De nouveau, merci pour la diversité et l'intérêt de tous ces questionnements.
Nous avons lu comme vous les récentes études relatives au lien entre la prise d'Androcur et le développement de tumeurs. À ce jour, 136 dossiers sont arrivés ou vont arriver devant les commissions de conciliation et d'indemnisation. Je ne peux encore vous indiquer la répartition géographique mais c'est une activité qui commence à devenir importante.
Certains députés souhaitent la mise en place d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'utilisation de produits phytosanitaires. À ce jour, les pouvoirs publics ne nous ont pas saisis d'une éventuelle nouvelle mission et nous n'avons pas été amenés à travailler sur cette question. Je crois me souvenir que dans le cadre de la mission de l'IGAS menée l'année dernière sur ce sujet, les inspecteurs avaient fait le point avec la direction de l'ONIAM sur notre mécanisme d'indemnisation. Mais c'était davantage une sorte de bilan du fonctionnement et des limites du dispositif actuel de l'ONIAM qu'une véritable interrogation au sujet d'une extension de notre activité.
S'agissant, pour reprendre votre expression, Monsieur le député, de la « double peine », notre cadre d'intervention est fixé par la loi, laquelle prévoit un seuil au-delà duquel nous ne pouvons pas intervenir. Ce n'est pas botter en touche ou éluder la question que de dire que pour indemniser de manière plus importante les victimes d'accidents médicaux, il faudrait modifier ce seuil par la loi. Aujourd'hui, les commissions de conciliation et d'indemnisation excluent certains dossiers a priori parce qu'ils ne répondent pas aux critères fixés par la loi. En tant que coopérateurs publics, nous sommes tenus par les dispositifs législatifs en vigueur. Vous le savez, lors de la création de l'ONIAM et du dispositif d'indemnisation, la loi de 2002 a prévu de ne pas intervenir au titre de la solidarité nationale sur tous les champs et pour tous les accidents médicaux, considérant que le dispositif avait vocation à intervenir dans les situations les plus graves.
J'ai dit que 2017 avait été une année record en matière de dépenses d'indemnisation, donc d'aides apportées aux victimes. Est-ce dû à l'augmentation du nombre d'accidents graves entraînant une indemnisation plus forte ? Ou au fait que le dispositif est mieux connu, mieux articulé et mieux acté par les victimes ? Conçu pour apporter une indemnisation aux victimes, si celles-ci ne le connaissent pas, nous sommes face à un problème démocratique d'accessibilité au droit. Nous sommes allés, avec Sébastien Leloup, le directeur, dans un certain nombre de commissions de conciliation et d'indemnisation pour rencontrer l'ensemble des parties prenantes – représentants d'associations, membres des commissions, avocats. Nous avons constaté, et nous le constatons aujourd'hui dans nos échanges réguliers au sujet de la Dépakine, que ce dispositif est plutôt plébiscité par les avocats et les associations. Il représente un « plus » dans le paysage institutionnel des indemnisations en matière de santé. Il est de plus en plus connu. Nous avons travaillé pour cela. Il n'est donc pas étonnant de constater un accroissement d'activité.
Concernant le Distilbène, nous ne sommes pas saisis de demandes d'indemnisation au titre de la troisième génération. M. Leloup vient de me confirmer que nous n'avions pas d'éléments à ce sujet.
Je dois vous alerter sur le fait que nous aurons la même question au sujet de la Dépakine. Lors d'une assemblée générale de l'APESAC, à Rennes, à laquelle j'assistais, il y a quelques semaines, des femmes dont la mère avait pris du valproate et qui sont aujourd'hui en âge de porter des enfants ont souhaité obtenir des informations sur les facteurs de risques. D'autres, qui ont déjà des enfants, s'interrogeaient sur une possible transmission à la nouvelle génération. La recherche devrait donc être engagée aussi pour la Dépakine.
Je soulignais le hiatus existant entre le nombre de dossiers d'indemnisation en matière de Dépakine déjà reçus et les évaluations scientifiques de l'enquête ANSM-CNAM publiée en juin dernier. Vous avez raison, il est extrêmement important. Nous l'avons partagé en interne au regard des questions posées par l'éventuel accroissement de notre activité et des moyens et réponses moyens à apporter aux victimes. Cela se pose aussi, en relation avec le cabinet de la ministre des solidarités et de la santé, la question de l'information que nous pourrions fournir aux victimes potentielles, compte tenu des données disponibles dans le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM). Le SNIIRAM est aujourd'hui en capacité de relier la prise de valproate, la situation des femmes concernées et le fait qu'elles aient eu des enfants présentant des troubles du neuro-développement. La décision relève des pouvoirs publics.
