant toutes ces années, avec le sida puis avec le cancer, j'ai découvert les domaines de la relation avec les usagers et de la responsabilité médicale.

Par-delà ces responsabilités associatives, j'ai contribué à la réflexion générale sur nos politiques de santé, non seulement en préparant la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, mais aussi par des travaux d'intérêts plus généraux et plus collectifs, notamment relatifs à la maltraitance dans les établissements de santé et à la démocratie en santé. À la suite de mes travaux sur la démocratie en santé et d'un rapport intitulé « Pour l'an II de la démocratie sanitaire », dont la rédaction m'avait été confiée par la ministre Marisol Touraine, j'ai été nommée inspectrice générale des affaires sociales et, très peu de temps après, présidente de l'ONIAM, pour ce premier mandat.

Je suis aujourd'hui déléguée interministérielle en charge de la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement. Vous verrez dans le cours de mon propos les liens que je pourrai faire entre les activités de l'ONIAM sur la Dépakine et la mission qui m'a été confiée par le conseil des ministres de portage et de pilotage de cette stratégie pour l'autisme.

Revenons sur les éléments qui concernent plus directement la fonction de présidente du conseil d'administration de l'ONIAM.

Je rappellerai d'abord le caractère très particulier du dispositif d'indemnisation porté au sein de l'ONIAM et des commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI). Le choix d'un modèle d'indemnisation pour les victimes d'accidents médicaux n'est pas purement technique. Il a fait l'objet, depuis trente ans, de controverses publiques en France dans lesquelles une diversité d'acteurs se sont confrontés – assureurs, associations de victimes, autorités publiques – sur la manière d'aborder des questions essentielles. Comment penser dans notre société la question des responsabilités et des modes de gestion des défaillances professionnelles ? Quelle valeur accorder à la sanction dans l'amélioration de la qualité des soins ? Sous quel mode et jusqu'à quel point envisager la prise en charge des personnes vulnérabilisées par les soins ?

Les choix politiques qui ont présidé à la loi de 2002 ont profondément reconfiguré le modèle d'indemnisation des victimes de préjudices liés à l'activité médicale et de soins en France. Avant 2002, l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux pouvait être recherchée devant les tribunaux ou dans le face-à-face entre la victime, le professionnel de santé etou son assureur. Dans la très grande majorité des cas, il revenait au patient ou à ses représentants de montrer qu'une faute avait été commise dans la conduite des soins. Avec la loi du 4 mars 2002, d'autres choix ont été faits.

Certes, le principe de la faute a été réaffirmé comme mode d'accès des victimes à l'indemnisation par les professionnels de santé, mais la loi a introduit deux innovations majeures en faveur des personnes dont les dommages dépassent un certain seuil de gravité : la création d'un nouveau droit à l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux non fautifs au titre de la solidarité nationale et la mise en place d'un dispositif de règlement amiable alternatif à la saisine des tribunaux, plus rapide, ou censément plus rapide, et proposant l'accès à une expertise médicale gratuite pour le plaignant. C'est bien de ces deux innovations que nous parlons, et qui sont au coeur de l'activité de l'ONIAM.

La loi du 4 mars 2002 a représenté une novation très importante en organisant une réparation amiable, gratuite et équitable des préjudices subis par les victimes, même en l'absence de faute, pour les accidents médicaux d'une certaine gravité. Nous savons tous qu'un accident médical, une infection nosocomiale, tous les dommages causés par un médicament sont des moments particulièrement douloureux pour les victimes et leurs proches. Ces accidents sont des événements traumatiques. Tout le monde a besoin de comprendre ce qu'il s'est passé. Ce besoin de comprendre concerne à la fois le patient, les professionnels de santé et les personnes qui doivent indemniser le dommage, c'est-à-dire les assureurs ou l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

Ce premier mandat a été marqué par l'engagement du conseil d'administration de l'Office pour assurer une meilleure indemnisation des victimes, notamment avec une nouvelle mission qui a été confiée à l'établissement par le législateur à la fin de l'année 2016, la mission d'indemnisation des victimes de la Dépakine. Ce mandat a aussi été marqué, et c'est en ce sens que la mission n'a pas été « tranquille », par l'établissement d'un rapport de la Cour des comptes, rendu au début de l'année 2017, qui a conduit à définir et à engager un plan de redressement de l'Office.

Nous avons donc assuré une meilleure indemnisation des victimes des accidents médicaux. Lors de ma première nomination et de mon audition par votre commission, j'avais évoqué en ces termes cet objectif : « Les victimes qui obtiennent un avis positif des commissions d'indemnisation se voient allouées par l'ONIAM des indemnisations inférieures à celles allouées par les tribunaux. Cet écart avec les indemnisations par la voie judiciaire ne fait que s'accroître et, je souhaite le souligner auprès de vous, il peut présenter un risque pour l'ensemble du dispositif, en particulier pour le choix qui a été fait en 2002 de privilégier la voie amiable ». Très logiquement, j'ai proposé au conseil d'administration et aux pouvoirs publics la revalorisation du barème d'indemnisation au 1er janvier 2016.

Dès ma nomination, des travaux approfondis ont été engagés avec les services de l'ONIAM, les directions d'administrations centrales et la caisse nationale d'assurance maladie. Pour donner un exemple, car il importe que vous connaissiez ces éléments d'éclairage pratiques, à compter du 1er janvier 2016, le taux horaire d'assistance est passé de 9,70 à 13 euros, pour une aide non spécialisée, et de 11,70 euros à 18 euros, pour une aide spécialisée. L'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux a été revalorisée de 16 % dans le cadre de ce nouveau barème.

La revalorisation de la table de capitalisation à partir du 1er janvier 2018 est un autre élément important. Cette table de capitalisation n'avait pas été revalorisée depuis 2011. Malgré un contexte difficile en 2017, des travaux techniques menés par l'ONIAM ont abouti à cette revalorisation extrêmement attendue des associations représentant les patients victimes d'accidents médicaux. Désormais, cette actualisation sera automatique dès parution de l'arrêté fixant le taux utilisé par le barème de la sécurité sociale.

Autre avancée importante au cours de ce mandat : l'indemnisation des victimes indirectes des infections nosocomiales a aussi été mise en oeuvre par le conseil d'administration. Il s'agissait de prendre en compte les victimes indirectes à la suite de l'évolution récente de la jurisprudence administrative et judiciaire. Là aussi, il importe d'être attentif au maintien de l'attractivité du dispositif d'indemnisation amiable, compte tenu des évolutions des jurisprudences des tribunaux administratifs et judiciaires. L'indemnisation des victimes indirectes fait partie de l'attractivité de notre dispositif amiable.

Parallèlement à ces travaux techniques mais extrêmement importants pour la vie des personnes victimes d'accidents médicaux, nous avons été à même de mettre en place de nouvelles missions d'indemnisation. L'année 2017 a été marquée par la mise en place du dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, prévu par la loi de finances du 29 décembre 2016 qui a confié cette mission à l'ONIAM. Nous la conduisons depuis l'année 2017 dans un contexte difficile au regard aussi de données épidémiologiques récentes publiées par la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en juin 2018, qui établissent que les enfants exposés in utero à l'acide valproïque ont quatre à cinq fois plus de risques de développer des troubles neuro-développementaux. Dans le dispositif d'aujourd'hui, l'imputabilité est presque automatique entre ces données épidémiologiques, la prise de valproate par ces femmes et la survenue d'une grossesse et d'un enfant. Entre 16 000 et 36 000 enfants seraient atteints de troubles de neuro-développement précoce et auraient été atteints entre 1967 et 2016. Pour mémoire, les travaux de Catherine Hill, épidémiologiste reconnue, avaient abouti à une estimation de 3 000 à 12 000 personnes exposées. Vous le voyez, si l'on en croit l'enquête récente menée par la CNAM et l'ANSM, ces chiffres ont considérablement augmenté. Notre activité d'indemnisation est donc potentiellement considérable pour les années à venir.

