Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • RGE
  • bâtiment
  • frein
  • logement
  • performance
  • rénovation
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La réunion

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La séance est ouverte à dix heures trente.

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Mesdames et messieurs, merci d'être présents pour cette table ronde organisée dans le cadre de la mission d'information sur les freins à la transition énergétique. Je laisserai dans quelques instants la parole à Bruno Duvergé, rapporteur de cette mission. Les députés pourront ensuite vous interroger sur votre vision des freins à la transition énergétique dans vos domaines respectifs.

Je rappelle que cette audition est publique. Elle est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet de l'Assemblée nationale. Vous pourrez récupérer le podcast si vous le souhaitez. Elle fera en outre l'objet d'un compte rendu écrit.

Je vous informe également que nous avons acté le principe d'ouvrir, courant janvier ou février 2019, une consultation publique en ligne, à destination de l'ensemble des citoyens mais aussi des fédérations et des professionnels. L'objectif est de compléter notre information sur les thématiques suivantes : la méthode, la gouvernance locale, les énergies non renouvelables, les mobilités durables, les économies d'énergie, les filières, la transformation des grands groupes, les freins culturels, la fiscalité et les aides. Quiconque le souhaitera pourra contribuer à cette consultation sur le site de l'Assemblée nationale. Cette consultation sera également relayée sur les réseaux sociaux. Un point d'étape sera dressé en mars et les conclusions des travaux de la mission seront présentées en juin.

Je vous propose de commencer par présenter brièvement chacun des six organismes que vous représentez – la Fédération française du bâtiment (FFB), l'Union sociale pour l'habitat (USH), l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), la Fédération des services énergie environnement (FEDENE), l'Université catholique de Lille et le lycée Jacques Le Caron d'Arras – et de nous faire part des freins que vous avez identifiés, ainsi que des quelques solutions que vous entrevoyez déjà.

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Je vous remercie, mesdames et messieurs, d'avoir répondu à notre invitation. L'objet de cette mission d'information vise à identifier les freins à la transition énergétique, articulés autour de sept grands axes.

Le premier axe est celui de la vision à long terme. Sommes-nous capables de proposer à nos concitoyens une vision du monde de demain quant à la production, la consommation et l'utilisation des nouvelles énergies ?

Le deuxième axe est celui des productions par filière – solaire, éolien, méthane, etc. Quels sont les freins, aujourd'hui, au développement de ces différentes productions ?

Le troisième axe concerne les mobilités. Comment nous déplacerons-nous demain ? Avec quel type de véhicule et quel type d'énergie ?

Le quatrième axe vous concerne plus particulièrement puisqu'il porte sur les économies d'énergie dans le bâtiment – collectif, individuel, tertiaire, industriel.

Le cinquième axe concerne les grands groupes de l'énergie. Comment imaginent-ils le futur ? Comment imaginent-ils ce qu'ils seront dans dix, vingt, ou trente ans, sachant que la production d'énergie sera complètement différente de ce qu'elle est aujourd'hui et complètement décentralisée ?

Le sixième axe est celui des territoires. Comment les territoires, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) prendront-ils en compte ce changement fondamental ?

Enfin, le septième axe concerne la lisibilité de l'aspect fiscal et budgétaire. Comment la fiscalité est-elle utilisée pour accélérer la transition énergétique ?

Je sais que vous avez tous beaucoup de choses très intéressantes à nous dire, mais je vous demanderai de focaliser votre intervention sur votre diagnostic. Ne passez pas trop de temps à « vendre » ce que vous faites ! Présentez-nous plutôt votre diagnostic sur la question des freins à la transition énergétique, avec une clé de lecture fiscale, législative, réglementaire, technologique, financière, sociétale et informationnelle.

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Stéphane Sajoux, président du groupe Performance énergétique de la Fédération française du bâtiment (FFB)

Je vous prie d'excuser M. Jean Passini, qui n'a pu être présent aujourd'hui. Je suis accompagné par mes collègues de la direction des affaires techniques et des relations institutionnelles.

Les entreprises adhérentes de la Fédération française du bâtiment (FFB), toutes largement investies dans la rénovation énergétique, ont identifié cinq points qui ralentissent la mise en place du programme national de rénovation.

D'un point de vue général, le premier constat est celui de la complexité des marchés, les problématiques variant selon les territoires et le marché concerné (diffus, tertiaire, pavillonnaire, ou copropriété). Les retours sur investissement pour les maîtres d'ouvrage, quels qu'ils soient, sont peu intéressants, ce qui constitue un autre frein. Il est difficile de valoriser une rénovation énergétique, lot par lot comme en multi-lots, si l'on a comme seul prisme le retour sur investissement. Des points d'entrée élargis sont nécessaires pour la rénovation. Enfin, les travaux sont assez coûteux et souvent disproportionnés au regard de la capacité d'investissement des foyers pour la rénovation énergétique de leur logement.

L'autre constat est qu'une dynamique s'est engagée sur la labellisation « reconnu garant de l'environnement » (RGE) de nos entreprises. Environ 65 000 d'entre elles sont qualifiées RGE. Cette dynamique est à la fois pertinente et vertueuse. En revanche, le marché manque de lisibilité quant à l'avenir du RGE. Les freins et les remises en cause de cette qualification sont nombreux et pourraient faire s'écrouler cette dynamique. Ce sujet nous inquiète beaucoup et constitue, à nos yeux, un frein majeur à la mise en place d'un plan beaucoup plus massif – d'autant que nous avons déjà pris un important retard sur la rénovation énergétique des bâtiments. Ce sujet est primordial pour nous. Qui plus est, nous observons des contre-performances, qui sont le fait d'entreprises frauduleuses. La FFB s'attache, avec les organismes de qualification, à aller sur ce terrain. Les contre-performances peuvent avoir des effets très nocifs sur la dynamique globale. Le caractère frauduleux de certaines entreprises, qui ne sont pas qualifiées RGE et qui entreprennent des travaux d'une façon contestable, nous inquiète aussi. C'est un sujet sur lequel nous nous penchons avec beaucoup d'attention.

J'en viens à la question des entreprises opportunistes qui déploient des offres alors qu'elles ne sont pas du métier, en mettant l'accent sur des aspects marketing et commerciaux. Nous considérons qu'elles créent des contre-références, parmi lesquelles, entre autres exemples, la rénovation pour un euro. Ces opérations consomment de l'incitation fiscale au profit d'une démarche purement marketing ou commerciale. Voilà encore un sujet qui nous inquiète.

J'évoquerai également les problèmes de lisibilité. Nous sommes face à des clients qui peinent à percevoir les aides dont ils peuvent disposer. Nous parlerons, j'imagine, du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), au sujet duquel des discussions très importantes sont en cours, notamment sur la question des fenêtres, qui constituent un point d'entrée pour la réalisation de travaux multi-lots. Le manque de lisibilité est dû aussi à la multiplicité des guichets publics, qui rend difficile l'accompagnement des clients. Ce problème global de lisibilité sur les aides et les accompagnements est vraiment important.

D'un point de vue technique, il est évident que, pour faire une bonne rénovation énergétique avec l'objectif de consommer moins, donc de polluer moins, plusieurs briques doivent être combinées. Tout d'abord, la brique de l'audit. Il est extrêmement important que nos entreprises soient acteurs de cet audit, car elles sont « sachantes » sur différents sujets, quel que soit leur métier. Pour le RGE notamment, nous nous attachons à former nos entreprises à être capables, quel que soit leur corps de métier, d'accompagner cet audit et de le mettre en place. Cette démarche est en cours au sein de la FFB.

La deuxième brique est la détermination des travaux pertinents à mettre en oeuvre. Nous savons aujourd'hui – c'est confirmé par des enquêtes de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), notamment l'enquête « Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles » (TRÉMI) – que l'obtention de bons résultats nécessite d'effectuer plusieurs types de travaux. Or cela ne peut pas se faire à l'instant t. Je ne parle pas ici de l'objectif consistant à changer sa chaudière ou à refaire son isolation : si l'on veut un résultat probant dans le temps, il faut être capable de déployer des travaux mono-lot puis multi-lots sur une certaine période, relativement longue.

Dans ce contexte, la FFB s'est aussi beaucoup investie sur la partie sociétale. En effet, vous savez que nous sommes preneurs, acteurs et force de proposition pour accompagner ce plan de rénovation énergétique y compris d'un point de vue sociétal. Pour cela, il nous semble aussi important d'accompagner l'usager dans le temps, qu'il s'agisse de la restitution des résultats de consommation – il faudra être capable de les commenter avec lui et de les analyser pour s'approcher de l'objectif fixé – ou qu'il s'agisse d'apporter un support pédagogique allant au-delà de la rénovation énergétique, traitant par exemple de la gestion des déchets.

La problématique de la maintenance d'un certain nombre d'équipements est connexe à celle qui nous intéresse aujourd'hui. Ces équipements, qui sont consommateurs d'énergie, doivent être maintenus. Je pense aux systèmes d'énergie renouvelable, par exemple, qui sont extrêmement performants sous réserve d'être correctement entretenus. Dans cette dynamique, nous proposons de l'audit et sommes en train d'élaborer un prototype d'accompagnement énergétique dans la durée, auquel tout le monde trouverait un avantage. L'objectif étant de consommer moins, donc de polluer moins, les actions « coup de poing » de type marketing ne sont pas adaptées.