Je ne crois pas que nous ayons une part de responsabilité dans ce hiatus. La nature de ces troubles du neuro-développement chez les enfants ne rend peut-être pas totalement aptes à connaître l'existence de ce dispositif. J'appelle aussi votre attention sur le fait que nous avons affaire, dans les dossiers Dépakine, non seulement à des enfants malades, et parfois très gravement handicapés, mais aussi à des mères malades. Quand on sait l'énergie qu'il faut pour gérer un parcours de santé à long terme pour une épilepsie sévère en ayant soi-même des enfants très gravement handicapés ou très gravement malades, le recours au droit et la réalisation de dossiers peuvent être des sujets secondaires pour ces familles.
Les inégalités de santé vis-à-vis des femmes sont une donnée bien connue en matière d'affections cardiovasculaires. Les femmes sont dépistées plus tard. J'ai moi-même réalisé, il y a quelques années, des travaux sur les maladies cardiovasculaires, montrant clairement que non seulement les femmes étaient diagnostiquées plus tard, mais qu'elles arrivaient aussi plus tard aux urgences et étaient moins traitées. C'est une question d'information des professionnels et de formation à la reconnaissance des signes évocateurs de certaines affections. Nous sommes sensibles à cette question. Je ne sais pas s'il existe aujourd'hui, dans le process d'indemnisation, une inégalité genrée. Nous n'avons jamais examiné cette question et nous n'avons pas d'éléments pour ce faire. Plus globalement, cette inégalité s'applique à de nombreuses problématiques de santé.
Concernant l'amélioration de la gouvernance en vue d'un système de santé plus innovant, madame Wonner, vous connaissez mes obsessions en la matière et tout le travail que j'ai réalisé en ce sens. Le dispositif d'indemnisation, tel que prévu dans la loi de 2002, s'est largement inspiré des questions de démocratie en santé. Lors de leurs réunions, les commissions de conciliation et d'indemnisation réunissent autour de la table toutes les parties prenantes dont, bien entendu, les personnes elles-mêmes et leurs représentants. Le conseil d'administration, et j'y suis extrêmement vigilante, compte en son sein un certain nombre de représentants d'associations d'usagers. Les conseils d'orientation, que je préside et qui travaillent sur des sujets plus techniques, plus médicaux, relatifs aux différents dispositifs d'indemnisation, comprennent aussi des personnes touchées. Je demanderai au conseil d'administration et à l'équipe de direction que nous intégrions des personnes concernées dans notre réflexion pour un meilleur accompagnement des victimes. Je sais que je serai entendue.
Monsieur le député, vous m'avez interrogée sur notre budget d'indemnisation pour la Dépakine au titre de la loi de financement de la sécurité sociale et les premiers montants d'indemnisation déterminés par les juridictions, en particulier celui, de 2 millions d'euros, décidé par la cour d'appel d'Orléans. Je serais aujourd'hui en peine de vous fournir des éléments précis des montants d'indemnisation, puisque, comme je l'indiquais précédemment, le comité d'indemnisation des victimes de la Dépakine rendra ses premières décisions dans les semaines qui viennent.
Concernant les actions récursoires contre Sanofi, j'ai répondu clairement que la loi ne nous autorise pas à engager ce type d'action. Je vous renvoie la balle.
Enfin, madame Grandjean, l'accompagnement des victimes est pour nous un sujet important. Nous ne sommes pas très bons. Dire le contraire serait infondé. Le paradoxe, c'est que nous avons un dispositif peu onéreux pour les victimes, puisqu'elles n'ont pas l'obligation de recourir à un avocat, alors que la complexité des dossiers d'indemnisation et des situations rencontrées par les victimes rendrait cette assistance parfois nécessaire. Concilier un dispositif facile d'accès, gratuit pour les personnes, et un accompagnement de qualité représente l'enjeu du travail que nous allons engager dans les mois qui viennent. J'aurais aimé qu'on le fasse plus tôt. Les mauvaises surprises que nous avons eues pour le fonctionnement et la gestion de l'ONIAM, mises au jour par la Cour des comptes, nous ont conduits à changer nos priorités.