Au 23 octobre, le nombre de demandes reçues de victimes directes de la Dépakine est de 323, celui des demandes de victimes indirectes est de 764. À ce jour, le nombre total de demandes d'indemnisation concerne donc un peu plus de mille personnes. Vous le voyez, le rapprochement de ces données et des estimations publiées en juin dernier fait apparaître un énorme différentiel entre le nombre de victimes potentiellement atteintes et le nombre de demandes d'indemnisation, ce qui laisse présager une croissance très forte dans les années à venir.

Le nombre des dossiers examinés au moins une fois depuis la saisine par l'ONIAM de ces situations est de 70, avec 33 rapports rendus, une imputabilité pour 28 dossiers, deux rejets et trois sursis. Cela veut dire que les moyens mis à disposition de l'ONIAM et la complexité des situations à traiter par les experts génèrent un certain nombre de difficultés dans la gestion et la conduite de cette mission d'indemnisation. La mission qui nous a été confiée au titre de l'indemnisation des victimes de la Dépakine est bien plus complexe que celle du Mediator, compte tenu des atteintes multiples aux personnes, du fait que ces atteintes ont le plus souvent un caractère permanent, que les prises en charge et les accompagnements de ces personnes sont très coûteux et par ailleurs non solvabilisés pour les familles. C'est le cas le plus fréquent en cas de troubles du neuro-développement.

Nous avons pris l'attache des services ministériels pour revoir très rapidement les conditions d'indemnisation, voire envisager la nécessité d'un nouveau dispositif réglementaire et législatif afin de faciliter et de simplifier le dispositif aujourd'hui mis en oeuvre.

L'ONIAM a aussi une mission d'indemnisation des atteintes liées à la vaccination obligatoire contre la grippe A (H1N1), notamment les narcolepsies, autrement dit la maladie du sommeil. Dans un contexte de promotion de la vaccination obligatoire, enjeu considérable pour garantir le niveau de couverture vaccinale de la population générale, il était très important que le dispositif d'indemnisation et de réparation soit revu. En lien avec la direction générale de la santé (DGS), le conseil d'administration de l'ONIAM a favorisé la mise en place d'un nouveau collège d'expertise spécialisé, de très haut niveau, en vue de garantir une juste indemnisation amiable des victimes de narcolepsie liées à la vaccination contre la grippe A (H1N1).

Je vous le disais dans mon propos liminaire, la présidence du conseil d'administration de l'ONIAM, au cours des dernières années, a été marquée à la fois par des missions formidables et exaltantes relatives à l'indemnisation des victimes de la Dépakine, mais aussi par le rapport public de la Cour des comptes rendu en février 2017. Le contrôle quinquennal de la Cour, qui avait porté sur les années 2011 à 2015 – avant ma prise de fonctions de présidente du conseil d'administration –, a mis en évidence de graves défaillances de gestion, pointé d'importants dysfonctionnements internes et émis de fortes recommandations visant à améliorer l'ensemble du dispositif. En sa qualité de juge des comptes, la Cour a mis en débet pour des montants importants d'anciens agents comptables de l'établissement. Les constats de la Cour ont donné lieu à des suites juridictionnelles dont la presse a pu se faire l'écho, au cours des derniers mois.

Dans ce contexte, le conseil d'administration a pris toutes ses responsabilités. En concertation étroite avec le ministère de la santé, qui assure la tutelle de l'établissement, le conseil d'administration a contribué à définir un plan de redressement de la gestion de l'établissement. Le conseil suit régulièrement la mise en oeuvre des changements engagés par la nouvelle direction de l'établissement. Nous avons donc dessiné, avec le soutien de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), un plan de redressement de la gestion qui permet aujourd'hui d'engager l'établissement dans des voies d'amélioration pérennes.

Nous assurons, au sein du conseil d'administration, le suivi régulier de la mise en oeuvre effective de ce plan de redressement. Dans ce cadre, le renouvellement de l'équipe de direction a été engagé au mois de mars 2017, avec la prise de fonctions d'un nouveau directeur. Je profite de l'espace qui m'est donné pour remercier M. Sébastien Leloup, qui est à mes côtés aujourd'hui, pour le travail réalisé, pour les changements engagés avec détermination et fermeté mais aussi beaucoup d'attention aux personnes, alors même qu'accepter ce poste dans le moment où il l'a fait n'était pas une évidence.

Quelles mesures ont été engagées ? Les services administratifs de l'ONIAM ont été entièrement réorganisés. Nous avons sollicité et obtenu une mission d'accompagnement de la direction générale des finances publiques (DGFiP) pour permettre à l'établissement de se mettre en conformité avec les règles de la comptabilité publique et organiser la mission fondamentale d'opérer les recouvrements de créances dans un cadre juridique validé par Bercy. Cela peut vous étonner, mais ces opérations, à l'époque, n'avaient pas été réglées ni menées dans des conditions satisfaisantes.

Vous l'imaginez, cette période a été marquée, sur le plan social, par des moments difficiles pour les équipes de l'établissement, les présidents des différentes instances d'indemnisation et les présidents de commissions de conciliation et d'indemnisation.

En tant que présidente du conseil d'administration, j'ai ainsi agi à la fois auprès des représentants du personnel et, plus directement, auprès de l'ensemble du personnel pour expliquer la nécessité des changements attendus, pour demander des efforts supplémentaires dans un cadre limité en termes de plafond d'emplois. J'ai accompagné la direction de l'établissement pour transformer l'image de l'ONIAM qui avait été sérieusement dégradée au cours du premier semestre 2017.

Nous avions une grande inquiétude, que je partage avec vous, sur les conséquences de cette médiatisation et des rapports publics des instances de contrôle. Nous sommes assez rassurés en constatant que l'attractivité du dispositif est toujours présente, puisque l'année 2017 a été exceptionnelle. L'activité et les dépenses d'indemnisation au profit des victimes ont atteint des niveaux records. Celles-ci atteignent plus de 135 millions d'euros, un montant jamais atteint depuis quinze ans. L'activité des commissions d'indemnisation a été aussi extrêmement dynamique : 4 600 demandes ont été reçues, chiffre jamais atteint depuis la création de l'office. Aujourd'hui, un tiers des demandes reçues reçoivent un avis positif des commissions de conciliation et d'indemnisation. Plus de 2 100 protocoles ont été proposés aux victimes. Et 65 % des protocoles envoyés aux victimes en 2017 ont concerné des offres définitives. Le montant moyen par dossier est d'environ 92 000 euros et il ne cesse d'augmenter depuis trois ans. En 2017, 96 % des victimes d'accidents médicaux ont accepté les offres de l'ONIAM.

Parallèlement, et c'est à la fois un indicateur d'activité et une fragilité ou un risque pour le dispositif amiable, l'activité contentieuse de l'ONIAM a connu une progression de plus de 6 %. Nous sommes actuellement parties à la procédure dans plus de 3 100 dossiers contentieux.

Nous continuons à avoir une activité d'indemnisation au titre du virus de l'hépatite C, mais aussi du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), pour les victimes directes. Toutes contaminations confondues, plus de 300 offres ont été adressées aux personnes.

L'activité du dispositif relatif aux victimes du benfluorex, plus communément dénommé Mediator, qui a beaucoup marqué les esprits, a été particulièrement soutenue au cours des dernières années. Depuis le début de ses travaux, le collège d'experts a émis près de 9 100 avis, dont près de 1 200 pour la seule année 2017. Près de 10 000 dossiers ont été déposés devant le collège d'experts « benfluorex » entre 2011 et aujourd'hui. Cette activité est maintenant beaucoup plus réduite, mais nous continuons à recevoir chaque mois des dossiers de demande d'indemnisation à ce titre.