Cet accompagnement inclurait éventuellement le pilotage des incitations fiscales associées. Cela favoriserait, d'une part, la pédagogie, l'accompagnement et l'orientation vers le résultat final – une meilleure consommation – tout en plaçant les usagers au centre des préoccupations. Ce faisant, les usagers seraient formés sur la durée : s'ils déménagent, par exemple, ils conserveront les bons réflexes.

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Christophe Boucaux, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'Union sociale pour l'habitat (USH)

Le patrimoine des habitations à loyer modéré (HLM) est constitué d'environ 4,5 millions de logements. Les organismes HLM sont des constructeurs importants. Nous mettons tous les ans en service 80 000 logements hautement performants sur le plan énergétique et, demain, sur le plan environnemental. Nous réhabilitons environ 125 000 logements par an. Cela nous procure une vision assez claire des freins et des leviers de la transition énergétique, avec un focus particulier sur les bailleurs sociaux. Aujourd'hui, 31 % des ménages du secteur HLM se situent sous le seuil de pauvreté, contre 14 % dans le parc privé. Les charges, en particulier énergétiques, constituent donc un enjeu central pour l'action des organismes HLM. C'est pourquoi ils interviennent massivement depuis de nombreuses années sur la performance énergétique de leur parc et anticipent autant que possible l'ensemble des évolutions réglementaires associées au logement neuf. C'est ainsi que le parc HLM est classé pour un peu moins de 40 % en étiquette ABC et pour 26 % en étiquette ABC « vision gaz à effet de serre ».

Ainsi que l'a rappelé le représentant de la FFB, le cycle du logement est long. Du point de vue de la maîtrise d'ouvrage et de celui d'un gestionnaire de patrimoine, les effets d'apprentissage sont suffisamment importants pour l'ensemble des acteurs de la filière pour que les résultats attendus en termes de performances soient concrètement évalués et mesurés sur les bâtiments livrés. Pour vous donner un ordre de grandeur, le saut de performance attendu entre la réglementation thermique (RT) de 2005 et la RT de 2012 est équivalent à celui qui avait été réalisé entre 1982 et 2005 – lequel avait considérablement fait bouger un certain nombre de lignes et amené les acteurs à réinterroger leur mode de faire et leur mode de conception pour s'assurer que l'ensemble des pièces qui composent un bâtiment fonctionnent, afin que la performance réelle ou concrète soit très proche de la performance attendue dans le moteur de calcul.

En matière de bâtiment et de cycle de production des bâtiments, une réelle attention doit être portée aux effets d'apprentissage et à l'anticipation des réglementations à venir. En cela, la démarche lancée en 2016 par l'État et le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) autour de ce qui préfigure la prochaine réglementation énergétique et environnementale adossée aux bâtiments neufs, dite « E+C- », est tout à fait inédite et heureuse. En effet, ces deux instances ont décidé de créer une dynamique d'acteurs pour expérimenter les bâtiments de demain, créer les conditions des retours d'expérience et s'appuyer sur eux pour fixer les critères de la prochaine réglementation dans des conditions à la fois techniques et économiquement supportables. C'est tout à fait essentiel en matière de performance et de transition énergétiques.

Après la construction neuve, j'en viens au volet « rénovation ». Je le disais en introduction, les organismes HLM réhabilitent environ 125 000 logements par an. Les deux tiers d'entre eux voient leurs performances augmenter d'au moins une étiquette énergétique lors de ces réhabilitations. Ainsi, en 2017, 57 000 logements ont été portés dans une vision dite « BBC (bâtiment basse consommation) rénovation », avec l'appui de l'éco-prêt logement social. Le renouvellement de composants et le changement d'équipements représentent environ 30 % des interventions sur les logements : avec l'appui des certificats d'économies d'énergie (CEE), ils permettent d'implémenter dans les bâtiments de nouveaux systèmes beaucoup plus performants que ceux qui étaient antérieurement installés.

Concernant l'éco-prêt logement social, il me semble également utile de rappeler que le prix moyen d'une rénovation par logement représente 34 500 euros. Ce coût de l'investissement n'est évidemment pas composé des seuls travaux de rénovation énergétique. Mais, au-delà des gestionnaires de patrimoine professionnels pérennes comme le sont ceux du mouvement HLM, ce montant représente un investissement relativement lourd, voire très lourd, pour un maître d'ouvrage privé et particulier – donc pour un très grand nombre de nos concitoyens. Dès lors, la question du résultat et du retour sur investissement est tout à fait essentielle, de même que la question de la garantie de performance. Comment s'assurer que l'ensemble des actions portées aboutiront au résultat attendu et induiront une augmentation du pouvoir d'achat ?

J'en viens aux freins que le monde HLM identifie. Un certain nombre de conditions et de critères, y compris réglementaires, peuvent conduire à ce que les gains de consommation d'énergie liés aux interventions ne soient pas nécessairement synonymes de réduction des dépenses énergétiques des ménages, donc d'augmentation de leur pouvoir d'achat. Dans les moteurs de calcul également, certaines conditions conduisent bien souvent à ignorer, dans une vision économique, des coûts inhérents à l'ensemble des installations – notamment les coûts d'abonnement aux différentes énergies, voire les coûts d'entretien et de maintenance des équipements. Je crois tout à fait important d'adopter, demain, une vision de la performance énergétique élargie à la performance économique et à la performance environnementale. En cela, il nous paraît essentiel que le diagnostic de performance énergétique (DPE) puisse être rénové, actualisé – en tout cas qu'il puisse évoluer considérablement dans sa forme et dans le fond. Il convient également de s'attacher à mesurer la performance énergétique des bâtiments non pas en termes d'énergie primaire, notion qui ne parle pas à nos concitoyens, mais en termes d'énergie finale, c'est-à-dire l'énergie réellement consommée par les ménages et la traduction directe de leur facture en kilowattheures.

La plus grande attention doit également être portée aux dispositifs qui pourraient induire des coûts d'entretien et de maintenance. Un exemple emblématique, dans le monde HLM, était celui des dispositifs d'individualisation des frais de chauffage qui avaient été souhaités par la loi de transition énergétique – heureusement corrigée par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi ELAN » – dans une optique de généralisation ne tenant pas compte du rapport coût-bénéfice pour les ménages. Or sur le plan social, la transition énergétique doit nécessairement se traduire par une minoration des charges, donc une augmentation du pouvoir d'achat des ménages. C'est essentiel, en tout cas pour le monde HLM. C'est même ce qui motive l'action des organismes HLM.

Il convient également de prendre en compte le carbone dans la performance des bâtiments. Le référentiel « E+C- » permet de prendre en compte les émissions carbone. Nous avons aussi à faire bouger un certain nombre de lignes sur les conditions d'octroi de certains dispositifs pour les organismes HLM, notamment l'éco-prêt logement social, afin qu'elles prennent en compte cette dimension carbone.

Pour conclure, j'observerai qu'il est primordial que tous les travaux entrepris notamment dans le cadre des trois plans, et en particulier du programme d'action pour la qualité de la construction et la transition énergétique, mettent davantage l'accent sur les outils destinés aux professionnels de la filière – concepteurs, entreprises, maîtres d'ouvrage et exploitants – afin que nos modes de faire s'efforcent de plus en plus de répondre aux objectifs recherchés lors de la conception des logements.

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Christian Mourougane, directeur général adjoint de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH)

Je vous prie d'excuser notre directrice générale, Valérie Mancret-Taylor, qui n'a pu être présente ce matin.

Je voudrais d'abord, en quelques mots, préciser le champ d'intervention de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Nous pilotons un programme de lutte contre la précarité énergétique, lequel vise à permettre aux propriétaires occupants modestes ou très modestes ou à des propriétaires bailleurs, sous réserve de conventionner leur logement, de bénéficier d'aides et de subventions accordées par l'Agence pour rénover leur logement et en améliorer la performance énergétique. Le plan « Climat » nous fixe l'objectif de financer 75 000 logements par an. Cette année, nous devrions nous situer entre 65 000 et 70 000 logements financés, ce qui représente une augmentation de plus de 30 % par rapport à l'année dernière.

Pour ce qui est des freins à la transition énergétique, je distinguerai trois sujets différents. Le premier est celui du reste à charge pour les ménages, alors que je rappelle que nous nous adressons à des publics modestes. Après le financement de l'Agence à hauteur de 60 %, le reste à charge représente 40 % du coût du projet. Pour des coûts moyens de travaux compris entre 18 000 à 20 000 euros, cela représente environ 8 000 euros, soit plus de la moitié d'une année de revenus. Pour lever ce frein, nous nouons des partenariats, notamment avec le réseau immobilier Procivis et des collectivités locales. Toutefois, pour inscrire notre action dans la durée, il faudrait que ces dispositifs de financement du reste à charge soient généralisés et pérennes. Or nous constatons la difficulté des collectivités locales à accompagner la montée en charge du programme, de même que l'augmentation des objectifs fixés par l'État à l'Agence.

