Je vous prie d'excuser M. Jean Passini, qui n'a pu être présent aujourd'hui. Je suis accompagné par mes collègues de la direction des affaires techniques et des relations institutionnelles.
Les entreprises adhérentes de la Fédération française du bâtiment (FFB), toutes largement investies dans la rénovation énergétique, ont identifié cinq points qui ralentissent la mise en place du programme national de rénovation.
D'un point de vue général, le premier constat est celui de la complexité des marchés, les problématiques variant selon les territoires et le marché concerné (diffus, tertiaire, pavillonnaire, ou copropriété). Les retours sur investissement pour les maîtres d'ouvrage, quels qu'ils soient, sont peu intéressants, ce qui constitue un autre frein. Il est difficile de valoriser une rénovation énergétique, lot par lot comme en multi-lots, si l'on a comme seul prisme le retour sur investissement. Des points d'entrée élargis sont nécessaires pour la rénovation. Enfin, les travaux sont assez coûteux et souvent disproportionnés au regard de la capacité d'investissement des foyers pour la rénovation énergétique de leur logement.
L'autre constat est qu'une dynamique s'est engagée sur la labellisation « reconnu garant de l'environnement » (RGE) de nos entreprises. Environ 65 000 d'entre elles sont qualifiées RGE. Cette dynamique est à la fois pertinente et vertueuse. En revanche, le marché manque de lisibilité quant à l'avenir du RGE. Les freins et les remises en cause de cette qualification sont nombreux et pourraient faire s'écrouler cette dynamique. Ce sujet nous inquiète beaucoup et constitue, à nos yeux, un frein majeur à la mise en place d'un plan beaucoup plus massif – d'autant que nous avons déjà pris un important retard sur la rénovation énergétique des bâtiments. Ce sujet est primordial pour nous. Qui plus est, nous observons des contre-performances, qui sont le fait d'entreprises frauduleuses. La FFB s'attache, avec les organismes de qualification, à aller sur ce terrain. Les contre-performances peuvent avoir des effets très nocifs sur la dynamique globale. Le caractère frauduleux de certaines entreprises, qui ne sont pas qualifiées RGE et qui entreprennent des travaux d'une façon contestable, nous inquiète aussi. C'est un sujet sur lequel nous nous penchons avec beaucoup d'attention.
J'en viens à la question des entreprises opportunistes qui déploient des offres alors qu'elles ne sont pas du métier, en mettant l'accent sur des aspects marketing et commerciaux. Nous considérons qu'elles créent des contre-références, parmi lesquelles, entre autres exemples, la rénovation pour un euro. Ces opérations consomment de l'incitation fiscale au profit d'une démarche purement marketing ou commerciale. Voilà encore un sujet qui nous inquiète.
J'évoquerai également les problèmes de lisibilité. Nous sommes face à des clients qui peinent à percevoir les aides dont ils peuvent disposer. Nous parlerons, j'imagine, du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), au sujet duquel des discussions très importantes sont en cours, notamment sur la question des fenêtres, qui constituent un point d'entrée pour la réalisation de travaux multi-lots. Le manque de lisibilité est dû aussi à la multiplicité des guichets publics, qui rend difficile l'accompagnement des clients. Ce problème global de lisibilité sur les aides et les accompagnements est vraiment important.
D'un point de vue technique, il est évident que, pour faire une bonne rénovation énergétique avec l'objectif de consommer moins, donc de polluer moins, plusieurs briques doivent être combinées. Tout d'abord, la brique de l'audit. Il est extrêmement important que nos entreprises soient acteurs de cet audit, car elles sont « sachantes » sur différents sujets, quel que soit leur métier. Pour le RGE notamment, nous nous attachons à former nos entreprises à être capables, quel que soit leur corps de métier, d'accompagner cet audit et de le mettre en place. Cette démarche est en cours au sein de la FFB.
La deuxième brique est la détermination des travaux pertinents à mettre en oeuvre. Nous savons aujourd'hui – c'est confirmé par des enquêtes de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), notamment l'enquête « Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles » (TRÉMI) – que l'obtention de bons résultats nécessite d'effectuer plusieurs types de travaux. Or cela ne peut pas se faire à l'instant t. Je ne parle pas ici de l'objectif consistant à changer sa chaudière ou à refaire son isolation : si l'on veut un résultat probant dans le temps, il faut être capable de déployer des travaux mono-lot puis multi-lots sur une certaine période, relativement longue.
Dans ce contexte, la FFB s'est aussi beaucoup investie sur la partie sociétale. En effet, vous savez que nous sommes preneurs, acteurs et force de proposition pour accompagner ce plan de rénovation énergétique y compris d'un point de vue sociétal. Pour cela, il nous semble aussi important d'accompagner l'usager dans le temps, qu'il s'agisse de la restitution des résultats de consommation – il faudra être capable de les commenter avec lui et de les analyser pour s'approcher de l'objectif fixé – ou qu'il s'agisse d'apporter un support pédagogique allant au-delà de la rénovation énergétique, traitant par exemple de la gestion des déchets.
La problématique de la maintenance d'un certain nombre d'équipements est connexe à celle qui nous intéresse aujourd'hui. Ces équipements, qui sont consommateurs d'énergie, doivent être maintenus. Je pense aux systèmes d'énergie renouvelable, par exemple, qui sont extrêmement performants sous réserve d'être correctement entretenus. Dans cette dynamique, nous proposons de l'audit et sommes en train d'élaborer un prototype d'accompagnement énergétique dans la durée, auquel tout le monde trouverait un avantage. L'objectif étant de consommer moins, donc de polluer moins, les actions « coup de poing » de type marketing ne sont pas adaptées.
Cet accompagnement inclurait éventuellement le pilotage des incitations fiscales associées. Cela favoriserait, d'une part, la pédagogie, l'accompagnement et l'orientation vers le résultat final – une meilleure consommation – tout en plaçant les usagers au centre des préoccupations. Ce faisant, les usagers seraient formés sur la durée : s'ils déménagent, par exemple, ils conserveront les bons réflexes.