Nous avons donc organisé un plan général de redressement depuis plusieurs mois, mais tout n'est pas réglé et beaucoup reste à faire. Je peux vous garantir que nous avons traversé des moments délicats. Après la parution du rapport de la Cour des comptes imposant de réorganiser la direction de l'établissement, l'équipe de direction, le conseil d'administration et moi-même ne devons pas oublier que, par-delà l'importance de la gestion, de l'organisation et de la recherche d'une plus grande efficience, notre effort collectif doit tendre à l'optimisation de la qualité du service rendu aux victimes. J'entends par là le traitement rapide et équitable des demandes d'indemnisation mais aussi la qualité de l'accueil des personnes, la prise en compte de leurs demandes et la justesse de nos réponses.

L'accompagnement des victimes dès la demande et pendant toute la procédure doit être repensé et amélioré. C'est l'un des objectifs que je me fixerai pour le prochain mandat. Cela passe concrètement par un accueil téléphonique de qualité, un accueil dans des locaux adaptés, le respect des personnes lors des expertises médicales et le déroulement des instances. Je salue certains membres de votre commission qui nous ont rendu visite et qui ont pu mesurer la difficulté et l'inadaptation de la réponse aux besoins des personnes à la seule vue de nos locaux. Continuer à réduire les délais, comprendre ce qui s'est passé et obtenir une indemnisation dans des délais raisonnables sont les objectifs premiers de l'Office.

Il convient aussi de rester attentif au maintien de l'attractivité du dispositif amiable par rapport aux juridictions. Nous avons mis en place des conditions à cet effet, en termes de tables de capitalisation et de revalorisation du barème. Cette mission n'est pas finie. Dans un contexte économique difficile et de contrainte des budgets publics, nous devons continuer à veiller à renforcer cette attractivité, laquelle permet aux victimes d'être indemnisées dans des conditions optimales, avec des frais d'expertise nuls, sans nécessairement l'assistance d'avocats.

En outre, pendant les trois ans qui viennent, nous poursuivrons le redressement financier de l'établissement et la mise en oeuvre de l'ensemble des recommandations émises par la mission de l'IGAS.

La conception d'un nouveau schéma directeur des systèmes d'information représente un enjeu important. La transformation numérique du dispositif d'indemnisation des victimes est un enjeu majeur. Numériser les procédures d'indemnisation, télécharger les documents, saisir les demandes en ligne, dématérialiser les demandes, renseigner simplement et concrètement les victimes sur l'état d'avancement de leur procédure d'indemnisation amiable est aujourd'hui difficile, voire impossible. Nous voulons transformer concrètement le service aux personnes. Ce chantier est un levier de modernisation pour renforcer la qualité du service rendu aux victimes.

Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les éléments d'information que je souhaitais vous présenter, afin de vous rendre compte de mon action et de mon engagement à la présidence du conseil d'administration de cet établissement public. Je souhaite renouveler ce mandat pour continuer à améliorer le service rendu aux personnes et assurer la continuité du redressement que nous avons engagé avec le directeur de l'établissement, de manière pérenne et durable pendant les trois années qui viennent.

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La parole est d'abord à Mme Mireille Robert, référente de notre commission auprès de l'ONIAM.

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L'ONIAM est bien moins connu que sa raison d'être, les accidents médicaux symbolisés par les affaires du sang contaminé, du Mediator et de la Dépakine. Cet établissement public créé par la loi du 4 mars 2002 a pour mission une indemnisation amiable, rapide et gratuite des victimes d'accidents médicaux, sachant que la victime peut toujours, si elle le préfère, saisir les tribunaux. La procédure est simple et d'accès aisé. Dans chaque région, une commission de conciliation et d'indemnisation est chargée de faciliter le règlement amiable des litiges. Elle désigne des experts et émet ensuite un avis. C'est un système rapide : la victime est indemnisée au plus tard un an après le dépôt de son dossier. C'est un système sûr et efficace. Le recours à un établissement public garantit la bonne exécution des avis des commissions et la disponibilité des fonds.

Un rapport de la Cour des comptes rendu en février 2017 a dénoncé un processus jugé dévoyé après quinze années d'existence de la loi. Petit à petit, l'ONIAM a été chargé d'autres missions d'indemnisation : la réparation des dommages résultant d'une vaccination obligatoire, de la contamination transfusionnelle par le VIH, d'une contamination par le virus de l'hépatite B ou C par transfusion sanguine ou de l'usage du benfluorex-Mediator. Mais le mécanisme mis en place est très différent de celui prévu pour les accidents médicaux. C'est ainsi que la Cour dénonçait « une dérive de l'équilibre institutionnel initial, des résultats très éloignés des objectifs et de nombreuses et graves défaillances de gestion ». Selon la Cour des comptes, l'Office « intervient ainsi comme un assureur qui s'attacherait à limiter sa charge de sinistres ». Pour la Cour, le dispositif, peu attractif et peu performant, était un échec. Les demandes n'ont jamais dépassé les 4 500 dossiers par an et ont même diminué en 2015. Les CCI ont rejeté trois quarts des dossiers au regard de la gravité jugée insuffisante. Résultat : les saisines directes des tribunaux ont augmenté. En 2015, 17 % des victimes contestaient les décisions de l'ONIAM. En outre, les délais d'indemnisation s'étaient allongés et plus de la moitié des dossiers recevaient des offres partielles. La Cour appelait à une remise en ordre impérative du dispositif.

En tant que référente ONIAM, je vous ai rencontrée, madame Compagnon. Je me suis rendue dans les locaux de l'Office. J'ai trouvé un organisme meurtri, des personnels en souffrance mais qui, je tiens à le souligner, ont foi dans leur travail. Il faut savoir que le rapport de la Cour des comptes et ses suites ont été extrêmement mal vécus par les agents. Des perquisitions ont eu lieu dans l'établissement et au domicile des salariés. Des procédures juridictionnelles pour gestion de fait ont été engagées et des agents comptables lourdement condamnés. Le personnel n'est pas parti pour autant, et son engagement est sans faille. Je ne doute donc pas que vous réussissiez.

La Cour a incriminé la gouvernance. Depuis le 1er mars 2017, M. Leloup a repris la direction de l'ONIAM. Si le nouveau directeur a entamé un processus de changement bien visible, les salariés ont encore de grandes attentes.

Madame Compagnon, pouvez-vous nous rappeler quelles mesures ont été prises pour pallier les critiques de la Cour des comptes ? Quelles actions avez-vous entreprises pour que le dispositif amiable d'indemnisation des victimes se révèle au moins aussi avantageux que le contentieux classique devant les tribunaux ? Vous avez déjà mené un grand travail de revalorisation de la grille d'indemnisation, mais des écarts subsistent avec les tribunaux. Le référentiel ONIAM demeure inadéquat. Quelles suites comptez-vous donner ? L'accès au dossier médical par la victime est un vrai sujet. Une solution qui répondrait aussi à une demande de l'IGAS est la mise en place d'un dossier médical partagé. Qu'en pensez-vous ? Enfin, une des priorités du nouveau directeur est la dématérialisation. Seuls l'État et l'assurance maladie sont financeurs. L'expertise médicale est difficile à trouver. En outre, la population n'est assurée qu'à 90 %. Quelle est votre vision pour l'avenir ?

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Madame la directrice, vous l'avez rappelé, l'organisme public ONIAM, issu de la loi de 2002, joue un rôle extrêmement important. Après la loi Kouchner, les ministres successifs ont validé et conforté l'établissement public. Jean-François Mattei a été le premier à aider l'ONIAM à se développer. La même année, la loi relative à la responsabilité civile professionnelle a validé non seulement l'indemnisation des accidents médicaux mais aussi celle des affections nosocomiales. Il importait de prévoir une interaction entre l'ONIAM et la loi sur la responsabilité civile professionnelle.