Le deuxième frein est lié à l'insuffisant développement et à l'insuffisante mobilisation du dispositif d'accompagnement. Nous nous appuyons principalement sur le réseau associatif Solidaires pour l'habitat (SOLIHA), partenaire majeur de l'Agence, et sur quelques bureaux d'études privés. Mais il faudrait généraliser au niveau national le soutien et l'accompagnement. C'est un axe majeur d'amélioration. Lorsque les territoires sont dotés d'outils d'accompagnement performants, les objectifs sont atteints. En revanche, dans certains territoires, il manque de l'ingénierie et de l'accompagnement. En corollaire de cette question de l'accompagnement, je rappellerais que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu la création d'un service public de l'efficacité énergétique de l'habitat, porté par les conseils régionaux, ainsi que la création de plateformes territoriales de la rénovation énergétique. En l'occurrence, la constitution de ces plateformes est un enjeu majeur d'accompagnement des propriétaires à titre individuel. Ces plateformes auront trois vocations : une vocation d'information du public, une vocation de recensement de l'ensemble des aides disponibles sur un territoire et une vocation d'animation du milieu professionnel. Je rejoins ici l'ensemble des préoccupations exposées par la FFB.

Enfin, le troisième frein au développement du programme « Habiter mieux » vient de la prise de décision collective dans les copropriétés, dans lesquelles chaque propriétaire est finalement le maître d'ouvrage, ou au moins en partie, des travaux sur les parties communes. Les difficultés que nous recensons sont celles liés à la mise en place d'un accompagnement collectif et d'une facilitation de prise de décision collective autour des travaux de la rénovation énergétique. Nous constatons qu'il est plus facile d'inclure ces travaux lorsqu'il s'agit de requalifier globalement une copropriété et d'intégrer des normes de confort, d'adaptation au vieillissement ou d'accessibilité aux étages. Aussi engageons-nous les copropriétés à réfléchir à des projets ambitieux et des volumes de travaux importants. Mais, dès lors que seuls les travaux de rénovation énergétique sont financés par l'Agence, le reste à charge est important et empêche des prises de décisions rapides. C'est un frein important. Le coût de 34 000 euros par logement pour les réhabilitations, annoncé par l'USH, est à peu près équivalent pour la rénovation énergétique. Et l'Agence n'en finance que 10 % à peu près, soit 3 500 à 4 000 euros.

Certes, les résultats sont plutôt encourageants grâce à la prise de conscience des copropriétaires. Mais, dans certains centres anciens, notamment dans les villes moyennes, on se heurte à un niveau de dégradation et à un taux de vacance des logements qui rendent la prise de décision complexe, notamment pour les propriétaires-bailleurs. En effet, pour bénéficier d'un retour sur investissement, ceux-ci doivent trouver des locataires. Aussi lisons-nous les politiques de transition et de rénovation énergétiques en lien avec celles de l'habitat, notamment de repeuplement des quartiers anciens dégradés et de remise sur le marché de logements vacants.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

Je me permettrai de donner quelques minutes de mon temps de parole à mon collègue du Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (SYNASAV), qui abordera plus spécifiquement les problématiques de logement individuel.

La Fédération des services énergie environnement (FEDENE) regroupe les entreprises de services énergétiques, celles qui montent des bouquets de solutions énergétiques, donc des actions de performance énergétique ayant pour objectif de générer des économies d'énergie. Force est de constater que nous ne sommes pas du tout en ligne avec les objectifs fixés – nous en sommes même très éloignés.

Au-delà des freins, j'identifie quelques explications historiques et différentes causes. Concernant les actions que nous menons depuis toujours, la valeur des économies d'énergie générées par un investissement a perdu 30 % du fait du décrochage de 30 % à 35 % du prix des énergies fossiles en 2014. L'équilibre financier des opérations, qui constituait un important levier de décision de nos clients, s'en est trouvé totalement déséquilibré. Qui plus est, non seulement le mécanisme d'aide que sont les CEE n'a pas été renforcé, mais il a même été réduit – pour des raisons un peu longues à expliquer. Cela s'est traduit par un coup de frein significatif pour les opérations de rénovation énergétique.

Ainsi que cela a été indiqué par les orateurs précédents, la rénovation énergétique recouvre plusieurs marchés. Le rapport de l'Observatoire des contrats de performance énergétique (OCPE) distingue trois types de bouquets d'actions de performance énergétique. Le premier concerne les actions qui visent à améliorer la performance par un pilotage plus fin et par des engagements d'exploitation. Ces actions permettent de générer entre 10 % et 15 % d'économies d'énergie sans trop investir.

Le deuxième bouquet d'actions porte sur la rénovation des équipements, avec des niveaux d'investissement plus importants. Le coeur de ce dispositif est souvent un changement de chaudière, qui doit être accompagné d'autres actions – éventuellement sur le bâti, mais aussi de pilotage ou de sensibilisation des usagers. Ces actions permettent de générer 20 % à 25 % d'économies d'énergie, avec des temps de retour sur investissement de l'ordre de huit ans. Ces économies permettent donc de couvrir une somme correspondant au montant de l'investissement duquel sont déduites les aides. Pour doper ce mécanisme, il suffit de réajuster les aides à la hausse. Cette impulsion serait donnée à moindre coût, grâce aux CEE. Nous considérons qu'il s'agit là d'un levier facile et immédiat à mettre en oeuvre. J'ajoute que les économies générées par les rénovations techniques présentent un deuxième avantage, celui de demeurer au-delà de huit ans.

Le troisième bouquet d'actions concerne la rénovation du bâti, qui répond à des problématiques de confort et de rénovation patrimoniale. Le retour sur investissement ne se traduit pas uniquement en termes d'économies d'énergie, mais de valorisation du patrimoine, notamment du patrimoine vert. En l'occurrence, ce sont les économies générées par les rénovations techniques qui permettent de couvrir ces investissements qui, comme le rappelait mon collègue de la FFB, sont coûteux et ont des retours sur investissement sur vingt-cinq, trente, voire quarante ans.

Aussi considérons-nous que, plutôt que de traiter tous les sujets de la même façon, il faudrait encourager des démarches progressives, du service à la rénovation technique puis à la rénovation globale, pour entrer dans un cercle vertueux qui dégagera les ressources permettant de financer la rénovation énergétique.

Par ailleurs, il ne suffit pas de faire une action de rénovation énergétique, encore faut-il que la performance soit durable. De ce point de vue, les contrats de performance énergétique (CPE) ont toute leur importance sous toutes leurs formes. C'est au moins le cas pour les contrats d'exploitation. À défaut, les performances se dégraderont progressivement dans le temps et il faudra recommencer les rénovations une dizaine d'années plus tard.

Enfin, nous avons été un peu déçus de constater que le sujet de la rénovation énergétique n'était pas vraiment mis en exergue dans les récentes interventions du Gouvernement. Nous considérons pourtant qu'il s'agit du premier objectif quantitatif de la loi sur la transition énergétique. Dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) précédente, cet objectif représentait 14,5 millions de tonnes d'équivalent pétrole (TEP) sur la période, les énergies renouvelables n'en représentant que 8 millions (dont 5 millions pour la chaleur). Ces sujets ont été assez peu abordés, et nous le regrettons.

Je cède la parole à mon collègue, sur le thème du logement individuel.

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Alain Pommier, représentant du Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (SYNASAV)

Le Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (SYNASAV) représente 300 entreprises et 12 000 techniciens, 1 000 recrutements par an, 12 millions d'appareils entretenus et 150 000 chaudières remplacées.

Nous identifions trois freins à la transition énergétique. Le premier concerne l'après-travaux. La maintenance, notamment, est absente des discours sur la réglementation environnementale comme du plan rénovation. Pourtant, les systèmes de chauffage et d'eau chaude sanitaire constituent un levier important de la transition énergétique, car ils représentent 70 % de la consommation d'énergie finale. La maintenance est essentielle pour garantir la pérennité d'un système et réaliser des économies d'énergie. Selon l'ADEME, une chaudière entretenue annuellement représente 8 % à 12 % d'énergie consommée en moins.

Le deuxième frein vient du manque d'accompagnement des usagers à la livraison du bâtiment. Nos 12 000 techniciens de maintenance entrent chaque jour dans les logements et constatent que leurs occupants ne sont pas toujours avertis des modalités de bonne utilisation des équipements. L'enquête BVA-SYNASAV sur la qualité de l'air et de la ventilation montre que 45 % des Français interrogés ne savent pas de quel système ils sont équipés – VMC simple flux ou double flux. Il est donc indispensable de les accompagner, notamment dans la maintenance et l'entretien des systèmes de chauffage et de ventilation, afin d'améliorer les performances énergétiques des logements et la qualité de l'air intérieur.

Le troisième frein est le manque de main-d'oeuvre qualifiée dans le secteur. Nous éprouvons des difficultés à trouver des techniciens de maintenance. Le métier du bâtiment souffre d'un déficit d'image, car il reste considéré comme une filière de relégation. Les jeunes ne sont souvent pas informés sur le métier de technicien de maintenance et ses débouchés possibles. Le projet européen Pull up skills a souligné que l'insuffisance de travailleurs qualifiés pourrait ralentir les travaux d'efficacité énergétique.

Aussi, au-delà de la formation initiale, la qualification est un axe prioritaire développé par le SYNASAV. C'est pourquoi nous mettons à disposition des professionnels de la maintenance une qualification intitulée « Qualisav, efficacité énergétique ». Tous les techniciens sont formés à la connaissance technique et réglementaire de la maintenance des installations de chauffage.