Vous avez rappelé l'affaire du benfluorex. En tant que rapporteur de la mission d'information sur le Mediator et la pharmacovigilance, je me suis souvent rendu dans vos locaux. Vous avez indiqué que 10 000 cas étaient répertoriés chez vous, mais combien passeront par l'indemnisation directe et éviteront de recourir à la justice, parfois trop longue pour les victimes ?

Je reviendrai enfin sur le rapport rendu public récemment, dont vous subissez les désagréments. Fin 2007, j'ai interrogé le Gouvernement, via une question orale, au sujet des soupçons pesant sur les finances de l'ONIAM. Le parquet national financier a été saisi, ce qui est événement majeur pour un établissement public destiné à s'occuper de victimes. A-t-on une idée précise non de la procédure en cours mais des dégâts financiers ? Est-ce pour cela que le PLFSS, dans son article 3, prévoit une augmentation du financement de l'ONIAM ?

Enfin, avez-vous reçu des demandes liées à l'usage du Levothyrox ?

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Madame Compagnon, merci de votre présentation qui prolonge un colloque sur le Dépakine auquel j'ai participé, il y a une dizaine de jours. Je saisis l'occasion pour saluer Marine Martin, présidente de l'association d'aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant (APESAC), que vous avez rencontrée, et Marylène Carlucci, sa référente pour ma circonscription.

En cas de prise pendant la grossesse, la Dépakine, communément prescrite contre l'épilepsie et les troubles bipolaires, provoque, chez 11 % des enfants, des malformations, et chez 30 % à 40 % des enfants, des troubles neurologiques, notamment neuro-développementaux, avec apparition de troubles envahissants du développement. Dès 2006, des études scientifiques établissaient le lien entre la prise de médicaments pendant la grossesse et les handicaps physiques ou mentaux des enfants exposés. Pourtant, il faudra attendre près de dix années pour que l'affaire éclate, au prix d'un engagement sans faille des familles de victimes, dont près de 14 322 selon l'ASNM, n'avaient toujours pas été informés des risques encourus entre 2007 et 2014.

Pour mener à bien sa mission d'indemnisation des victimes de la Dépakine, l'ONIAM a perçu une dotation de 77,7 millions d'euros inscrits dans le budget de l'État pour 2018 au titre de la mission de santé, pour 14 000 bénéficiaires estimés. Quel sera le montant alloué dans le projet de loi de finances pour 2019 et le nombre de bénéficiaires potentiels ?

Enfin, en cas de défaillance des personnes responsables, d'indemnisation insuffisante ou de mise en cause de l'État, l'ONIAM se substitue aux responsables identifiés du dommage. À cet égard, quelles actions avez-vous menées, notamment vis-à-vis du laboratoire commercialisant la Dépakine ?

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Madame Compagnon, le rapport de la Cour des comptes de février 2017 pointait « une dérive de l'équilibre institutionnel initial dans la relation entre l'ONIAM et les commissions de conciliation et d'indemnisation ». Que proposez-vous pour y remédier ? Il pointait aussi « un dispositif d'indemnisation des accidents médicaux simple, objectif et rapide, mais qui semblait manquer ses objectifs ». Dans le prochain mandat, quelles perspectives d'avenir proposez-vous pour améliorer cette lecture ? Les contentieux directs étaient plutôt organisés via les tribunaux que par votre intermédiaire. Il pointait également « l'absence d'assistance à la victime au cours de la procédure, tant au stade de la constitution du dossier que de l'expertise et du calcul de l'offre ». J'ai entendu votre volonté de mettre en place, entre autres, la dématérialisation. Quelles sont les autres avancées en perspectives, notamment en matière de plateforme de dématérialisation ou de création de dossiers types ?

Quel est votre avis sur la mise en place d'un budget propre au bénéfice de la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed) ? Quelles évolutions réglementaires ou législatives seraient de nature à faciliter vos missions en termes, puisque c'est aussi notre rôle ?

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Merci, madame Compagnon, pour votre présentation. Je reviendrai sur quelques sujets qui nous tiennent à coeur, notamment la numérisation du processus d'indemnisation. Comment envisagez-vous de participer à la mise en place du dossier médical partagé, prévue pour les semaines à venir, afin de permettre la traçabilité des actes ? Quels engagements entendez-vous prendre pour la pérennité de la prise en charge et le suivi des victimes du Levothyrox ?

Je poserai une question annexe. Beaucoup de manipulations d'ostéopathie se font hors cadre médical. Avez-vous un retour de sinistralité pour les actes réalisés par les médecins ostéopathes ? Que pensez du fait que les comités d'expertise ne comprennent des neurochirurgiens, des otorhinolaryngologues (ORL) et des rhumatologues, mais pas de médecins diplômés de médecine manuelle ostéopathique ?

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Madame Compagnon, je voudrais requérir votre avis sur une de nos propositions, inspirée par la lecture, en avril dernier, dans la presse financière britannique, d'une analyse de Goldman Sachs consacrée au défi économique que représentent pour le secteur pharmaceutique les nombreux progrès enregistrés ces dernières années, qui revenait à poser cette question cynique : est-ce que guérir des patients est un modèle économique soutenable ? Notre système de soins favorise de plus en plus les stratégies commerciales des grandes firmes pharmaceutiques. Ces dernières années, les revenus des cinq principaux groupes pharmaceutiques ont dépassé 200 milliards d'euros pour 47 milliards d'euros de bénéfices. Notre système de santé est largement plus basé sur l'offre de soins que sur la prévente. Seriez-vous favorable à la création d'un pôle public du médicament chargé à la fois de la recherche via des coopérations avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), et de production de médicaments jugés essentiels ? Ce pôle pourrait s'appuyer sur les pharmacies centrales des hôpitaux et les pharmacies centrales des armées, mais son caractère public garantirait l'indépendance de la recherche et de l'expertise pour la fabrication. Il permettrait d'inverser le rapport de force entre la puissance publique et l'industrie pharmaceutique. Compte tenu du nombre d'incidents dus à l'hyperconsommation de médicaments et de l'arrivée de nouveaux traitements toujours plus onéreux et à l'efficacité n'est pas toujours prouvée, une telle régulation nous semble nécessaire.

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Merci, madame Compagnon, pour votre présentation. Estimez-vous suffisantes les ressources dont vous disposez aujourd'hui et celles attendues demain pour faire face aux missions qui sont les vôtres et au besoin d'organisation de votre établissement ?

Pouvez-vous m'éclairer sur les différentes voies d'indemnisation et leur répartition ? Quelles relations entretenez-vous avec les assureurs ? Est-il facile d'obtenir leur concours ? Comment le fonds d'indemnisation est-il alimenté ? Les premiers responsables y contribuent-ils suffisamment ? L'institution judiciaire a-t-elle tendance à se reposer sur vous ? A-t-elle amélioré ses délais, ces dernières années ?

Voyez-vous certains types d'accidents augmenter ? Les professionnels de santé alertent sur le risque d'augmentation des maladies nosocomiales compte tenu de la situation dans les hôpitaux. Le constatez-vous et avez-vous des interlocuteurs sur ces questions, afin, le cas échéant, de donner des suites préventives à vos constatations ? N'êtes-vous pas parfois tentée de jouer le rôle de lanceur d'alerte ? En avez-vous les moyens ? Le souhaitez-vous ?

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Merci, madame Compagnon, pour votre présentation. Ma question s'inscrit dans le prolongement de celle notre collègue Pierre Dharréville. On estime entre 500 000 et 800 000 le nombre de personnes qui contractent une infection nosocomiale lors d'une hospitalisation ou dans le cadre de soins médicaux, soit plus d'un malade sur vingt, dont 4 000 décèdent. Entre 2001 et 2017, l'agence Santé publique France a reçu plus de 23 000 signalements. La situation s'aggrave puisque les bactéries ont acquis un très haut niveau de résistance, certaines résistant à tous les antibiotiques disponibles. On constate aussi une montée en charge de cas très graves. Y a-t-il réellement une augmentation des signalements, donc des indemnisations ? Quelles en sont les causes ? Est-ce la conséquence d'un usage inapproprié des antibiotiques ou d'un manque d'hygiène et de nettoyage des lieux de soins ? Assurez-vous une coordination avec l'agence Santé publique France pour partager les informations, apprécier la prévalence du risque et le prévenir ?

Quel est le lien entre l'ONIAM et les commissions consultatives d'indemnisation ? La Cour des comptes a remis en cause leur indépendance vis-à-vis de l'ONIAM, notamment par la remise en cause de leurs avis.

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Claire Compagnon

Merci pour votre intérêt manifeste à l'égard de l'activité de notre organisation.

L'établissement a fait l'objet d'une mission de contrôle de la Cour des comptes classique et habituelle et, de la part de l'IGAS, d'une mission d'appui dans la phase de redressement. La mission de l'IGAS a formulé un certain nombre de recommandations portant sur l'organisation des procédures, la reconfiguration de l'équipe de direction, la clarification de certaines missions et la mise en place d'une procédure comptable validée par les services de Bercy en matière de recouvrement. Toutes ces actions sont en cours, certaines très avancées, d'autres un peu moins. À chaque réunion du conseil d'administration, un point relatif à l'état du redressement est fait par la direction de l'établissement. Bien entendu, nous le faisons également avec les différentes tutelles.

La mission de redressement est particulièrement suivie et pilotée à la fois par l'équipe de direction et le conseil d'administration de l'établissement. Après avoir eu un rapport comme celui de la Cour, d'évidence, nous ne souhaitons pas en avoir un second. Le directeur veille au redressement de l'organisation.

Ce redressement est difficile compte tenu notamment du plafond d'emplois. L'établissement est soumis, comme tous les autres établissements publics de l'État, à des contraintes budgétaires, financières et de recrutement qui compliquent le redressement. Nous avons obtenu des postes supplémentaires dans le cadre de la nouvelle mission Dépakine mais cela reste insuffisant pour aller aussi vite que nous le souhaiterions dans la phase de redressement.

J'observe, parce que c'est symptomatique de la situation, que dans leurs cours sur l'organisation publique de l'État et de ses établissements publics, les énarques citent toujours l'insuffisance de moyens en personnels de l'ONIAM depuis sa création pour gérer, et vous l'avez souligné, madame Robert, les missions d'ampleur qui lui ont été attribuées successivement au cours des années. Pour le benfluorex, nous avons dû prendre en compte près de 10 000 dossiers, dont vous imaginez bien qu'ils ne tiennent pas en une seule page ! Cela suppose une grande technicité et un temps de travail relativement long.

Nous avons amélioré l'attractivité du dispositif ONIAM par la revalorisation du barème et de la table de capitalisation, mais elle reste notoirement insuffisante au regard des mécanismes d'indemnisation mis en place par les juridictions. Notre attractivité tient à la gratuité de l'expertise et à l'absence d'obligation de recourir à une assistance par avocat mais, dans les dossiers Dépakine, la complexité des procédures et des situations conduit les victimes à y recourir, de sorte que l'argument est un peu formel. Les écarts subsistent et leur réduction est liée aux moyens qui peuvent nous être octroyés pour augmenter nos barèmes au regard de ceux des juridictions.

Nous travaillons à la mise en place d'un système d'information répondant aux enjeux de la dématérialisation et de l'amélioration des process d'information des victimes et de toutes les parties prenantes. Vous n'êtes pas sans savoir que penser, organiser et mettre en oeuvre un tel dispositif demande un peu de temps. Cela dépendra aussi des moyens qui nous seront donnés pour ce faire.

Madame Robert, comme l'ensemble des instances amenées à recourir à l'expertise, l'ONIAM est confronté à une insuffisance d'experts qui entraîne des délais considérables dans les procédures d'indemnisation. Cela vaut aussi pour les tribunaux, les juridictions du Conseil national de l'ordre national des médecins ou d'autres organisations ayant un besoin important d'expertise. Nous appelons de nos voeux une réflexion globale des pouvoirs publics sur l'expertise médicale dans les années à venir, ainsi que sur la mutualisation de l'expertise pour les différentes instances qui y ont recours, réflexion qui pourrait être conduite par votre assemblée.

S'agissant du cas particulier du Mediator, quelque 9 100 situations ont été portées devant le collège d'experts « benfluorex » qui siège auprès de l'ONIAM. L'ensemble de ces dossiers n'ont pas donné lieu à des procédures d'indemnisation, soit que l'imputabilité des dommages à la prise de benfluorex n'ait pu être prouvée, soit au regard de l'importance de ces dommages. Sur les 9 100 situations instruites par le collège d'experts, 35 % ont donné lieu à un avis positif et à une indemnisation par l'établissement.

Les recours en justice devant les juridictions civiles et devant les juridictions pénales sont nombreux. Le procès pénal est attendu pour l'année prochaine, mais nous n'en sommes pas encore certains. Des actions collectives sont aussi en cours.

Concernant le financement de l'ONIAM et les soupçons évoqués par M. Door, je voudrais apporter des éléments précis. Pour ce que nous en savons, la saisine du parquet financier tient à la mise en cause de personnes et non à des détournements de fonds au sein de l'établissement. On n'est pas dans ce registre là. Nous n'avons pas aujourd'hui d'éléments qui nous laisseraient penser que des dégâts financiers ont été faits aux ressources de l'ONIAM, pendant ces quelques années.

Les moyens financiers demandés dans le cadre du PLFSS pour 2019 procèdent, comme je l'indiquais précédemment, de l'accroissement de notre activité, qui ne cesse de se poursuivre, et des nouvelles missions qui nous ont été confiées, notamment dans le cadre du processus d'indemnisation des victimes de la Dépakine. Les moyens demandés au PLFSS correspondent aux dépenses d'indemnisation des victimes et pas au financement de notre établissement.

Plusieurs d'entre vous ont demandé si nous avions été saisis de demandes d'indemnisations de victimes du Levothyrox. Elles sont très peu nombreuses, et la loi prévoit que le dommage doit être d'une gravité suffisante pour donner lieu à une saisine des commissions de conciliation et d'indemnisation. À notre connaissance, les dossiers déposés n'entraient pas dans le cadre de la procédure fixée par la loi.

Monsieur Hammouche, le dispositif relatif aux accidents liés à la prise de Dépakine a été prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Nous avons commencé l'examen des dossiers en août 2017. Les résultats des premiers dossiers d'indemnisation seront connus à la fin de ce trimestre. La procédure est longue, parce que nous avons affaire à des situations extrêmement compliquées, en raison de la nature et la permanence des troubles affectant ces enfants ou ces adultes, des difficultés de solvabilisation des interventions et des modes de prise en charge sanitaire, sociale et médico-sociale de ces personnes atteintes de troubles du neuro-développement. La dotation de 33 millions d'euros pour 2019 nous paraît suffisante pour poursuivre le travail d'indemnisation engagé en 2018. Environ 1 000 demandes sont arrivées à ce jour. Nous ne sommes donc pas submergés par les situations. Il conviendra, dans un délai que je ne connais pas, de revenir devant l'Assemblée pour simplifier un système d'une telle complexité qu'il provoque des délais d'instruction extrêmement longs pour la procédure expertale, puis pour le processus d'indemnisation.