Enfin, cette transition énergétique permet la création et le renouvellement d'un vivier local d'emplois non délocalisables. On estime à 1 000 le nombre de contrats à durée indéterminée (CDI) à renouveler chaque année, auxquels il faut ajouter 4 000 CDI à créer d'ici dix ans pour l'entretien des 3 millions de chaudières jamais entretenues et des pompes à chaleur.

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Anne-Lise Deloron

Je vous remercie d'avoir invité le Plan bâtiment durable à s'exprimer devant la représentation nationale. Cet organisme présidé par Philippe Pelletier a été mis en place par les pouvoirs publics en 2009 et a vocation à les accompagner dans la mise en oeuvre de la transition énergétique et environnementale du secteur du bâtiment et de l'immobilier. À ce titre, l'ensemble des sujets dont nous avons traité ce matin font partie de notre quotidien et nous procurent une vision transversale et multi-sectorielle.

J'organiserai mon propos en trois temps : les freins et les propositions relatifs à la gouvernance, au suivi et la mise en oeuvre des politiques publiques ; les freins et les propositions relatifs à l'environnement réglementaire et législatif ; les freins et les propositions relatifs à l'approche sociétale évoqués par M. le rapporteur. Ce faisant, je me concentrerai sur les sujets de rénovation énergétique. Je souscris pleinement à ce qu'a indiqué Christophe Boucaux sur la construction neuve et l'apprentissage de la filière. Les échanges de fin de séance nous permettront peut-être de revenir sur la dimension relative à la construction neuve.

S'agissant des freins et des propositions relatifs à la gouvernance et à la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, je citerai d'abord l'insuffisance du portage politique. Il est essentiel que, dans la continuité des annonces de ce début de semaine, la rénovation énergétique des bâtiments fasse l'objet d'un portage politique et d'une parole publique forts dans la durée et au plan national. C'est aussi l'une des conditions essentielles pour que les enjeux de la rénovation énergétique impriment une marque dans notre société, qu'il s'agisse des territoires, des acteurs économiques ou des concitoyens. Corrélativement à ce portage politique fort, la mise en oeuvre de la politique de rénovation énergétique des bâtiments a besoin d'une coordination interministérielle puissante, affirmée et avérée. Ce sujet souffre trop d'un éclatement administratif. Vous savez qu'il se situe à la croisée de l'écologie, du bâtiment et du logement, mais qu'il touche aussi à l'apprentissage, à la culture pour la tutelle de l'architecture et aux affaires économiques et financières. Un lieu de pilotage interministériel est indispensable, de même qu'un observatoire, un suivi et un tableau de bord. En outre, toutes les politiques liées au bâtiment durable et plus particulièrement à la rénovation énergétique des bâtiments doivent être mises en oeuvre de manière collective entre les pouvoirs publics et les acteurs privés mais aussi entre l'État et les territoires. Les régions, qui ont le rôle de chef de file dans ce domaine, ont été citées tout à l'heure. J'ajouterai les métropoles et les intercommunalités. Nous avons besoin de cette dualité entre un portage politique fort au plan national et une main donnée aux territoires pour conduire l'action.

Le deuxième ensemble de freins et de propositions est relatif à l'environnement réglementaire et législatif. L'instabilité actuelle des dispositifs dans le secteur du bâtiment, constitue un véritable frein au passage à l'action. Il faut parvenir à une stabilité des dispositifs incitatifs et réglementaires. On pourrait citer plusieurs exemples. Je n'en prendrai qu'un seul ce matin : si les modifications annoncées du CITE sont avérées, ce dispositif aura évolué à cinq reprises entre 2017 et 2020. Vous comprenez ce que cela peut avoir comme conséquences sur l'offre de services et sur la capacité des acteurs comme des concitoyens à comprendre les dispositifs. Le besoin de stabilité est réel.

Au-delà de l'environnement législatif et réglementaire, je voudrais également aborder la question du passage de la concertation à l'action. Le plan de rénovation énergétique, qui est aujourd'hui le principal creuset de la politique publique en matière de rénovation énergétique, a été présenté il y a quelques mois et fait l'objet d'une période de consultation et de concertation d'au moins dix-huit mois. Il est essentiel que les dispositifs annoncés dans ce plan fassent véritablement l'objet d'un passage à l'action et que la concertation ne demeure que sur des sujets très précis qui ne sont pas encore suffisamment travaillés. La difficulté d'opérer des concertations permanentes sur l'ensemble des sujets conduit à une certaine cristallisation des actions et des acteurs qui attendent des dispositifs complètement ficelés et bouclés pour engager des mesures d'envergure.

Enfin, je voudrais pointer l'incohérence, donc le besoin de cohérence, des dispositifs entre eux, mais aussi au regard de nos ambitions. Je citerai deux exemples. Premièrement, tous les dispositifs incitatifs à la rénovation des logements ne font pas encore l'objet de l'éco-conditionnalité des aides publiques. Peut-être serait-il intéressant d'avoir un ensemble de règles communes à tous les dispositifs incitatifs à la rénovation des logements, afin de ne pas risquer de perturber et de rendre plus compliquée la compréhension de ces aides. D'autre part, concernant le besoin de cohérence des dispositifs au regard de nos ambitions, les objectifs nationaux de neutralité carbone et d'un parc de bâtiments à basse consommation (BBC) à horizon 2050 ont été rappelés en début de semaine. Mais, sauf erreur, il n'existe pas aujourd'hui de dispositif qui incite les ménages à engager des rénovations globales, en une fois ou par étapes – je souscris pleinement à ce qui a été dit tout à l'heure à ce sujet.

J'en viens à ma troisième et dernière série de remarques relatives aux freins et aux propositions relevant de l'approche sociétale. Je souscris aux propos tenus par mes collègues précédemment : il faut renforcer l'envie des ménages, des collectivités territoriales et de l'État d'engager des travaux de rénovation énergétique. À cet égard, la campagne de communication « Faire » lancée par l'ADEME il y a quelques semaines est une première bonne réponse. Il est indispensable qu'elle s'inscrive dans la durée, qu'elle soit soutenue et qu'elle soit déclinée à l'ensemble de l'écosystème comme à l'ensemble des territoires. Il convient également de renforcer la confiance des Français dans les travaux de rénovation énergétique, d'où l'importance de la mise en place du service public de l'efficacité énergétique de l'habitat, évoqué par Christian Mourougane, et de son financement. Si l'ADEME obtient les crédits nécessaires, ce service public devra faire l'objet d'expérimentations. Je voudrais d'ailleurs appeler l'attention de la représentation nationale sur ce sujet. La confiance dans les travaux réalisés passe aussi par les contrats de performance énergétique et les garanties de résultat associées, comme l'ont montré Stéphane Sajoux et Christophe Boucaux.

Enfin, et j'en terminerai par là, c'est tout l'accompagnement de la filière de l'offre de services, donc l'accompagnement des hommes et des femmes de la filière du bâtiment et de l'immobilier qu'il faut renforcer. Ils ont clairement entamé leur métamorphose et leur mue depuis dix ans, avec une véritable montée en compétences. Pour autant, de nombreux sujets restent à traiter. Pour terminer sur la question de la construction neuve, Christophe Boucaux évoquait tout à l'heure l'entrée du paramètre carbone dans la future réglementation. C'est un enjeu d'apprentissage de la filière. À côté de toutes les mesures d'approche sociétale à l'égard de nos concitoyens, l'accompagnement de la filière est un pan essentiel si nous voulons réussir la transition énergétique de nos bâtiments.

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Benoît Robyns, vice-président, en charge de la transition énergétique et sociétale, de l'Université catholique de Lille

Je vous remercie de permettre à l'Université catholique de Lille de s'exprimer sur un certain nombre de freins que nous rencontrons dans le cadre du développement de projets devant contribuer à la transition énergétique nationale.

L'Université catholique de Lille regroupe 30 000 étudiants, des facultés et des écoles d'ingénieurs, mais aussi des écoles de commerce, deux hôpitaux et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Son implantation est forte à Lille, avec une concentration particulière dans le quartier Vauban où nous disposons d'un véritable campus accueillant 18 000 à 20 000 étudiants – pour un nombre équivalent d'habitants. Les bâtiments, qui ont été construits depuis 1877, pour le premier et le plus emblématique, jusqu'à maintenant, dans différents îlots du quartier, reflètent une très grande variété architecturale. Ils sont reliés entre eux par des réseaux publics d'énergie, qu'il s'agisse des réseaux électriques, des réseaux de chaleur ou des réseaux de gaz. C'est ce qui nous distingue d'un campus classique dans lequel tous les bâtiments sont concentrés, avec des réseaux propres à l'université.

Nous avons lancé un programme démonstrateur de transition, dans une volonté d'innovation et d'expérimentation. L'objectif est d'atteindre progressivement une cible zéro carbone. Nous avons commencé par l'îlot historique – qui n'est pas le plus simple – en déployant de la production locale sous forme photovoltaïque en vue de l'autoconsommer et du pilotage de charge de véhicules électriques, donc du stockage d'énergie. Une particularité mérite d'être mentionnée : dans certains îlots, nous avons affaire à des réseaux électriques privés qui impliquent plusieurs acteurs juridiques. Je reviendrai sur ce point, car c'est un frein important. Dans le cadre de cette expérimentation, nous travaillons avec plusieurs partenaires et nous sommes intégrés dans un projet de démonstrateur d'expérimentation soutenu par l'ADEME à travers ses appels à manifestation d'intérêt. Ce projet, intitulé « So MEL, so connected », est coordonné par la Métropole européenne de Lille (MEL). Il regroupe plusieurs partenaires, dont Enedis.

Nous avons identifié plusieurs freins très concrets, dans le domaine énergétique. Tout d'abord, concernant l'autoconsommation individuelle que nous voulons mettre en oeuvre dans un certain nombre de bâtiments, l'article L. 315-1 du code de l'énergie indique que le consommateur est le producteur, sans donner plus de précisions. Or tous nos bâtiments, qui sont principalement des bâtiments tertiaires avec aussi quelques bâtiments résidentiels pour les étudiants, appartiennent à des sociétés civiles immobilières (SCI) et sont exploités par les entités de l'université. Ce sont donc deux entités juridiques, avec des numéros différents dans le système d'identification du répertoire des établissements (SIRET). Or le gestionnaire de réseau fait valoir que cette situation n'entre pas dans la définition d'autoconsommation individuelle. Cela signifie qu'aucun de nos bâtiments ne pourra la mettre en oeuvre – ce qui sera également le cas pour quasiment tous les bâtiments tertiaires en France. Et pour cause, les systèmes de SCI sont tout à fait courants, connus et légaux.

Une autre difficulté à laquelle nous nous heurtons est la reconnaissance d'un réseau électrique privé existant. Nous ne sommes pas un cas isolé. Plusieurs centres commerciaux sont dans la même situation, par exemple. Qui plus est, le réseau en question a été constitué il y a une dizaine d'années sous les conseils d'EDF et avec l'appui d'ERDF (ex Enedis) à l'époque – avant que l'on ne parle des nouveaux modes de consommation et d'autoconsommation. Or il semblerait que le code de l'énergie ignore la notion de réseau privé de distribution. Les discussions que nous entretenons avec le gestionnaire de réseau tournent donc au quiproquo. En effet, alors que certains arrêtés indiquent que le projet de loi prévu pour les réseaux publics s'appliquera aux réseaux privés, le gestionnaire ne peut pas entrer dans un réseau privé. Nous nous retrouvons donc dans une situation où le serpent se mord la queue !

Un troisième frein vient du fait que la mise en oeuvre de l'autoconsommation collective oblige à passer par le réseau du gestionnaire public pour permettre la transmission d'une entité à l'autre. Mais quand on est déjà sur un réseau privé qui intègre plusieurs entités juridiques différentes, dans un système tout à fait optimal, il semble assez absurde de vouloir revenir sur le réseau public pour créer plusieurs points de connexion, augmenter le transit de l'énergie et réduire le rendement.

J'ajoute que nous souhaitons permettre les échanges entre les différents îlots du quartier. La loi du 24 février 2017 sur l'autoconsommation collective ne le permet pas actuellement, puisque l'autoconsommation collective est limitée à des interactions en aval d'un point à moyenne tension. Mais ce n'est pas ce qui est prévu par le plan « Place au Soleil » annoncé fin juin.

Pour permettre d'évoluer sur ces questions, en particulier celle des réseaux fermés de distribution, le gestionnaire fait valoir son monopole sur le décomptage de l'énergie mais le fait qu'il ne peut pas entrer dans un réseau privé. Pourquoi ne pourrait-il pas offrir un service de décomptage sur ces réseaux privés, comme le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) le fait pour les réseaux industriels, sur lesquels nous disposons d'un point de connexion à l'instar d'autres entreprises ? Cette piste permettrait d'évoluer. D'autres pistes semblent intéressantes pour aider la transition énergétique. Alors qu'il apparaît qu'en ville il est très difficile d'atteindre une cible « zéro carbone » en agissant uniquement localement, il serait intéressant de pouvoir travailler avec des certificats verts – qui existent pour l'électricité mais pas pour les réseaux de chaleur. Nous y réfléchissons avec l'entreprise Dalkia.

Concernant la mobilité électrique, nous déployons un certain nombre de bornes dans les parkings privés et nous voudrions encourager nos personnels à développer cette pratique. Là encore, plusieurs freins sont identifiés. Pourquoi ne pas imaginer des systèmes de prise en charge d'une partie du coût de transport, comme cela existe déjà pour les abonnements aux transports en commun ? Des freins peuvent être liés au mode de fonctionnement des Unions de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (URSSAF), voire à la possibilité de rétrocéder de l'énergie.

Je terminerai mon intervention en abordant la question du modèle économique. En tant qu'établissement d'enseignement supérieur et de recherche, nous bénéficions de nombreux soutiens – de l'ADEME, de la région, de la Métropole européenne de Lille, de l'Union européenne et des entreprises partenaires. Cela nous permet de développer des systèmes qui, pour l'instant, ne sont pas économiquement viables. Le sujet du modèle économique mérite donc d'être traité, en particulier celui de la fiscalité liée à l'autoconsommation – qui s'avère assez rédhibitoire pour permettre l'atteinte d'un équilibre économique.

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Bertrand Derquenne, proviseur du lycée Jacques Le Caron d'Arras

Je vous remercie de m'avoir invité. Le lycée Jacques Le Caron, des métiers du bâtiment et des énergies renouvelables, est devenu depuis le 1er août 2018 par arrêté officiel le Campus des métiers de qualification du bâtiment et des systèmes énergétiques intelligents 3.0 en Hauts-de-France.

Je ne témoignerai pas au titre de l'éducation nationale, mais en tant qu'établissement public local d'enseignement (EPLE) formant aux métiers du bâtiment depuis une cinquantaine d'années. Cet établissement regroupe 600 élèves en formation initiale, 250 apprentis et une centaine d'adultes. Nous couvrons tous les métiers du bâtiment, du niveau CAP au niveau BTS. Nous intégrons également une école de préparation au concours des écoles nationales d'architecture – sous la forme d'un dispositif expérimental.

Ainsi que l'a annoncé le ministre de l'éducation nationale, le campus intégrera un réseau de 7 000 apprenants en Hauts-de-France, une dizaine d'établissements publics et privés – lycées généraux et technologiques et lycées professionnels –, des universités, des instituts universitaires de technologie (IUT) comme celui de Béthune, des écoles comme l'École nationale supérieure d'ingénieurs en informatique, automatique, mécanique, énergétique et électronique (ENSIAME) de Valenciennes. Ce partenariat s'étendra donc sur un périmètre géographique très large. Une réflexion est en cours sur nos organisations et sur l'offre de formation. Notre expérience est nourrie par les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) de nos 900 apprenants. Les retours dont nous disposons sur les pratiques professionnelles des entreprises et des entrepreneurs sont ceux recueillis par nos enseignants lors des visites des lieux de stage. Sans être véritablement formalisés, ils mettent en lumière plusieurs préoccupations de nos partenaires du monde de l'entreprise.

Plutôt qu'un frein, j'identifierai un premier paradoxe concernant l'offre de formation. Cette thématique complexe est liée à la fois à l'organisation des territoires et à la mobilité de nos apprenants. L'offre de formation, du moins en ce qui concerne le réseau d'établissements que je représente, est tout à fait apte et prête à accompagner l'entreprise dans la transition énergétique. J'en veux pour preuve l'intitulé de nos diplômes : « mention complémentaire technicien en énergies renouvelables », « BTS enveloppe du bâtiment », etc. Nos formations sont pragmatiques et concrètes, et accompagnantes sur les niveaux 4 et 5 sur lesquels je souhaite axer mon propos – c'est-à-dire le niveau de l'exécutant qui viendra chez vous déposer la chaudière, éventuellement la démonter et l'entretenir, mais également celui du maçon qui, après une formation sur les parois opaques, pourra accompagner la volonté du ménage. Le paradoxe que j'évoquais vient du fait qu'alors que plusieurs lycées comptent de nombreuses places et disposent de plateaux techniques de grande qualité, grâce à l'accompagnement de l'État et des collectivités, notamment les régions, peu d'élèves décident d'entrer dans ces cursus. Cela pose la question de l'orientation de ces élèves au collège. Cette mission d'orientation sera d'ailleurs désormais confiée aux collectivités territoriales, et tout particulièrement aux régions. J'insiste, l'ingénierie de formation est de qualité. L'établissement que je pilote dispose de professeurs agrégés de génie civil, de professeurs certifiés, de formateurs issus du monde de l'entreprise, de plateaux techniques de très haute qualité et de formations tout à fait adaptées. Le module Praxibat, par exemple, financé par l'ADEME, forme à la fois aux parois opaques et à la ventilation. Ces propos concernent la formation initiale. Je pourrais les résumer en observant que le premier frein est lié au manque d'appétence pour nos métiers.

Un autre frein vient du fait que nos établissements sont très peu sollicités pour de la formation continue par les entreprises et les artisans. Ils commencent à l'être un peu plus par les industriels. En l'occurrence, je pense que le besoin d'accompagnement à la transition énergétique, qui est devenu une véritable préoccupation pour les acteurs du bâtiment au cours des quatre à cinq dernières années, a été renforcé par la transformation des matériaux et l'accompagnement des groupes industriels. Je pense à des académies d'architecture qui organisent de nombreuses rencontres entre les industriels et les professionnels du bâtiment. Mais cet accompagnement intervient hors du champ des établissements et de l'Éducation nationale. C'est dommage. Même si les liens existent entre l'organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) du bâtiment et nos instances, au travers des groupements d'établissements (GRETA) et de la formation continue, même si, à Lille, notre centre de formation d'apprentis (CFA) est très acteur et très dynamique, il me semble que l'un des freins à la transition énergétique réside dans la formation des salariés et des artisans.