Concernant les actions de l'ONIAM à l'encontre des responsables des dommages, nous ne sommes pas autorisés à intervenir directement auprès des laboratoires pharmaceutiques. Comme vous l'avez déterminé dans le cadre de la loi de 2016, ils sont partie prenante de la réflexion et des procédures d'indemnisation. Les premières décisions d'indemnisation, qui seront connues la semaine prochaine, statueront également sur les responsabilités, celle du laboratoire pharmaceutique, mais aussi celles des professionnels de santé et de l'État. À ce jour, il ne nous est pas possible de vous fournir des éléments précis sur la teneur et le partage des responsabilités, mais nous savons qu'en fonction de la date à laquelle ces mères ont pris du valproate, la question des responsabilités se posera aussi, je le répète, pour les professionnels de santé et les médecins prescripteurs.

Au-delà de la responsabilité pour des dossiers particuliers, nous nous interrogeons régulièrement sur la grande légèreté de certains représentants de l'industrie pharmaceutique au regard de l'intérêt de passer par le dispositif d'indemnisation de l'ONIAM qui est moins coûteux que le recours aux tribunaux. Nous l'avons signifié à plusieurs reprises aux pouvoirs publics et nous avons des discussions régulières à ce sujet avec les associations, en particulier avec Mme Martin, présidente de l'APESAC et ses avocats. Il en va de même pour le laboratoire Servier dans le cadre du benfluorex.

Je tiens aussi à souligner que le financement de la structure ONIAM, dans le cadre de l'indemnisation du benfluorex ou, aujourd'hui, de la Dépakine, est à la charge de la collectivité nationale et non à la charge de laboratoires dont certains sont les premiers responsables des dégâts et des victimes des médicaments. La question reste ouverte. Elle se pose au législateur. Elle n'est pas de notre ressort, même si nous pouvons clairement chiffrer le coût du dispositif, en termes de temps de travail et de rémunération des experts et des agents. Le directeur de l'établissement s'est déjà livré à l'exercice. Nous pourrions tout à fait fournir le coût pour la collectivité nationale de l'instruction et du mécanisme d'indemnisation.

Les améliorations que nous souhaitons apporter à l'assistance aux victimes, afin de mieux accompagner leur parcours d'indemnisation, ont trait à la phase préalable d'information sur le dispositif. Pour prendre un exemple concret, selon une évaluation scientifique publiée en juin dernier, de 15 000 à 30 000 personnes sont aujourd'hui porteuses de troubles du neuro-développement liés à la prise de valproate par leur maman. Or nous avons reçu 1 000 dossiers.

Comment notre établissement, un certain nombre de services seraient-ils à même d'informer ces personnes, leurs parents, leur famille, de l'existence de ce dispositif d'indemnisation ? Les caisses nationales d'assurance maladie, compte tenu des données de santé dont elles disposent, pourraient relier la prise de valproate et les troubles du neuro-développement dont sont victimes ces enfants ou ces adultes.

Je ne veux pas botter en touche. Nous avons aussi la responsabilité de rendre plus visible et plus lisible l'existence de nos différents modes d'indemnisation. J'espère que les trois ans qui viennent nous permettront de remplir très correctement cette mission tant en ce qui concerne le site d'information que les processus ou l'information donnée par les commissions de conciliation et d'indemnisation dans le cadre de leur mission d'indemnisation. Un énorme travail de simplification doit être mené dans les deux années à venir.

Monsieur Borowczyk, s'agissant de la sinistralité des actes dans le champ de l'ostéopathie, nous n'avons aucun retour. Je ne peux pas vous apporter d'information précise. Cela est très lié aux critères permettant aux commissions de conciliation et d'indemnisation d'être saisies valablement et de procéder à une étude et à une éventuelle indemnisation dans le cadre aujourd'hui fixé par la loi.

Peut-être avez-vous vu que les relations avec les assureurs s'étaient un peu tendues, ces derniers mois, après la mise en place, dans le cadre du plan de redressement de l'établissement ainsi que d'une meilleure gestion, d'un important dispositif de recouvrement des créances. Pour le dire de façon schématique et caricaturale, ils n'étaient pas habitués à ce processus de recouvrement. Nous avons souhaité l'entourer de toutes les garanties juridiques pour éviter un contentieux important. Les choses sont en train de s'organiser, de se discuter, de se mettre en oeuvre. Il est trop tôt pour tirer un bilan de l'attitude des assureurs. Nous le saurons dans les mois qui viennent.

La question relative à la création d'un « pôle public du médicament » dépasse largement le champ de mon intervention en tant que présidente de l'ONIAM. Les suites de l'utilisation du Mediator et de la Dépakine, nous incitent à réfléchir sur le risque des produits de santé. Comme tout produit de santé, le médicament comporte un risque. Ce risque doit-il être pris en compte uniquement par la solidarité nationale et l'argent public ? La question est de votre ressort. Nous pouvons instruire avec vous les études, émettre des avis, rendre compte du coût pour la collectivité, mais le sujet relève d'abord d'une disposition législative qui n'existe pas aujourd'hui. Pardonnez-moi de vous renvoyer la question. En tant qu'établissement public de l'État, nous sommes chargés de mettre en oeuvre les décisions que vous prenez et les lois qui sont adoptées en matière d'indemnisation. Or, à ce jour, aucune ne nous permet d'intervenir directement auprès des industriels du médicament pour obtenir réparation ou même indemnisation des frais engagés au titre de la solidarité.

Nous ne travaillons pas sur les causes des maladies nosocomiales.

Nous devrions pouvoir rendre compte de manière plus précise auprès d'autres opérateurs ou d'autres établissements publics, tels que la Haute Autorité de santé (HAS) et Santé publique France, de la nature de notre activité en matière d'indemnisation des accidents médicaux et de leur nature. Aujourd'hui ce travail n'est pas fait. Nous ne disposons ni des moyens humains suffisants ni d'un service médical suffisamment fort pour procéder à cette analyse et réaliser ces liens avec les structures. C'est un regret de notre part.

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Madame la présidente, je voudrais élargir le débat en évoquant une nouvelle alerte qui rappelle les dernières affaires du Mediator, de la Dépakine et du Levothyrox. Il s'agit de celle relative à l'utilisation du médicament Androcur, spécialement prescrit aux femmes et qui, selon plusieurs études scientifiques, pourrait être à l'origine du développement de tumeurs au cerveau. Fin août, une étude réalisée par l'ANSM et l'assurance maladie a confirmé ces craintes. Selon ce document, le risque de tumeur au cerveau, le plus souvent bénigne mais aux lourdes séquelles, est multiplié par sept pour les femmes traitées plus de six mois et par vingt après cinq ans de traitement. Que savez-vous de ce sujet ? Avez-vous déjà été saisie ? Que préconisez-vous pour assurer une meilleure surveillance de l'usage de ce médicament ? Que répondez-vous aux patients qui expriment déjà leurs inquiétudes alors que la ministre des solidarités et de la santé a déclaré récemment qu'il n'y avait pas d'urgence et que ce n'était pas un scandale sanitaire, ce que, bien entendu, nous ne pouvons que souhaiter ?

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Madame Compagnon, je ne sais pas si ma question a un lien avec vos activités, mais je souhaite vous la poser pour mon information personnelle. Les sénateurs et un certain nombre de députés se sont prononcés, il a quelque temps, en faveur de la création d'un fonds d'indemnisation des agriculteurs victimes de la manipulation de produits phytopharmaceutiques. Cette demande a été confirmée récemment par la majorité, voire l'unanimité, des sénateurs et par un certain nombre de députés. Quelle est votre position vis-à-vis de la création possible de ce fonds ? Comment l'ONIAM pourrait-il intervenir dans l'indemnisation de cette catégorie précise ?

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Madame Compagnon, merci pour votre présentation de l'ONIAM et des orientations à venir. Je salue votre parcours associatif antérieur.

Je voudrais vous interpeller sur ce que j'appellerai la double peine. Quand vous êtes victime d'un accident médical, vous êtes en droit de prétendre à une juste indemnisation du préjudice subi. J'ai visité le site internet, où j'ai pu lire, à la rubrique consacrée aux évaluations et procédures : « À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer son activité professionnelle ou lorsque ses conditions d'existence s'en trouvaient gravement troublées. » Pourquoi seulement « à titre exceptionnel » ? Et ne pourrait-on remplacer « peut être » par « est » ? Une telle formulation est en effet propre à nourrir un sentiment d'injustice de la part des victimes et à alimenter les procédures d'appel. Quelles réponses comptez-vous donner et quels outils d'évaluation comptez-vous instaurer, notamment dans le cadre de l'offre d'indemnité provisionnelle, pour en réduire les délais et en améliorer la pertinence ?

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Madame Compagnon, je ne reviendrai pas sur tout ce que vous avez mis en oeuvre pour améliorer la gestion administrative et financière depuis le rapport de 2017 de la Cour des comptes. Je vous poserai deux questions. Premièrement, qu'est-ce qu'une « victime indirecte » ? Deuxièmement, vous dites que 2017 a été une année record en termes de nombre de dossiers à traiter. Est-ce dû à l'augmentation du nombre d'accidents graves ou à une meilleure gestion ? Nous, députés, avons été beaucoup interrogés sur le distilbène, médicament prescrit entre les années 1950 et 1977 aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches, qui a eu des conséquences non seulement sur les femmes exposées in utero, mais aussi sur la troisième génération. Des dossiers ont-ils été traités par l'ONIAM sur ce médicament ? Est-ce que cela a eu parfois des conséquences jugées graves ?

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Je reviens sur la Dépakine. Vous dîtes avoir reçu 1 000 dossiers alors que l'on estime entre 15 000 et 30 000 le nombre de personnes atteintes. Vous expliquez que c'est un problème d'information, mais n'y a-t-il pas aussi un problème d'organisation ? Le site n'est-il pas trop compliqué ? Comment expliquez-vous ce hiatus ? N'avez-vous pas une part de responsabilité ?

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Une étude de plusieurs chercheurs publiée en avril 2017 dans la Revue d'épidémiologie et de santé publique s'est intéressée aux inégalités dans le parcours d'éducation des victimes d'accidents médicaux. Elle porte sur les demandes déposées dans le dispositif amiable créé par la loi du 4 mars 2002. Une de ses conclusions a retenu mon attention : « Le risque d'irrecevabilité de la demande d'indemnisation est plus élevé lorsque la victime est une femme. » Il est désormais amplement connu que l'androcentrisme de la médecine, dans la recherche, le diagnostic, le protocole de soins, etc., nie certaines spécificités des femmes au détriment du dépistage ou du traitement efficace de certaines pathologies, notamment cérébrovasculaires ou cardiovasculaires. Avez-vous connaissance de cet état de fait ? Comment l'expliquez-vous ?

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Madame Compagnon, chère Claire, je suis heureuse de vous retrouver ici ce matin. Je souhaite poser une question sur la gouvernance de l'ONIAM et le lien essentiel avec les politiques publiques que vous serez amenée à mettre en oeuvre. Si nous voulons construire aujourd'hui le système de santé innovant de demain, nous devons inscrire au coeur du système un nouveau paradigme, à savoir, la coconstruction du système avec les patients et mettre les usagers à leur juste place. C'est quelque chose qui vous tient à coeur.

Concernant plus précisément l'ONIAM, je voudrais vous demander une précision quant à la gouvernance interne. En plus des représentants des patients qui siègent aux côtés d'autres au sein des commissions de conciliation et d'indemnisation, est-il envisageable de faire participer davantage des personnes bénéficiaires d'indemnisations d'accidents médicaux ou d'affections iatrogènes aux grandes décisions et orientations de l'ONIAM ?

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Madame la présidente de l'ONIAM, merci pour votre exposé. Vous avez eu raison de dire que votre mission « n'est pas un long fleuve tranquille ». Je reviendrai sur le scandale de la Dépakine et sur la question de l'indemnisation. D'un côté, une enveloppe de 70 millions d'euros par an est allouée à l'ONIAM, et, de l'autre côté, la cour d'appel d'Orléans a récemment condamné le laboratoire Sanofi à verser 2 millions d'euros de dommages-intérêts, couplés à une rente à vie, à une famille touchée pour défectuosité du traitement. Cela montre l'efficacité de l'action d'associations comme l'APESAC, qui oeuvrent auprès des familles en tant que lanceurs d'alerte et pour les accompagner dans leurs démarches. Envisagez-vous de vous appuyer sur ces associations en prolongement de vos propres ressources pour convaincre les victimes de se diriger vers vous plutôt que vers les tribunaux ? Quel est l'état d'avancement des actions récursoires exercées contre Sanofi ? Quelle est la portée réelle de votre action et des possibilités qui sont les vôtres dans le cadre de la loi ?

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Après Delphine Bagarry, je poserai une question relative aux victimes du Distilbène. Leur situation me semble comparable, à certains égards, à celle des victimes de la Dépakine. Il a été établi que les enfants exposés in utero au Distilbène peuvent être victimes de malformations de l'appareil génital susceptibles d'entraîner de graves difficultés lors de leurs propres grossesses. La prise en charge des enfants du Distilbène est aujourd'hui considérée comme insuffisante par les victimes qui réclament une réparation par la santé, un suivi en amont, un accompagnement gynécologique annuel accru, adapté et entièrement pris en charge. Je souhaiterais connaître votre point de vue sur ce sujet. Avez-vous été saisie de demandes d'indemnisation ? Existe-t-il une activité contentieuse autour du Distilbène ? Quelles réflexions l'ONIAM développe-t-il à ce sujet ? Qu'est-il en mesure de faire pour les victimes de ce médicament ?

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Madame Compagnon, à la suite de votre nomination, en juillet 2015, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, le rapport de 2017 de l'ONIAM pointe une augmentation des demandes d'indemnisation et, par conséquent, des dépenses d'indemnisation. En 2017, 96 % des victimes d'accidents médicaux ont accepté les offres de l'ONIAM. La démarche de l'ONIAM repose sur le traitement des dossiers par la voie amiable. On constate par ailleurs que dans plus de la moitié des dossiers contentieux, les victimes se sont adressées directement au tribunal pour demander une indemnisation plutôt que de choisir la procédure amiable devant les commissions de conciliation et d'indemnisation. Pourriez-vous nous indiquer comment se déroulent les accompagnements juridictionnels et de quels moyens dispose l'ONIAM pour aider les victimes, notamment par les spécialistes de la médiation ? Comment s'articule votre action avec les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation et avec les acteurs de la santé ?

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Claire Compagnon

De nouveau, merci pour la diversité et l'intérêt de tous ces questionnements.

Nous avons lu comme vous les récentes études relatives au lien entre la prise d'Androcur et le développement de tumeurs. À ce jour, 136 dossiers sont arrivés ou vont arriver devant les commissions de conciliation et d'indemnisation. Je ne peux encore vous indiquer la répartition géographique mais c'est une activité qui commence à devenir importante.

Certains députés souhaitent la mise en place d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'utilisation de produits phytosanitaires. À ce jour, les pouvoirs publics ne nous ont pas saisis d'une éventuelle nouvelle mission et nous n'avons pas été amenés à travailler sur cette question. Je crois me souvenir que dans le cadre de la mission de l'IGAS menée l'année dernière sur ce sujet, les inspecteurs avaient fait le point avec la direction de l'ONIAM sur notre mécanisme d'indemnisation. Mais c'était davantage une sorte de bilan du fonctionnement et des limites du dispositif actuel de l'ONIAM qu'une véritable interrogation au sujet d'une extension de notre activité.