Enfin, il a été indiqué que l'acte II était celui de l'accompagnement à la maintenance des bâtiments. Or nous constatons de plus en plus qu'une fois passée la pose de certains dispositifs, les formations ne sont pas vraiment adaptées à la maintenance et à la deuxième phase de ces dispositifs.

J'avais certainement d'autres choses à vous dire, mais je pense avoir abordé les sujets les plus importants.

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Je remercie l'ensemble des intervenants pour leurs témoignages. Je propose un temps d'échange avec les députés présents.

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Je vous remercie pour vos interventions. Il me semble essentiel de disposer des contributions des professionnels du bâtiment. En effet, c'est vous qui concrétisez sur le terrain les mesures proposées. C'est également vous qui nous faites part des freins que vous rencontrez auprès des usagers. Vos propos nous aideront donc, si cela est nécessaire, à améliorer nos propositions pour atteindre l'objectif visant à consommer moins et polluer moins.

Mes premières questions s'adressent plus particulièrement à la FFB. Quel est le pourcentage d'entreprises frauduleuses qui surfent sur le marketing, la publicité et l'actualité ? Comment les déceler ? Comment avoir des entreprises vertueuses ?

Par ailleurs, je souscris pleinement aux considérations sur la formation. Je pense, moi aussi, qu'il existe un problème de formation, qu'il s'agisse des salariés, des artisans ou des professionnels. Le volet pédagogique en direction des usagers mérite également d'être développé, tant il est vrai que, depuis quelque temps, les réformes ont été nombreuses. Vous avez également évoqué l'évolution des matériaux. Le contenu de la formation mériterait sans doute d'être revu, à destination des salariés comme des professionnels. Qu'en pensez-vous ?

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L'une des pistes envisagée consisterait à rendre opposable le diagnostic de performance énergétique (DPE). Que serait, d'après vous, un DPE de qualité ? Quel sera le coût de ce diagnostic, pour qu'il soit bien fait ?

Par ailleurs, le sujet de la qualité et des labels me semble très important. En effet, dès qu'il est question de crédit d'impôt, on peut nous renvoyer l'argument du manque d'efficacité de certaines mesures et nous imposer de faire un tri dans nos choix fiscaux. Je suis atterré de lire dans des études que de nombreux travaux ont été financés avec de la fiscalité incitative – donc avec l'argent de tous les contribuables – sans pour autant permettre à certains logements de changer d'étiquette énergétique. Pour être convaincants vis-à-vis de du ministère des finances, il faut que nous puissions démontrer que les travaux rénovent en profondeur et font changer d'étiquette énergétique.

Concernant la formation, je rejoins la question de ma collègue Nicole Trisse et j'aimerais connaître votre avis sur le plan d'investissement dans les compétences et le développement de l'apprentissage qui a été notamment annoncé par la ministre Muriel Pénicaud. Ces mesures vont-elles dans le bon sens ? Le rythme est-il le bon ? Le plan est-il à la bonne « maille » ? Alors que nous allons passer à l'échelle supérieure dans la rénovation des bâtiments, il est important que nous ne soyons pas freinés par le manque de main-d'oeuvre d'apprentis qualifiés.

Un autre sujet est celui de l'intermédiation. Il existe aujourd'hui une myriade de dispositifs, que l'on pourrait même qualifier de magma. Il est difficile, pour les citoyens ou les acteurs, de s'y retrouver. D'où la volonté de créer des guichets uniques ou des interlocuteurs uniques. Quel est, selon vous, le bon interlocuteur ? Quelle doit être l'échelle géographique : la région, le département, l'intercommunalité, la commune ? Il ne s'agit pas d'entrer dans une guerre des différents acteurs pour savoir qui sera la porte d'entrée ou le guichet unique. Quoi qu'il en soit, ce sujet est fondamental.

Présidence de M. Adrien Morenas, vice-président de la mission d'information.

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Stéphane Sajoux, président du groupe Performance énergétique de la Fédération française du bâtiment (FFB)

Je vous remercie pour ces questions. En réalité, les entreprises frauduleuses sont assez peu nombreuses. Je ne saurais préciser leur pourcentage, d'autant qu'elles ne sont ni qualifiées, ni reconnues garantes de l'environnement (RGE). En revanche, nous constatons que les contre-performances qu'elles génèrent sont fortement médiatisées. Nous aimerions pouvoir intervenir davantage sur ce sujet.

Pour déceler les entreprises qui ne sont pas en ligne avec la qualification RGE sans pour autant être frauduleuses, il ne faut pas se tromper de cible. De très nombreuses entreprises sont déjà qualifiées et ont consenti d'importants efforts. Elles ont recours à l'offre de formation FEE Bat depuis quelques années. Je rappelais tout à l'heure que 60 000 à 65 000 entreprises sont labellisées RGE et évoluent dans cette dynamique de rénovation énergétique en termes de qualité, de savoir-faire et de travail transversal. Nous souhaitons, au travers de la qualification RGE, pouvoir accompagner et contrôler – sans pour autant durcir à l'infini la complexité et les incidences sur les entreprises qui sont déjà RGE, au risque de briser une dynamique.

Concernant la formation, je laisserai mes collègues répondre. En tant qu'entrepreneur du génie climatique dans le bâtiment, j'ai « les mains dans le cambouis » quand je ne suis pas à la FFB pour défendre nos intérêts et déployer des actions positives. D'un point de vue général, pour une entreprise, avoir un ou plusieurs apprentis requiert une véritable structure. Celle d'une PME n'est pas nécessairement adaptée. Aussi faudrait-il que la démarche de formation des apprentis soit mieux cadrée. Il serait également intéressant d'identifier des encadrants dans les entreprises. Les centres de formation d'apprentis (CFA) devraient se rendre davantage dans les entreprises, plutôt que se contenter de nous envoyer des apprentis. Pour cadrer cette démarche, il faudrait recueillir les attentes des CFA et identifier, dans les entreprises, des encadrants formés ou disposant d'une feuille de route pour accompagner les apprentis car, sur un chantier, s'occuper d'un apprenti censé mettre en oeuvre ses acquis est très difficile. Confier les apprentis à des chefs de chantier ou à des chefs d'équipe ne va pas de soi dans le flux quotidien de l'exécution des travaux – sans compter qu'outre le champ du métier, il convient de ne pas éluder le champ du savoir-être en entreprise. En l'occurrence, nous voyons parfois arriver des apprentis qui peinent à s'adapter au monde de l'entreprise.

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Vous parlez des entreprises RGE, mais la question qui nous remonte souvent est de savoir si les employés sont eux aussi RGE. J'aimerais vous entendre tous sur ce point. Comment faire, sans être trop contraignant, pour progresser dans la profondeur du RGE dans l'entreprise ?

Se pose aussi la question du contrôle des entreprises qui qualifient a posteriori les niveaux énergétiques des bâtiments. Je pourrais citer l'exemple de travaux de rénovation qui ont été effectués sans que le niveau de catégorie ait évolué. Et pour cause : l'entreprise ne s'est pas rendue sur place pour vérifier les travaux ! C'est très problématique. J'aimerais vous entendre sur ce sujet également.

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Stéphane Sajoux, président du groupe Performance énergétique de la Fédération française du bâtiment (FFB)

Concernant la profondeur du RGE dans l'entreprise, il importe avant tout que l'entreprise soit RGE, puisque c'est elle qui met en place le déploiement des travaux, y compris contractuel en travaillant avec des entreprises multi-lots. Par ailleurs, au sein de l'entreprise, il existe des référents. L'entreprise doit être capable d'égrainer ses process. Cela doit être vrai y compris pour les entreprises artisanales. À ce sujet, la FFB est intervenue à plusieurs reprises pour proposer des solutions de management de chantier et de projet fondées sur le lean construction. Ces méthodes sont intrinsèquement porteuses d'une démarche RGE.

Il existe un problème culturel, qui ne se résoudra pas en désignant des employés RGE dans l'entreprise. La démarche culturelle d'appui des entreprises qui sont déjà RGE et de celles qui veulent le devenir engendre aussi de la collaboration entre les différents lots. C'est ainsi, à mon avis, que le sujet doit être abordé.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

Je voudrais compléter la réponse sur les entreprises frauduleuses. Le grand dispositif d'appui aux actions de rénovation énergétique, notamment dans l'habitat collectif, est celui des CEE, qui représentent un potentiel financier très important, évalué entre 3 et 4 milliards d'euros annuels. Nous considérons que ce système souffre d'un défaut d'agilité. Souvent, les entreprises frauduleuses se développent parce qu'il existe un effet d'aubaine. En l'occurrence, les formules d'aide sont figées dans le temps. Les offres d'isolation des combles à un euro existaient déjà lorsque les certificats étaient à trois euros. Maintenant qu'ils sont à six euros, il faudrait en quelque sorte nous redonner de l'argent... Inversement, certaines actions efficaces se produisent à un rythme insuffisant. Nous espérons donc que le pilotage des CEE produira davantage d'agilité pour doper les actions insuffisamment soutenues et ajuster les opérations qui pourraient créer des effets d'aubaine, au lieu de se bloquer dans des modèles mathématiques arrêtés une fois pour toutes.

Ce ressort financier pourrait être utilisé de façon très efficace. Notre message est très simple : nous sommes dans un monde où le prix de l'énergie va augmenter. Ce qui s'est observé pour les transports concernera aussi la chaleur. On peut toujours régler le problème en attribuant des aides aux plus défavorisés, mais la solution de fond consiste à faire faire des économies pérennes, qui permettront de consommer moins, donc d'équilibrer son budget dans la durée. C'est vrai pour les particuliers, les entreprises et les collectivités territoriales. Nous y voyons un moteur très puissant.

Enfin, il n'y a pas de possibilité de fraude lorsqu'il existe un engagement de performance. Si la personne qui est intervenue sur votre bâtiment s'engage, y compris financièrement, sur l'atteinte des objectifs, c'est elle qui supportera la conséquence de leur non-atteinte.

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Je vous demanderai d'être concis dans vos réponses, d'autant que Mme Meynier-Millefert souhaite poser encore une question.

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Anne-Lise Deloron

Sur l'intermédiation et le guichet unique, je pense qu'il faudra que nous essayions collectivement de trouver un autre objectif. Il s'agit plutôt de rechercher une perception unique, ou au moins identique, par les concitoyens des sujets de performance énergétique de leur logement. La question du guichet unique sous-entend peut-être une uniformisation des dispositifs sur le territoire. Or j'ai rappelé dans mon intervention liminaire toute la diversité des dispositifs en place sur les territoires – à laquelle s'ajoute la diversité de nos concitoyens. Certains préféreront aller chercher une information sur le site www.faire.fr. D'autres préféreront échanger de visu avec un conseiller. Il faut que nous soyons capables d'apporter des réponses complémentaires à la diversité de cette demande, l'essentiel étant d'obtenir une réponse cohérente quel que soit le canal utilisé.

Par ailleurs, il s'agit de distinguer ce qui relève du service public de l'efficacité énergétique de l'habitat – c'est-à-dire la brique « service public, information, conseil neutre et gratuit » – d'une brique complémentaire qui soit celle de l'ingénierie financière et technique et de l'accompagnement tout au long du projet. Celle-ci fera certainement l'objet de prestations payantes et doit trouver son modèle économique.

En résumé, recherchons une perception identique pour nos concitoyens plutôt qu'un modèle unique imposé aux territoires.

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Christophe Boucaux, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'Union sociale pour l'habitat (USH)

Je voudrais réagir à la question posée par M. Colas-Roy sur le DPE. La question de son opposabilité pose celle de l'objectif visé par ce dispositif. Aujourd'hui, le DPE est la traduction des politiques publiques énergétiques, et pas nécessairement celle de la performance énergétique réelle du bâtiment. Il est intéressant de faire le parallèle avec l'électroménager. On sait, par exemple, qu'un réfrigérateur A coûtera moins cher en énergie qu'un réfrigérateur B.

L'observatoire des charges locatives du logement social a simulé la situation d'un T3 qui supporte 660 euros de charges énergétiques – abonnement, consommation et contrat d'entretien et de maintenance des équipements compris. S'il consomme du gaz en chauffage et en eau chaude sanitaire, il sera plutôt dans le haut de la classe B, tandis que s'il utilise de l'électricité pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire, il sera dans le bas de la classe C. C'est la raison pour laquelle il importe de savoir ce que l'on recherche avec l'opposabilité du DPE. Cherche-t-on à donner aux ménages une indication claire sur la traduction économique de la performance de leur logement, ou cherche-t-on à en faire une traduction qui ne parle pas aux citoyens ? Je ne disconviens pas que les deux sont importantes. Mais si l'on veut en faire un guide de choix pour les ménages, il importe de permettre une lecture concrète et directe de ce que le bâtiment leur coûtera. Cette étiquette DPE est fondamentale, mais la manière de la fabriquer doit considérablement évoluer.

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Christian Mourougane, directeur général adjoint de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH)

À l'ANAH, nous utilisons un dispositif d'évaluation énergétique. En effet, il nous semblait important de montrer un état initial et un état final du logement en fonction des différentes typologies de projets possibles. Cela permet de raisonner en tenant compte de la performance initiale et de la performance finale possible. À cet égard, je rejoins les propos de Christophe Boucaux, qui invitait à raisonner sur la consommation du ménage plutôt que sur des valeurs absolues, qui sont des valeurs d'ingénieur et pas forcément d'usager. Aussi importe-t-il de retenir des notions de valeur d'usage du logement plutôt que des notions de valeur théorique qui ressemblent plus à des valeurs de politique publique.

Par ailleurs, nous distinguons la formation et le conseil apportés par les plateformes de l'accompagnement, qui est une prestation payante à la charge du propriétaire et que nous subventionnons. Nous considérons que cet accompagnement est un élément extrêmement stratégique dans la réussite du programme « Habiter mieux » dans la mesure où il développe d'abord des métiers d'ingénierie d'accompagnement, et notamment la question de la pédagogie vis-à-vis du propriétaire. À une époque, nous avions milité avec l'ADEME pour que le CITE intègre dans sa dépense subventionnable l'accompagnement et l'audit, c'est-à-dire l'évaluation et les outils d'ingénierie. Ceux-ci sont pour nous essentiels pour faciliter l'aide à la décision des propriétaires. Ils peuvent être portés par différents partenaires, qu'il s'agisse des opérateurs d'ingénierie ou d'entreprises RGE.

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Je vous présente mes excuses pour mon retard. J'aurais voulu être avec vous plus tôt, mais nous avons été retenus dans l'hémicycle. Comme vous le savez, je suis en charge du suivi et de l'animation du plan de rénovation énergétique des bâtiments. C'est donc un sujet que je connais bien, et nous travaillons régulièrement ensemble. Néanmoins, je souhaite vous poser plusieurs questions.

Nous avons parlé des outils qui ont été mis en oeuvre dans le cadre de la loi ÉLAN. J'ignore si vous avez abordé la question du carnet numérique des bâtiments. Qu'en attendez-vous ? Que pensez-vous qu'il puisse apporter ? En quoi peut-il favoriser la rénovation énergétique des bâtiments ?

Ensuite, toujours à propos du cadre législatif, pensez-vous que l'incitation à la rénovation est suffisante aujourd'hui ? De nombreux outils permettent une incitation. L'on évoque régulièrement la question de l'interdiction des « passoires thermiques » à la location. Qu'en pensez-vous ? Considérez-vous qu'il faudrait annoncer cette mesure à un horizon de dix ans ? Ce sujet revient régulièrement et j'aurais voulu connaître votre avis.

Par ailleurs, le DPE opposable est une très bonne première étape. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de le transformer, à terme, en audit généralisé. Il s'agirait de passer vers une feuille de route davantage que vers un diagnostic, afin que les ménages aient la vision des étapes à passer jusqu'à l'objectif commun de zéro carbone et zéro énergie dans les bâtiments en 2050.

Vous avez parlé du service public de l'efficacité énergétique de l'habitat. Là encore, ce sujet mériterait d'être renforcé. Qu'en pensez-vous ? Cela pose la question de la place des territoires dans la rénovation énergétique des bâtiments. Il me semble que c'est actuellement l'une des faiblesses du plan de rénovation énergétique. Nous ne sommes pas suffisamment proches des initiatives de terrain. Or ce sont elles qu'il faut arriver à encourager et à massifier, plutôt qu'une vision verticale.

Se pose aussi la question de la stabilité des offres et des outils d'aide à la rénovation. Cette stabilité permettrait aux professionnels de s'en saisir pour créer à long terme des offres de massification. Quelles sont les offres que vous auriez besoin de voir stabilisées aujourd'hui ?

Je considère que le CEE subventionne trop la mesure, et pas suffisamment l'efficacité réelle. L'histoire des combles à un euro en est une bonne preuve. Faut-il arriver à un système dans lequel on finit par gagner de l'argent avec le CEE ? Ou bien la gratuité pour le ménage est-elle suffisante ? Faut-il avoir, en plus, une marge supplémentaire ? C'est une vraie question. Je pense qu'une plus grande agilité est nécessaire.

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Chère collègue, je vous demande de conclure votre intervention.

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J'ai un tout dernier point, concernant l'accès aux travaux pour les précaires. N'aurions-nous pas intérêt à réfléchir tous ensemble à une filière plus directe pour les ménages les plus précaires qui, aujourd'hui, ne figurent pas dans les clients des professionnels du bâtiment parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les travaux ? N'aurait-on pas intérêt à trouver une filière plus directe, sachant que le prix en sortie d'usine est parfois multiplié par cinq pour le client, y compris précaire. N'aurait-on pas intérêt à trouver une ligne plus directe pour ce public-là, peut-être portée par l'ANAH ?

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Christophe Boucaux, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'Union sociale pour l'habitat (USH)

Je pense que l'interdiction de la location des « passoires énergétiques » est une très mauvaise idée, pour les raisons que j'ai évoquées : la manière dont on gradue une passoire énergétique ne témoigne pas de la performance économique des logements. Cette piste me semble donc très hasardeuse au moment où les besoins en logements s'expriment dans de nombreux territoires. Le secteur HLM a la contrainte de ne pas pouvoir vendre les logements HLM qui sont en étiquette F ou G. Pourtant, nous sommes des professionnels de l'immobilier et nous avons des stratégies patrimoniales. Ce qui peut s'imposer à un moment pour la vente du patrimoine HLM ne doit en aucune manière, de notre point de vue, s'appliquer à la location – notamment dans les territoires où la demande n'est absolument pas comblée par l'offre.

Je ne suis pas compétent pour répondre sur le carnet numérique de suivi d'entretien, si ce n'est pour dire que cette mesure semble superfétatoire pour le monde HLM. En effet, nous disposons déjà d'outils qui nous permettent de gérer et de suivre notre patrimoine. L'information aux locataires fait déjà l'objet de nombreuses initiatives des organismes HLM. Le fait que la loi fixe un vecteur d'information plutôt qu'une obligation d'information me paraît également assez étrange.

Concernant les CEE, le sujet est extrêmement sérieux. Aujourd'hui, ils peuvent représenter 7 % du montant investi par les organismes HLM dans le cadre de leurs travaux de rénovation globale. C'est structurellement très important.

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Anne-Lise Deloron

Vous nous interrogez sur le carnet numérique et sur l'audit énergétique qui viserait, au-delà du DPE, à permettre une programmation des travaux. J'aurais tendance à dire que ce sujet ressemble à ce que nous avions appelé en son temps le passeport rénovation, qui est à l'oeuvre dans quelques territoires. Clarifions les outils ! Lorsque l'on remet le citoyen et l'usager au coeur du système, la différence entre le carnet numérique, l'audit énergétique approfondi et le passeport rénovation n'est pas claire. C'est déjà complexe pour nous tous ici, qui sommes des initiés. Essayons de choisir parmi ces outils.

En outre, je regrette que la généralisation du carnet numérique ait été reportée assez loin dans le temps – même si j'entends les propos de Christophe Boucaux. Il est certain qu'il peut se déployer par la pratique. Partons de la dizaine d'expérimentations qui a été menée ces dix-huit derniers mois pour que, dans la traduction réglementaire de l'outil, l'on fasse un simple creuset assez général et que l'on laisse les multiples initiatives assez satisfaisantes qui se sont déployées vivre leur vie. Bref, ne bridons pas trop les initiatives privées, qui ont déjà montré leur grande qualité.

Concernant la place des territoires, je ne peux qu'encourager ce que vous dites et confirmer que ce point n'a pas été suffisamment travaillé. Faisons encore davantage remonter tout ce qui existe sur le territoire, parce qu'il y a des très bonnes choses. Essayons de mieux faire parler ensemble les ambitions nationales et les réalisations des territoires.

J'imagine que Christian Morougane répondra plus particulièrement à la question de l'accès aux travaux des plus précaires. Je signale simplement à la représentation nationale qu'au titre du Plan bâtiment durable nous travaillons à des rapprochements entre industriels de la filière des travaux de rénovation énergétique pour que certains puissent développer ensemble des offres solidaires sur des volumes restreints d'offre. En trouvant les partenariats entre des professionnels qui accepteraient de mettre en oeuvre ces offres et des industriels, il faudrait que nous parvenions à des coûts maîtrisés qui seraient complémentaires de l'accompagnement que l'ANAH développe à l'égard des ménages les plus fragiles.

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Christian Mourougane, directeur général adjoint de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH)

Concernant les ménages précaires, nous tentons actuellement des expérimentations en partenariat avec des plateformes de négoce de matériaux comme Leroy-Merlin ou Saint-Gobain. L'objectif est de trouver des mécanismes qui permettent à ces dernières de proposer des méthodes d'achat solidaires. Nous expérimentons également le recours à des entreprises agréées RGE – qui permettrait de mesurer la qualité de la pose. Ces expérimentations sont notamment en cours dans la région Pays-de-la-Loire.

Concernant les CEE, je souhaite attirer l'attention de la représentation nationale sur le fait que, pour moi, il s'agit d'un outil. Nous l'utilisons d'ailleurs à l'ANAH. Il représente 10 % de nos recettes à peu près chaque année. C'est un outil extrêmement intéressant et intelligent de partenariat public-privé (PPP). Il ne faut pas regarder sa seule valorisation économique, mais aussi tous les partenariats qu'il permet de nouer entre les acteurs privés qui sont les financeurs de ce dispositif et les acteurs publics qui sont porteurs de politiques publiques et qui utilisent les CEE pour améliorer la qualité de service qu'ils apportent aux usagers.

Les combles à un euro ont effectivement un effet pervers. D'autres dispositifs peuvent probablement être ajustés et critiqués. Je pense aussi que, dans la réflexion sur la valorisation de la performance, certaines méthodes de calcul doivent être retravaillées. Il me semble important de faire la pédagogie de ce qu'est un CEE, notamment vis-à-vis des usagers. Ceux-ci ne voient pas nécessairement la valorisation de cette aide dans les devis et les factures. Il y a donc sans doute quelque chose à construire pour que l'usager soit aussi partie prenante de ce dispositif de CEE et qu'il puisse comparer le gain qu'il peut attendre en fonction des solutions.

Enfin, je fais mienne la réponse de Christophe Boucaux sur les passoires énergétiques. Je pense que l'interdiction de louer serait extrêmement prématurée et qu'il faut lui préférer une incitation des propriétaires-bailleurs grâce à un dispositif fiscal très particulier : si, malgré la pérennisation de ce dispositif fiscal, on constate qu'un trop grand nombre de propriétaires de « passoires » n'ont pas réagi à la menace de l'interdiction de louer, alors il conviendra de reconsidérer les politiques de l'habitat, notamment dans les zones en tension. À défaut, on risquerait d'obtenir des effets pervers, y compris sur le marché locatif privé. Ou alors, cela signifierait que les aides publiques d'incitation devront être massifiées – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui dans le parc locatif privé. Il faut donc trouver un équilibre.

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Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

Nous évoquions tout à l'heure la difficulté de comprendre ce qu'est un DPE. En fait, nous constatons que beaucoup de personnes ne connaissent pas leur consommation. Dès lors, le carnet numérique devrait être conçu comme un outil très simple, avec les mesures des consommations historiques et quelques informations sur le bâtiment et la zone géographique. Il permettrait ainsi de comparer sa consommation avec celle de bâtiments qui présentent les mêmes caractéristiques, donc d'évaluer le potentiel d'économies de son bâtiment. En l'occurrence, les bâtiments les plus consommateurs sont ceux qui présentent le plus gros potentiel d'économies au moindre coût.

Pour beaucoup, la véritable incitation à se lancer dans une opération d'économie d'énergie n'est pas la perspective d'amélioration du confort ou du patrimoine : c'est une économie tout simplement monétaire. Nous devons donc calibrer nos offres pour garantir que la facture énergétique sera légèrement diminuée – a fortiori dans un contexte d'augmentation du coût de l'énergie. Le CEE est un très bon système. Il faut simplement le piloter en fonction des résultats. Il ne suffit pas de regarder les mégawattheures théoriques, les mégawattheures « cumulés actualisés », également appelés « cumac » : il faut aussi regarder les mégawattheures réels. En l'occurrence, il serait intéressant de mesurer la performance énergétique réelle des CEE et d'identifier les opérations qui fonctionnent, celles qui ont besoin d'être plus aidées et celles qui ont moins besoin de l'être.

C'est un changement de paradigme, et l'administration n'est pas nécessairement outillée en conséquence. Aussi faudrait-il imaginer de nouveaux moyens. En tout cas, il existe une somme d'argent tout à fait considérable qui, si elle était bien utilisée, générerait demain des économies qui permettraient de financer d'autres opérations. Nous appelons de nos voeux l'entrée dans ce cercle vertueux, en franchissant progressivement les étapes. Le seul reproche que je ferai à la loi ÉLAN est d'avoir fixé un objectif de 40 % en 2030. C'est un objectif cash out. Les gens attendront le plus tard possible pour l'atteindre, à condition que les pénalités soient très élevées qui plus est. Je pense qu'il y a une place pour lancer une démarche vertueuse et spontanée de la part des acteurs concernés.

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Stéphane Sajoux, président du groupe Performance énergétique de la Fédération française du bâtiment (FFB)

Je voudrais, pour finir, souligner l'importance de l'audit, puisqu'il s'agit de qualifier la pertinence des travaux à mettre en oeuvre. Par ailleurs, il importe de le prioriser et de l'étaler dans le temps. Il ne suffit pas de se contenter d'une photographie ou d'un diagnostic à un moment donné. Il faut aller plus loin, au travers de l'audit. La FFB dispose d'outils, notamment un logiciel qui permet de déterminer les bouquets de travaux. Nous dispensons également des formations dans cette optique, afin de se projeter dans le temps avec la meilleure pertinence et de s'acheminer vers un résultat.

Je partage aussi l'idée selon laquelle il convient de renforcer l'offre d'accompagnement, de la rendre lisible et de la stabiliser. Le parc à renouveler à court terme est important.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie l'ensemble des intervenants pour cette audition très intéressante. Je vous rappelle qu'à compter du mois de janvier, une page sera ouverte sur le site de l'Assemblée nationale, sur laquelle vous pourrez apporter vos contributions. Cette consultation nationale sera prise en compte dans notre rapport.

Merci pour ce débat très riche.

La séance est levée à douze heures quinze.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 10 h 30

Présents. - M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Julien Dive, M. Bruno Duvergé, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Adrien Morenas, Mme Nicole Trisse

Excusé. - M. Guy Bricout