S'agissant, pour reprendre votre expression, Monsieur le député, de la « double peine », notre cadre d'intervention est fixé par la loi, laquelle prévoit un seuil au-delà duquel nous ne pouvons pas intervenir. Ce n'est pas botter en touche ou éluder la question que de dire que pour indemniser de manière plus importante les victimes d'accidents médicaux, il faudrait modifier ce seuil par la loi. Aujourd'hui, les commissions de conciliation et d'indemnisation excluent certains dossiers a priori parce qu'ils ne répondent pas aux critères fixés par la loi. En tant que coopérateurs publics, nous sommes tenus par les dispositifs législatifs en vigueur. Vous le savez, lors de la création de l'ONIAM et du dispositif d'indemnisation, la loi de 2002 a prévu de ne pas intervenir au titre de la solidarité nationale sur tous les champs et pour tous les accidents médicaux, considérant que le dispositif avait vocation à intervenir dans les situations les plus graves.

J'ai dit que 2017 avait été une année record en matière de dépenses d'indemnisation, donc d'aides apportées aux victimes. Est-ce dû à l'augmentation du nombre d'accidents graves entraînant une indemnisation plus forte ? Ou au fait que le dispositif est mieux connu, mieux articulé et mieux acté par les victimes ? Conçu pour apporter une indemnisation aux victimes, si celles-ci ne le connaissent pas, nous sommes face à un problème démocratique d'accessibilité au droit. Nous sommes allés, avec Sébastien Leloup, le directeur, dans un certain nombre de commissions de conciliation et d'indemnisation pour rencontrer l'ensemble des parties prenantes – représentants d'associations, membres des commissions, avocats. Nous avons constaté, et nous le constatons aujourd'hui dans nos échanges réguliers au sujet de la Dépakine, que ce dispositif est plutôt plébiscité par les avocats et les associations. Il représente un « plus » dans le paysage institutionnel des indemnisations en matière de santé. Il est de plus en plus connu. Nous avons travaillé pour cela. Il n'est donc pas étonnant de constater un accroissement d'activité.

Concernant le Distilbène, nous ne sommes pas saisis de demandes d'indemnisation au titre de la troisième génération. M. Leloup vient de me confirmer que nous n'avions pas d'éléments à ce sujet.

Je dois vous alerter sur le fait que nous aurons la même question au sujet de la Dépakine. Lors d'une assemblée générale de l'APESAC, à Rennes, à laquelle j'assistais, il y a quelques semaines, des femmes dont la mère avait pris du valproate et qui sont aujourd'hui en âge de porter des enfants ont souhaité obtenir des informations sur les facteurs de risques. D'autres, qui ont déjà des enfants, s'interrogeaient sur une possible transmission à la nouvelle génération. La recherche devrait donc être engagée aussi pour la Dépakine.

Je soulignais le hiatus existant entre le nombre de dossiers d'indemnisation en matière de Dépakine déjà reçus et les évaluations scientifiques de l'enquête ANSM-CNAM publiée en juin dernier. Vous avez raison, il est extrêmement important. Nous l'avons partagé en interne au regard des questions posées par l'éventuel accroissement de notre activité et des moyens et réponses moyens à apporter aux victimes. Cela se pose aussi, en relation avec le cabinet de la ministre des solidarités et de la santé, la question de l'information que nous pourrions fournir aux victimes potentielles, compte tenu des données disponibles dans le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM). Le SNIIRAM est aujourd'hui en capacité de relier la prise de valproate, la situation des femmes concernées et le fait qu'elles aient eu des enfants présentant des troubles du neuro-développement. La décision relève des pouvoirs publics.

Je ne crois pas que nous ayons une part de responsabilité dans ce hiatus. La nature de ces troubles du neuro-développement chez les enfants ne rend peut-être pas totalement aptes à connaître l'existence de ce dispositif. J'appelle aussi votre attention sur le fait que nous avons affaire, dans les dossiers Dépakine, non seulement à des enfants malades, et parfois très gravement handicapés, mais aussi à des mères malades. Quand on sait l'énergie qu'il faut pour gérer un parcours de santé à long terme pour une épilepsie sévère en ayant soi-même des enfants très gravement handicapés ou très gravement malades, le recours au droit et la réalisation de dossiers peuvent être des sujets secondaires pour ces familles.

Les inégalités de santé vis-à-vis des femmes sont une donnée bien connue en matière d'affections cardiovasculaires. Les femmes sont dépistées plus tard. J'ai moi-même réalisé, il y a quelques années, des travaux sur les maladies cardiovasculaires, montrant clairement que non seulement les femmes étaient diagnostiquées plus tard, mais qu'elles arrivaient aussi plus tard aux urgences et étaient moins traitées. C'est une question d'information des professionnels et de formation à la reconnaissance des signes évocateurs de certaines affections. Nous sommes sensibles à cette question. Je ne sais pas s'il existe aujourd'hui, dans le process d'indemnisation, une inégalité genrée. Nous n'avons jamais examiné cette question et nous n'avons pas d'éléments pour ce faire. Plus globalement, cette inégalité s'applique à de nombreuses problématiques de santé.

Concernant l'amélioration de la gouvernance en vue d'un système de santé plus innovant, madame Wonner, vous connaissez mes obsessions en la matière et tout le travail que j'ai réalisé en ce sens. Le dispositif d'indemnisation, tel que prévu dans la loi de 2002, s'est largement inspiré des questions de démocratie en santé. Lors de leurs réunions, les commissions de conciliation et d'indemnisation réunissent autour de la table toutes les parties prenantes dont, bien entendu, les personnes elles-mêmes et leurs représentants. Le conseil d'administration, et j'y suis extrêmement vigilante, compte en son sein un certain nombre de représentants d'associations d'usagers. Les conseils d'orientation, que je préside et qui travaillent sur des sujets plus techniques, plus médicaux, relatifs aux différents dispositifs d'indemnisation, comprennent aussi des personnes touchées. Je demanderai au conseil d'administration et à l'équipe de direction que nous intégrions des personnes concernées dans notre réflexion pour un meilleur accompagnement des victimes. Je sais que je serai entendue.

Monsieur le député, vous m'avez interrogée sur notre budget d'indemnisation pour la Dépakine au titre de la loi de financement de la sécurité sociale et les premiers montants d'indemnisation déterminés par les juridictions, en particulier celui, de 2 millions d'euros, décidé par la cour d'appel d'Orléans. Je serais aujourd'hui en peine de vous fournir des éléments précis des montants d'indemnisation, puisque, comme je l'indiquais précédemment, le comité d'indemnisation des victimes de la Dépakine rendra ses premières décisions dans les semaines qui viennent.

Concernant les actions récursoires contre Sanofi, j'ai répondu clairement que la loi ne nous autorise pas à engager ce type d'action. Je vous renvoie la balle.

Enfin, madame Grandjean, l'accompagnement des victimes est pour nous un sujet important. Nous ne sommes pas très bons. Dire le contraire serait infondé. Le paradoxe, c'est que nous avons un dispositif peu onéreux pour les victimes, puisqu'elles n'ont pas l'obligation de recourir à un avocat, alors que la complexité des dossiers d'indemnisation et des situations rencontrées par les victimes rendrait cette assistance parfois nécessaire. Concilier un dispositif facile d'accès, gratuit pour les personnes, et un accompagnement de qualité représente l'enjeu du travail que nous allons engager dans les mois qui viennent. J'aurais aimé qu'on le fasse plus tôt. Les mauvaises surprises que nous avons eues pour le fonctionnement et la gestion de l'ONIAM, mises au jour par la Cour des comptes, nous ont conduits à changer nos priorités.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame Compagnon, je vous remercie pour la clarté de vos réponses. Je remercie aussi mes collègues pour la richesse de leurs questions.

La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 10 heures

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Adrien Taquet, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, Mme Blandine Brocard, Mme Geneviève Levy, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Michèle Peyron, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon

Assistaient également à la réunion. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot